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12/06/2008 | FRANCE | N°05/04777

France | France, Cour d'appel de Rouen, 12 juin 2008, 05/04777


R.G : 05/04777









COUR D'APPEL DE ROUEN



DEUXIÈME CHAMBRE



ARRÊT DU 12 JUIN 2008











DÉCISION DÉFÉRÉE :



TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 21 Novembre 2005







APPELANTE :



S.A.R.L. COBRA INFORMATIQUE

52-54 Rue de Roubaix

59200 TOURCOING



représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour







INTIMÉE ET APPELANTE PROVOQUÉE :



S.A.S. SAGE

FRANCE

Le Colisée II

10 rue Fructidor

75017 PARIS



représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour



assistée de Me Isabelle TELLIER, avocat au barreau de Paris







INTIMÉE :



S.A.S. SOGEDIS anciennement dénommée P...

R.G : 05/04777

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 12 JUIN 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 21 Novembre 2005

APPELANTE :

S.A.R.L. COBRA INFORMATIQUE

52-54 Rue de Roubaix

59200 TOURCOING

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY SCOLAN, avoués à la Cour

INTIMÉE ET APPELANTE PROVOQUÉE :

S.A.S. SAGE FRANCE

Le Colisée II

10 rue Fructidor

75017 PARIS

représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me Isabelle TELLIER, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE :

S.A.S. SOGEDIS anciennement dénommée PODIUM SOGEDIS

3, Rue Lavoisier

76300 SOTTEVILLE LES ROUEN

représentée par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Aldric BONIFACE, avocat au barreau de Rouen

INTIMÉE PROVOQUÉE :

SOCIÉTÉ GAN EUROCOURTAGE IARD

8/10 rue d'Astorg

75008 PARIS

représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour

assistée de Me Catherine RAFFIN-PATRIMONIO, avocat au barreau de Paris

PARTIE INTERVENANTE :

Maître Philippe MARTIN, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la Société COBRA INFORMATIQUE

58, avenue Guynemer

59700 MARCQ EN BAROEUL

sans avoué constitué bien que régulièrement assigné en intervention forcée par acte du 08 janvier 2007 remis à domicile

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Monsieur LOTTIN, Conseiller

Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Melle VERBEKE, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Mars 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 mai 2008, délibéré prorogé au 12 Juin 2008 afin de respecter le contradictoire suite à une note en délibéré de la présidente

ARRÊT :

PAR DÉFAUT

Prononcé publiquement le 12 Juin 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier.

*

* *EXPOSÉ DU LITIGE

Faits et procédure :

La Société Générale de Services SGS qui avait en charge la gestion administrative et comptable d'un groupe de trois sociétés composé de SGS, SOGEDIS et PODIUM SA ayant pour objet la distribution en gros et en détail de tout produit industriel et domestique et particulièrement de matériel électroménager, a souhaité faire l'acquisition d'un outil informatique.

Pour le matériel et le système d'exploitation, elle s'est adressée à une société CLIC Informatique et pour les logiciels à la société COBRA Informatique qui lui a préconisé les progiciels de la ligne SYBEL500 édités par la société SAGE.

C'est ainsi que la société SGS a passé commande le 11 mai 1998 des progiciels de la ligne SYBEL 500 suivants :

- solutions commerciales et comptables de 10 à 20 postes constitués de comptabilité, tiers, gestion commerciale

pour un montant de 77000 francs HT

-solutions finances 3 monopostes

-trésorerie avec budget

-rapprochement

-bank paiement

pour un montant de 25 000 francs HT.

La commande portait également sur un contrat d'assistance pour un montant de 24 500 francs.

La société COBRA Informatique a procédé à l'installation de la version 8.0 des progiciels commandés fin mai 1998 avant de procéder à l'installation en juillet 1998 de la version 8.02.

En mars 1999, COBRA Informatique a installé la version 9.001 afin de permettre le passage du franc à l'euro.

Invoquant des dysfonctionnements, la société SGS a sollicité en référé la désignation d'un expert, qui sera nommé par ordonnance du 6 avril 1999 en la personne de Monsieur Edgar C....

Après dépôt du rapport le 2 novembre 2004, la société SOGEDIS venant aux droits de SGS a fait délivrer par exploits séparés des 26 janvier et 27 janvier 2005 assignation à la société COBRA informatique et à la société SAGE France pour obtenir condamnation solidaire des deux sociétés à lui payer la somme de 315 810,98 euros en indemnisation de son préjudice matériel et en paiement de la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par assignation du 12 avril 2005, la société SAGE France a assigné son assureur GAN EUROCOURTAGE iard.

Par jugement en date du 21 novembre 2005, le tribunal de commerce de Rouen a , recevant l'ensemble des parties en leurs demandes :

- condamné solidairement la société SAGE France et la société COBRA Informatique à payer à la société PODIUM SOGEDIS la somme de 132 589 euros à titre de dommages-intérêts,

- débouté la société PODIUM SOGEDIS de ses autres demandes à l'encontre des sociétés SAGE et COBRA Informatique,

- condamné la société PODIUM SOGEDIS à payer à la société COBRA Informatique la somme de 7 546 euros HT au titre de la facture impayée no F 9906335 et ordonné la compensation,

- condamné la société GAN EUROCOURTAGE iard à garantir la société SAGE France pour la condamnation prononcée à son encontre et ce dans les limites des clauses et conditions de la police,

- débouté la société SAGE France de toute demande dirigée à l'encontre de la société GAN EUROCOURTAGE IARD en dehors de la demande en garantie contractuelle pour les condamnations prononcées à son encontre,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné solidairement la société SAGE France et la société COBRA Informatique à payer à la société PODIUM SOGEDIS la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SAGE france à payer à la société GAN EUROCOURTAGE iard la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement la société SAGE france et COBRA Informatique aux entiers dépens de la procédure.

La société COBRA informatique a interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 16 décembre 2005.

Postérieurement et en cours d'appel, le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing a prononcé la liquidation judiciaire de la société COBRA Informatique et désigné Me LEMOINE es qualités de liquidateur.

Par lettre recommandée du 14 novembre 2006, la société SOGEDIS aux droits de la société SGS a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur et obtenu d'être relevée de forclusion par ordonnance du 3 mai 2007 de sorte qu'elle a régularisé sa déclaration le 22 mai 2007.

La société SAGE aux droits de SAGE France a elle-même déclaré le 24 août 2006 une créance contre la société COBRA Informatique de 348 166,06 euros à titre chirographaire représentant le montant en principal et intérêts des condamnations.

Par acte du 8 janvier 2007, la société SAGE a assigné en intervention forcée Me Philippe MARTIN es qualités de liquidateur de la société COBRA Informatique ; bien que régulièrement assigné en la personne de sa secrétaire qui a accepté de recevoir copie, Me MARTIN n'a pas constitué avoué.

Par acte du 7 juillet 2006, la société SAGE a assigné en appel provoqué la société GAN EUROCOURTAGE Iard partie en première instance mais non intimée sur l'appel principal.

Les sociétés SAGE et GAN EUROCOURTAGE Iard ont conclu à nouveau respectivement le 19 mars et le 18 mars 2008 ; l'ordonnance de clôture ayant été repoussée jusqu'à la date la plus proche de l'audience successivement au 7 puis au 19 mars 2008, la société SOGEDIS demande de rejeter lesdites conclusions en ce qu'elles violent le principe du contradictoire dans la mesure où elle n'a pas été en mesure d'en prendre connaissance en temps utile.

Mais attendu que la société SAGE a précisé à l'audience, avant tout débat au fond, avoir dans ses dernières écritures signifiées le 19 mars 2008, par rapport à celles précédentes signifiées le 17 mars 2008, rajouté une seule phrase, constituant une réponse aux conclusions de GAN EUROCOURTAGE Iard qui lui faisait reproche d'avoir attendu 5 mois après le début de la procédure principale pour l'informer de l'assignation de SOGEDIS.

De même GAN EUROCOURTAGE iard n'a-t-elle, dans ses dernières conclusions du 18 mars 2008, fait que répondre aux conclusions de la société SAGE sans rajouter de moyens nouveaux ni de demandes nouvelles, étant observé que la société SOGEDIS qui a signifié ses dernières conclusions le 24 janvier 2008 n'a pas cru elle-même devoir répondre aux conclusions précédentes de la société SAGE signifiées les 25 janvier, 7 mars et 17 mars 2008.

Ainsi les dernières conclusions de la société SAGE et de GAN EUROCOURTAGE Iard sont recevables en ce qu'elles ne violent pas le caractère contradictoire des débats.

La société COBRA Informatique demandait dans ses conclusions en date du 9 mai 2006 de la recevoir en son appel, de débouter la société SOGEDIS de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement, elle concluait à la condamnation de la société SAGE au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la garantie de la société SAGE France de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle tant en principal, qu'intérêts, indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la condamnation de SOGEDIS et à défaut SAGE aux entiers dépens dont droit de recouvrement au profit de la SCP Le jeune Marchand Gray avoués.

La société SAGE demande de la recevoir en ses demandes, en son appel provoqué contre GAN EUROCOURTAGE Iard et en assignation forcée contre Me MARTIN es qualités qui seront joints à l'appel principal.

Elle demande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a pris acte de la confirmation par GAN EUROCOURTAGE Iard de sa garantie, et condamné en conséquence GAN EUROCOURTAGE Iard à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et, en conséquence, de condamner la société GAN EURO COURTAGE à la garantie de toutes les condamnations qui pourraient étre prononcées à son encontre.

Elle sollicite l'infirmation du jugement pour le surplus et en conséquence de :

- déclarer irrecevable et mal fondée la société SOGEDIS en toutes ses demandes et irrecevables et mal fondées la société COBRA Informatique et Me MARTIN es qualités de liquidateur de la société COBRA en toutes leurs demandes et prétentions à l'encontre de la société SAGE ;

- déclarer irrecevable et mal fondée GAN EUROCOURTAGE IARD en toutes ses demandes et prétentions concernant l'application des dispositions d'assurance protection juridique figurant dans le contrat d'assurance et condamner la société GAN EUROCOURTAGE à lui payer l'ensemble des "frais et honoraires d'enquête, d'instruction, d'expertise ou d'avocat et les frais de l'ensemble du procès" qu'elle a exposés du fait de l'action engagée par la société SOGEDIS à son encontre et s'élevant à la somme de 90 506,53 euros HT au 31 décembre 2007 somme à parfaire jusqu'à l'issue du litige ;

Subsidiairement,

- condamner COBRA Informatique et Me MARTIN es qualités de liquidateur de la société à la garantir et à payer en ses lieu et place toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- rejeter toutes les demandes de la société SOGEDIS à son encontre et notamment toutes les demandes de condamnation solidaire ;

- limiter le montant des condamnations éventuellement prononcées à son encontre à la somme de 3 758,19 euros HT ;

A titre encore plus subsidiaire ,

- fixer au passif de la société COBRA Informatique la créance de la société SAGE à titre chirographaire pour un montant de 348 166,06 euros ;

En toute hypothèse,

- condamner in solidum la société SOGEDIS, la société COBRA Informatique, et Me MARTIN es qualités à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile augmentée des intérêts au taux légal à compter des premières conclusions ;

A titre subsidiaire, et si elle est déboutée de sa demande à l'égard de GAN EUROCOURTAGE en application du contrat de protection juridique,

- condamner la société GAN EUROCOURTAGE Iard à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société SOGEDIS, GAN EUROCOURTAGE, la société COBRA Informatique et Me MARTIN es qualités en tous les dépens dont distraction au profit de la scp Colin Voinchet Radiguet Enault par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SOGEDIS conclut au débouté des sociétés COBRA informatique et SAGE et demande de la recevoir en son appel incident, et :

- déclarer responsables in solidum les sociétés SAGE et COBRA Informatique du préjudice qu'elle subit,

- fixer à la somme de 300 000 euros la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société COBRA Informatique ;

- condamner la société SAGE à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2000 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir à titre moratoire et jusqu'à parfait paiement ;

- condamner in solidum la société SAGE et Me MARTIN es qualités de liquidateur au paiement de la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les mêmes en tous les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux frais d'expertise dont droit de recouvrement au profit de Me Couppey par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par lettre adressée aux avoués en cours de délibéré, il a été demandé aux parties de s'expliquer sur la portée de la clause défense au regard du droit applicable et des demandes de la société SAGE à l'encontre de la société EUROCOURTAGE , les parties étant avisées de ce que le délibéré était prolongé en conséquence au 12 juin 2008 ; la lettre de la cour et les observations des parties sont jointes au dossier de procédure.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions signifiées le 19 mars 2008 pour la société SAGE (outre sa note en date du 6 juin 2008) le 18 mars 2008 pour la société GAN EUROCOURTAGE iard, (outre sa note du 5 juin 2008), le 24 janvier 2008 pour la société SOGEDIS.

Les moyens invoqués seront examinés dans le cours de la discussion.

DISCUSSION

Il n'y a pas lieu à jonction de l'appel provoqué contre GAN EURO COURTAGE et de l'assignation en intervention forcée de Me MARTIN es qualités devant la cour avec l'instance principale, ces actes de procédure ayant été délivrés dans le cadre de l'appel principal de la société COBRA Informatique contre SOGEDIS et SAGE France portant le no de rôle RG 05/4777 et n' ayant pas fait l'objet d'un enrôlement distinct ;

I - Sur la recevabilité de l'appel de la société COBRA Informatique :

La société COBRA informatique ayant fait l'objet de condamnations en première instance a interjeté appel par déclaration au greffe du 16 décembre 2005 alors qu'elle ne faisait pas encore l'objet d'une procédure collective de sorte que son appel est recevable ; alors qu'elle a fait l'objet d'une procédure collective, le liquidateur a été appelé à la cause par assignation de sorte que la procédure est régulière.

La société SAGE conclut à l'irrecevabilité des demandes tant de COBRA Informatique qui fait l'objet d'une liquidation judiciaire que de Me MARTIN es qualités de liquidateur qui n'a pas constitué avoué devant la cour ; cette dernière demande est donc sans objet.

II - Sur la qualité à agir de la société SOGEDIS sas :

La société SOGEDIS sas fait valoir que la société SGS sarl initialement dans la cause a fusionné avec la société SOGEDIS sa qui a elle-même fusionné à son tour avec PODIUM sa pour devenir une nouvelle entité PODIUM SOGEDIS sa puis SOGEDIS sa, qu'elle est ainsi titulaire de l'ensemble des droits et actions des anciennes sociétés SGS , SOGEDIS et PODIUM et qu'elle est recevable à agir pour la totalité des créances de préjudice des trois sociétés absorbées.

Or la société SGS était seule à la cause en première instance comme ayant seule la responsabilité de la gestion commerciale et administrative de l'ensemble des sociétés du groupe et notamment de SOGEDIS et de PODIUM qui n'étaient ni parties au contrat conclu avec les sociétés SAGE et COBRA Informatique ni parties dans la cause en première instance.

Il importe peu dès lors que SOGEDIS sas venant aux droits de SGS affirme également venir aux droits des sociétés anciennement SOGEDIS et PODIUM dès lors qu'elle ne peut s'être vue transmettre des droits que ne détenaient pas ces sociétés qui n'ont pas été partie à l'instance et au bénéfice des quelles aucune condamnation n'est intervenue.

Il s'ensuit que SOGEDIS sas n'est recevable à agir qu'en tant qu'elle vient aux droits de SGS.

III - Sur le cadre contractuel liant les parties :

La société SOGEDIS sas admet avoir passé commande le 11 mai 1998 de six progiciels SYBEL 500 à la société COBRA Informatique qui était le distributeur et l'installateur des progiciels édités par la société SAGE.

Elle admet également avoir souscrit en même temps, par l'intermédiaire de la société COBRA Informatique, une convention d'assistance intitulée ARGENT pour un montant annuel de 24500 francs Ht qui la liait à la société SAGE pour la maintenance des progiciels.

Seule est contestée par la société SOGEDIS l'opposabilité des conditions générales de ce contrat dont elle prétend qu'elles ne lui ont pas été communiquées ; elle fait valoir qu'elle les a réclamées lors de la réunion d'expertise du 12 mai 1999 et qu'elle a dû attendre le 29 mai 2000 pour qu'elles lui soient enfin communiquées par un courrier circulaire.

La société SAGE fait cependant justement observer que ses conditions générales d'utilisation figurent sur le "set up" ou programme permettant l'installation et l'initialisation des progiciels sur un ordinateur et que la société SOGEDIS y avait nécessairement souscrit par le fait même de l'installation des progiciels conditionnée par l'acceptation de la concession de licence du produit.

Il faut retenir en outre que le contrat d'assistance souscrit en mai 1998 a été renouvelé tacitement à son échéance pour une nouvelle période de douze mois ainsi qu'il résulte de l'acceptation par la société SOGEDIS de la facture émanant de SAGE en date du 22 avril 1999 et que cette facture mentionnait d'une façon apparente bien qu'au dos du document que les obligations de SAGE sont définies par les conditions générales dont le client reconnaît avoir eu connaissance.

Ainsi le tribunal a exactement jugé que le client la société SGS aujourd'hui SOGEDIS avait souscrit aux conditions générales du contrat d'assistance au moins à compter du 22 avril 1999.

IV - Sur les manquements respectifs des sociétés SAGE et COBRA Informatique :

Le 11 mars 1999, Me BONIFACE avocat de SGS écrivait à COBRA Informatique un courrier ou il retraçait les difficultés de la société SGS, relevant :

- que le 11 mars 1998, les logiciels installés sous la version 8.0 avaient globalement donné satisfaction ;

- que la version 8.02 installée en juillet 1998, la société SGS avait constaté des pertes de données et la non concordance entre les écritures en gestion commerciale et en comptabilité ;

- qu'à la fin de l'année 1998, les problèmes étaient pratiquement résolus ;

- que le 11 mars 1999 a été installée la version 9.001 destinée à permettre le passage à l'euro ; non seulement le calcul en euros ne fonctionne pas mais l'architecture des logiciels a changé et le personnel qui les utilisait n'en maîtrise plus les données.

Il joignait à son courrier la liste des problèmes détaillés alors rencontrés par la société SGS.

Le 27 octobre 1999, Me BONIFACE écrivait à l'expert Monsieur C..., expliquant que le dossier avait été mis en attente pour permettre de tester les versions actuelles 9.01 livrées en juillet 1999 :

"Les versions de la comptabilité et de la gestion commerciale donnent satisfaction avec toutefois quatre problèmes qui ne sont pas bloquants mais ralentissent le travail :

* Les fichiers créés en gestion commerciale ne peuvent être lus en comptabilité s'il y a des dates d'échéance en l'an 2000 ; un programme a été fourni par SAGE pour corriger ce problème mais il nécessite un traitement particulier que seules deux personnes peuvent utiliser par mesure de prudence ;

* Le module de saisie de règlement de la gestion commerciale a par moments des défaillances ;

* Le fichier banque intégré à la comptabilité ne met pas à jour les encours clients dans la gestion commerciale ;

* Les en-cours clients de la comptabilité et de la gestion commerciale ne sont pas égaux et il faut régulièrement lancer un programme pour recalculer les encours durant lequel SGS ne peut plus travailler.

IV - 1 - Sur les manquements de SAGE :

La société SAGE reproche au tribunal de s'être exclusivement appuyé pour fonder sa décision sur un rapport d'expertise qu'elle estime manifestement insuffisant, l'expert qui n'a pas procédé par lui-même à des constatations techniques s'étant livré en outre à des considérations d'ordre général étrangères à sa mission.

Elle fait valoir que la présence de dysfonctionnements dans un progiciel n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'éditeur, que les progiciels sont en effet des produits génériques, que l'existence d'anomalies dans ce type de produit n'est pas anormale et n'est pas de nature à engager la responsabilité de son auteur, que l'éditeur n'est soumis qu'à une obligation de moyens et non de résultat, celle de délivrer un logiciel conforme à sa documentation, et à y apporter les corrections nécessaires par de nouvelles versions, que les utilisateurs sont d'ailleurs invités à conclure un contrat de maintenance pour précisément bénéficier des versions de correction, ce à quoi SAGE s'était engagée et ce qu'elle a fait en fournissant des versions successives corrigées.

Il n'est pas contesté que les progiciels édités par la société SAGE étaient des produits standards définis comme des "ensembles complets et documentés de programmes conçus pour être fournis à plusieurs utilisateurs en vue d'une même application ou d'une même fonction".

Le fournisseur , s'il ne peut être tenu pour responsable de l'ensemble des anomalies qui apparaissent lors de l'utilisation du progiciel, contracte néanmoins envers le client l'obligation de fournir un progiciel compatible avec le système d'exploitation.

L'expert relève à cet égard qu'il pouvait y avoir des corruptions de données.

En effet, "sous Windows NT, on lit un fichier, on l'enregistre après modification et on a parfois la désagréable surprise d'obtenir les données initiales, cela étant du au fait que Windows NT ne relit pas le fichier dont le contenu est en mémoire vive ; en version serveur, il complète cette stratégie en autorisant un poste à verrouiller l'accès à un fichier... mais tout ceci suppose un dialogue entre le serveur et les postes clients et NT semble se perdre quand les échanges sont trop lents".

La société SAGE ne conteste pas la réalité de cette difficulté.

Elle l'admet ainsi dans un fax adressé le 21 avril 2004 à SGS tout en préconisant une solution, reconnaissant que "ces recommandations ne résolvent pas les problèmes (File Unlock failed et le blocage des stations)", et plus loin, "Dans le futur, j'envisage les actions suivantes : interroger Windows et suppression du mode Windows NT dans l'administrateur ... Puisque le problème est lié à Windows, je ne pense pas que nous puissions le résoudre. J'étudie donc une stratégie radicalement différente pour la gestion des locks en environnement NT : un serveur de lock. Cela nous permettrait de gérer nous mêmes les fichiers et de nous affranchir des bugs NT".

La société SAGE soutient cependant que cette difficulté ne lui incombe pas puisqu'elle provient d'une défaillance de Windows, qu'elle a proposé une solution de contournement et que l'expert ne démontre pas que cette difficulté était apparue depuis 1998 comme il l'indique dans son rapport.

Or c'est à la société SAGE, fournisseur de progiciels de dimension internationale, qu'il revient de fournir des logiciels compatibles au système d'exploitation aussi répandu que Windows, lequel équipait alors la grande majorité des entreprises informatisées au monde et sous lequel il était tout à fait aisé de tester les progiciels avant leur mise en vente de nature à pallier aux insuffisances du système d'exploitation alors que, dans son fax, elle parait découvrir en même temps que le client l'ampleur des difficultés en proposant dans le futur d'"interroger Windows" ou encore d'étudier une nouvelle solution de contournement.

Doit également être imputée comme un manquement à une de ses obligations contractuelles les erreurs dues au lettrage des écritures ; en effet, le lettrage consiste dans le rapprochement des écritures comptables entre les règlements effectués ou reçus avec les factures des clients et fournisseurs ; c'est une opération classique et indispensable pour ne pas perdre des écritures.

Dans le dossier établi par SAGE à destination de SGS, elle signale que la version 9.002 est disponible depuis le 9 mars 1999 et contient une liste de corrections apportées par rapport aux versions antérieures mais souligne "à ce jour, une seule anomalie importante peut être signalée :... le lettrage endommage les écritures lettrées et déséquilibre la base de données. Cette anomalie n'est pas bloquante car il suffit de réduire le nombre de clés et récréer en fin les index à supprimer".

Elle admet ainsi que pour une opération aussi courante et classique de comptabilité, le progiciel souffre d'une erreur de conception pour laquelle elle propose certes une opération de contournement, mais qui suppose une perte de temps pour l'opérateur alors qu'il s'agit de la troisième version du progiciel.

A cet égard, il faut souligner que le client a dû s'adapter à plus de huit versions du logiciel en deux ans dont quatre en l'espace de quatre mois, qu'aux versions 8.01 et 8.02 installées successivement en mars et juillet 1998 a succédé en mars 1999 la version 9.001 destinée à permettre le passage à l'euro ; or cette version a donné lieu à des dysfonctionnements tels que le 18 mars 1999, la version 9.002 a été mise en place suivie rapidement de la version 9.003 en avril 1999.

Et lors de la réunion d'expertise du 12 mai 1999, COBRA informatique envisageait l'installation de la version 9.01 devant en principe permettre de résoudre les difficultés rencontrées.

Lors de la réunion du 26 avril 2001, la société SGS soulignait que les problèmes liés au lettrage avaient en réalité subsisté jusqu'au début de l'année 2000.

Ainsi cette succession de versions, principalement en 1999, ne résulte pas du souci principal d'adapter le logiciel à un environnement technique ou réglementaire, excepté pour la première version 9.01 ou encore de transmettre au client des améliorations fonctionnelles ou de performances mais plus simplement de pallier aux carences constatées ainsi qu'elle l'admet dans ses propres écritures.

Cette succession extrêmement rapide jointe aux défauts ci-dessus analysés atteste du caractère non fini ou non stabilisé des produits livrés alors que la société fournisseur de progiciels, même si elle livre des produits standards susceptibles d'amélioration, s'oblige à fournir des produits finalisés ou stabilisés.

IV - 2 - Sur les manquements de la société COBRA informatique :

La société SAGE invoque que l'obligation de COBRA de conseil, d'information et de mise en garde n'étaient pas limitées comme elle l'a soutenu, à la mise en place de la première version des progiciels mais devait être respectée lors de la mise en place des versions successives et notamment celle installée en mars 1999 qui ne consistait pas en une version mineure mais en une version majeure comportant une réelle évolution par rapport aux versions précédentes , intégrant des technologies ou encore des fonctionnalités nouvelles pour le passage à l'euro et à l'an 2000 ; au surplus la société COBRA n'était pas un simple revendeur mais un revendeur qualifié puisqu'elle a bénéficié de son agrément en avril 1999 de sorte que lorsqu'elle a installé la version 9, elle bénéficiait des qualifications nécessaires.

La société SOGEDIS conclut à la confirmation de la motivation adoptée par le tribunal.

Le tribunal a justement considéré que la société COBRA Informatique prescripteur des solutions informatiques mises en place et revendeur des produits a contracté envers la société SGS sur le fondement de l'article 1135 du code civil une obligation accessoire d'information et de conseil qui implique l'assurance de l'adéquation de la solution informatique préconisée aux besoins exprimés et de la conformité de sa mise en oeuvre par rapport aux fonctionnalités et performances annoncées, que seule COBRA connaissait les besoins du client, les spécificités de sa configuration matérielle et des compétences nécessaires à la mise en oeuvre des progiciels ... et qu'il lui appartenait de s'assurer de la faisabilité du projet non seulement lors de l'installation initiale du progiciel mais également de ses versions majeures (qui contenait des fonctionnalités nouvelles) ; qu'en n'attirant pas l'attention de sa cliente, sur le fait que les progiciels n'étaient pas à un stade de développement suffisant pour la mettre à l'abri de graves perturbations, la société COBRA a commis une faute qui engage sa responsabilité;

Il y a lieu de confirmer la décision en ces dispositions.

V - Sur les reproches faits à la société SGS :

La société SAGE reproche à la société SGS un manque de collaboration consistant en ne pas s'être adaptée au changement informatique et aux exigences des nouvelles versions, cette exigence d'adaptation visant non seulement le matériel mais également les utilisateurs qui doivent s'adapter aux modifications apportées par le progiciel.

Mais ces considérations générales sur la nécessaire collaboration de l'utilisateur ne s'appuient sur aucun élément probant ; l'expert a estimé pour sa part que l'on ne peut imputer les incidents à une mauvaise installation, ou à des erreurs de manipulation et aucun élément ne permet de considérer, alors que la société CLIC, fournisseur du matériel, n'a pas été appelée à la cause, fut-ce en garantie par la société SAGE que les capacités de mémoire étaient insuffisantes ou encore qu'il y ait eu une mauvaise coordination des câblages et matériels ...

La fourniture de 8 versions successives des progiciels en deux ans dont quatre en quatre mois démontre au contraire une bonne faculté d'adaptation de l'utilisateur.

VI - Sur le montant du préjudice :

VI - 1 - Sur le préjudice économique :

La société SOGEDIS réclame à ce titre une somme de 300 000 euros.

L'expert a conclu que le préjudice pouvait être détaillé ainsi qu'il suit :

SGS Sogedis Total

-incidence des heures perdues : 121 232 13 782 135 014

-factures COBRA et CLIC : 11 357 11 357

-créances non recouvrées : 17 685 17 685

-préjudice commercial 100 000 100 000

Total HT 132 589 131 467 264 056

Total TTC 158 576,44 157 234,53 315 810,98

Le seul préjudice que la société SOGEDIS est fondé à réclamer est celui occasionné à la société SGS aux droits de laquelle elle agit.

* S'agissant des heures perdues :

L'expert a procédé à une analyse des heures perdues par les salariés qui ont déclaré avoir perdu leur journée en totalité ou partiellement pour résoudre les incidents et des temps perdus ponctuellement pendant lesquels les salariés n'ont pu travailler, estimant ce temps à deux heures pour les incidents ordinaires, à quatre heures pour les salariés ayant déclaré avoir perdu une demi journée et à huit heures les temps nécessaires à la re-saisie de factures.

La société SAGE fait grief à l'expert de s'être ainsi fondé sur les déclarations des salariés, d'avoir retenu la totalité des temps perdus alors que la mise en place d'un système informatique nécessite une période d'adaptation suscitant une surcharge de travail pour l'utilisateur et de ne pas avoir repris la distinction opérée par la société SGS entre les salariés à durée indéterminée pour lesquels le versement de salaires ne constitue pas un élément de préjudice et ceux à durée indéterminée pour lesquels il n'est pas justifié qu'il soit intervenus en raison des incidents.

Or l'expert n'a pas retenu la totalité des heures perdues telle que sollicitée par la société SGS mais a procédé à un examen détaillé des livres du personnel et des salaires et charges pour n'en retenir à titre de préjudice qu'une partie de celles-ci au terme d'une analyse qui n'apparaît pas critiquable.

Celle-ci est appuyée par l'examen des bilans comptables figurant dans le rapport et laissent apparaître que les charges liées aux salaires ont notablement augmenté en 1999 chez SGS, année ou ont culminé les difficultés liées à la mise en place du système informatique ; que la masse salariale est ainsi passée chez SGS de 3 165 381 en 1998 à 3583 466 en 1999 pour revenir à un niveau inférieur en 2000 à 2 398 131, preuve que les embauches de salariés à durée déterminée et l'augmentation des heures accomplies par les salariés " permanents " tant en 1998 qu'en 1999 (le tableau des heures accomplies par les salariés laissent apparaître des moyennes mensuelles de plus de 180 heures pour certains salariés) sont liées à la recherche de solutions pour résoudre les problèmes posés ; elles excédent manifestement par leur volume et leur coût pour l'entreprise ce qu'il est convenu de tolérer pour l'adaptation nécessaire à l'outil informatique.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'existence d'une tel préjudice pour les seules heures perdues par SGS à la somme de 121 232 euros.

* S'agissant des factures que l'expert compte au titre du préjudice subi par la société SGS, il s'agit d'une part de trois factures émises par la société COBRA informatique :

- l'une du 4 juin 1999 d'un montant hors taxe de 49 500 francs soit 7546, 23 euros correspondant à 9 interventions entre le 2 septembre 1998 et le 12 mai 1999,

- deux autres du 14 avril 2000, l'une de 6 000 francs ht soit 914,69 euros ht pour une intervention sur le lettrage le 9 novembre 1999 et l'autre de 9 000 euros ht pour des changements de versions en janvier 2000

et d'autre part d'une facture émanant de la société CLIC du 4 juin 1999 pour un montant de 16 500 francs ht soit 2516,41 euros.

La société SAGE fait observer que, s'agissant de la facture COBRA informatique du 4 juin 1999, elle comporte la facturation de deux réunions d'expertise que la société COBRA a réclamée à la société SGS mais qui ne doit pas entrer dans le calcul du préjudice, conformément à ce que l'expert indique en page 65 de son rapport ; que ce dernier n' a d'ailleurs pas compté au titre du préjudice subi par SGS l'assistance aux réunions d'expertise facturées par la société CLIC.

Il n'y a cependant aucun motif de faire supporter par le client, la société SGS, l'assistance des deux sociétés CLIC et COBRA Informatique aux réunions d'expertise alors que l'expertise a précisément été ordonnée pour rechercher l'origine des dysfonctionnements subis par SGS.

Cependant, la somme de 7 546,27 euros représentant la facture COBRA Informatique ne peut être prise en compte au titre du préjudice subi par la société SGS que si celle-ci en est reconnue débitrice, ce qu'elle conteste au motif que cette facture ne lui a pas été communiquée.

Or, prise en compte par l'expert, cette facture figure dans le bordereau des piéces communiquées par son avoué sous le no 224 ainsi que dans les pièces adverses sous la cote 66, étant observé que SGS n'a soulevé aucun incident de communication de pièce au cours de la procédure ; il y a lieu alors que SGS ne conteste pas que les prestations figurant sur ladite facture aient été exécutées de confirmer la jugement déféré en ce qu'il a condamné SGS à payer ladite facture .

En revanche, les trois interventions de la société CLIC les 4, 15 et 18 mars qui ne sont pas détaillées et dont l'objet est ignoré ne peuvent être invoquées comme constituant des interventions destinées à remédier aux incidents répertoriés ; de même que les interventions de la société COBRA destinées en janvier 2000 à changer la version du logiciel ne peuvent constituer un élément du préjudice de la société SGS alors qu'elle admet qu'à cette date, les problèmes étaient pratiquement résolus.

Ainsi, au titre des factures d'intervention, c'est une somme de 7 546,23 + 914,69 + 990,92 = 9 451,84 euros qui peut être allouée à la société SGS en réparation de son préjudice.

* S'agissant des créances non recouvrées , l'expert a retenu la somme de 17 685 euros représentant le préjudice de la société SOGEDIS et celle de 100 000 euros au titre du préjudice commercial de la même société.

La société SAGE fait grief à l'expert d'avoir pris en compte les bilans pour établir le préjudice commercial qu'il a d'ailleurs attribué à la seule société SOGEDIS sa tout en relevant non sans contradiction d'une part que les charges d'exploitation de la société SGS avaient augmenté en 1998 et 1999, reliant cette augmentation aux difficultés liées à la mise en place du système informatique, et d'autre part que, si les difficultés n'avaient pas existé, les charges auraient été moins élevées et donc le chiffre d'affaires moins important puisque la société SGS tire son profit des charges d'exploitation payées par les deux autres sociétés du groupe SOGEDIS et PODIUM sa.

Cette analyse de l'expert n'est en effet pas pertinente au regard du seul préjudice subi par la société SGS puisqu'elle intègre des éléments qui sont propres à des sociétés avec lesquelles SGS a des relations étroites mais qui ne sont pas dans la cause ; dans la mesure où la société SGS n'a pas d'activité commerciale tournée vers le public et que les créances non recouvrées dont l'importance sinon l'existence n'est pas parfaitement établie (l'expert n'ayant pas reçu les précisions demandées à cet égard), elles ne peuvent constituer des créances de SGS contre SAGE ou COBRA informatique.

Il s'ensuit qu'au titre de son préjudice économique, SGS est fondée à réclamer la somme suivante : 121 232 + 9 451,84 = 130 683,84 euros.

VI - 2 - Sur le préjudice moral :

La société SOGEDIS au droits de SGS sollicite l'indemnisation de son préjudice moral constitué selon elle par le fait que le personnel a dû s'adapter aux problèmes posés et que les dirigeants ont eu un grave sentiment d'inquiétude au vu des conséquences particulièrement lourdes liées aux dysfonctionnements.

Elle ne produit cependant à l'appui de ses affirmations aucun élément permettant de déterminer l'existence et l'importance du préjudice moral qu'elle invoque.

Il y lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SGS de cette demande.

VII - Sur la garantie demandée par la société SAGE à l'égard de COBRA informatique :

La société SAGE demande la garantie de la société COBRA aux motifs que les difficultés de SGS avaient pour origine ses propres manquements (absence d'adaptation au changement, non vérification de l'adéquation des logiciels à ses besoins ..) ou ceux de Cobra ; elle fonde également da demande en garantie sur l'application des conditions générales de vente qui prévoient que "le revendeur devra indemniser et garantir Sage France contre tous dommages et intérêts qui seraient réclamés à celle-ci , en raison d'une déclaration erronée faite par lui ou l'un de ses salariés le représentant, concernant les performances ou le contenu des produits ou services , ou plus généralement , en raison d'un préjudice résultant de son activité".

Les reproches qui sont établis à l'égard du revendeur agréé qu'est la société COBRA informatique ne saurait exonérer la société SAGE de sa propre responsabilité en raison de ses propres fautes telles qu'elles ont été énumérées ci-dessus (inadaptation au système d'exploitation, erreurs de lettrage et fourniture de versions successives à un rythme extrêmement rapide) et qui lui sont imputables en tant que fournisseur de progiciels ; au surplus, la société SAGE ne démontre pas conformément à la clause de garantie figurant aux conditions générales de vente que le revendeur ait fait des déclarations erronées concernant les performances ou le contenu des produits et services ou encore que les dommages-intérêts qui lui sont réclamés le sont en raison du préjudice résultant de son activité.

La société SAGE et la société COBRA ont en réalité concouru ensemble à la réalisation du dommage quoique tenues d'obligations contractuelles distinctes ; il y lieu à condamnation in solidum des deux sociétés à l'égard de SGS.

VIII - Sur la limitation de la réparation :

Les conditions générales d'assistance opposables à SOGEDIS venant aux droits de SGS prévoient que "si la responsabilité de SAGE France est engagée au titre des présentes, l'indemnisation qui pourrait lui être réclamée est expressément limitée au montant du prépayé à SAGE France, au titre de la période de douze mois en cours lors de la survenance du dommage".

La société SAGE fait valoir qu'aucune faute lourde caractérisée par un comportement d'une extrême gravité confinant au dol, et dénotant son inaptitude à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'elle a acceptée ne peut lui être reprochée.

Aussi la société SAGE demande-t-elle, au cas où sa responsabilité serait retenue, que le montant des condamnations mises à sa charge ne puisse être supérieur à la somme de 25 652,13 francs soit 3 758,19 euros ht correspondant à la redevance annuelle du contrat d'assistance portant sur les différents modules du progiciel dont les droits ont été acquis par SGS pour la période comprise entre les mois de mai 1998 et mai 1999.

La faute lourde du débiteur de nature à exclure toute limitation contractuelle de responsabilité s'induit du caractère essentiel de l'obligation inexécutée et de la gravité des conséquences du manquement constaté (sans commune mesure avec la réparation du contrat).

Or il a été constaté précédemment que les manquements de la société SAGE consistaient en une inadaptation du progiciel au système d'exploitation aussi répandu dans le monde que Windows NT à l'époque des faits, en des défauts de lettrage qui constitue une opération classique et indispensable en matière de compatibilité, ou encore dans la rafale de versions successives du progiciel dénotant l'absence de caractère fini du produit ; ils concernent ainsi l'inexécution d'obligations essentielles du fournisseur de progiciels qu'est la société SAGE.

La réparation telle que prévue au contrat (de 3758, 19 euros ht) est sans commune mesure avec le préjudice tel qu'évalué à la somme de 130 683,84 euros ht.

Enfin, dans l'appréciation de la gravité des manquements de la société SAGE à ses obligations, le tribunal a justement relevé que cette société est une entreprise réputée de taille internationale de sorte qu'elle était en droit d'attendre une grande fiabilité quant à la qualité des progiciels vendus.

La faute lourde reprochée à la société SAGE est ainsi démontrée.

Il s'ensuit que la société SAGE ne peut opposer à la société SGS la clause limitative de responsabilité prévue aux conditions générales du contrat.

IX - Sur la garantie de GAN EUROCOURTAGE à l'égard de SAGE :

La société SAGE France -aujourd'hui SAGE - a souscrit auprès de la société d'assurances CGU Courtage aux droits de laquelle vient la société GAN EUROCOURTAGE un contrat d'assurance garantissant la responsabilité civile "exploitation" et la responsabilité civile professionnelle de la société SAGE ; en vertu de cette police, la société SAGE est garantie contre tous dommages matériels ou immatériels causés aux tiers y compris les clients du fait de l'exercice de son activité.

La société GAN EUROCOURTAGE ne conteste pas sa garantie déduction faite de la franchise de 4573, 47 euros prévue au contrat.

Aucune partie ne contestant les dispositions du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société GAN EUROCOURTAGE à garantir la société SAGE des condamnations prononcées à son encontre, ces dispositions seront confirmées, la société SAGE faisant observer qu'en dehors de la clause de franchise, aucune autre limite n'est invoquée par la société GAN EUROCOURTAGE.

Le contrat qui liait les deux parties contient une clause intitulée "défense" prévoyant que :

"En cas d'action mettant en cause une responsabilité garantie par le contrat, l'assureur défend l'assuré devant les tribunaux administratifs, judiciaires ou répressifs. Cette garantie comprend notamment les frais et honoraires d'enquête, d'instruction, d'expertise ou d'avocat et les frais du procès.

Devant les juridictions civiles, commerciales ou administratives : l'assureur assume la défense de l'assure, dirige le procès et a le libre exercice des voies de recours . L'avocat est désigné par l'assureur , sauf si l'assuré préfère choisir son avocat."

En application de cette clause, la société SAGE demande que soient pris en charge par l'assureur les frais demandés par son avocat pour sa défense dans le procès s'élevant à la somme de 90506, 53 euros au 31 décembre 2007, somme à parfaire jusqu'à l'issue du litige .

Elle fait valoir que la clause du contrat prévoit que l'assuré peut avoir recours à son propre avocat, que le principe du libre choix de l'avocat est rappelé dans tous les textes législatifs relatifs au contrat de protection juridique dont la récente loi du 19 février 2007 qui dispose notamment que "les honoraires de l'avocat sont déterminés entre ce dernier et son client sans pouvoir faire l'objet d'un accord avec l'assureur de protection juridique".

La société SAGE soutient encore que la clause de direction du procès si elle n'est pas autonome de la garantie responsabilité civile (note en délibéré du 5 juin 2008) l'est en revanche de l'obligation pour l'assureur de prendre en charge les frais liés à la défense de l'assuré devant les tribunaux, que l'article L113-17 du code des assurances prévoit en effet que l'assuré n'encourt aucune déchéance ni aucune autre sanction du fait de son immixtion dans la direction du procès s'il avait intérêt à le faire.

Elle invoque à cet égard que si en mai 2001, la société GAN EUROCOURTAGE avait indiqué à la société SAGE qu'elle la garantissait contre les conséquences dommageables du sinistre, une fois le rapport d'expertise déposé, elle a tardé à reconnaître à nouveau sa garantie, contraignant à l'assigner en justice.

Or, le contrat d'assurance qui lie les deux parties est un contrat garantissant la responsabilité civile de l'assuré ; la clause intitulée "défense" et dont l'assurée demande application ne constitue pas une clause de protection juridique autonome, distincte du contrat lui-même ou encore faisant l'objet d'un chapitre distinct.

Il s'agit d'une clause de direction du procès par laquelle l'assureur s'engage à prendre la défense de son assuré dès lors qu'est en cause la responsabilité civile de ce dernier dans le cadre du contrat qui les lie.

Il n'y a donc pas autonomie entre la garantie responsabilité civile et la défense de l'assuré contrairement à ce que prévoient les articles L 127-2 du code des assurances ; l'article L127-6 du même code prévoit d'ailleurs que les dispositions du chapitre relatif à la protection juridique ne trouvent pas à s'appliquer à "l'activité de l'assureur de responsabilité civile pour la défense et la représentation de son assuré dans toute procédure judiciaire ou administrative lorsqu'elle s'exerce en même temps dans l'intérêt de l'assureur".

Il est constant cependant que la liberté du choix de l'avocat par l'assuré doit prévaloir y compris dans le cadre de la défense au titre du contrat d'assurance responsabilité civile.

La société GAN EUROCOURTAGE fait cependant observer que cette désignation par SAGE de son propre avocat est survenue alors qu'elle avait elle-même pris, dès l'origine, la direction du procès lors de l'instance en référé en avril 1999 tendant à la désignation de l'expert, et qu'elle avait réaffirmé en mai 2001 qu'elle donnait sa garantie, qu'elle ait renouvelé cette position tant par courrier du 6 avril 2005 (en réponse à un courrier de son assurée qui lui est parvenu tardivement), que dans ses conclusions de première instance et d'appel et alors qu'il n'existait aucun conflit d'intérêts entre elle et son assuré, celle-ci n'a pas craint de l'assigner.

La société GAN EUROCOURTAGE ne s'est toutefois pas opposée à la désignation par la société SAGE de son propre avocat comme le prévoit d'ailleurs in fine la clause défense du contrat et n' a opposé aucune déchéance à cet égard à son assurée.

Quant à la direction du procès, la société SAGE souligne que le fait qu'elle ait choisi de confier la défense de ses intérêts à son propre avocat, n'a pas privé GAN EUROCOURTAGE de cette direction du procès dans la mesure où elle a été avisée de toutes les opérations d'expertise, et de tous les actes de procédure ; qu'en tout état de cause, les intérêts de la société SAGE ne sont pas seulement ceux de l'assureur, qu'elle avait un intérêt à défendre distinct de celui résultant des intérêts financiers en jeu, à savoir la qualité de ses progiciels et sa notoriété et que le conflit d'intérêts existait dés lors que le contrat d'assurance avait pris fin suite à la décision de la société SAGE d'y mettre fin en septembre 2000.

Or si la société GAN EUROCOURTAGE a bien été informée en tant que partie à la procédure des opérations d'expertise, y compris par son propre cabinet GMC consulting ainsi que de l'ensemble des actes de la procédure qui lui ont été signifiés, la société SAGE ne justifie pas avoir agi à son égard différemment de ce qu'elle a pu faire à l'égard d'une autre partie , qu'elle ne justifie pas l'avoir associée par des courriers ou des réunions à la présentation de ses arguments et moyens qu'elle comptait invoquer en défense tant devant le tribunal que devant la cour, qu'elle ne l'a pas rendue destinataire des notes d'honoraires de son avocat ; que si elle fait observer justement qu'elle n'a pas pris l'initiative d'un recours contre la décision du tribunal, force est de constater que l'assureur, assigné par son assurée tant en première instance qu'en cause d'appel et alors qu'il ne contestait pas sa garantie, a perdu la direction du procès.

La société SAGE admet du reste que l'intérêt qu'elle défendait était distinct de celui de l'assureur, dépassait le cadre de la clause défense du contrat d'assurance responsabilité civile ; or, elle n'avait pas conclu auprès de la compagnie d'assurance de convention distincte de protection juridique, lui garantissant la défense de ses intérêts au-delà de la stricte application du contrat d'assurances responsabilité civile.

Elle est en conséquence mal fondée à réclamer les frais qu'elle a exposés s'agissant des honoraires de son propre avocat et le jugement déféré sera confirmé sur ce point .

X - Sur les autres demandes :

Le tribunal n'a pas prononcé de garantie de la société SAGE envers la société COBRA Informatique ; cette dernière qui a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire n'a, postérieurement à l'assignation du liquidateur, déposé aucune conclusion , le liquidateur Me MARTIN n'ayant pas constitué avoué en sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une demande en garantie de la part de la société COBRA Informatique, étant observé que SAGE et COBRA Informatique sont condamnées in solidum envers la société SOGEDIS.

La société SGS demande que la condamnation prononcée à l'encontre des sociétés SAGE et COBRA informatique soient assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2000 à titre de dommages -intérêts compensatoires .

La société SGS conclut qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.

Or la demande tendant au paiement des intérêts au taux légal dont est assortie la condamnation principale, même à titre compensatoire, ne constitue que le complément de la demande principale.

Ainsi la demande présentée par la société SOGEDIS ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

La société SOGEDIS fonde sa demande sur le fait que la cour est amenée à statuer en 2008 sur un préjudice constitué depuis 1998.

Or le tribunal a fait droit pour partie à la demande de la société alors Podium Sogedis et ordonné l'exécution provisoire du jugement de sorte que la société SOGEDIS ne prouve pas le bien fondé de sa demande tendant à obtenir des intérêts au taux légal à compter du 1 janvier 2000 alors même que le rapport d'expertise n'était pas déposé.

Les entiers dépens de première instance et d'appel seront supportés in solidum par la sociétés SAGE et la société COBRA informatique, employés s'il y lieu, pour ce qui concerne cette société, en frais privilégiés de la procédure collective.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile de la société GAN EUROCOURTAGE.

La seule société SAGE paiera à la société SOGEDIS une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en outre de la somme de 15 000 euros allouée par le tribunal sur ce même fondement .

PAR CES MOTIFS

Recevant la société COBRA Informatique en son appel principal, la société SAGE aux droits de SAGE France en son appel incident, la société GAN EUROCOURTAGE en ses demandes ;

Recevant la société SOGEDIS venant aux droits de la société SGS et n'ayant qualité pour agir qu'aux droits de celle-ci ;

Déclare recevables les conclusions signifiées le 19 mars 2008 pour la société SAGE et le 18 mars 2008 pour la société GAN EUROCOURTAGE ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société SOGEDIS à payer à la société COBRA INFORMATIQUE la somme de 7 546 euros , en ce qu'il a condamné GAN EUROCOURTAGE à garantir la société SAGE des condamnations prononcées à son encontre et ce, déduction faite de la franchise prévue au contrat d'assurance responsabilité civile à la charge de l'assurée, en ce qu'il a débouté la société SAGE de sa demande en garantie dirigée contre COBRA informatique et réciproquement en ce qu'il a débouté la société SOGEDIS de sa demande en indemnisation de son préjudice moral, en ce qu'il a débouté la société SAGE de sa demande dirigée contre la société GAN EUROCOURTAGE en paiement des frais qu'elle a exposés, s'agissant des honoraires de son avocat ;

Réformant et ajoutant :

Déclare les sociétés SAGE et COBRA informatique responsables in solidum des dommages causés à la société SOGEDIS aux droits de SGS ;

Condamne la société SAGE à payer à la société SOGEDIS la somme de 130 683, 84 euros en réparation de son préjudice ;

Déboute la société SOGEDIS venant aux droits de SGS de sa demande en intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2000 ;

Fixe la créance de la société SOGEDIS au passif de la liquidation judiciaire de la société COBRA Informatique à la somme de 130 683, 84 euros ;

Déboute la société GAN EUROCOURTAGE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SAGE à payer à la société SOGEDIS la somme de 20 000 euros en outre de celle de 15 000 euros allouée en première instance ;

Met les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise, à la charge in solidum des sociétés SAGE et de Me MARTIN es qualités de liquidateur de la société COBRA informatique, ceux-ci étant employés en ce qui la concerne en frais privilégiés de la procédure collective, avec distraction au profit des avoués de la cause en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Numéro d'arrêt : 05/04777
Date de la décision : 12/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Rouen


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-12;05.04777 ?
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