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02/04/2008 | FRANCE | N°06/600

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0038, 02 avril 2008, 06/600


R.G : 06/00600

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 2 AVRIL 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 16 décembre 2005

APPELANTS :

Monsieur Pierre-Jean X...

...

27930 SAINT-GERMAIN DES ANGLES

représenté par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me ANDRES, avocat au Barreau de PARIS

Madame Thérèse Z... épouse X...

...

27930 SAINT-GERMAIN DES ANGLES

représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assistÃ

©e de Me ANDRES, avocat au Barreau de PARIS

INTIMÉS :

Maître Philippe A... pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la socié...

R.G : 06/00600

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 2 AVRIL 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 16 décembre 2005

APPELANTS :

Monsieur Pierre-Jean X...

...

27930 SAINT-GERMAIN DES ANGLES

représenté par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me ANDRES, avocat au Barreau de PARIS

Madame Thérèse Z... épouse X...

...

27930 SAINT-GERMAIN DES ANGLES

représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me ANDRES, avocat au Barreau de PARIS

INTIMÉS :

Maître Philippe A... pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société ARCATURE

46, rampe Beauvoisine

76000 ROUEN

n'ayant pas constitué avoué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice délivré à personne habilitée en date du 9 juin 2006

Maître Daniel B... pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur Fabrice C...

...

76000 ROUEN

n'ayant pas constitué avoué bien que régulièrement assigné par acte d'huissier de justice délivré à personne habilitée en date du 9 juin 2006

S.M.A.B.T.P.

...

75739 PARIS CEDEX 15

représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me D..., avocat au Barreau d'EVREUX

THELEM ASSURANCES, venant aux droits de la société MUTUELLES RÉGIONALES D'ASSURANCES "MRA"

Le Croc

BP 63130

45431 CHECY CEDEX

représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Yves E..., avocat au Barreau d'EVREUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 février 2008 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHÉ, Président, rapporteur, en présence de Madame LE CARPENTIER, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BOUCHÉ, Président

Madame LE CARPENTIER, Conseiller

Monsieur GALLAIS, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Jean Dufot

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 2 avril 2008

ARRÊT :

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 2 avril 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.

*

* * Jean-Pierre X... et Thérèse F... son épouse ont entrepris en qualité de maîtres d'ouvrage des travaux de réhabilitation et d'extension d'une maison individuelle leur appartenant à ANDE ( Eure ) ;

Sont intervenus dans l'opération dont le coût s'élevait à 1 400 000 francs TTC ( soit 213 429 € ) hors honoraires :

- la société d'architecture ARCATURE, assurée auprès de la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics ( S.M.A.B.T.P. ) et investie d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre suivant contrat du 4 mai 2001 prévoyant des honoraires de 124 228 francs TTC ( soit 18 938, 45 € ),

- Fabrice C..., artisan exerçant sous l'enseigne CBR "Construction Bâtiment Rouennais", assuré auprès des Mutuelles Régionales d'Assurances (M.R.A.) chargé du lot gros-oeuvre suivant marché non daté approuvé par les époux X... pour un montant de 393 890, 40 francs TTC ( soit 60 048 € ) ;

Les travaux ont débuté en juillet 2001 pour s'achever en janvier 2002 ;

Le maître d'oeuvre a tenté à trois reprises une réunion de fin de chantier portant sur le lot gros-oeuvre ; Fabrice C... ne s'est jamais présenté, le procès-verbal de réception avec de très nombreuses réserves rédigé le 20 mars 2002 n'a pas été signé, le chantier a été abandonné et l'immeuble n'a jamais été habitable ;

Par acte du 25 mars 2002, Jean-Pierre X... et Thérèse F... son épouse ( les époux X... ) ont assigné en référé Fabrice C... et les M.R.A. pour que soit ordonnée une mesure d'expertise, que soit prononcée par l'expert la réception judiciaire de l'ouvrage et que soit vérifiée la réalité des désordres ;

Daniel G..., architecte désigné par le juge des référés d'Evreux le 17 avril 2002, a déposé son rapport d'expertise judiciaire le 16 mars 2004 après avoir proposé une réception judiciaire du chantier à la date du 24 juillet 2002 lors d'une seconde réunion d'expertise à laquelle assistait l'avocat de maître Daniel B..., mandataire liquidateur de Fabrice C... ;

Par actes du 18 mai 2004, les époux X... ont assigné devant le tribunal de grande instance d'Evreux maître Daniel B..., ès qualités, les Mutuelles Régionales d'Assurances, la société ARCATURE et la S.M.A.B.T.P. afin de voir fixer la réception judiciaire des travaux à la date du 24 juillet 2002, déclarer Fabrice C... et la société ARCATURE solidairement responsables des dommages causés à leur immeuble et condamner solidairement la société ARCATURE, les M.R.A. et la S.M.A.B.T.P. à leur payer diverses sommes qui comprennent le coût de la démolition et le remboursement du prix des travaux ;

Le 24 décembre 2004, les époux X... ont assigné aux mêmes fins maître Philippe A... en qualité de liquidateur judiciaire de la société ARCATURE ;

Assignés à domicile, tant maître B... que maître A... n'a pas constitué avocat ;

Suivant jugement réputé contradictoire du 16 décembre 2005, le tribunal de grande instance d'Evreux a constaté que les désordres se sont produits avant toute réception et ne relèvent donc pas de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil et que les polices des deux assureurs en cause ne couvrent pas les manquements contractuels de leurs assurés ; il a en conséquence :

- mis hors de cause les Mutuelles Régionales d'Assurances et la S.M.A.B.T.P.,

- débouté tant la S.M.A.B.T.P. que les M.R.A. de leurs demandes de dommages et intérêts et d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté l'abandon du chantier par Fabrice C...,

- fixé la réception de l'ouvrage au 16 mars 2004, jour du dépôt du rapport d'expertise, avec les réserves qui y sont énoncées,

- déclaré Fabrice C... et la société ARCATURE responsables in solidum sur le fondement contractuel de l'article 1147 du code civil des désordres litigieux,

- fixé la créance des époux X... au passif des liquidations judiciaires de Fabrice C... et de la société ARCATURE, sous réserve de déclaration de créance, aux sommes de 402 937, 70 € pour l'indemnisation des désordres et 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Jean-Pierre X... et Thérèse F... son épouse ont interjeté appel de ce jugement ;

Maîtres Philippe A... et Daniel B..., ès qualités, régulièrement assignés à domicile le 9 juin 2006 et signataires les 23 et 26 mars 2007 d'accusés de réception des conclusions de THELEM, n'ont pas constitué avoué ;

* * *

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 29 janvier 2008, les époux X... demandent à la cour :

- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé la date de réception des travaux au 16 mars 2004 et de dire que la réception tacite des travaux est intervenue tacitement le 20 mars 2002, date où la volonté des maîtres de l'ouvrage s'est clairement exprimée, à défaut judiciairement le 24 juillet 2002, date de la réunion provoquée par l'expert,

- de condamner solidairement ou in solidum, la S.M.A.B.T.P. et THELEM Assurances venant aux droits des Mutuelles Régionales d'Assurances, à leur payer la somme de 402 937, 70 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, par application de l'article 1153-1 du code civil,

- de leur allouer une indemnité mensuelle de 4 000 € à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au jour de la décision à intervenir,

- de condamner in solidum la S.M.A.B.T.P. et THELEM Assurances ou l'une à défaut de l'autre, à leur payer une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les appelants contestent essentiellement la date de réception de l'ouvrage du 16 mars 2004 choisie par le tribunal alors que la réception tacite peut intervenir même en cas d'inachèvement des travaux et qu'elle est effectivement intervenue ; ils fondent ainsi leurs demandes à l'encontre des assureurs sur l'article 1792-6 du code civil, se livrant subsidiairement à une distinction entre les désordres apparents lors de l'abandon du chantier et ceux, de nature décennale à leurs yeux, découverts après la première réunion de l'expert du 24 juillet 2002 lors des sondages de 2003 qui ont permis de découvrir les vices cachés ;

Ils soutiennent en outre que, même si les désordres ne rentrent pas dans le cadre de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil, Fabrice C... est garanti par THELEM au titre de la responsabilité contractuelle et que la S.M.A.B.T.P. doit aussi sa garantie au même titre à la société ARCATURE ;

Aux termes de ses conclusions signifiées le 9 janvier 2008, la société mutualiste THELEM Assurances, assureur de Fabrice C... venant aux droits des Mutuelles Régionales d'Assurances, demande à la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation solidaire des époux X... à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'assureur prétend que la date de réception de l'ouvrage ne peut être fixée par l'expert désigné et ne peut l'être qu'à la date où les travaux réalisés, incluant les désordres et leurs conséquences, sont entièrement connus, c'est-à-dire à la date du rapport d'expertise ;

il en conclut que les désordres et malfaçons ne sont pas de nature décennale et que, contrairement aux prétentions des appelants, la police ne couvre pas la responsabilité contractuelle de son assuré ;

Le 1er février 2008, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics, ( S.M.A.B.T.P. ), assureur de la société ARCATURE, demande à la cour la confirmation du jugement entrepris sur la date de la réception judiciaire de l'ouvrage au 16 mars 2004 et sur sa mise hors de cause à défaut de clause de garantie pour une responsabilité contractuelle de son assuré ;

subsidiairement, elle demande à la cour de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation sollicitée par les époux X... et la condamnation de THELEM Assurances à la garantir en principal, intérêts et frais, y compris ceux d'expertise, dans la proportion de responsabilité incombant à son assuré ;

enfin, la compagnie demande la condamnation des époux X... ou de toute partie succombante à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR,

Sur la réception judiciaire de l'ouvrage

Il est de principe, en vertu de l'article 1792-6 du code civil, que "la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit, à défaut, judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement" ;

S'il apparaît que les époux X... ont toujours voulu procéder à la réception contradictoire du chantier, ainsi qu'en font foi les lettres recommandées que, sur leur demande, l'architecte Jean-Pierre H..., au nom de la société ARCATURE, a vainement adressées à Fabrice C... courant mars 2002, il n'en demeure pas moins que le juge des référés, saisi le 25 mars 2002 d'une demande d'expertise et de prononcé de la réception judiciaire de l'ouvrage, ne s'est pas estimé tenu par le procès-verbal dit de réception avec liste de nombreuses réserves que le maître d'oeuvre avait dressé cinq jours plus tôt en présence des maîtres d'ouvrage et a confié à Daniel G..., parmi les termes de la mission, celle de prononcer cette réception judiciaire dans les conditions de l'article 1792-6 du code civil ;

Il est incontestable que le chantier, dans sa partie gros-oeuvre, n'était pas achevé, que l'ouvrage était même abandonné et inhabitable et que le maçon, en cessation des paiements, n'était pas en mesure et ne souhaitait pas poursuivre le travail, et a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 17 avril 2002 ;

Cependant, il n'appartenait pas à l'expert, même si à tort le juge des référés lui a en avait donné la mission, de procéder à la réception judiciaire de l'ouvrage qui incombe à la juridiction, mais seulement de lui fournir les éléments de nature à l'éclairer sur cette réception, le tribunal conservant sa liberté d'appréciation en fonction de la claire volonté des maîtres de l'ouvrage de recevoir le lot gros-oeuvre en l'état de son inachèvement ;

Or, en demandant au juge de prononcer la réception judiciaire, les époux X... ont reconnu nécessairement que le procès-verbal dressé le 20 mars 2002 par l'architecte en l'absence de l'artisan était démuni d'autorité et qu'il fallait en appeler à l'autorité judiciaire ;

Objectivement, la société ARCATURE s'était livrée le 20 mars 2002 à un inventaire des désordres et surtout des non-façons qui a pu servir de référence à l'expert lorsque, le 24 juillet 2002, après avoir vainement convoqué Fabrice C..., mais en présence de l'avocat de son liquidateur judiciaire, il a pointé ceux apparents constituant les réserves ;

Au risque ensuite injustement retenu par le tribunal de faire dépendre la réception du lot gros-oeuvre de sondages et examens destructifs susceptibles de mettre en évidence l'existence ou l'absence de désordres cachés, et sauf à négliger la volonté explicite et non équivoque des maîtres de l'ouvrage d'y procéder, la date tardive et arbitraire du dépôt du rapport de l'expert ne peut être choisie pour réception ;

Dès lors que les époux X... n'attendaient que la mise en oeuvre de l'expertise pour recevoir l'immeuble et en faire constater l'abandon, que Jean-Pierre H... assistait à la rencontre du 24 juillet 2002, et que le bureau SARETEC, expert des M.R.A. assureur de Fabrice C..., dans un dire du 12 novembre 2003 à l'expert, lui accorde explicitement l'autorité d'une réception avant de se livrer à une discussion des "vices graves" alors signalés, toutes les conditions étaient réunies pour fixer au 24 juillet 2002 la réception judiciaire ;

S'agissant d'une réception prononcée sous l'autorité judiciaire et au risque de laisser le chantier en déshérence, sont inopérantes tant la discussion développée par la SMABTP dans ses conclusions sur les conditions d'une réception tacite, que la contradiction purement abstraite que croit détecter la société THELEM entre la volonté des époux X... de recevoir l'immeuble et celle d'en requérir la destruction ;

Le jugement déféré mérite donc réformation et les désordres découverts postérieurement au 24 juillet 2002, notamment les vices et malfaçons du sous-sol que seuls des sondages mettront en évidence, entrent dans le champ de la responsabilité décennale du constructeur ;

D'où il résulte que les deux compagnies assurant le maître d'oeuvre et l'artisan maçon au titre de leur responsabilité décennale de l'article 1792 du code civil doivent répondre des vices, cachés aux dires mêmes de la SMABTP, qui se sont révélés au fur et à mesure des opérations d'expertise grâces aux sondages pratiqués en 2003 après cette réception et qui portent une atteinte irrémédiable à la destination de l'immeuble, au point qu'il doit être détruit ;

Sur les indemnités dues aux maîtres de l'ouvrage

Tant la SMABTP que la société THELEM font valoir que, selon les termes de leurs polices, elles ne garantissent chacune leur assuré que des désordres cachés qui, apparus après la réception, s'inscrivent dans le cadre de l'article 1792 du code civil ;

La première de ces compagnies reproche ainsi aux maîtres de l'ouvrage de rester évasifs sur la nature des désordres et non-façons découverts après la réception, par différence à ceux, particulièrement nombreux énumérés dans le procès-verbal de réception qui, de nature contractuelle, ne sont pas assurés, et la seconde croit lire dans les investigations expertales que seul le défaut de ferraillage et de garde-corps hors gel des fondations de la partie neuve, détecté à l'occasion des investigations complémentaires réalisées le 15 septembre 2003, peut présenter un caractère de vice caché et mérite une prise en charge dans le cadre de sa police ;

Or, c'est la découverte des vices graves et rédhibitoires de fondations qui a révélé, au-delà des très nombreuses non-finitions apparentes énumérées le 24 juillet 2002, l'ampleur et l'impact sur la destination de l'immeuble des non-conformités aux normes du dallage des chambres et des assises du rez-de-jardin sous le garage : l'expert n'a dès lors pas trouvé d'autre remède que la démolition du bâtiment ;

ainsi, sans qu'il soit utile de se livrer à une distinction entre les désordres d'ordre contractuel et ceux d'ordre décennal, après les sondages c'est désormais la construction et sa démolition qui relèvent de l'article 1792 du code civil, avec toutes les incidences matérielles et immatérielles ; il est devenu sans intérêt de s'arrêter aux discussions subsidiaires initiées par les époux X... sur la portée des clauses spéciales en matière de responsabilité civile des constructeurs qui figurent dans les polices mais qui n'ont pas vocation à s'appliquer ;

Les époux X... chiffrent leurs préjudices à la somme totale de 402 937, 70 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ; ils répartissent les postes entre les coûts de chantier, et les incidences personnelles du sinistre, de la manière suivante :

- 146 340 € au titre des frais de démolition-reconstruction, suivant avis non critiqué de l'expert ;

- 48 633, 70 € pour les frais de chantier complémentaires non critiqués ( mesures conservatoires, déblaiement à la suite de l'effondrement d'une partie des murs, dommages liés aux intempéries et frais de sondage ) ;

- une indemnité mensuelle de 4 000 € pour les charges et inconvénients exposés par les époux X... qui, ayant vendu leur appartement parisien, ont dû se loger dans leur résidence secondaire de Saint-Aubain-sur mer dans le Calvados et exposer, au moins pour le mari, d'importants frais de déplacement et des pertes de temps pour se rendre quotidiennement à son travail, jusqu'à la prise d'une location à Saint-Germain des Angles dans l'Eure à partir du 1er septembre 2003 ( 880 € par mois en moyenne, encore au 31 décembre 2007, suivant quittances du bailleur ), la demande d'un nouveau permis de construire obtenu en novembre 2005 par un nouvel architecte et la reprise du chantier avec démolition partielle préalable et reprises en sous-oeuvre ; l'allocation de cette indemnité pendant 52 mois n'est pas démesurée et aurait pu être poursuivie jusqu'au 31 décembre 2007, date de la dernière quittance, si le tribunal, dans le calcul des dommages immatériels, n'avait pas omis de prendre en considération les frais fiscaux, immobiliers et d'entretien que tout propriétaire doit assumer lorsqu'il occupe sa propre maison et qui doivent venir en déduction de la charge totale des loyers ;

eu égard à cette considération, les époux X... verront leur créance s'accroître d'une année, et non de deux années de loyers au-delà du 31 décembre 2005, soit 11 042 € ;

- enfin, remboursement de la somme totale de 36 298, 50 € qu'ils ont avancée aux constructeurs en pure perte ;

Le jugement déféré mérite en conséquence confirmation pour l'intégralité de la somme de 402 937, 70 € au titre de l'ensemble des préjudices matériels et immatériels subis par les maîtres de l'ouvrage ; cette créance doit être déclarée aux passifs des deux constructeurs en liquidation judiciaire et leurs deux assureurs doivent être condamnés à en assumer la charge ;

Dans leurs relations entre eux, l'assureur de l'architecte s'en rapporte sur le partage des responsabilités susceptible d'être prononcé par la cour, mais demande la garantie à la compagnie THELEM dans la proportion retenue ; cette dernière en revanche ne formule aucun subsidiaire à sa demande de confirmation de sa mise hors de cause;

Or, il apparaît que l'absence des fondations aurait pu être évitée si l'architecte avait assuré un suivi normal du chantier ; sa carence à ce titre doit être sanctionnée par la limitation de son recours contre le maçon à 80% des condamnations prononcées in solidum ;

Il serait inéquitable que les époux X... conservent leurs frais de défense exposés hors dépens devant la cour, comme ils ont obtenu au même titre en première instance une indemnité de 4 500 € inscrite au nombre des créances sur les liquidations judiciaires ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement du 16 décembre 2005 en ce qu'il a fixé la créance des époux X... au passif des liquidations judiciaires de Fabrice C... et de la société ARCATURE aux sommes de 402 937, 70 euros au titre des désordres et de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le réformant pour le surplus,

Fixe la réception judiciaire de l'ouvrage au 24 juillet 2002 ;

Dit en conséquence que la SMABTP et la société THELEM, aux droits des Mutuelles Régionales d'Assurances, doivent garantir, chacune en ce qui la concerne, la société ARCATURE et Fabrice C... des conséquences de leurs responsabilités fondées sur l'article 1792 du code civil ;

Les condamne à payer aux époux X... les deux sommes de 402 937, 70 euros et de 4 500 euros, outre 11 040 euros au titre des loyers supplémentaires ;

Condamne la société THELEM à garantir la SMABTP des condamnations mises à sa charge à proportion de 80% ;

Condamne in solidum la société THELEM et la SMABTP à régler aux époux X... une indemnité de 4 000 euros pour leurs frais procéduraux exposés en appel hors dépens ;

Accorde même recours à la SMABTP contre la société THELEM à hauteur de 80% de cette condamnation ;

Condamne in solidum la SMABTP et la société THELEM aux dépens de première instance, qui comprennent la procédure de référé et les frais de l'expertise, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel, avec même recours de la SMABTP contre la société THELEM ;

Admet maître M.C.COUPPEY, avoué, pour l'intégralité et la société civile professionnelle d'avoués VOINCHET-COLIN RADIGUET-THOMAS ENAULT en proportion, au bénéfice du recouvrement direct dans les conditions définies par l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 06/600
Date de la décision : 02/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Evreux, 16 décembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2008-04-02;06.600 ?
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