R. G : 15/ 05654
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 30 JUIN 2016
Sur requête en récusation du premier président de la cour d'appel de Rouen statuant dans le cadre d'une procédure de contestation d'honoraires d'avocat
DEMANDEURS A LA RECUSATION :
Monsieur Jean-Jacques X...
...
27370 LE THUIT SIGNOL
et
Madame Mireille Y...épouse X...
née le 06 Novembre 1947 à BERNAY (27300)
...
27370 LE THUIT SIGNOL
COMPOSITION DE LA COUR :
Madame BRYLINSKI, Président
Madame LABAYE, Conseiller
Madame DELAHAYE, Conseiller
GREFFIER :
Mme NOEL DAZY, Greffier
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
AUDIENCE :
Sans débats, en chambre du conseil, le 20 Juin 2016, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Juin 2016
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 30 Juin 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour,
Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL DAZY, Greffier présent à cette audience.
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FAITS ET PROCEDURE
M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...époux X... ont adressé le 1er août 2014 au premier président de la cour d'appel de Rouen un courrier comportant notamment contestation des honoraires de Maître Agathe Z...dont ils sollicitent l'annulation, précisant agir en saisine directe conformément aux articles 175 et 176 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991, en l'absence de réponse à leur réclamation par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Rouen.
Ce courrier a été enregistré sous le numéro RG 14/ 04354 ; M. Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... ont chacun été convoqués par lettre recommandée dont ils ont signé l'accusé de réception le 14 février 2015, doublé d'une lettre simple, à une audience devant le premier président fixée au 7 avril 2015.
Mme Mireille Y...épouse X..., faisant suite à cette convocation, a adressé le 2 mars 2015 au premier président un courrier lui demandant de procéder à la jonction de trois procédures de contestation d'honoraires concernant trois avocats différents et de surseoir à statuer notamment du fait d'une demande de renvoi pour cause de récusation de plusieurs juges.
Etait joint un courrier de la même date sous la double signature de M. Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... et au nom de " M X... on ne sait pas si c'est Mr ou Mme ", adressé à " tribunal de grande instance cour d'appel ", comportant de multiples demandes dont notamment la récusation du premier président de la cour, au motif qu'il a eu à connaître de l'affaire au préalable, et d'une inimitié notoire.
Il était fait état dans ce courrier de ce qu'ils avaient déjà antérieurement saisi le premier président le 2 juin 2014 sur les dysfonctionnements du barreau de Rouen et de leur inquiétude sur les auxiliaires de justice dont ils citaient les noms, et une critique était développée portant sur l'envoi de " 12 convocations pour une affaire connexe " (trois saisines directes par Monsieur et Madame, concernant trois avocats différents, et pour chacun d'eux dans les trois dossiers, une convocation par lrar doublée d'une lettre simple) ainsi que sur les mentions portées sur ces convocations visant à la fois une saisine directe et la contestation d'une ordonnance de taxe sans indication de sa date (en réalité inexistante).
Cette demande de récusation du premier président, à laquelle ce dernier n'a pas répondu, a été attribuée pour examen à la première chambre civile de la cour qui, par arrêt rendu le 3 juin 2015, a débouté Mme Mireille Y...épouse X... de sa demande de récusation et l'a condamnée aux dépens.
Une nouvelle convocation a été adressée à M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... par lettres du 2 octobre 2015, pour une audience fixée devant le premier président le 3 novembre 2015.
M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X..., chacun par courriers séparés du 26 octobre 2015 adressés au premier président, ont développé plusieurs arguments pour soutenir que leur convocation était illégale, demander la jonction des trois procédures de contestation d'honoraires (concernant trois avocats différents) pour une bonne administration de la justice, et demandant le sursis à statuer en l'attente de l'issue de plusieurs procédures en cours sur plaintes pour escroqueries aux jugements.
Deux courriers ont été adressés le 26 octobre 2015 à " tribunal de grande instance cour d'appel de Rouen ", l'un par Mme Mireille Y...épouse X... et l'autre sous la double signature de M. et Mme X... mais au nom de " M X... on ne sait pas si c'et Mr ou Mme ", comportant notamment demande récusation " du juge qui sera Mr le premier président ", faisant état d'un fait nouveau constitué par la nouvelle convocation et les conditions dans lesquelles il a été statué sur leurs précédentes demandes de récusation, et reprenant sensiblement les mêmes critiques que celles développées à l'appui de leur première demande de récusation.
Cette nouvelle demande de récusation du premier président, à laquelle ce dernier n'a pas répondu, a été attribuée pour examen à la première chambre civile de la cour qui a avisé M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... qu'elle serait examinée à l'audience du 10 février 2016.
M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... par lettre adressée le 8 février 2016 au greffe de la première chambre civile de la cour, ont présenté une demande de récusation et de suspicion légitime, sous le visa des articles 341, 356 et L. 111-6 du code de procédure civile, du président de la chambre et de l'un de ses conseillers, nommément désignés, qui faisaient partie de la composition ayant statué sur leur première demande par l'arrêt du 3 juin 2015.
Ces deux magistrats, indiquant être favorables à ce que les requêtes en récusation du premier président soient transmises à une autre formation de la cour dans la mesure ou la première chambre civile a déjà statué sur des requêtes identiques, sous le visa de l'article 358 du code de procédure civile, ont transmis le dossier à la secrétaire générale du premier président ayant reçu délégation de ce dernier pour statuer sur les requêtes " en suspicion légitime contre la cour d'appel et en récusation contre plusieurs magistrats du siège de la cour ".
Cette magistrate, par ordonnance rendue le 22 février 2016, a ordonné la transmission de l'affaire enregistrée (RG 15/ 05654) sur requête en récusation du premier président à la chambre de la proximité de la cour.
Cette chambre, aux motifs que le premier président d'une cour d'appel, ainsi que le précise l'article 37 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, est un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation qui exerce la fonction de premier président, et que désigné par le décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 pour statuer sur les contestations d'honoraires d'avocat, il statue non pas comme membre de la cour d'appel mais comme une juridiction autonome, exerçant un pouvoir propre que lui seul peut déléguer, par arrêt rendu le 24 mars 2016, a ordonné le renvoi de la procédure de récusation devant la Cour de cassation.
La Cour de cassation, considérant que le premier président de la cour d'appel étant nommé pour exercer exclusivement ces fonctions, seule la cour d'appel peut connaître d'une demande de récusation formée à son encontre au titre de l'exercice de ses fonctions, peu important qu'il soit nommé à la Cour de cassation pour des raisons statutaires, par arrêt rendu le 26 mai 2016, a renvoyé la procédure devant la cour d'appel de Rouen.
M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... ont été avisés par courrier du 6 juin 2016 que cette affaire serait examinée sans débat à l'audience du 20 juin 2016.
Le ministère public auquel la procédure avait été communiquée en vue de l'audience initialement fixée au 10 février 2016 a conclu le 5 février 2016 au rejet de la requête en récusation.
DISCUSSION
M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... ont fait parvenir à la cour un courrier dans lequel ils demandent la rectification, pour erreurs matérielles, omission, et inexactitude des mentions portées et interprétation de l'arrêt de la Cour de cassation.
Ils soulignent que cet arrêt désigne les parties concernées par la procédure sous les initiales X, Y et Z alors que celles-ci sont très clairement identifiables et identifiées, qu'ils ignorent la personne qui se cache sous l'intitulé Z ce qui implique que la procédure n'est pas contradictoire.
Ils font valoir que " dans cette même affaire le procureur de la République, le président de la cour d'appel et le premier président de la cour d'appel sont informés de la mafia des financiers qui s'exerce (...). Le tout protégé par des avocats peu scrupuleux qui ont corrompu le tribunal de Rouen pour faire reconnaître comme vrais des faits faux et obtenir un jugement imaginaire au nom d'un syndicat de copropriétaire et d'un immeuble qui n'a pas d'existence légale ", et qu'il paraît impensable que ce soit le premier président ou les magistrats qui le remplaceront qui jugeront les contestations des honoraires de ces mêmes avocats qui ont trompé la religion des juges au tribunal de Rouen.
La demande de rectification et interprétation de l'arrêt rendu par la Cour de cassation relève de l'appréciation exclusive de cette dernière, par application des articles 461, 462 et 463 du code de procédure civile.
Le fait que l'arrêt critiqué désigne les parties concernées par la procédure de taxation des honoraires donnant lieu à la procédure de récusation de façon anonymisée est dépourvu de toute incidence sur la poursuite de la procédure en récusation, étant observé que la Cour de cassation s'est prononcée sur un pur problème de procédure, portant exclusivement sur la désignation de la juridiction compétente pour statuer sur une demande de récusation d'un premier président de cour d'appel saisi par application des dispositions du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991 d'une contestation d'honoraires d'avocat.
La cour d'appel de Rouen est en l'état régulièrement et utilement saisie d'une demande de récusation du premier président de cette cour, qui seul est appelé à statuer, hors la présence et l'intervention du ministère public, sur la contestation d'honoraires d'avocat présentée par M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X....
Il lui appartient de statuer par application des dispositions de l ‘ article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, aux termes duquel la récusation d'un juge peut être demandée
1o Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;
2o Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;
3o Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ;
4o S'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;
5o S'il a précédemment connu de l'affaire comme juge ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ;
6o Si le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ;
7o S'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;
8o S'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties.
La requête en récusation de M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... contient divers arguments mélangés concernant à la fois les magistrats du tribunal de grande instance de Rouen, et les magistrats du ministère public ; il en ressort que le premier président de la cour d'appel devrait être récusé en raison de ce qu'il aurait eu à connaître de l'affaire au préalable " et deviendrait juge et partie en statuant sur sa propre récusation ", ainsi que pour inimité notoire.
L'élément nouveau qui justifierait la seconde demande de récusation du premier président alors qu'une première demande de récusation a été rejetée par un précédent arrêt serait le fait que M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... ont de nouveau été convoqués pour une audience devant le premier président pour être statué sur la contestation d'honoraires.
Le fait allégué, que le premier président aurait été antérieurement destinataire de courriers par lesquels M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... faisaient part de dysfonctionnements du barreau de Rouen et de leur inquiétude sur les auxiliaires de justice dont font partie les trois avocats visés par leurs contestations d'honoraires, ne constitue pas un motif suffisant pour considérer que le premier président aurait déjà connu de l'affaire dont il est aujourd'hui saisi portant sur la fixation de ces honoraires, ou d'une autre façon, aurait déjà eu connaissance de l'affaire au sens de l'alinéa 5 de l'article L. 111-6 ci dessus rappelé.
M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... déduisent l'inimitié notoire du premier président des conditions dans lesquelles ils ont de nouveau été convoqués.
Le greffe dispose pour les convocations à une audience de contestation d'honoraires d'avocat, d'un imprimé standard établi en considération de ce que le premier président est dans la quasi totalité des cas saisi sur recours formé contre une ordonnance rendue en premier ressort par le bâtonnier ; cet imprimé comporte l'indication imprimée " décision attaquée du " puis " à la suite du recours formé contre l'ordonnance de taxe visée en référence... ".
Les convocations adressées à M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... utilisent cet imprimé, sans supprimer le visa de l'ordonnance de taxe, mais la mention " décision attaquée du " n'étant pas complétée, alors qu'ils sont en réalité convoqués pour être statué sur leur requête en saisine directe du premier président faute par le bâtonnier d'avoir statué sur leur contestation dans le délai qui lui était imparti.
M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... en déduisent que la convocation leur est adressé sur recours contre une ordonnance qu'ils n'ont pas reçue dans une procédure non contradictoire ; ils arguent de l'illégalité de la convocation, également en ce qu'elle n'est pas signée du greffier en chef.
Mais la régularité formelle d'une convocation n'a d'incidence, le cas échéant, que sur la procédure à laquelle elle se rapporte.
La convocation est un acte de procédure sous la responsabilité du greffe et, même si elle présente une anomalie, représentative en l'espèce de l'usage d'une facilité et/ ou d'une simple maladresse, elle n'est nullement significative de quelque sentiment ou position que ce soit à l'égard de la partie convoquée, de la part du premier président appelé à siéger.
Il sera par ailleurs précisé que le premier président étant saisi de trois contestations d'honoraires d'avocat, la jonction de ces trois dossiers ne peut être ordonnée dès lors qu'ils ne présentent aucun lien entre eux, concernant trois avocats distincts ; que M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... étant chacun requérant doivent, pour la régularité de la procédure, être chacun destinataire d'une convocation, ce qui justifie que pour chaque audience à laquelle les trois dossiers sont regroupés, ils reçoivent ensemble six convocations.
L'inimité notoire du premier président à l'égard de M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... n'est nullement démontrée et aucun élément ne permet même de la suspecter.
La requête en récusation sera en conséquence rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Rejette la requête en récusation du premier président de cette cour, saisi directement par M. Jean-Jacques X... et Mme Mireille Y...épouse X... d'une contestation des honoraires de Maître Agathe Z....
Le Greffier Le Président