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17/09/2008 | FRANCE | N°05/1191

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0038, 17 septembre 2008, 05/1191


R. G : 05 / 01191

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 18 janvier 2005

APPELANTS :

Monsieur Michel X... (et incidemment intimé)
...
43500 CRAPONNE SUR ARZON

représenté par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assisté de Me Y..., avocat au Barreau de SAINT-ETIENNE

Madame Suzanne X... (et incidemment intimée)
... " ... "
42100 SAINT-ETIENNE

comparante à l'audience

représentée p

ar la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me Y..., avocat au Barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉS :

Monsieur André Z...
...
760...

R. G : 05 / 01191

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 18 janvier 2005

APPELANTS :

Monsieur Michel X... (et incidemment intimé)
...
43500 CRAPONNE SUR ARZON

représenté par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assisté de Me Y..., avocat au Barreau de SAINT-ETIENNE

Madame Suzanne X... (et incidemment intimée)
... " ... "
42100 SAINT-ETIENNE

comparante à l'audience

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me Y..., avocat au Barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉS :

Monsieur André Z...
...
76000 ROUEN

comparant à l'audience

représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

assisté de Me Gérard A..., avocat au Barreau de ROUEN

Monsieur Marc X...
...
Ginestière
06200 NICE

n'ayant pas constitué avoué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice délivré à l'étude en date du 27 mai 2008

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 17 juin 2008 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHÉ, Président, rapporteur, en présence de Monsieur GALLAIS, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BOUCHÉ, Président
Madame LE CARPENTIER, Conseiller
Monsieur GALLAIS, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Jean Dufot

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 juin 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2008

ARRÊT :

PAR DÉFAUT

Prononcé publiquement le 17 septembre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LE CARPENTIER, Président suppléant, en remplacement de Monsieur BOUCHÉ, empêché, et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.

*
* *

Depuis le décès d'Eliane X... le 8 août 1998, ses frère et soeur Michel et Suzanne et Marc, le fils de leur soeur Yvonne prédécédée, s'opposent à André Z..., ancien compagnon de la défunte ; celui-ci se prévaut en effet de deux testaments d'Eliane X... datés respectivement des 26 et 27 juillet 1998 qu'il a déposés en novembre suivant en l'étude de maître Thierry B..., notaire à Rive-de Gier choisi par leur père Fleury X... lui-même décédé le 2 août 1998, six jours avant sa fille ;

Suivant jugement contradictoire du 18 janvier 2005 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Rouen désigné territorialement compétent par arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 19 décembre 2002 pour régler ensemble les successions de Fleury et d'Eliane X..., a ouvert les opérations de comptes, liquidation et partage des successions et a écarté toute valeur testamentaire au document du 26 juillet 1998 ;
en revanche, à la lecture de trois avis de techniciens mettant en doute l'authenticité du testament du 27 juillet 1998 qui fait d'André Z... le légataire universel de son ancienne compagne, et de l'avis contraire de Mireille C... produit par l'intéressé, le tribunal, constatant que les consorts X... ne sollicitent pas d'expertise mais que des éléments extrinsèques confirment la sincérité de l'écrit litigieux, l'a déclaré valable, a envoyé André Z... en possession et a mis les dépens de l'instance à la charge des consorts X... ;

Sur appels successifs qu'elle a joints de Michel X... et de Suzanne X...- les consorts X..., la présente cour, par arrêt de défaut du 21 juin 2006 rendu en l'absence de Marc X..., auquel elle renvoie pour plus amples informations, a confirmé la nullité du " testament " dactylographié du 26 juillet 1998 et la notion de connexité des successions d'Eliane X... et de Fleury son père, mais avant dire droit sur la sincérité du testament olographe du 27 juillet 1998 dont la preuve incombe, non à ceux qui la contestent, mais à André Z... qui s'en prévaut, a ordonné une mesure d'expertise en écriture confiée à Jacqueline D..., expert près la cour d'appel de Lyon, aux frais avancés des consorts X... ;

L'expert a déposé son rapport daté du 12 avril 2007, qui conclut sans aucune réserve : " Il n'apparaît pas que madame Eliane X... soit l'auteur et le signataire du document contesté en date du 27 juillet 1998 " ;

***

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 11 avril 2008 au visa des articles 1323 du code civil et 287 et suivants du code de procédure civile, Michel et Suzanne X... concluent au rejet de la demande de nouvelle expertise formée par André Z..., à la réformation du jugement déféré en ce que l'intimé ne rapporte pas la preuve de l'authenticité du testament, à la nullité de cet écrit, à la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu la connexité entre les opérations de comptes, liquidation et partage des deux successions et à la condamnation de André Z... à leur payer 10 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

André Z... conclut en dernier lieu le 22 mai 2008 à la nullité de l'expertise de Jacqueline D..., à la nécessité d'une nouvelle expertise, subsidiairement à la confirmation du jugement déféré, et à la condamnation des appelants à lui payer 3 000 € de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Marc X..., qui en première instance avait confié la défense de ses intérêts à un avocat choisi en commun avec ses oncle et tante, n'a pas assuré sa représentation devant la cour à l'occasion de la procédure qui a donné lieu à l'arrêt du 21 juin 2006 ;
assigné à nouveau le 27 mai 2008 à l'initiative des consorts X... en l'étude de l'huissier, il est encore absent.

SUR CE LA COUR,

Le testament olographe litigieux est signé et rédigé en ces termes :
" Rouen le 27 juillet 1998
Mon chéri,
André, je t'ai toujours aimé, et si toutes fois, il m'arrivait quelque chose, j'aimerais que tout ce que je possède te revienne. "

À titre principal, André Z... invoque la nullité de l'expertise de Jacqueline BERK pour deux motifs : d'une part le non-respect de la mission impartie par l'arrêt de la cour, en ce que l'expert, qui devait se faire remettre par le notaire le document en question en présence des parties ou celle-ci dûment convoquées, s'est rendue seule chez maître B... le 24 octobre 2006 sans en avertir les parties, d'autre part la violation du principe du contradictoire, en ce que l'expert, qui n'en avait pas la mission, s'est livrée à une recherche sous lumière rasante du document de question sans en aviser préalablement les parties ;

S'agissant du premier reproche, dès lors qu'aucune forme n'était requise pour la convocation des parties et que les affirmations de Jacqueline D... sur les modalités pratiques de cette remise ne sont pas critiquées, il apparaît que cette dernière a eu plusieurs contacts téléphoniques et postaux avec les avocats et s'est rapprochée du président de la cour pour obtenir de passer outre aux réticences exprimées par maître B..., conscient de l'hostilité entretenue par André Z... à son égard et obtenir de ce notaire la remise durable de l'original du document dont il ne voulait pas se dessaisir ; le procès d'intention fait par l'intimé ne saurait suffire à vicier l'étude du document faite par l'expert ;

S'agissant de la violation du contradictoire, dans le droit fil de son premier grief de n'avoir pu assister à la remise du document, André Z... croit trouver dans sa manipulation fréquente l'explication des sillons creusés dans le support papier découverts par Jacqueline D... en lumière rasante ; il lui reproche d'avoir fait ses recherches hors la concertation des parties et de n'avoir pas reçu les contestations relatives à l'origine de cette présentation particulière du document ;

Or, l'expert n'est pas tenu de rendre compte des méthodes techniques qu'il juge adéquats pour remplir sa mission, dès lors qu'il soumet ses constatations et ses conclusions à la critique des parties ; chargée de répondre à la question de savoir si le testament litigieux pouvait ou non avoir été rédigé par Eliane X..., Jacqueline D... a utilisé les procédés de sa compétence en sa possession et les parties comme la cour n'ont aucun titre pour les lui imposer ;

Au demeurant, cette critique est d'autant moins fondée que les manipulations du document, qui aurait en quelque sorte servi de sous-main à des tiers, invoquées par André Z... pour expliquer sa présentation, manquent de vraisemblance : ce document a été apporté sous enveloppe par ses propres soins au notaire et les avis recueillis avant l'expertise judiciaire à la requête de ses contradicteurs et à sa propre requête n'ont jamais été réalisés à partir du document original, " jalousement " conservé par maître B..., mais à partir de photocopies ;

D'où il n'existe aucune cause de nullité de l'expertise ;

Subsidiairement sur le fond, André Z... se livre à une nouvelle critique des éléments recueillis et affirmés par les techniciens consultés par ses contradicteurs et entend trouver dans l'expertise commandée à Mireille C... et dans des éléments extrinsèques la preuve des inexactitudes de l'expertise D... ;

Les trois expertises privées réalisées à la requête des consorts X... ont été des facteurs déterminants pour convaincre la cour d'ordonner la mesure d'expertise judiciaire, sachant qu'André Z..., sur lequel, en application de l'article 1323 du code civil, repose la charge de prouver la sincérité du document dont il veut bénéficier, entend ne se prévaloir que d'une expertise privée, celle de Mireille C..., fondée notamment sur deux pièces de comparaison photocopiées très critiquées, dès lors que, sans date manuscrite, elles portent les dates télécopiées des 22 et 26 août 1998 qui sont postérieures au décès d'Eliane X... ;

Sans qu'il soit nécessaire de s'arrêter à ce qu'il a ensuite qualifié de simple erreur de date lors du paramétrage de son fax, André Z... critique en premier lieu les trois expertises qui lui sont opposées : Maurice E..., expert près la cour d'appel de Lyon, n'a travaillé que sur des photocopies de comparaison, Yvette F... se présente comme graphologue et écrivain public à Nice, sans autre titre particulier, et Véronique des G..., expert près la cour d'appel de Riom, n'a été sollicitée qu'à réception par les consorts X... de l'expertise C... ;

Ces critiques sont sans incidence sur le travail fait par l'expert judiciaire désigné par la cour ; les remarques précises des techniciens qui convergent et confortent l'avis de Jacqueline D..., notamment sur la formation de certaines lettres-Q et C, les caractéristiques générales et le détail morphologique permettent au contraire d'accorder un crédit complémentaire à cet avis judiciaire ;

Ainsi, la restriction émise par Maurice E... à son avis qui conclut à la fausseté du document, dans l'hypothèse d'une brusque dégradation de l'état de santé d'Eliane X... s'accompagnant d'hésitations dans l'écriture est justement combattue par les consorts X... qui ont ensuite produit pour comparaison une correspondance authentique de l'intéressée rédigée le même jour que le testament litigieux : l'écriture de cette pièce, très constante et non hésitante, ne correspond pas à celle du testament ;

L'analyse graphologique d'Yvette F... s'est accompagnée d'une liste précise de pièces de comparaison, énonce les différences anormales de certaines lettres-O, A, D, et de certains espaces, observe de nombreuses incohérences, et souligne l'aspect très descendant des lignes du testament, contrairement aux pièces de comparaison ;

Quant à Véronique des G..., elle a été frappée, comme l'expert judiciaire, par " l'imitation laborieuse " du Q et du C, et les nombreuses hésitations d'attaque, alors qu'en possession de la correspondance sus-visée du même jour, elle n'y a aucunement retrouvé ces anomalies ;

Enfin, c'est en raison de l'avis contraire de Mireille C... qui, faut-il le rappeler, n'a aussi travaillé qu'à partir de photocopies du document de question et de pièces de comparaison, hormis l'original du bulletin d'adhésion à AFER, que la cour a jugé nécessaire de confier à Jacqueline D... une mesure d'expertise judiciaire ;

André Z... se prévaut alors d'éléments de preuve extrinsèques au testament pour en affirmer la sincérité ; il combat essentiellement par des courriers et des témoignages les attestations produites par ses contradicteurs qui tendent à prouver l'existence de dissensions dans son couple et, depuis les dernières années, l'intention progressivement affichée par Eliane X... de se séparer de son compagnon ;

Il reprend en sa faveur les circonstances qui l'ont conduit à ne découvrir qu'avec un retard de trois mois après le décès de sa compagne les enveloppes cachetées contenant les deux " testaments " et s'étonne de la réaction embarrassée de maître B... qui, le 4 mars 1999, reconnaissant au nom des consorts X... la réalité des 18 années de liens affectifs ayant existé entre Eliane X... et André Z..., lui a suggéré une solution transactionnelle fort éloignée des suspicions de fausseté émises par ses contradicteurs ;

Pour conforter la persistance des sentiments réciproques d'attachement entre les amants, l'intimé verse aux débats des cartes postales qu'Eliane X... a adressées au printemps 1998 à ses neveu et nièce depuis le Portugal où elle séjournait en sa compagnie ;

Or, à supposer pertinente l'explication d'un rapprochement de son lieu de travail à Rouen, et non d'un éloignement affectif des concubins, donnée par André Z... à la signature par sa compagne seule en 1993 d'un bail pour un petit appartement situé à Rouen, alors que le couple disposait à Bourgtheroulde d'une maison qu'ils occupaient ensemble jusqu'alors, il n'en demeure pas moins que les témoignages apportés par les consorts X...- Andrée H..., Claire X..., Patricia I..., madame J...- laissent entendre un relâchement des liens affectifs qui oblige à relativiser la portée des éléments extrinsèques dont André Z... se prévaut à l'appui de la sincérité du testament ;

D'où il résulte que les éléments matériels de preuve, en sens contraire et le seul avis de Mireille C... ne permettent pas de combattre efficacement le travail technique objectif accompli par l'expert judiciaire et sa convergence avec les avis unilatéralement recueillis par les consorts X... ;

Dès lors qu'au-delà du scandale que provoque chez lui la position des consorts X... et qu'il proclame depuis le début de la procédure, André Z... ne prouve pas la sincérité du testament dont il se prévaut, celui-ci doit être déclaré nul, sans qu'il soit utile et opportun d'ordonner une nouvelle expertise ;

Il serait inéquitable que les consorts X..., qui ont dû se défendre pendant sept ans contre une revendication d'André Z... qui s'avère mal fondée, conservent la charge des frais irrépétibles de défense, et notamment le coût de trois avis d'experts, qu'ils ont exposés pour faire valoir leurs droits (il ne leur a été accordé qu'une seule fois du conseiller de la mise en état de Lyon une indemnité de 3 000 francs à ce titre le 4 octobre 2001 à l'occasion de l'ouverture des opérations de partage de la succession de Fleury X... et de la revendication d'André Z... sur les biens d'Eliane X...) ;

PAR CES MOTIFS,

Déboute André Z... de sa demande de contre-expertise en écriture ;

Réformant le jugement du 18 janvier 2005 en ce qu'il a déclaré valide le testament olographe du 27 juillet 1998 attribué à feue Eliane X...,
Prononce la nullité de ce testament et dit en conséquence que c'est à tort que le tribunal a désigné André Z... légataire universel des biens d'Eliane X... ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Condamne André Z... à verser à Michel et Suzanne X... ensemble la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne André Z... aux dépens du jugement du 18 janvier 2005, de l'arrêt du 21 juin 2006, des frais de l'expertise D... et du présent arrêt ;

Admet la société civile professionnelle d'avoués HAMEL-FAGOO-DUROY au bénéfice du recouvrement direct dans les conditions définies par l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 05/1191
Date de la décision : 17/09/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rouen, 18 janvier 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-09-17;05.1191 ?
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