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30/10/2008 | FRANCE | N°07/3220

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0548, 30 octobre 2008, 07/3220


R. G : 07 / 03220

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 06 Avril 2007

APPELANTS :

Monsieur Bertrand DE X...venant aux droits de Monsieur Jean-François Y...et de Madame Annick Y...
...
92200 NEUILLY SUR SEINE

représenté par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assisté de Maître Laurent de Z..., avocat au barreau de PARIS

Madame Oriane A...épouse DE X...venant aux droit

s de Monsieur Jean-François Y...et Madame Annick Y...
...
92200 NEUILLY SUR SEINE

représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIG...

R. G : 07 / 03220

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 06 Avril 2007

APPELANTS :

Monsieur Bertrand DE X...venant aux droits de Monsieur Jean-François Y...et de Madame Annick Y...
...
92200 NEUILLY SUR SEINE

représenté par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assisté de Maître Laurent de Z..., avocat au barreau de PARIS

Madame Oriane A...épouse DE X...venant aux droits de Monsieur Jean-François Y...et Madame Annick Y...
...
92200 NEUILLY SUR SEINE

représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Maître Laurent de Z..., avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur Michel B...
...
76740 SOTTEVILLE SUR MER

représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

assisté de Maître Guillaume C..., avocat au barreau de ROUEN
de la SCP CISTERNE TRESTARD et CHERRIER, avocats au barreau de ROUEN

Madame Françoise D...épouse B...
...
76740 SOTTEVILLE SUR MER

représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

assistée de Maître Guillaume C..., avocat au barreau de ROUEN de la SCP CISTERNE et CHERRIER, avocats au barreau de ROUEN,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 29 Septembre 2008 sans opposition des avocats devant Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame PLANCHON, Président,

Madame le Conseiller AUBLIN-MICHEL a été entendue en son rapport oral de la procédure avant plaidoiries

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PLANCHON, Président
Madame PRUDHOMME, Conseiller
Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme LOUE-NAZE, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Septembre 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Octobre 2008

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Octobre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

*
* *
FAITS ET PROCEDURE

Par jugement du tribunal de grande instance de Rouen en date du 30 / 01 / 2004 les époux DE X...ont été déclarés adjudicataires sur surenchère d'une maison sise à Sotteville Sur Mer lieudit Beaumont chemin des Soupirs moyennant le prix principal de 110. 150 euros.

Le procès-verbal de description en date du 4 / 09 / 1991 précisait que l'immeuble objet de l'adjudication était occupé « à titre précaire et sans loyer par M. et Mme B.... »

Par acte d'huissier en date du 24 / 06 / 2004 les époux DE X...ont signifié à M. et Mme B...le jugement d'adjudication et leur ont fait sommation de quitter l'immeuble objet de l'adjudication, et de fournir sans délai la copie du contrat de bail dont ils se prévalaient.

Par nouvel acte d'huissier du 12 / 09 / 2005 ils ont fait délivrer aux époux B...un commandement de libérer les lieux au plus tard le 12 / 11 / 2005.

Les occupants ont saisi le juge de l'exécution le 5 / 10 / 2005 afin d'obtenir le prononcé de la nullité de ce commandement de libérer.

Par jugement du 21 / 12 / 2005 le juge de l'exécution a annulé le commandement litigieux et débouté les époux B...de leur demande indemnitaire.

Par acte d'huissier du 30 / 06 / 2006 les époux DE X...ont fait délivrer à M. et Mme B...une nouvelle sommation de restituer les lieux pour le 30 / 12 / 2006.

Par acte d'huissier du 30 / 06 / 2006 ils ont fait assigner les époux B...devant le tribunal de grande instance de Rouen aux fins de voir sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamner solidairement les époux B...à leur payer la somme de 2. 000 euros par mois à titre de dommages et intérêts à compter du 01 / 01 / 2007, et une indemnité de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 6 / 04 / 2007 le tribunal a notamment débouté M. et Mme X...de leurs demandes et les a condamnés à payer aux époux B...la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux DE X...ont régulièrement relevé appel de ce jugement le 3 / 08 / 2007.

Ils demandent à la Cour de :

- infirmer le jugement dont appel,
- valider le congé délivré aux époux B...suivant exploit délivré le 30 / 06 / 2006 à effet du 30 / 12 / 2006

- ordonner l'expulsion des époux B...et celle de tous occupants de leur chef des lieux qu'ils occupent avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est, et ce dans la quinzaine de la signification de l'arrêt à intervenir
-condamner les époux B...chacun pour le tout à leur payer à titre de dommages et intérêts une indemnité d'occupation de 2. 000 euros par mois à compter du 01 / 01 / 2007
- dire que les sommes dues porteront intérêts au fur et à mesure de leur exigibilité et que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés
-dire n'y avoir lieu de statuer sur la demande des époux B...tirée des dispositions de l'article 555 du code civil faute par eux d'avoir justifié de l'éventuelle délivrance d'un permis de construire de celle d'un certificat de conformité et des factures réglées par M. B...pour les matériaux et la main d'œ uvre
-très subsidiairement dire et juger que le prêt à usage dont se prévalent les époux B...est au seul bénéfice de M. Michel B...et ne saurait bénéficier à son épouse
-les condamner chacun pour le tout à leur payer une somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens dont distraction au profit des avoués de la cause.

Au soutien de leur appel et selon leurs dernières conclusions en date du 12 / 06 / 2008 ils exposent que :

M. Y...ancien maire de la commune de Sotteville Sur Mer avait embauché M. B...à la mairie et s'était lié d'amitié avec lui, acceptant de l'héberger plusieurs années à son domicile après sa séparation conjugale ;
Les époux Y...lui ont ensuite accordé en 1985 la jouissance gratuite d'une maison à côté de leur propre domicile et située sur une parcelle leur appartenant ;

Le contrat de prêt à usage invoqué par les époux B...leur est inopposable ;

Il constitue un droit personnel et n'a d'existence que par l'engagement personnel du prêteur de le respecter, n'étant opposable qu'à lui ; si le prêteur venait à vendre la chose en cours de contrat, l'acquéreur ne serait pas tenu de respecter le prêt, l'eût-il connu en l'acquérant ;

La Cour de Cassation refuse toute transmissibilité passive des obligations personnelles à l'occasion du transfert de propriété d'un bien ; celle-ci ne peut être réalisée qu'à la condition qu'elle soit stipulée dans l'acte de vente par les parties ; En matière de vente sur adjudication, les obligations de nature personnelle ne sont pas transmissibles passivement à l'adjudicataire enchérisseur, si elles n'ont pas été expressément stipulées dans le cahier des charges ;

Le contrat de prêt à usage est conclu intuitu personae et en vertu des dispositions de l'article 1879 du code civil n'est transmissible qu'aux « héritiers » du prêteur ;

A contrario il n'est pas opposable aux ayants cause du prêteur acquéreurs du bien ;

Ils ne sont nullement héritiers de M. Y...et ne sont pas liés par le texte de l'article 1888 du code civil qui prévoit que « le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; »

En toute hypothèse la preuve d'un tel contrat de prêt à usage n'est pas rapportée de même que n'est pas établi le terme qui aurait prétendument été convenu entre M. Y...et M. B...;

La preuve de celui-ci est soumise aux règles des articles 1341 et suivants du code civil qui exigent un écrit si la valeur de la chose prêtée est supérieure à 800 € ;
En l'espèce aucun élément écrit émanant de M. Y...ne vient établir sa volonté de confier sa maison à M. B...à titre de prêt jusqu'à la mort de ce dernier ;
Le tribunal a considéré que la preuve de l'accord pouvait être rapportée par tous moyens sans caractériser l'impossibilité morale dans laquelle l'une ou l'autre partie se serait trouvée d'exiger un écrit au moment de l'installation de l'occupant ;
La question d'un écrit avait d'ailleurs été envisagée par les parties puisqu'un rendez-vous avait été pris chez le notaire pour signer un contrat mais il n'a jamais été suivi d'effet ; Cela exclut l'impossibilité morale aujourd'hui alléguée ;
En outre M. Y...avait engagé une procédure pour récupérer son terrain en 1997 manifestant ainsi son opposition formelle à l'occupation gratuite de M. B...jusqu'à son décès ;

La qualification de prêt à usage doit être écartée si l'intention du soi-disant prêteur était de conférer au bénéficiaire une occupation à titre précaire, un simple hébergement qui correspondrait à une simple tolérance ;

Des attestations venant de tiers ne peuvent constituer une preuve suffisante à établir l'existence d'un contrat de prêt à usage ; l'attestation doit provenir du prêteur lui-même, compte tenu de l'atteinte importante au droit de propriété ;

En l'occurrence les époux B...ont versé 21 attestations en première instance rédigées entre 2000 et 2002, lesquelles n'étaient pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile ; le 4 / 03 / 2008 ils ont produit à nouveau 17 attestations et une photographie régulièrement établies entre janvier et février 2008 ; elles proviennent de voisins et amis de M. B...et relatent des propos prétendument tenus par M. Y...aux termes desquels il aurait reconnu avoir confié à M. B...l'immeuble litigieux pour qu'il en jouisse jusqu'à la fin de ses jours ;

Ils versent quant à eux des attestations des époux Y...anciens propriétaires des lieux qui font état d'une simple tolérance les ayant conduits à admettre l'installation de M. B...sur leur terrain pour l'aider ponctuellement ainsi que la procédure d'expulsion engagée à plusieurs reprises par le propriétaire et le procès-verbal de description du 4 / 09 / 1991 dans lequel était précisé que l'immeuble objet de l'adjudication était occupé « à titre précaire et sans loyer par M. et Mme B...; »

A titre subsidiaire la preuve du terme affectant prétendument le commodat n'est pas rapportée ;
Au visa des articles 1875 et 1888 du code civil la Cour de Cassation a posé le principe suivant : « l'obligation pour le preneur de rendre la chose prêtée après s'en être servi est de l'essence du commodat ; lorsque aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose d'un usage permanent, sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est en droit d'y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable ; »

En présence d'un contrat de prêt à usage, il appartient au juge du fond de rechercher l'intention des parties quant à la durée du prêt convenue entre les parties ;
Les auteurs des premiers témoignages se sont bornés à recopier leur attestation initiale, seul M. E...ayant rajouté une mention affectée d'une faute d'orthographe que les autres témoins ont répétée, laissant à penser qu'un modèle d'attestation leur a été fourni ;
Le caractère partisan de ces témoignages à l'égard de l'ancien maire qu'était M. Y...permet de douter de leur sincérité ;

Ils sont fondés dès lors à se prévaloir de la jurisprudence précitée sur le délai de préavis raisonnable dont les intimés ont déjà largement bénéficié depuis le 30 / 12 / 2006 ;

Ils sont aussi en droit de leur réclamer une indemnité d'occupation de 2. 000 € par mois à compter du 1er / 01 / 2007 eu égard aux caractéristiques de la maison occupée et à la situation géographique de celle-ci ;
Cette demande est liée à la restitution tardive des lieux par les époux B...;

S'agissant de la demande adverse et subsidiaire au titre de l'article 555 du code civil ils constatent qu'aucune pièce ne leur a été communiquée concernant l'éventuelle délivrance d'un permis de construire et d'un certificat de conformité, ni aucune facture réglée par l'intimé pour les matériaux et la main d'oeuvre ;

M. et Mme B...poursuivent la confirmation du jugement et subsidiairement demandent à la Cour de :

- constater que la demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée
-enjoindre aux époux DE X...de déclarer leur choix quant à la valeur qu'ils devront prendre en charge du fait de l'ouvrage construit par M. B...sur le fonds litigieux en application de l'article 555 du code civil
-ordonner une expertise afin d'évaluer la plus value apportée à l'immeuble et le coût des matériaux et main d'œ uvre à la date de l'expertise
-en tout état de cause les condamner au paiement d'une indemnité de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens dont distraction au profit des avoués de la cause par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs écritures en date du 01 / 09 / 2008 ils font valoir que :

Les époux Y...ont mis à la disposition de M. MAINOT gratuitement une partie de leur terrain soit environ 310 m ² afin qu'il puisse y édifier une maison d'habitation qu'il devait occuper sa vie durant ;

M. B...a entrepris l'édification de cette maison en 1980 et l'a achevée vers 1986 en supportant la totalité du coût de la construction et en fournissant lui-même l'essentiel de la main d'oeuvre ;

En 1992 les époux Y...ont concédé à une banque une hypothèque sur cet immeuble afin d'obtenir un prêt, lequel non remboursé régulièrement a entraîné l'exigibilité de leur dette et la saisie immobilière ;

Les époux DE X...ont acquis l'immeuble par adjudication le 30 / 01 / 2004 et le cahier des charges indiquait explicitement que les lieux étaient occupés ;

Après avoir reconnu en première instance l'existence d'un prêt à usage à durée indéterminée en leur faveur, ces derniers concluent en appel à l'inopposabilité de celui-ci ;

L'article 1879 du code civil ne précise nullement que les engagements nés du commodat ne se transmettent qu'aux héritiers, mais que ces engagements passent aux héritiers du prêteur, si bien qu'il n'y a aucune restriction à une transmission aux ayants cause du prêteur,

L'article 2208 du code civil dispose que l'adjudication ne confère à l'adjudicataire d'autres droits que ceux appartenant au saisi qui est tenu à l'égard de l'adjudicataire à la délivrance du bien et à la garantie d'éviction ; Il ne peut donc bénéficier jusqu'au terme du commodat du droit d'user de la chose ;
La vente du bien est possible dans le respect des engagements pris tant par le prêteur que l'emprunteur étant rappelé que le commodat ne transfère aucun droit de propriété ;

Leur occupation précaire et gratuite était bien mentionnée dans le cadre de l'adjudication de telle sorte qu'elle est parfaitement opposable aux ayants cause de M. Y...qui ne les ont pas consultés ;

Comme l'avaient dans un premier temps admis les appelants, ils se sont trouvés dans l'impossibilité morale de se procurer une preuve par écrit du contrat de prêt à usage au jour de la mise à disposition du terrain ;
Employé par M. Y...à la mairie de Sotteville Sur Mer, il travaillait également sans rémunération pour ce dernier à titre personnel et était logé chez lui pendant la période de construction de la maison ; compte tenu des liens de dépendance et de confiance entre eux M. B...ne pouvait moralement solliciter un écrit pour formaliser le commodat ;
Ce n'est effectivement qu'après qu'il se soit installé dans cette maison et a pu prendre une certaine distance qu'a été évoquée la régularisation d'un acte écrit qui n'aura jamais lieu ;

La preuve par témoignages des engagements de M. Y...doit donc être accueillie ; les attestations dont la régularité était mise en cause ont été réitérées conformément aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et n'encourent plus aucune critique ;
Il en résulte incontestablement que le terrain nu des époux Y...avait été mis à la disposition de M. B...pour y bâtir une maison et en jouir jusqu'à son décès ;

C'est à l'occasion de la procédure introduite en 1997 par M. Y...pour remettre en cause le prêt à usage dont M. B...bénéficiait depuis 1980, qu'il a fait dresser les attestations contestées et que le propriétaire a décidé de renoncer à son action conscient de sa mauvaise foi ;

Subsidiairement aucun élément ne justifie la somme de 2. 000 € réclamée à titre d'indemnité d'occupation de l'immeuble litigieux qui ne comporte que deux pièces et un grenier ;

En application de l'article 555 du code civil les époux DE X...seront tenus d'opter pour l'indemnisation de la plus value apportée au terrain ou du coût de la construction, étant déjà observé qu'il ne peut produire de factures de main d'oeuvre puisqu'il a réalisé lui-même la construction, mais a entrepris des recherches relatives au paiement des matériaux ; le prix de ces derniers et de la main d'oeuvre doit être estimé à la date du remboursement selon l'état de la construction et non à la date de l'édification ;
Il peut en définitive légitimement prétendre à voir ordonner une mesure d'expertise afin de faire évaluer ce coût ainsi que la plus value apportée à l'immeuble ;

La clôture de l'instruction est intervenue le 12 / 09 / 2008.

SUR CE,

Sur l'opposabilité aux adjudicataires du contrat de prêt à usage invoqué

Aux termes de l'article 2208 du code civil « l'adjudication emporte vente forcée du bien saisi et en transmet la propriété à l'adjudicataire ;
Elle ne confère à celui-ci d'autres droits que ceux appartenant au saisi ; »

Il est constant que le cahier des charges annexé au jugement d'adjudication de l'immeuble saisi de M. Y...en date du 31 / 01 / 2004 prévoit que « cet immeuble est occupé à titre précaire et sans loyer par M. et Mme Michel B...ainsi qu'il résulte du procès-verbal de description du 4 / 09 / 1991 de Me F...huissier de justice à Saint Valéry En Caux ; »

Ce cahier des charges ne mentionne donc pas l'existence d'un prêt à usage au profit des époux B...;

Cependant il est admis que l'adjudicataire doit en principe supporter et continuer les situations créées ou acquises du chef du saisi ;

L'article 1879 al 1 du code civl dispose également que « les engagements qui se forment par le commodat passent aux héritiers de celui qui prête et aux héritiers de celui qui emprunte ; »

Le terme héritier doit être entendu non au sens restrictif mais au sens large d'ayant cause du prêteur ;

Contrairement à la thèse avancée par les appelants, le prêt à usage confère à l'emprunteur un droit réel apparenté à un droit de rétention, ainsi l'article 1888 du code civil prévoit que « le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; »

Dès lors, le commodat allégué, s'il est prouvé, doit être déclaré opposable aux époux DE X...adjudicataires du bien immobilier litigieux, venant aux droits de M. et Mme Y..., et ce nonobstant le défaut de mention de ce prêt à usage dans le procès-verbal de description annexé au jugement d'adjudication ;

Sur la preuve du contrat de prêt à usage

Il résulte des dispositions combinées des articles 1341 et 1348 du code civil que le principe de la preuve par écrit pour les actes excédant la valeur de 800 euros reçoit exception en cas d'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de cet acte ;
En l'espèce, les intimés justifient par les attestations versées aux débats de leurs liens de confiance totale avec les époux Y...chez qui M. B..., qui était employé à la mairie de Sotteville Sur Mer, a été hébergé pendant la durée de la construction sur le terrain à bâtir mis gratuitement à sa disposition par ceux-là ;

Compte tenu de cette confiance réciproque mais aussi du lien de subordination caractérisé par le fait que M. B...était au service personnel et professionnel de M. Y...maire de la commune, l'intimé démontre une impossibilité morale de se préconstituer la preuve du commodat ;
C'est pourquoi les témoignages produits par les époux B...seront admis pour rapporter la preuve du contrat verbal et de son terme ;

Il résulte des dispositions de l'article 1875 du code civil que « le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi ; »

L'article 1888 du code civil dispose également que « le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu, ou à défaut, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; »

Il résulte de la dernière jurisprudence de la Cour de Cassation que lorsqu'aucun terme au commodat n'a été fixé par les parties, le prêteur peut résilier le contrat sous réserve d'un délai de préavis raisonnable ;

En l'espèce, les multiples attestations versées en cause d'appel aux débats par les époux B...quand bien même elles ont été parfois rédigées à partir d'un modèle préétabli affecté d'une faute d'orthographe, ne sauraient être remises en cause dans leur authenticité ; Elles établissent de manière certaine que M. B...a bénéficié du prêt par les époux Y...d'un terrain nu en 1980 pour y bâtir sa maison et en jouir « sa vie durant » ;
Il est constant que l'intimé a réalisé avec l'accord de M. Y...la construction du bien immobilier litigieux sur ce terrain et y réside avec son épouse depuis lors ;
Les appelants se prévalent d'une sommation interpellative de restituer les lieux de M. Y...en date du 21 / 05 / 1997 et d'une sommation de libérer les lieux en 2002 délivrée aux époux B...;

Or l'intention commune des parties doit être recherchée au moment de la conclusion du contrat de prêt à usage, et non pas dix sept ans plus tard à une époque où en raison de ses difficultés financières, le propriétaire du terrain et de la maison par voie d'accession légale, avait pu changer d'avis sur sa volonté libérale à l'égard de M. B...;

Par conséquent le terme convenu du prêt à usage était bien le décès de M. B...et le jugement critiqué doit être confirmé sur ce point sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande subsidiaire des intimés ;

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'apparaît pas équitable de laisser à M. et Mme B...la charge de leurs frais irrépétibles et non compris dans les dépens, qu'il y a lieu d'évaluer à 1. 500 euros.

Sur les dépens

Les appelants qui succombent dans la présente instance seront tenus aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne les époux DE X...à payer à M. et Mme B...une indemnité de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne les époux DE X...aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0548
Numéro d'arrêt : 07/3220
Date de la décision : 30/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rouen, 06 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-10-30;07.3220 ?
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