R. G. : 07 / 02815
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE L'URGENCE
Section de la Sécurité Sociale
ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE d'EVREUX du 18 Avril 2007
APPELANT :
Monsieur Cyrille X...
... ...
27370 FOUQUEVILLE
présent
assisté de Maître Gontrand CHERRIER, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉES :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'EURE
1 bis, place Saint Taurin
27030 EVREUX CEDEX
représentée par Maître François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
SOCIÉTÉ SAVEURS DE FRANCE BROSSARD
Z. A Le Clos Mesnil
27110 LE NEUBOURG
représentée par Maître Jamellah BALI, avocat au barreau d'EVREUX,
DRASS
Immeuble LE MAIL-31 rue Malouet
76107 ROUEN CEDEX
Non comparante ni représentée bien que régulièrement avisée par lettre recommandée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 01 Octobre 2008 sans opposition des parties devant Monsieur LARMANJAT, Président, magistrat chargé d'instruire l'affaire, en présence de Madame LEPRINCE, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur LARMANJAT, Président
Madame LEPRINCE, Conseiller
Madame MANTION, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Mme LOUE-NAZE, Greffier
DÉBATS :
A l'audience publique du 01 Octobre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Novembre 2008
ARRÊT :
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Novembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur LARMANJAT, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.
Le 22 janvier 2006, Monsieur Cyrille X..., employé en qualité de technicien de maintenance à la société SAVEURS de France BROSSARD, a établi une déclaration d'accident de travail pour des faits survenus le 6 janvier 2005, soit plus d'un an plus tôt.
Le 10 mars 2006, la caisse primaire d'assurance maladie d'Evreux a reçu un certificat médical initial daté du 8 du même mois et délivré par le docteur A... faisant état d'une " tendinite du tendon d'Achille gauche " et prescrivant un arrêt de travail à compter du 9 au 14 janvier 2005 et des soins jusqu'au 20 du même mois.
Le 3 avril 2006, la caisse informait l'assuré de son refus de prendre en charge l'accident allégué au titre de la législation sur les accidents professionnels.
Le 7 septembre 2006, sur saisine de l'intéressé, la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie d'Evreux confirmait la position de la caisse.
Le 30 octobre 2006, Monsieur Cyrille X... saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evreux.
A l'audience, il expliquait avoir remis en état des grilles d'aération à la demande de son responsable, Monsieur B..., et soutenait que ce travail, qui avait duré plus de trente minutes, l'avait contraint à rester accroupi. Selon lui, ce travail lui avait provoqué des courbatures dans les deux pieds et une tendinite au tendon d'Achille. Il ajoutait que deux jours plus tard, le 8 janvier 2005, il avait chuté alors qu'il tentait de se relever et avait ressenti de fortes douleurs au niveau des pieds.
Le service des urgences auquel il s'était présenté avait diagnostiqué, le 9 janvier 2005, une tendinite.
Il concluait que les critères caractérisant l'accident du travail étaient, dans son cas, réunis. En premier lieu, l'existence d'une lésion corporelle était établie par les certificats médicaux, notamment celui du service des urgences. En second lieu, cette lésion était survenue à une date certaine et attestée par le certificat médical du docteur A.... Enfin, il estimait que cet accident était lié au travail qu'il avait effectué le 6 janvier 2005.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Evreux a fait remarquer le caractère tardif de la constatation des lésions et de la déclaration d'accident du travail.
L'employeur a sollicité le rejet des prétentions du requérant.
Par jugement du 18 avril 2008, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evreux a débouté Monsieur Cyrille X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société SAVEURS de France BROSSARD, la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur Cyrille X... a interjeté appel de cette décision le 9 juillet 2008, qui lui avait été notifié le 14 juin précédent.
Dans ses conclusions concluant à la réformation du jugement entrepris, l'appelant fait observer qu'à la suite de la tendinite apparue après le travail effectué le 6 janvier 2005, il serait resté allongé ou avec des béquilles pendant plus de sept mois et que son état de santé s'était aggravé par des séquelles d'un précédent accident du travail survenu en 2004, ayant eu pour effet de paralyser sa main droite.
Il reprend sa position soutenue devant les premiers juges sur l'existence, en l'espèce, des trois critères cumulatifs caractérisant un accident du travail : date certaine des faits, lésion corporelle constatée, ligne entre celle-ci et le travail.
La société SAVEURS de France BROSSARD rappelle, dans ses conclusions, que, selon la jurisprudence, un accident est présumé être lié au travail si les lésions se sont manifestées immédiatement après l'accident ou dans un temps très voisin. Les seules déclarations de la victime ne suffisent pas.
Elle précise que, le 9 janvier 2005, Monsieur Cyrille X... a téléphoné à son supérieur hiérarchique pour lui signaler qu'il s'était " fait mal ", mais sans préciser que ces douleurs étaient liées au travail. Connu pour être un sportif, son entourage professionnel avait pensé que ces douleurs étaient liées à la pratique d'un sport.
Monsieur Cyrille X... a présenté des arrêts de travail successifs du 9 janvier 2005 au 8 mars 2006, soit durant quatorze mois.
L'employeur réfute l'affirmation du salarié selon laquelle il aurait cherché à contacter son employeur.
La société souligne qu'une enquête administrative a été réalisée et que, de celle-ci, il ressort que, seul, Monsieur Pascal B..., supérieur hiérarchique direct de Monsieur Cyrille X..., a été informé le dimanche 9 janvier à 15 h que celui-ci ne serait pas à son poste le lundi, sans que le motif de cet arrêt de travail ne soit précisé et, plus particulièrement, qu'il ait été lié au travail accompli le 6 précédent.
La société SAVEURS de France BROSSARD considère que l'attitude de son salarié est abusive et justifie à ce titre une demande de condamnation à une somme de 3. 000 €.
Elle sollicite aussi sa condamnation à une somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie d'Evreux sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelant au paiement d'une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans de nouvelles conclusions, Monsieur Cyrille X... estime qu'il appartenait à son employeur d'établir la déclaration d'accident du travail.
Il demande que la caisse primaire d'assurance maladie d'Evreux soit condamnée à une somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur a déposé de nouvelles conclusions reprenant les mêmes moyens et demandes.
Motifs de l'arrêt
Attendu qu'aux termes de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, " est considéré comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise " ;
que les seules déclarations de la victime d'un accident allégué comme étant lié au travail, non corroborées par des éléments objectifs ou des présomptions sérieuses, précises et concordantes, ne sont pas de nature à fonder la présomption d'imputabilité consacrée par l'article précité ;
attendu qu'en l'espèce, la déclaration de travail rédigée par Monsieur Cyrille X... lui même, datée du 22 janvier 2006, laisse apparaître qu'il aurait été victime d'un accident du travail survenu le 6 janvier 2005, soit plus d'une année plus tôt, entre 11 h 20 et 12 h 15, alors qu'il était sur son lieu de travail ;
que, dans cette déclaration, Monsieur X... indique être resté, à l'extérieur de l'atelier, sur ordre de son supérieur hiérarchique, accroupi pendant une demi-heure, pour remettre en état des grilles et avoir souffert de courbatures aux deux pieds et d'une tendinite au tendon d'Achille au pied gauche ;
attendu que, dans cette déclaration d'accident du travail, il précise avoir informé Monsieur Pascal C... le 8 janvier 2005 à 10 h et, dans un courrier du 8 mars 2006, il signale avoir informé son employeur de ces faits dans la semaine du 17 au 22 janvier 2005 ;
qu'au cours de l'enquête administrative accomplie par la caisse, Monsieur Pascal D... a fait remarquer avoir été avisé par Monsieur Cyrille X..., le dimanche 9 janvier 2005, vers 15 heures, qu'il ne serait pas à son poste le lendemain, mais sans aucune précision sur un éventuel lien entre cet arrêt et l'accomplissement de son travail ni d'une tâche en particulier ;
que, le 10 mars 2006, la caisse primaire d'assurance maladie a reçu un certificat médical initial, daté du 8 du même mois, délivré par le docteur A..., faisant état " d'une tendinite du tendon d'Achille gauche le 9 janvier 2005 " ;
attendu que, de tous ces éléments, il ressort que les lésions alléguées par Monsieur Cyrille X... comme consécutives au travail effectué le 6 janvier 2005, n'ont été constatées par un médecin que trois jours plus tard, le 9 janvier 2005 et n'ont fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail adressée plus d'un an plus tard, soit le 22 janvier 2006, elle même suivie d'un certificat médical délivré environ deux mois plus tard, le 8 mars 2006 ;
qu'en outre, la date à laquelle il assure avoir informé son employeur est incertaine ;
attendu que la cour, comme l'ont fait à juste titre les premiers juges, ne peut que constater la tardiveté de la déclaration d'accident du travail et l'impossibilité de vérifier le lien, soutenu par l'employé, entre les lésions subies par lui et le travail qui lui avait été demandé et qu'il a accompli le 6 janvier 2005 ;
que, dés lors, en l'absence d'éléments objectifs ou de présomptions graves, précises et concordantes, c'est à bon droit, que le tribunal des affaires de sécurité sociale a estimé que Monsieur Cyrille X... ne pouvait bénéficier de la présomption d'imputabilité édictée par l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale ;
que le jugement déféré sera donc confirmé ;
attendu qu'il n'est pas établi qu'en agissant ainsi et en interjetant appel d'une décision lui étant défavorable avec peu de chances de succès de son recours, Monsieur Cyrille X... a abusé du droit d'ester en justice ;
que la demande pour action ou appel abusif sera rejetée ;
attendu qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser aux intimées la charge de leurs frais irrépétibles respectifs ;
que la demande à ce titre de la société Saveurs de France-Brossard sera accueillie à hauteur de 1. 200 €, celle de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure l'étant intégralement ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,
Déclare recevable l'appel de Monsieur Cyrille X....
Au fond, confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evreux rendu entre les parties le 18 avril 2007 ;
Y ajoutant :
Déboute la société Saveurs de France-Brossard de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Condamne M Cyrille X... à payer à cette société la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure la somme de 500 € sur le même fondement ;
Rappelle que la présente procédure est gratuite et sans frais et dit n'y avoir lieu à paiement du droit prévu à l'article R. 144-10 du Code de la Sécurité Sociale.
Le Greffier, Le Président,