R. G : 07 / 00988
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE 1 CABINET 1
ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 9 février 2007
APPELANT :
Monsieur Mohamed X...
...
76140 LE PETIT QUEVILLY
présent à l'audience
représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour
assisté de Me Michel LENGLET, avocat au Barreau de ROUEN
INTIMÉS :
Madame Mebarka Z...épouse X...
...
76800 SAINT-ETIENNE DU ROUVRAY
représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour
assistée de Me B..., avocat au Barreau de PARIS
Madame Fatima X...
...
76410 SAINT-AUBIN LES ELBEUF
représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour
assistée de Me B..., avocat au Barreau de PARIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2008 / 6013 du 26 / 05 / 2008 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
Monsieur Djaouher X...
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14123 IFS
représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour
assisté de Me B..., avocat au Barreau de PARIS
Mademoiselle Saliha X...
...
Résidence la Forêt
76800 SAINT-ETIENNE DU ROUVRAY
représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour
assistée de Me B..., avocat au Barreau de PARIS
Monsieur Saïd X...
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76140 LE PETIT QUEVILLY
représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour
assisté de Me B..., avocat au Barreau de PARIS
Monsieur Tahar X...
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76350 OISSEL
représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour
assisté de Me B..., avocat au Barreau de PARIS
Monsieur Mohamed X...
...
76100 ROUEN
représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY A..., avoués à la Cour
assisté de Me B..., avocat au Barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 28 octobre 2008 sans opposition des avocats devant Madame LE CARPENTIER, Conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre
Madame LE CARPENTIER, Conseiller
Monsieur GALLAIS, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Jean Dufot
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 octobre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 décembre 2008
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 décembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LE BOURSICOT, Président de Chambre et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.
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* *
LES FAITS ET LA PROCEDURE :
De l'union de Monsieur Ahmed X...et de Madame Mébarka Z...sont nés sept enfants ;
Par testament authentique du 12 août 1989, rédigé au centre Becquerel à ROUEN, Monsieur Ahmed X...a désigné comme légataires universels, son frère, Monsieur Mohamed X...et ses deux s œ urs, déclarant priver son épouse et ses enfants de tous droits dans sa succession ;
Le 8 septembre 1989, toujours au Centre Henri Becquerel, il a donné procuration à son frère sur son compte bancaire au Crédit Agricole ;
Il est décédé le 15 septembre 1989 ;
Par jugement du 29 octobre 1991, le testament a été partiellement invalidé, seul un quart des biens pouvant être légué et la liquidation successorale a été ordonnée ; le tribunal a ouvert les opérations de liquidation partage de la communauté BRAMHIMI / BAKHTI et de la succession de Monsieur Ahmed X...;
Par jugement définitif du 14 février 1997, Monsieur Mohamed X...a été déclaré coupable de falsification par apposition d'une fausse signature sur un chèque de 607 144. 30 Francs (92 558. 55 Euros) tiré sur le compte du défunt le 9 août 1989 à l'ordre du Crédit Industriel de Normandie, banque de Monsieur Mohamed X...et usage de ce chèque (achat de bons anonymes) ;
La somme ainsi détournée n'ayant pas été restituée, l'indivision successorale a assigné Monsieur Mohamed X...pour le voir déclarer coupable de recel successoral ;
Par jugement du 9 février 2007, le Tribunal de Grande Instance de ROUEN a :
Vu le Jugement du Tribunal de Grande Instance de Rouen, première chambre, du 29 octobre 1991,
Vu le Jugement du Tribunal Correctionnel de Rouen du 14 février 1997, et l'Arrêt confirmatif de la Cour d'Appel de Rouen du 30 avril 1998,
Débouté Mohamed X...de ses fins de non-recevoir fondée sur l'expiration des prescriptions des articles 2270-1 et 2279 du Code Civil, et du surplus des fins de non recevoir opposées aux cohéritiers à l'action en reconnaissance d'un recel, et application des sanctions du recel,
Déclaré Fatima X...irrecevable, en application des articles 1351 et 2270-1 du Code Civil dans sa demande additionnelle de dommages-intérêts fondée sur l'article 1382 du Code Civil,
Déclaré les autres héritiers co-demandeurs recevables dans leurs demandes additionnelles de dommages-intérêts,
Dit qu'en application de l'article 792 ancien du Code Civil, Mohamed X...s'est rendu coupable du recel de la somme de 92 558, 55 euros au préjudice des autres héritiers d'Ahmed X...,
Condamné Mohamed X...à payer entre les mains du notaire commis par le jugement susvisé du Tribunal, qui recevra les sommes pour le compte de l'indivision post-successorale entre les héritiers d'Ahmed X...:
a) la somme principale de 92 558, 55 euros au titre de la restitution de la somme recelée,
b) la somme de 87 522, 19 euros au titre des intérêts moratoires échus sur la somme recelée du 15 septembre 1989 jusqu'au 31 décembre 2006, outre ceux restant à échoir au taux légal à compter du 01 janvier 2007 sur la somme a) jusqu'à complet paiement,
c) la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,
Dit que Monsieur Mohamed C...sera privé de toute part dans le partage de la somme recelée de 92 558. 55 euros et des intérêts,
Renvoyé les parties devant le notaire commis par le Tribunal à l'effet de procéder aux opérations de liquidation, compte et partage, en présence des légataires universels ou ceux-ci appelés à y participer, sauf la sanction ci-dessus prononcée,
Dit qu'en cas d'empêchement matériel du juge délégué ou du notaire commis, il sera pourvu à son remplacement par Ordonnance du Président du Tribunal ou du magistrat délégué à cet effet,
Désigné, en qualité de juge-commissaire, le Président de la cinquième chambre de la présente juridiction,
Débouté les consorts X...de leurs demandes additionnelles en paiement de dommages-intérêts fondées sur l'article 1382 du Code Civil,
Condamné Mohamed X...aux entiers dépens de l'instance,
Monsieur Mohamed X...a régulièrement interjeté appel de cette décision.
LES PRETENTIONS DES PARTIES :
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 8 juillet 2008, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur Mohamed X...expose notamment qu'en l'absence de clandestinité et de conservation des fonds, l'élément matériel du recel n'est pas constitué, que l'élément intentionnel ne l'est pas davantage compte tenu de la teneur du testament :
Il demande en conséquence à la Cour de :
- recevoir l'appel, le déclarer bien fondé ;
- débouter les consorts X...de l'ensemble de leurs demandes ;
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;
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Aux termes leurs conclusions signifiées le 16 octobre 2008, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, les consorts X...soutiennent essentiellement que :
- l'apposition d'une fausse signature et l'utilisation des bons au porteur en passant par un compte anonyme démontrent la clandestinité ;
- les témoins « de dernière heure » ne sont pas dignes de foi ;
- l'élément intentionnel résulte des motifs des décisions pénales ;
Ils demandent donc à la Cour de :
- Vu les dispositions des articles 792 et suivants anciens (article 778 et suivants nouveaux du Code civil)
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Y ajoutant : condamner Monsieur Mohamed X...à leur payer une somme de 3000 Euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
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SUR CE LA COUR :
Attendu que par des motifs pertinents que la Cour adopte, le tribunal a répondu aux différents moyens de Monsieur Mohamed X...pour constater qu'en l'espèce tous les éléments du recel successoral étaient réunis ;
Attendu en effet qu'il résulte des décisions pénales que Monsieur Mohamed X..., devenu ensuite légataire universel de son frère, a imité la signature de celui-ci sur un chèque émis au bénéfice de sa propre banque, vidant presque entièrement le compte bancaire de son frère et a acquis au moyen de ces fonds, des bons au porteur qu'il a placés dans un coffre loué à son nom, que cette opération n'a été révélée aux héritiers réservataires que lors des opérations d'ouverture de la succession et que les fonds n'ont pas été restitués ;
Attendu que Monsieur Mohamed X...fait valoir qu'il n'a fait que suivre les instructions de son frère d'une part et qu'il lui aurait remis les bons anonymes d'autre part ; qu'il n'y a donc eu ni dissimulation, ni détournement des fonds ;
Attendu que cependant Monsieur Mohamed X...a constamment nié dans la procédure pénale être l'auteur de la fausse signature ; que son frère lui a donné postérieurement au retrait une procuration régulière sur son compte, qui démontre qu'il n'était pas à priori au courant que les sommes avaient déjà été prélevées ;
Attendu que personne n'a fait état lors de la procédure pénale de la scène non datée, rapportée aujourd'hui par deux témoins, au cours de laquelle, Monsieur Ahmed X..., sur son lit d'hôpital aurait distribué à Tahar X..., Boudjeema X..., Fatna D...et Mohamed X...les bons au porteurs remis par ce dernier ;
Que l'un des attestants, Monsieur E..., avait témoigné dans l'instance pénale qu'il avait vu Monsieur Ahmed X...signer le chèque litigieux, que son témoignage ne peut donc être retenu ; qu'en outre toutes les personnes citées, à l'exception de Mohamed X..., résident en Algérie ; qu'il ne résulte d'aucun élément qu'elles soient venues en France avant le décès, que d'ailleurs Madame Boudjeema X..., nièce du défunt qui a rédigé une attestation pour dire qu'elle avait assisté à l'enterrement de son oncle en Algérie, n'en parle absolument pas ;
Attendu que dans ces conditions, Monsieur Mohamed X...ne démontre pas qu'il n'a pas conservé les bons au porteur alors en outre qu'il soutient qu'il pensait de bonne foi être l'héritier de son frère et pouvoir en conséquence disposer de ses biens ;
Attendu que cependant, s'il avait été de bonne foi et pensé comme il le déclare que le testament était valable et que les enfants de son frère pouvaient être déshérités, il n'avait aucun motif de vider le compte bancaire avant le décès de son frère ;
Que dans tous les cas, le recel serait constitué dans la mesure où après le jugement du 29 octobre 1991 et alors qu'il savait ne pas être le seul héritier, il n'a pas révélé l'opération, a au contraire cherché à la nier et n'a ensuite jamais restitué les fonds ;
Attendu que le recel successoral est donc constitué en ses éléments matériels et moraux ; que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais exposés en marge des dépens en cause d'appel ;
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PAR CES MOTIFS :
La Cour :
Déboute Monsieur Mohamed X...de ses demandes ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant : condamne Monsieur Mohamed X...à payer aux intimés, ensemble, la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Met les dépens d'appel à la charge de Monsieur Mohamed X..., avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLe Président