R. G : 11/ 04222
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DES TUTELLES
Protection juridique des majeurs
ARRÊT DU 16 DECEMBRE 2011
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Décision rendue par le juge des tutelles de DIEPPE en date du 24 Août 2011, enregistrée sous le no RG 11/ A/ 00130
Concernant le MAJEUR PROTÉGÉ :
Monsieur Laurent, Jean-Claude, Fabien, Denis Y...
né le 18 Septembre 1969 à DIEPPE (76200)
...
76370 NEUVILLE-LES-DIEPPE
Dans la procédure d'appel, ont été convoqués par diligences du greffe en date du 11. 10. 2011
Monsieur Laurent Y...
...
76370 NEUVILLE-LES-DIEPPE
APPELANT-comparant en personne, assisté par la SCP DAMBRY-MORIVAL avocats au barreau de DIEPPE substitué par Me Mélanie GUESDON avocat au barreau de ROUEN
A. T. M. P.
53 boulevard des Belges
76000 ROUEN
représentée par Mme Sophie LECOMTE mandataire judiciaire
Monsieur Fabien Y...
...
76370 DERCHIGNY GRAINCOURT
comparant en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 1245 et 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 Novembre 2011, sans opposition des parties ou de leurs conseils devant Madame HOLMAN Conseiller, magistrat chargé d'instruire seul l'affaire.
EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC :
auquel le dossier a été communiqué avant ouverture des débats
Représenté par Madame le Substitut Général VANNIER
entendue en ses réquisitions orales
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Mme Séverine BOURDON, Greffier placé
DÉBATS :
En chambre du conseil le 25 Novembre 2011,
Le magistrat chargé de l'instruction à l'audience a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame MANTION, Président
Madame HOLMAN, Conseiller
Monsieur CHALACHIN, Conseiller
L'affaire a été mise en délibéré au 16 décembre 2011.
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 16 Décembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame le Conseiller MANTION et par Mme Séverine BOURDON greffier placé, présente à cette audience
Le 16 mars 2011 Monsieur Fabien Y... a saisi le juge des tutelles de Dieppe aux fins d'ouverture d'une mesure de protection à l'égard de son frère Laurent Y..., né le 18 septembre 1969 à Dieppe, exposant notamment qu'il souffrait de déficience intellectuelle, qu'il n'avait pas d'activité professionnelle et percevait l'allocation aux adultes handicapés, que jusqu'à son décès en 2003 leur père gérait son budget, qu'au mois de novembre 2010, il s'était rendu au Cameroun où il s'était marié, qu'il avait certainement été victime de personnes ayant profité de sa fragilité.
Cette requête était accompagnée d'un certificat en date du 12 mars 2011 du Docteur A..., médecin spécialiste, concluant à une altération définitive des facultés mentales et corporelles de Monsieur Laurent Y..., nécessitant qu'il soit représenté de manière continue dans les actes de la vie civile.
Il était précisé dans ce certificat que Monsieur Laurent Y... souffrait d'une spondylarthrite ankylosante, qu'il ne savait pratiquement pas lire et présentait une acalculie majeure, qu'il connaissait le montant de ses ressources mais n'était pas en mesure de gérer son budget, que son niveau intellectuel était très faible, qu'il était particulièrement vulnérable compte tenu de ses troubles du jugement et de sa crédulité, que l'altération de ses facultés mentales le mettait dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts et qu'elle n'était pas susceptible d'amélioration, qu'il avait besoin d'être représenté de manière continue dans les actes patrimoniaux et à caractère personnel.
Le 13 juillet 2011, le juge des tutelles a procédé à l'audition de Monsieur Laurent Y..., de ses frères Fabien et Jean-Claude, et de Madame B..., leur mère.
Madame B..., Messieurs Fabien et Jean-Claude Y... ont indiqué qu'ils ne souhaitaient pas être désignés comme tuteur.
Monsieur Laurent Y... s'est opposé à la mise en place d'une mesure de protection, faisant valoir qu'il était en mesure de s'occuper seul de ses intérêts.
Par jugement du 24 août 2011, assorti de l'exécution provisoire, le juge des tutelles a, notamment, placé Monsieur Laurent Y... sous tutelle pour une durée de 60 mois, désigné l'association tutélaire des majeurs protégés (ATMP) en qualité de tuteur pour le représenter dans la gestion de ses biens et l'assister dans les actes relatifs à sa personne et maintenu son droit de vote.
Par déclaration de son avocat reçue au greffe du juge des tutelles le 2 septembre 2011, Monsieur Laurent Y... a interjeté appel de cette décision.
A l'audience, Monsieur Laurent Y... est présent et assisté de son conseil qui a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Monsieur Fabien Y... est présent ; l'ATMP est représentée.
Monsieur Y... sollicite l'infirmation du jugement, le prononcé d'une mesure de curatelle simple et, subsidiairement, d'une mesure de curatelle renforcée.
Il fait valoir pour l'essentiel qu'il a jusqu'alors géré seul ses revenus et n'a pas de dettes, qu'il a su effectuer les démarches pour se rendre au Cameroun et s'y marier avec une jeune femme dont il avait fait la connaissance plus d'un an auparavant sur le réseau Internet, que le prix du billet d'avion lui a été avancé par la tante de son épouse qui réside en Seine Maritime, que les relations avec les membres de sa famille sont tendues et qu'ils s'opposent sans motif valable à son mariage, qu'il souhaite faire venir son épouse en France mais ne lui fait pas parvenir d'argent.
Monsieur Fabien Y... indique que son frère n'était pas en mesure d'effectuer seul des démarches en vue de se rendre au Cameroun et s'y marier et qu'il n'a pu le faire qu'avec l'aide de personnes ayant abusé de sa crédulité.
La représentante de l'ATMP déclare que Monsieur Laurent Y... est fragile, que tout en s'opposant à la mesure, il vient aux rendez-vous qui lui sont fixés, qu'il dispose de revenus mensuels d'environ 1. 100 €, constitués par l'allocation aux adultes handicapés et une allocation logement, qu'il doit régler un loyer de 470 € par mois et n'a pas de dettes, hormis le remboursement du prix du billet d'avion qui s'effectue par mensualités de 50 €.
Le ministère public requiert la confirmation du jugement déféré.
SUR CE
Aux termes des articles 425 et 428 du code civil, toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection juridique ; la mesure de protection ne peut être ordonnée qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne notamment par une autre mesure de protection moins contraignante ; elle est proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé.
Selon l'article 440 du même code, une personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle et celle qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, doit être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
L'altération des facultés mentales de Monsieur Laurent Y... est établie à travers les éléments relevés par le Docteur A... et cette altération est définitive.
Il se dit en mesure de prendre seul les décisions le concernant mais le Docteur A... a constaté qu'il présente une déficience intellectuelle, qu'il ne sait pratiquement pas lire et compter, qu'il est particulièrement crédule et s'il affirme pouvoir gérer seul ses revenus, sa mère et ses frères ont indiqué au juge des tutelles qu'il avait toujours eu besoin de l'aide de son entourage familial, sa mère devant notamment lui faire des modèles pour l'établissement de chèques.
En outre, comme l'a relevé le juge des tutelles, les conditions dans lesquelles il a fait la connaissance de sa future épouse et s'est rendu au Cameroun pour s'y marier témoignent de sa vulnérabilité manifeste.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, une mesure de curatelle, même renforcée, est insuffisante pour assurer la protection tant de sa personne que de ses intérêts patrimoniaux.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant en chambre du conseil et contradictoirement,
Déclare son appel recevable,
Accorde à M. Laurent Y... le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Dit que dans le délai de quinze jours, l'extrait de l'arrêt sera transmis par les soins du greffe de la cour d'appel au greffier gestionnaire du répertoire civil du tribunal de grande instance du lieu de naissance de Monsieur Laurent Y... pour son inscription conformément à l'article 1233 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de Monsieur Laurent Y....
Le GreffierLe Président