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04/02/2016 | FRANCE | N°15/01822

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximitÉ, 04 février 2016, 15/01822


COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 04 FEVRIER 2016
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 30 Août 2012

APPELANTS :

Monsieur Dominique X... ...76660 BAILLEUL NEUVILLE

Représenté et assisté par Me Béatrice OTTAVIANI, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur Adrien Y... né le 16 Mai 1932 à MERVILLE (59660) ...76660 BAILLEUL NEUVILLE

Représenté et assisté par Me Marie-Christine COUPPEY, avocat au barreau de ROUEN

Madame Micheline Z... épouse Y... née le 29 Juin 1932

à VIEUX BERQUIN (59232) ...76660 BAILLEUL NEUVILLE

Représentée et assistée par Me Marie-Christine COUPPEY, avocat...

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 04 FEVRIER 2016
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 30 Août 2012

APPELANTS :

Monsieur Dominique X... ...76660 BAILLEUL NEUVILLE

Représenté et assisté par Me Béatrice OTTAVIANI, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur Adrien Y... né le 16 Mai 1932 à MERVILLE (59660) ...76660 BAILLEUL NEUVILLE

Représenté et assisté par Me Marie-Christine COUPPEY, avocat au barreau de ROUEN

Madame Micheline Z... épouse Y... née le 29 Juin 1932 à VIEUX BERQUIN (59232) ...76660 BAILLEUL NEUVILLE

Représentée et assistée par Me Marie-Christine COUPPEY, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉE :

Madame Martine Y... née le 29 Avril 1961 à HAZEBROUCK (59) (59190) ... 76440 SAINTE GENEVIEVE EN BRAY

Représentée et assistée par Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BRYLINSKI, Président Madame LABAYE, Conseiller Monsieur DUPRAY, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme NOEL-DAZY, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Décembre 2015, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 Février 2016

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 04 Février 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
Signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE
M. et Mme Adrien Y... étaient locataires et exploitants d'une ferme sise à Bailleul-Neuville 53, rue du Mont-Fiacre, en vertu d'un bail qui leur avait été consenti par Mesdames A...et B..., suivant acte en date du 21 octobre 1977, lequel bail prévoyait un terme au 29 septembre 1994.
Dans le cadre de ce bail, ils exploitaient une superficie de 130 hectares, divisible en deux parcelles de cultures distinctes. Ils exploitaient également 66 hectares en pleine propriété.

Le 18 septembre 1982, la fille des époux Adrien Y..., Martine, a contracté mariage avec M. Dominique X.... Elle a alors cessé d'être aide familial.

Par arrêté préfectoral du 7 mars 1990, Mme Martine Y... a été autorisée à exploiter 93 ha 85 a sur le territoire de la commune de Bailleul-Neuville, M. Dominique X... bénéficiant, quant à lui, d'un bail rural consenti par les époux C...-D...le 25 janvier 1990 sur des terres pour 11 ha 28 a 72 ca.
Les époux Adrien Y... désirant réduire leur activité, Mme Martine Y... épouse X... a succédé à ses parents dans le cadre d'une cession de bail réalisée en deux temps.
Une première cession de bail au profit de Mme Martine Y... a lieu le 18 janvier 1990 à effet au 30 juin 1990 comprenant la maison d'habitation, le corps de ferme, terres et herbages, le tout portant sur une superficie de 93 hectares et 85 ares. Une deuxième cession est intervenue le 1er janvier 1993, toujours entre M. et Mme Adrien Y... et leur fille Martine pour le surplus de la ferme, soit 36 hectares 15 ares. Le bail rural du 21 octobre 1977 a été renouvelé à son échéance en 1994 par tacite reconduction.

Par acte notarié du 12 juillet 1996, Mme Madeleine A...épouse B...a consenti aux époux X...- Y... un bail à long terme, avec effet rétroactif au 29 septembre 1995, portant sur les terres agricoles en cause et, par un acte du même jour, leur a vendu le corps de ferme.
Les époux Y...-Z...ont établi plusieurs factures au nom de leur fille, dont une le 17 juin 1990, d'un montant de 375. 400 fr. portant sur la cession de fumures et arrière-fumures qui a donné lieu à un premier règlement, à hauteur de 121. 400 fr. par chèque du 6 décembre 1990 et dont le surplus, soit 254. 000 fr., a été réglé au moyen d'un emprunt.
Par acte sous seing privé daté du 24 janvier 1996, M. Dominique X... et son épouse, Mme Martine Y..., se sont reconnus débiteurs envers les parents de cette dernière d'une somme de 450. 000 fr., remboursable au plus tard le 31 décembre 1996 sans intérêt jusque-là.
Par jugement du 17 mars 2011, le tribunal de grande instance de Dieppe a prononcé ie divorce de M. Dominique X... et de Mme Martine Y....
Le 25 janvier 2010, M. Dominique X... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Dieppe, sur le fondement de l'article L. 411-74 du code rural, d'une demande tendant à l'annulation de la facture du 17 juin 1990 et de la reconnaissance de dette du 24 janvier 1996 ainsi qu'à la restitution des sommes versées au titre de la dite facture. Mme Martine Y... est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement du 19 janvier 2011, le tribunal paritaire des baux ruraux s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de M. Dominique X... au profit du tribunal de grande instance de Dieppe.
Par courrier du 24 janvier 2011, M. Dominique X... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une requête en interprétation, et par jugement en date du 08 mars 2011, le tribunal a indiqué qu'il s'était déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Dieppe, juridiction de droit commun conformément aux dispositions de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire donnant compétence au tribunal de grande instance comme juridiction de droit commun.
Par jugement du 30 août 2012, le tribunal de grande instance de Dieppe, prenant acte de l'intervention volontaire de Mme Martine Y..., a : déclaré recevable et bien fondée l'action en répétition de l'indu prévue à l'article L. 411-74 du code rural intentée par M. Dominique X... à l'encontre des époux Y...-Z...condamné ces derniers à restituer la somme indûment perçue de 57. 229, 36 ¿ (375. 400 fr.) avec intérêt à compter du 18 décembre 1990 au taux pratiqué pour les prêts à moyen terme par la Caisse Régionale de Crédit Agricole pour l'année 1990 déclaré bien fondé M. Dominique X... en sa demande en annulation de la reconnaissance de dette du 24 janvier 1996 sur le fondement de l'article 1131 du code civil annulé la reconnaissance de dette du 24 janvier 1996 signée entre les parties pour la somme de 450. 000 fr. (68. 602, 05 ¿) rejeté toute autre demande condamné les époux Y...- Z... à payer à M. Dominique X... la somme de 2. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

M. Adrien Y... et son épouse, Mme Micheline Z..., d'une part, Mme Martine Y..., d'autre part, ont relevé appel de ce jugement du 30 août 2012, respectivement les 14 septembre et 29 octobre 2012. Les deux instances ont été jointes.
Les appelants soulevaient l'irrecevabilité de l'action intentée par M. Dominique X... sur le fondement de l'article L. 411-74, faute pour lui d'avoir la qualité de preneur avant le bail de juillet 1996, ils prétendaient que l'action était prescrite.
Par arrêt du 19 juin 2013, la cour d'appel de Rouen a : rejeté le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de qualité à agir ordonné la réouverture des débats sur le moyen d'irrecevabilité tiré de la prescription et invité les parties à présenter leurs observations sur les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime renvoyé l'affaire à une audience ultérieure sursis à statuer sur toutes les autres demandes jusqu'au prochain arrêt à intervenir réservé les dépens.

La cour a estimé que l'article L. 411-74 n'énonce pas que l'action serait réservée au seul preneur, elle est accordée à toute personne qui, sur le fondement de ce texte, prétend que la somme qu'elle a versée doit donner lieu à répétition, or, même si la facture du 17 juin 1990 n'a été établie qu'au seul nom de Mme Martine Y..., M. X... était marié avec celle-ci sous le régime de la communauté légale, en outre, la reconnaissance de dette du 24 janvier 1996 a, quant à elle, été souscrite par l'un et l'autre des époux ; ne s'agissant pas d'une action exclusivement attachée à la personne de son épouse, M. X... pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 1166 du code civil pour exercer l'action que cette dernière s'abstenait de mettre en oeuvre.
Par nouvel arrêt du 06 novembre 2013, la cour d'appel a : Vu le précédent arrêt de la cour rendu le 19 juin 2003 confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Y ajoutant : donné injonction à la Caisse régionale de crédit agricole de Normandie Seine de communiquer à M. Dominique X... le taux pratiqué par cet établissement pour les prêts à moyen terme, tel que visé par l'article L. 411-78 du code rural et de la pêche maritime, pour l'année 1990 débouté M. Adrien Y... et Mme Micheline Z... épouse Y... d'une part, Mme Martine Y... d'autre part de leurs demandes faites en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile condamné M. Adrien Y... et Mme Micheline Z... épouse Y... à payer à M. Dominique X... une somme de 2. 000 ¿ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel condamné M. Adrien Y... et Mme Micheline Z... épouse Y... à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats en ayant fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La cour a considéré que le délai de 18 mois visé à l'article L. 411-74 du code rural ne s'appliquait pas en l'espèce, puisque l'action exercée par M. X... n'était pas dirigée à l'encontre du bailleur, mais à l'encontre du preneur sortant ; la cour considérait également que la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil n'était pas applicable non plus, M. X... n'exerçant pas une action en nullité mais une action en répétition de l'indû consécutive à l'existence d'une infraction pénale prévue par l'article L. 411-74 ; retenant que les factures litigieuses ne pouvaient être relatives à des améliorations faites sur le fonds par le preneur sortant pour lesquelles il pouvait demander indemnité, la cour a estimé qu'il s'agissait de paiements prohibés par l'article L. 411-74 et que le jugement de condamnation devait être confirmé ; pour le même motif elle a confirmé l'annulation de la reconnaissance de dette.
S'agissant des intérêts sur les sommes dues, la cour a estimé que l'article 2277 du code civil en sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 prévoyant la prescription par cinq ans des demandes de paiement d'intérêts, n'était pas applicable, la restitution ordonnée en application de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, disposition d'ordre public destinée à sanctionner le caractère illicite du prix de cession du bail rural, ne correspondant à aucune des catégories de créances visées par l'article 2277 ancien du code civil ; la cour a donc confirmé que la condamnation à payer la somme de 57. 229, 36 ¿ porterait intérêts à compter du 18 décembre 1990, date non contestée de son versement.
M. et Mme Y...-Z...ont intenté un pourvoi contre les deux arrêts des 19 juin et 06 novembre 2013.
Par arrêt du 11 février 2015, la Cour de cassation a :- rejeté le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 juin 2013 par la cour d'appel de Rouen

-annulé, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme Y... à payer des intérêts, à compter du 18 décembre 1990, au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme, l'arrêt rendu le 06 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen-remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée.

La Cour de cassation a relevé que, par décision du 27 septembre 2013, applicable à toutes les instances non jugées définitivement à la date du 1er janvier 2014, date d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les mots " et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme " figurant à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, cette décision privant de fondement juridique la disposition relative aux intérêts de l'arrêt rendu le 06 novembre 2013.

DEMANDES DES PARTIES

La cour d'appel de ce siège a été à nouveau saisie par déclaration au greffe du 09 avril 2015.
M. Adrien Y... et Mme Micheline Z... épouse Y... demandent à la cour, statuant comme cour de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour de cassation du 11 février 2015, de
-dire et juger que par application de l'article 2277 ancien du code civil, la somme de 57. 229, 36 ¿ ne portera intérêt au taux légal majoré de trois points fixé pour chaque année qu'à compter du 24 janvier 2006
- déclarer M. X... irrecevable, à défaut mal fondé en sa prétention tendant à être déclaré personnellement bénéficiaire de la condamnation prononcée
-condamner M. X... à leur payer une somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 pour les frais irrépétibles exposés devant la cour de renvoi
-condamner M. X... en tous les dépens exposés devant la cour de renvoi.
Les époux Y... estiment que la somme de 57. 229, 36 ¿ devra donc porter intérêt au taux légal majoré de trois points fixé par la loi au moment où il est acquis, avec les variations annuelles que la loi lui a apporté.
Ils considèrent que l'article L. 411-74 ne déroge qu'à l'article 1153 du code civil selon lequel les intérêts ne courent que du jour de la mise en demeure, et selon eux, M. X... ne peut, en vertu de l'article 2277 ancien du code civil applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le paiement des intérêts sur la somme à restituer plus de cinq ans avant sa demande en date du 24 janvier 2011.
L'action en répétition exercée par M. X... a uniquement pour effet de faire entrer le bénéfice de la condamnation dans le patrimoine de l'indivision post-communautaire et il ne peut prétendre être titulaire d'une créance personnelle à leur encontre. Il convient de le débouter de sa prétention tendant à être déclaré personnellement bénéficiaire de la condamnation prononcée.

****

M. Dominique X... demande à la cour de :
- condamner M. Adrien Y... et Mme Micheline Y... au paiement d'un intérêt au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points à compter du 18 décembre 1990 sur la somme de 57. 229, 36 ¿
- dire que les condamnations prononcées tant à titre principal que pour les intérêts sont prononcées au bénéfice de M. Dominique X... seul demandeur à la procédure pour le compte de l'indivision post-communautaire
-débouter Micheline, Adrien et Martine Y... de toutes leurs demandes, fins et conclusions
-condamner M. Adrien Y... et Mme Micheline Y... au paiement de la somme de 2. 000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner M. Adrien Y... et Mme Micheline Y... en tous les dépens.
M. X... relève que la cour d'appel a confirmé le jugement du tribunal de grande instance qui avait condamné les époux Y... à payer la somme de 57. 229, 36 ¿ sans toutefois préciser le bénéficiaire du paiement. L'arrêt n'a pas pu être exécuté de ce fait. Mme Y... a renoncé à percevoir la somme mais M. X... soutient pouvoir la recevoir, s'agissant d'un acte d'administration de l'indivision post-communautaire.
M. X... soutient que la nature de la créance d'intérêts de l'article L. 411-74 du code rural est différente de celles visées par l'article 2277 du code civil, il s'agit d'une sanction, non d'une action en paiement mais d'une action en répétition de l'indû. Selon lui, le problème de la prescription est définitivement tranché par l'arrêt de novembre 2013 et non remis en cause par la décision de la Cour de cassation.

****

Mme Martine Y... demande à la cour de : Vu l'article 1421 alinéa 2 et l'article 1166 du code civil Vu l'autorité de la chose jugée

Statuant comme cour de renvoi en suite de I'arrêt de la Cour de cassation du 11 février 2015 :
- déclarer M. X... irrecevable
-à défaut mal fondé en sa prétention tendant à être déclaré personnellement bénéficiaire de la condamnation prononcée
-débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
-condamner M. Dominique X... en tous les dépens et autoriser Me Nicole Dauge, avocat, à y recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Mme Y... rappelle qu'elle avait seule la qualité d'exploitante, M. X... était son salarié. Les fonds devant être remboursés avaient été payés par la communauté et M. X... ne peut pas demander paiement à son profit, d'autant qu'il profite actuellement des biens de la communauté et s'oppose à la liquidation de celle-ci.

****

SUR CE
La Cour de cassation a annulé l'arrêt du 06 novembre 2013 en ce qu'il " condamne M. et Mme Y... à payer des intérêts, à compter du 18 décembre 1990, au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme " ce qui remet en cause l'intégralité de la condamnation aux intérêts, y compris la date de départ du calcul des intérêts et non uniquement le taux de ceux-ci.
L'ancien article L. 411-74 alinéa 2 disposait que : les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme.
Le Conseil Constitutionnel, saisi d'une QPC, a le 27 septembre 2013 déclaré les mots " et égal au taux pratiqué par la Caisse régionale de crédit agricole pour les prêts à moyen terme " figurant à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime contraires à la Constitution, a précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er janvier 2014 dans les conditions prévues au considérant 9.
Selon ce considérant : " Considérant qu'afin de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions contestées, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2014 la date de leur abrogation ; qu'afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2014 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision. "

Le nouvel alinéa 2 de l'article L. 411-74, issue de la loi du 13 octobre 2014, dispose désormais que : " Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l'intérêt légal mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier majoré de trois points. "

L'article L. 411-74, alinéa 2, que ce soit dans sa rédaction antérieure ou postérieure à la loi du 13 octobre 2014 prévoit que les intérêts sur les sommes perçues sont dus à compter de leur versement. Si ce texte déroge à la règle fixée par l'article 1153 du code civil selon lequel les intérêts ne courent que du jour de la mise en demeure, il ne déroge pas aux dispositions relatives à la prescription ; il convient en effet de distinguer la créance en principal, dont le montant est connu dès la date du versement, de la créance en intérêts qui elle est périodique et se calcule d'année en année. Même s'il s'agit d'une action en répétition de l'indû, s'agissant des intérêts, il n'existe aucune disposition faisant échapper l'action en répétition au délai de prescription extinctive de droit commun soit cinq ans ; les intérêts sur la somme de 57. 229, 36 ¿ seront dus à compter du 25 janvier 2005, la première demande de M. X... étant en date du 25 janvier 2010. La loi du 13 octobre 2014 a précisé que les dispositions de l'article L. 411-74 étaient applicables immédiatement aux instances en cours, elle ne peuvent cependant pas s'appliquer rétroactivement à la répétition de sommes versées avant l'entré en vigueur de la loi. Le taux majoré de trois points ne doit être appliqué qu'à compter du 14 octobre 2014. Pour la période du 25 janvier 2005 au 13 octobre 2014, le taux légal sera substitué au taux déclaré inconstitutionnel.

L'article L. 411-74 du code rural fait référence à l'article l'article L. 313-2 du code monétaire et financier, selon cet article le taux de l'intérêt légal était fixé annuellement, l'ordonnance du 20 août 2014 a décidé qu'il serait est fixé semestriellement à compter de l'année 2015

Pour le calcul des intérêts en l'espèce, il y aura lieu de retenir non le taux légal au 25 janvier 2005 mais le taux selon sa variation annuelle puis semestrielle depuis cette date, majoré de trois points à compter du 14 octobre 2014.

Les sommes indues ont été versées par la communauté, leur remboursement doit profiter à l'indivision post-communautaire existant entre les époux X...-Y.... Mme Martine Y... n'a présenté aucune demande et M. X... a été considéré comme recevable exercer l'action sur le fondement des dispositions de l'article 1166 du code civil, à la place de son épouse, s'agissant d'une action ne découlant pas du bail rural puisqu'exercée contre le preneur sortant et non le bailleur.
Le jugement du tribunal de grande instance de Dieppe du 30 août 2012, confirmé par l'arrêt de la cour du 06 novembre 2013, a déclaré recevable et bien fondée l'action en répétition de l'indu prévue à l'article L. 411-74 du code rural intentée par M. Dominique X... à l'encontre des époux Y...-Z...et a condamné ces derniers à restituer la somme indûment perçue de 57. 229, 36 ¿, sans toutefois préciser la bénéficiaire de la condamnation. M. X... n'est pas créancier à titre personnel, la condamnation sera prononcée à son seul nom dès lors qu'il est procéduralement seul demandeur, mais en sa qualité de co-indivisaire de l'indivision post-communautaire.
L'arrêt du 06 novembre 2013 a été annulé partiellement uniquement sur les dispositions relatives aux intérêts suite à une décision du Conseil Constitutionnel. La cour de renvoi a été saisie conjointement les époux Y..., appelants dans la procédure devant la cour d'appel, et M. X..., intimé, Mme Martine Y..., ne présentant aucune demande. Il convient dire qu'il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile et que les dépens seront partagés entre les époux Y... d'un part, M. X... d'autre part.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 11 février 2015
En application de l'article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime, condamne M. Adrien Y... et Mme Micheline Z... épouse Y... à payer à M. Dominique X..., pour le compte de l'indivision post-communautaire existant entre lui et Mme Martine Y..., la somme de 57. 229, 36 ¿ avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2005 et jusqu'au 13 octobre 2014 et au taux légal majoré de trois points à compter du 14 octobre 2014 ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fait masse des dépens, dit qu'ils seront partagés et payés pour moitié par M. Adrien Y... et Mme Micheline Z... épouse Y... et pour moitié par M. Dominique X... avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximitÉ
Numéro d'arrêt : 15/01822
Date de la décision : 04/02/2016
Sens de l'arrêt : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2016-02-04;15.01822 ?
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