R. G : 07 / 01569
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRET DU 10 AVRIL 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE ROUEN du 27 Mars 2007
APPELANTE :
Madame Dominique X...
...
76240 LE MESNIL ESNARD
représentée par Me COUPPEY, avoué à la Cour
assistée de Me Patrick Y..., avocat au barreau de ROUEN
INTIMES :
Maître Jean-Marie N... pris en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine née B...
...
76240 LE MESNIL ESNARD
représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour
assisté de Me C..., avocat au barreau de GUINGAMP
Madame Claire A...
...
37190 AZAY LE RIDEAU
représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour
assistée de Me C..., avocat au barreau de GUINGAMP
Madame Line A...
5, Lotissement Trouz Ar Mor
22660 TRELEVERN
représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour
assistée de Me C..., avocat au barreau de GUINGAMP
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Février 2008 sans opposition des avocats devant Madame PLANCHON, Président, rapporteur, en présence de Madame LEPRINCE, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame PLANCHON, Président
Madame LEPRINCE, Conseiller
Madame PRUDHOMME, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme LOUE-NAZE, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 Mars 2008 date à laquelle le délibéré a été prorogé à ce jour
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 avril 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier
*
* *
Faits et procédure :
M. Roger A...a contracté mariage avec Mme Jacqueline D...et deux enfants sont issus de cette union, Claire A...et Line A....
Après le décès de Jacqueline D..., Roger A...s'est remarié le 17 avril 1971 avec Janine B...et ils ont acquis durant leur mariage une maison d'habitation située ..., le Mesnil Esnard.
Janine B...est décédée le 8 janvier 1993.
Selon acte sous seing privé en date du 20 juin 1993, Roger A...a donné à bail à Dominique X...cette maison, moyennant un loyer mensuel de 3400 F, outre une provision pour charges de 70 F et un droit au bail de 85 F.
À la suite du décès de Roger A...le 8 octobre 1994, sa succession est dévolue pour 50 % à ses deux filles, E...et Line A...et pour 50 %, 3 / 4 aux légataires particuliers institués par testament de la seconde épouse, et pour un quart à Nicolas F...et Ronan G....
Par acte d'huissier du 25 mai 2004, E...et Line A...ont fait citer Mme H...devant le Tribunal d'Instance de ROUEN pour :
- voir prononcer la résiliation du bail pour non-paiement du loyer depuis le 1er août 1999,
- voir condamner Mme I...à leur payer une somme de 31 967, 65 € correspondant aux loyers impayés pour la période du 1er août 1999 jusqu'au 1er mai 2004, outre une indemnité d'occupation à compter de cette date de 602, 46 € par mois,
- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de l'assignation jusqu'à parfait paiement,
- ordonner l'expulsion de Mme I...et de tout occupant de son chef,
- la voir condamner à leur payer une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du C. P. C.
Mme I...a demandé au tribunal de déclarer l'action des demanderesses irrecevable faute de justifier de leur qualité pour agir au nom de l'indivision, de leur enjoindre de produire l'original du contrat de bail et de les condamner à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du comportement fautif de celles-ci et du préjudice de jouissance, de justifier des charges réclamées et de lui accorder un report du paiement de la dette pendant 24 mois.
Les soeurs A...et Me J...intervenant volontairement à l'instance en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine ont conclu au maintien des demandes initiales.
Par jugement en date du 27 mars 2007, le Tribunal d'Instance de ROUEN a :
- déclaré recevable l'action engagée par Me J...en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession A...,
- dit en conséquence recevable son intervention volontaire à la présente instance,
- dit en revanche irrecevable l'action en résiliation du bail et paiement de loyers engagée par E...et Line A...,
- prononcé la résiliation du bail conclu le 20 juin 1993 par feu Roger A...à Madame Dominique X...et portant sur la maison sise à Le Mesnil Esnard, ...,
- dit que faute de meilleur accord, Madame Dominique X...devra quitter les lieux loués deux mois après le commandement qui lui aura été signifié,
- ordonné à l'issue de ce délai l'expulsion de Madame Dominique X...et de tous occupants de son chef des lieux loués, avec l'assistance de la force publique si nécessaire,
- condamné Madame Dominique X...à payer à Me J..., ès qualités d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine née B..., la somme de 30 281, 57 €, correspondant aux loyers impayés terme de juillet 2004 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2004, date de réception par le greffe des conclusions par lesquelles Me J...est intervenu à la présente procédure,
- réservé à Me J..., ès qualités d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine, le droit à recourir pour le paiement des loyers postérieurs à juillet 2004, sous réserve des éventuels comptes à faire entre les parties,
- donné acte à Me J...ès qualités de ce qu'il renonce à réclamer des provisions pour charges dans le cadre de la présente instance,
- condamné Madame Dominique X...à payer à Me J..., ès qualités d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine, une indemnité d'occupation égale au montant des loyer et charges jusqu'à la complète libération des lieux,
- accordé à Madame Dominique X...le report du paiement de sa dette pendant un délai de six mois qui courra à compter de la signification du jugement,
- dit qu'à défaut du paiement de la somme due à l'expiration de ce délai, le solde sera immédiatement exigible,
- ordonné la transmission du présent jugement à M. K...de la SEINE-MARITIME conformément à l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 dans sa rédaction issue de la loi relative à la lutte contre les exclusions,
- débouté Madame Dominique X...de sa demande de dommages-intérêts présentée contre Mmes Claire et Line A...,
- débouté les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du N. C. P. C.,
- condamné Madame Dominique X...aux dépens.
Mme Dominique X...a relevé appel le 19 avril 2007 de ce jugement.
Prétentions des parties :
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 1er février 2008 et expressément visées, Madame Dominique X...demande à la Cour de la recevoir en son appel, de réformer partiellement le jugement rendu le 27 mars 2007 par le Tribunal d'Instance de ROUEN et ainsi de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en résiliation du bail et paiement des loyers engagée par E...et Line A...,
Réformant le jugement :
- déclarer également irrecevable l'action en résiliation du bail et en paiement des loyers engagée par Me J...ès qualités d'administrateur provisoire de la succession A...faute d'avoir intenté cette action dès l'origine,
- débouter les soeurs A...et Me J...ès qualités d'administrateur provisoire de la succession A...de leurs demandes, fins et conclusions, et notamment de leurs demandes tendant à voir prononcer la résiliation du bail conclu le 20 juin 1993,
Subsidiairement et pour le cas où la Cour estimerait devoir accueillir l'action en paiement des loyers, constater la prescription de cette action et en conséquence,
- dire et juger que Madame Dominique X...ne saurait être tenue au règlement des loyers antérieurement au 6 février 2002,
Vu le procès-verbal de constat de Me L...:
- condamner les soeurs A...au paiement d'une somme de 60 000 € à son profit à titre de préjudice de jouissance,
- accorder à Madame Dominique X...un délai de deux ans pour s'acquitter du paiement de sa dette, par application de l'article 1244-1 du Code Civil à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner Me J...ès qualités d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine au paiement d'une somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi par le comportement fautif des soeurs A...,
- confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions non contraires,
- condamner Me J...ès qualités d'administrateur provisoire au paiement d'une somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du N. C. P. C. et aux entiers dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit de Maître COUPPEY.
Madame Dominique X...sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action des s œ urs A...en résiliation de bail et en paiement de loyers en retenant qu'elles ne pouvaient se prévaloir d'un mandat tacite des autres héritiers faute d'établir que Monsieur F...était au courant de leur action, mais reproche au juge de n'en avoir pas tiré toutes les conséquences. Selon elles, l'intervention de Me VAUCHELLE es-qualités d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...est elle-même irrecevable dès lors qu'il n'intervient que pour la succession et non pas pour les s œ urs A...et qu'il n'a pas agi à titre principal pour l'indivision.
Madame Dominique X...soutient aussi que l'action en paiement des loyers est prescrite pour la période antérieure au 6 février 2002 en l'absence de tout acte interruptif de prescription valable.
Sur le fond et quant à la résiliation du bail, Dominique X...fait valoir que les manquements qui lui sont reprochés comme locataire doivent être appréciés au regard du propre comportement fautif des s œ urs A...à l'origine de la situation actuelle pour lui avoir fait fallacieusement espérer la vente de la maison et l'avoir laissé préparer cette acquisition alors qu'elles n'ignoraient pas qu'elles n'avaient pas la capacité de la vendre puisqu'un des héritiers, qui avait été omis, s'était opposé à cette vente. Ce n'est que lors de l'appel du jugement ordonnant la licitation de la licitation de l'immeuble ordonnée par le Tribunal de Grande Instance en date du 3 juin 2003 à la demande de l'Association Les Papillons Blancs désirant sortir de l'indivision qu'elle a pu constater le changement de position des soeurs A...qui ont renoncé à poursuivre la vente et ont insinué qu'elle aurait été au courant du refus d'un des co-indivisaires de signer la vente puis ont soutenu que seule signataire du compromis de vente, elle ne pouvait prétendre avoir cru à la réalité de la vente.
Madame Dominique X...soutient qu'en réalité, les s œ urs A...lui avaient donné leur accord pour qu'elle cesse de payer les loyers dès lors qu'elles avaient réclamé à Monsieur F...un montant de dommages intérêts équivalent auxdits loyers impayés en précisant dans un premier temps que du fait de la vente, elles n'avaient plus réclamé ces loyers. Elle conteste avoir su dès le 12 mai 1998 qu'un des héritiers dont elle ignorait l'existence, s'était opposé à la vente, ce qu'elle n'a su que le 27 mars 2000. Elle souligne aussi que les s œ urs A...ont cessé d'entretenir l'immeuble, le laissant se dégrader et sont d'autant moins inclinées à poursuivre la vente que les prix de l'immobilier ont flambé depuis. En conséquence, Dominique X...conclut au rejet de la demande de résiliation du bail.
Sur les sommes dues, l'appelante sollicite un décompte précis et actualisé et à défaut, le rejet de la demande.
Sur le préjudice de jouissance, Dominique X...sollicite la somme de 60. 000 € de dommages intérêts en invoquant un constat dressé par Me L..., huissier de justice, constatant le défaut d'entretien de l'immeuble.
Elle sollicite enfin des délais de paiement, ayant à faire face de manière imprévisible à une situation difficile.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 29 janvier 2008 et auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soulevés, Mme Claire A..., Mme Line A...et Me J...notaire, agissant en qualité d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine née Louvel, demandent à la Cour :
- de confirmer le jugement et parfaire la condamnation due par Madame Dominique X...à Me J...ès qualités d'administrateur provisoire de la succession A...Roger et Janine,
- en conséquence de condamner Madame Dominique X...à payer à Me J...ès qualités la somme de 52 396 € au titre des loyers impayés d'août 1999 au 27 mars 2007, date de la résiliation du bail prononcé par le jugement dont appel,
- de condamner Madame Dominique X...à payer à Me J...ès qualités une indemnité d'occupation mensuelle de 642 € égale au montant des loyers et charges depuis la résiliation du bail jusqu'à complète libération des lieux,
- de débouter Madame Dominique X...de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner Madame Dominique X...à payer à Mmes Claire et Line A...et à Me J...ès qualités chacun la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du N. C. P. C. et de la condamner aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la S. C. P. DUVAL BART avoués.
Sur leur défaut de qualité à agir, Mmes Claire et Line A...ne contestent pas le jugement entrepris.
Sur la qualité à agir de Me N... les intimés s'approprient la motivation du jugement qui retient que l'ordonnance du 24 mars 2006 le désignant est exécutoire au seul vu de sa minute conformément à l'article 495 du Nouveau Code de Procédure Civile et 503 et que sa présentation vaut notification.
Ils soutiennent que l'intervention de Me VAUCHELLE en première instance était une intervention principale conforme aux dispositions de l'article 329 du Nouveau Code de Procédure Civile dès lors qu'il élevait des prétentions à son profit, de sorte que l'irrecevabilité de l'action des s œ urs A...est sans incidence sur son action. Me VAUCHELLE intervient aussi bien pour les s œ urs A...que comme administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine née B....
Sur la prescription de l'action en résiliation du bail, les intimés font valoir que le contrat de bail crée des obligations continues en paiement et que l'action en résiliation n'est pas prescrite.
En ce qui concerne la prescription quinquennale en paiement des loyers, les intimés soutiennent que l'assignation délivrée le 25 mai 2004 a interrompu le délai de prescription des loyers remontant ainsi à mai 1999.
Sur le fond, quant à la résiliation du bail, les intimés s'appropriant encore les motifs du jugement, rappellent que Madame Dominique X...ne pouvait à aucun moment se considérer comme propriétaire de l'immeuble, le compromis de vente n'étant qu'une promesse de vente signée d'elle seule, la rubrique « vendeurs » de l'acte précisant le nom de tous les co-héritiers et légataires, y compris celui de Monsieur F...; qu'elle a été déboutée de sa demande tendant à se voir déclarer acquéreur de l'immeuble par le jugement du 3 juin 2003 du Tribunal de Grande Instance de ROUEN confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de ROUEN du 19 janvier 2005 ; en conséquence, elle ne pouvait se dispenser du paiement des loyers en invoquant un comportement fautif de E...et Line A...alors qu'elle n'établit nullement avoir été dispensée de ce paiement.
Sur le paiement des loyers, les intimés reprennent les termes du jugement.
Sur le préjudice de jouissance sollicité par Dominique X..., les intimés aux termes de leurs conclusions en page 6 concluent à l'irrecevabilité de sa demande à l'égard des s œ urs A...qui n'ont pas d'existence juridique et font observer qu'en tout état de cause, la demande n'est pas dirigée à l'encontre de Me VAUCHELLE seul administrateur de la succession. Enfin, ils font valoir que Dominique X...ne rapporte pas la preuve que l'humidité et les dégradations constatées sont imputables aux propriétaires, ce qu'ils contestent.
Sa demande de dommages intérêts ne repose sur aucun fondement comme l'a jugé le Tribunal.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2008.
Par note en délibéré en date du 29 février 2008, Maître COUPPEY a évoqué un moyen de procédure soulevé oralement au cours de la sa plaidoirie par le Conseil des consorts A...selon lequel la demande de condamnation des s œ urs A...serait irrecevable du fait qu'elle n'identifiait pas lesdites « s œ urs ».
Elle attire l'attention de la Cour sur le fait que la procédure étant écrite, il ne peut être invoqué de nouveaux moyens oralement et sans que les parties aient pu s'expliquer, ce qui impose soit la réouverture des débats soit que l'argumentation ne soit pas retenue.
SUR CE,
Sur la note en délibéré :
Attendu qu'il est rappelé que seules les écritures des parties sont prises en considération et qu'il n'y a pas lieu à réouverture des débats ;
Sur la recevabilité de l'action de Mmes Claire et Line A...:
Attendu que la disposition du jugement déclarant l'action de Mmes Claire et Line A...en résiliation du bail et en paiement des loyers irrecevable n'est pas discutée par les intimés ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la qualité à agir de Me VAUCHELLE :
Attendu que l'intervention devant le Tribunal d'Instance de Me VAUCHELLE désigné par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de ROUEN en date du 24 mars 2006 pour représenter la succession a seul qualité pour la représenter à l'exclusion de tout autre ; que représentant la succession de Roger et Janine A..., il représente l'indivision et l'ensemble des cohéritiers, légataires à titre universel et particuliers ; que l'intervention est en conséquence principale et non pas accessoire, Me VAUCHELLE exerçant un droit propre au sens de l'article 326 du Code de Procédure Civile ; qu'elle doit être déclarée recevable, ne dépendant pas de l'action engagée par Mmes Claire et Line A...; qu'aucune irrecevabilité ne saurait résulter de ce qu'elle n'a pas été engagée dès l'origine, cette intervention principale valant pour elle-même et à compter de sa date ;
Que l'action de Me VAUCHELLE es-qualités en résiliation et en paiement des loyers est en conséquence recevable ;
Sur la prescription de l'action en résiliation du bail :
Attendu que la prescription de l'article 2277 du Code Civil prévoyant que les actions en paiement des loyers se prescrivent par cinq ans, a un effet libératoire extinctif ; que si l'action en résiliation de bail pour inexécution des obligations contractuelles proprement dite ne saurait être prescrite en elle-même, les loyers impayés atteints par la prescription ne peuvent être invoquées à l'appui d'une telle demande de résiliation, même si le défaut de paiement des loyers est patent et non contesté ;
Attendu qu'il convient de rechercher si la prescription a été interrompue ;
Attendu que l'action de Mmes E...et Line ayant été déclarée irrecevable, elle n'a pu interrompre la prescription, l'interruption étant regardée comme non avenue conformément à l'article 2247 du Code Civil ;
Attendu qu'en conséquence, seule l'intervention de Me VAUCHELLE est interruptive de la prescription ;
Que l'ordonnance désignant Me VAUCHELLE en qualité d'administrateur provisoire de la succession et l'autorisant à poursuivre l'instance engagée à l'encontre de Dominique X...pour le compte de l'indivision successorale, jugée à bon droit exécutoire sur minute en première instance, a été adressée par lettre au Conseil de Dominique X...lequel par lettre adressée à celui des consorts A...l'a informé de sa demande de renvoi et sollicité la justification de la signification de cette ordonnance à chacun des différents ayants droit de la succession ;
Attendu que l'ordonnance de désignation de Me VAUCHELLE ne peut interrompre le délai en tant qu'elle ne porte pas de demande dirigée à l'encontre de Madame Dominique X...;
que ses conclusions d'intervention du 16 mai 2006, dès lors qu'elles initiaient une demande en justice, devaient être signifiées et non pas seulement être adressées en copie au Conseil de Dominique X...; qu'il n'est pas justifié de leur signification ; qu'à l'audience du 30 juin 2006, il a été décidé d'un renvoi sans que ces conclusions aient été oralement développées ; que ce n'est qu'à l'audience du 6 février 2007 que ces conclusions ont été développées oralement par le Conseil de Me VAUCHELLE ;
Qu'en conséquence, les loyers impayés ne peuvent être invoqués et réclamés qu'à partir du 6 février 2002, les loyers impayés antérieurs étant couverts par la prescription ;
Sur le bien-fondé de la demande de résiliation du bail :
² Attendu que Madame Dominique X...s'oppose à la demande de résiliation du bail en invoquant le comportement des consorts A...et le trouble de jouissance résultant des vices affectant les locaux ;
² Attendu que c'est par des motifs pertinents et que la Cour adopte que le premier juge a retenu que l'acte intitulé « compromis de vente » signé le 12 mai 1999 par la seule Dominique X...et invoqué par elle ne pouvait être considéré comme un véritable compromis de vente alors qu'il n'avait pas été signé par chacun des cohéritiers et légataires à titre particulier alors même que leurs noms figuraient sur ledit acte, interdisant à Dominique X...de se considérer comme propriétaire de l'immeuble litigieux et à ce titre dispensée du paiement du loyer de cet immeuble qu'elle continuait à occuper ; qu'à partir de la lettre adressée par Me VAUCHELLE le 6 avril 2000, Dominique X...n'a pu ignorer que la vente ne pourrait se régulariser puisque Monsieur F...refusait de signer ; qu'à partir de février 2002, date à partir de laquelle les loyers impayés ne peuvent plus être considérés comme atteints par la prescription, il était clair pour Dominique X...qu'elle ne pouvait se considérer comme propriétaire alors qu'elle était intervenue volontairement à l'instance engagée par les s œ urs A...et Me VAUCHELLE en vue de contraindre Monsieur F...à signer le « compromis de vente » et à défaut, voir ordonner la licitation de l'immeuble entre les mains de Dominique X...pour le prix de 390. 000 F nonobstant le refus de Monsieur F...de signer le compromis de vente ;
Attendu que tant que l'acte authentique de vente n'avait pas été régularisé, Dominique X...ne pouvait se dispenser du paiement des loyers ; que si durant les premières années, Mmes Claire et Line A...ont pu s'abstenir de lui réclamer le paiement de ces loyers, par la suite, dès lors que leur qualité à représenter et à agir au nom de l'indivision successorale était contestée, elle ne pouvait invoquer leur autorisation de ne pas payer les loyers ;
Attendu que le défaut de paiement des loyers depuis en tout cas février 2002 constitue un manquement de ses obligations de locataire suffisamment grave, les circonstances entourant le litige ne pouvant en aucune façon justifier ce défaut de paiement au profit de l'indivision successorale ;
Que l'existence de désordres liés au défaut d'étanchéité des fenêtres dont les bois sont en très mauvais état ainsi que le font ressortir les constats d'huissier de justice versés aux débats (constat du 18 décembre 2003 – lettre adressée le 20-11-2000 à l'étude de Me VAUCHELLE signalant des dégâts des eaux provenant des défauts d'étanchéité des fenêtres déjà signalés dans une lettre adressée le 7-01-1996 par Dominique X...à Mme Line A...) ne constituent pas des manquements suffisants de la part des bailleurs pouvant justifier un défaut de paiement des loyers et alors que la locataire n'était pas privée de la jouissance totale des locaux ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers ;
Sur le montant des loyers dus :
Attendu que le montant des loyers impayés à partir du 6 février 2002 doit s'établir, au vu du décompte produit, comme suit :
• Loyer mensuel de 542 € ;
- février 2002 : 542 : 30 x 22 jours = 397, 47 €
- mars 2002 à mars 2004 : 542 x 24mois = 13. 008, 00 €
• Loyer mensuel à partir de mai 2004 : 642 € ;
• mai 2004 à mai 2006 : 642 x 24 = 15. 408, 00 € dont à déduire les sommes de 533, 57 € x 2 = 1067, 14 € (imputées sur les taxes foncières A...par le Trésor Public) et 108, 44 x2 = 216, 88 € versées en juillet et août 2004, soit un solde de14. 123, 98 €
• juin 2006 à mars 2007 inclus : 642 x 10 = 6420 € ;
Attendu qu'il est dû par Madame Dominique X...au titre des loyers la somme totale de : 33. 949, 45 € ;
Attendu que Madame Dominique X...sera condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant égal à celui du loyer jusqu'à libération totale des locaux ;
Sur le préjudice de jouissance invoqué par Dominique X...:
Attendu que Dominique X...sollicite la somme de 60. 000 € à titre de dommages intérêts à l'encontre de E...et Line A...pour trouble de jouissance lié au mauvais état d'entretien de l'immeuble ; qu'elle produit en complément des pièces produites antérieurement un nouveau constat dressé par Me L..., huissier de justice en date du 10 juillet 2007 ; qu'il ressort de ce constat que les désordres signalés lors du précédent constat du 18-12-2003 et sommairement décrit plus haut se sont aggravés : infiltrations à l'intérieur par les fenêtres qui ne sont plus étanches, la moquette de la salle à manger est humide et présente des taches de moisissures, même constat d'infiltrations et de pourriture des bois de la fenêtre et des volets dans la cuisine ainsi que dans la chambre du fond, infiltrations dégradant le papier peint, le plâtre sous la fenêtre, développement de champignons, moquette tachée par l'humidité, idem dans la chambre, placard du rez de chaussée moisi, compteur électrique dans la cave vétuste, prises de courant descellées du mur dans la salle ; à l'extérieur, fissure horizontale à lèvre ouverte au niveau du linteau inférieur ;
Attendu que les s œ urs A...étaient conscientes de la dégradation de l'immeuble et en en avaient tiré argument devant le Tribunal de Grande Instance pour faire juger de la nécessité d'autoriser la vente de l'immeuble nonobstant le refus de Monsieur F...en raison du péril que faisait courir ce refus à l'intérêt commun de l'indivision successorale et à la conservation de l'immeuble ;
Attendu que toutefois que Madame Dominique X...ne peut utilement imputer à Mmes Claire et Line A...ce défaut d'entretien alors que c'est l'ensemble des cohéritiers qui a la qualité de bailleur et peut se voir reprocher un trouble de jouissance ;
Que Dominique X...ne peut en effet dénier dans le même temps toute qualité de Mmes A...à l'assigner en résiliation du bail et en paiement de l'arriéré de loyers et les attraire en paiement de dommages intérêts pour manquements à des obligations de bailleur ;
Que faute par elle de solliciter réparation de son préjudice de jouissance à Me VAUCHELLE seul qualifié pour représenter l'ensemble des cohéritiers et l'indivision successorale, elle ne peut qu'être déclarée irrecevable en sa demande à l'encontre de Mmes Claire et Line A...;
Sur la demande de dommages intérêts formée à l'encontre de Me VAUCHELLE ès-qualités :
Attendu que dans le paragraphe intitulé « demande de délais de paiement », Madame Dominique X...sollicite la condamnation de Me VAUCHELLE ès-qualités d'administrateur provisoire de la succession des consorts A...Roger et Janine au paiement de la somme de 20. 000 € en réparation du préjudice résultant du comportement fautif des s œ urs A...et du préjudice de jouissance ;
Attendu que Madame Dominique X...reproche les fautes commises par Mesdames Claire et Line A...consistant à leur avoir fait croire de manière fallacieuse à l'existence d'un consensus de la cohérie pour la vente de la maison et de l'avoir poursuivie en paiement des loyers alors qu'elles l'en avaient dispensée avant de faire volte-face et ne plus adhérer à la demande de réalisation de la vente à son profit ;
Attendu que pas plus que lorsqu'elle était articulée à l'encontre de Mesdames Claire et Line A..., Madame Dominique X...ne caractérise de comportement fautif à l'origine directe de son préjudice ; que les motifs développés par le premier juge pour rejeter sa demande de dommages intérêts à l'encontre des s œ urs A...quant au préjudice résultant de ce qu'elle aurait été abusée par le comportement des s œ urs A...sont tout aussi valables et pertinents ;
Qu'en effet, Madame Dominique X...ne peut soutenir qu'elle a été abusée sur les pouvoirs des s œ urs A...d'engager les autres cohéritiers alors qu'ainsi que l'ont relevé les différentes Juridictions qui ont eu à se prononcer sur cette question, le « compromis de vente » qui ne comportait que la seule signature de Dominique X...et d'aucun des autres vendeurs, précisait le nom de chacun des cohéritiers, dont celui de Nicolas F..., copropriétaire indivis à proportion de 1 / 16ème, de sorte que la finalisation de la vente restait aléatoire ; que dès la lettre du 6 avril 2000 que lui a adressée Me N... Madame Dominique X...a été informée du refus de Nicolas F...de consentir à la vente ; que le fait que devant le Tribunal de Grande Instance de ROUEN les s œ urs A...aient agi en régularisation de la vente et qu'en cause d'appel, elles aient modifié leurs prétentions et requis la licitation aux enchères publiques de l'immeuble, outre que cela n'empêchait nullement Madame Dominique X...de se porter enchérisseuse, est sans incidence, les s œ urs A...n'ayant pas plus qualité à dispenser Dominique X...du paiement des loyers que de décider seules de la vente de l'immeuble ;
Que la vente n'ayant pu être régularisée, et Dominique X...continuant à occuper les lieux, la demande en paiement des loyers n'apparaît pas fautive pas plus que la demande de licitation de l'immeuble dès lors que cette licitation était la seule manière de vaincre l'opposition de Monsieur F...à la vente et de sortir de l'indivision ;
Qu'en conséquence, Madame Dominique X...sera déboutée de ses prétentions de ce chef ;
Attendu que s'agissant du préjudice de jouissance, bien qu'invoqué de manière très fugace, il convient de la déclarer recevable en tant que formée à l'encontre de Me VAUCHELLE es-qualités ;
Attendu qu'il résulte des constats d'huissier de justice produits par Dominique X...et déjà évoqués précédemment et de la position procédurale adoptée en son temps par les s œ urs A...consistant à obtenir la licitation au profit de Dominique X...sur le fondement de l'article 815-5 en raison du péril pour l'intérêt commun résultant du refus de Monsieur F...et des dégradations croissantes de l'immeuble que les locaux donnés à bail à Dominique X...présentaient des grandes défectuosités affectant les conditions de jouissance de Madame Dominique X..., des infiltrations d'eau se produisant par les huisseries et fenêtres qui n'assuraient plus le clos dont le bailleur est débiteur ; que ces infiltrations qui se produisent dans toutes les pièces données à bail, sont à l'origine de dégradations liées à l'humidité : développement de moisissures, décollement de papiers peints à l'origine d'un préjudice de jouissance, esthétique et sanitaire ;
Attendu que ce préjudice justifie l'allocation d'une somme de 1000 € qui se compensera avec les sommes dues au titre des loyers et indemnités d'occupation ;
Sur les délais de paiement sollicités :
Attendu que Madame Dominique X...qui ne précise pas si elle a commencé à payer les loyers dus dont elle ne peut sérieusement prétendre ne pas être redevable, sera déboutée de sa demande de délais de paiement supplémentaires fondée sur l'article 1244-1 du Code Civil à ceux obtenus en première instance ;
Sur les frais et dépens :
Attendu qu'eu égard aux éléments de la cause, il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de les partager à raison des 2 / 3 à la charge de Madame Dominique X...d'1 / 3 à la charge de Me VAUCHELLE es-qualités ;
Que Mesdames Claire et Line A...conserveront la charge de leurs dépens de première instance et d'appel ainsi que leur frais irrépétibles.
Que Madame Dominique X...sera condamnée au paiement de la somme de 900 € à Me VAUCHELLE es-qualités en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, et en dernier ressort :
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Mesdames Claire et Line A....
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention de Me VAUCHELLE en qualité d'administrateur provisoire de la succession de Roger et de Janine née B....
Dit que l'action en résiliation de bail n'est pas atteinte par la prescription.
Infirmant partiellement le jugement et faisant droit à l'exception de prescription de l'action en paiement des loyers, dit que Me VAUCHELLE n'est pas recevable en sa demande en paiement des loyers impayés pour la période antérieure au 6 février 2002.
Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail et en ses modalités d'exécution et ordonné au besoin l'expulsion de Dominique X....
Infirmant partiellement le jugement de ce chef, condamne Madame Dominique X...à verser à Me VAUCHELLE es-qualités la somme de 33. 949, 45 € au titre des loyers impayés du 6 février 2006 au mois de mars 2007 inclus.
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Madame Dominique X...au paiement à Me VAUCHELLE es-qualités d'une indemnité d'occupation de 642 € par mois égale au montant des loyers et charges, ce à compter du 1er avril 2007 jusqu'à complète libération des lieux.
Confirme le jugement quant aux délais de paiement accordés et déboute Madame Dominique X...de sa demande de délais supplémentaires.
Déclare Madame Dominique X...irrecevable en sa demande de dommages intérêts à l'encontre de Mmes Claire et Line A...en réparation de son préjudice de jouissance.
Recevant partiellement Madame Dominique X...en sa demande en réparation de son préjudice de jouissance dirigée à l'encontre de Me VAUCHELLE es-qualités, condamne ce dernier en sa qualité d'administrateur provisoire de la succession de Roger et de Janine M...au paiement de la somme de 1000 €.
Ordonne la compensation entre les sommes dues au titre des loyers et indemnités d'occupation et ces dommages intérêts.
Déboute Madame Dominique X...du surplus de ses prétentions.
Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt.
Déboute les parties de leurs autres ou plus amples prétentions.
Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les partage à raison des 2 / 3 à la charge de Madame Dominique X...et d'1 / 3 à la charge de Me VAUCHELLE es-qualités.
Dit que Mesdames Claire et Line A...conserveront à leur charge leurs dépens de première instance et d'appel ainsi que leurs frais irrépétibles.
Condamne Madame Dominique X...à verser à Me VAUCHELLE la somme de 900 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Accorde aux avoués de la cause le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier Le Président