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01/04/2008 | FRANCE | N°07/03925

France | France, Cour d'appel de Rouen, 01 avril 2008, 07/03925


R. G. : 07 / 03925




COUR D'APPEL DE ROUEN


CHAMBRE SOCIALE


ARRET DU 01 AVRIL 2008










DÉCISION DÉFÉRÉE :


Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ELBEUF du 28 Septembre 2007




APPELANTS :




Monsieur Patrick X...


...

76780 ELBEUF SUR ANDELLE


comparant en personne,
assisté de Me Dominique VALLES, avocat au barreau de ROUEN




SYNDICAT C. G. T. RENAULT ROUEN
63 rue Amédée Dormoy
76000 ROUEN


repr

ésenté par Me Dominique VALLES, avocat au barreau de ROUEN










INTIMEE :




SOCIÉTÉ RENAULT RETAIL GROUP, nouvelle dénomination de la société REAGROUP
117 / 119 avenue Victor Hugo
92100 BOULOGNE BILLANCOUR...

R. G. : 07 / 03925

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 01 AVRIL 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'ELBEUF du 28 Septembre 2007

APPELANTS :

Monsieur Patrick X...

...

76780 ELBEUF SUR ANDELLE

comparant en personne,
assisté de Me Dominique VALLES, avocat au barreau de ROUEN

SYNDICAT C. G. T. RENAULT ROUEN
63 rue Amédée Dormoy
76000 ROUEN

représenté par Me Dominique VALLES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

SOCIÉTÉ RENAULT RETAIL GROUP, nouvelle dénomination de la société REAGROUP
117 / 119 avenue Victor Hugo
92100 BOULOGNE BILLANCOURT

représentée par Me Patricia PANZERI-HEBERT, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Février 2008 sans opposition des parties devant Monsieur MASSU, Conseiller, magistrat chargé d'instruire seul l'affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PAMS-TATU, Président
Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller
Monsieur MASSU, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Monsieur CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 Avril 2008

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 01 Avril 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Monsieur CABRELLI, Greffier présent à cette audience.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Patrick X... a été engagé à compter du 1er juillet 1970 en qualité de mécanicien P1B- coefficient 180 par la succursale de ROUEN de la RÉGIE NATIONALE DES USINES RENAULT, devenue la société RENAULT FRANCE AUTOMOBILES puis la société REAGROUP FRANCE OUEST, nouvellement dénommée RENAULT RETAIL GROUP. Il a exercé la fonction de délégué du personnel depuis 1976 puis un mandat de représentation au comité d'établissement depuis 1980. En 1992, il a passé avec succès le test COTECH (coordinateur technique) et obtenu le coefficient 220 / 2, puis il est devenu en 1993 mécanicien polyvalent RVA-coefficient 225. En 2003, dans le cadre de la redéfinition des classifications professionnelles, il a été classé mécanicien auto spécialiste-échelon 8. Estimant qu'il avait été victime d'un traitement discriminatoire et après avoir vainement demandé à bénéficier de l'accord de méthode RENAULT du 14 décembre 2001 relatif au règlement de litiges résultant d'évolutions professionnelles des représentants du personnel, il a, avec le syndicat CGT RENAULT ROUEN saisi le 4 avril 2006 le conseil de prud'hommes d'ELBEUF qui, par jugement du 28 septembre 2007 rendu sous la présidence du juge départiteur et au contenu duquel la cour renvoie pour l'exposé de procédure antérieure et des prétentions des parties en première instance, a adopté les dispositions suivantes :

- dit que M. X... n'a fait l'objet d'aucune discrimination en raison de ses activités syndicales ;

- déboute M. X... de ses demandes tendant au paiement des dommages-intérêts pour préjudice financier et moral ;

- le déboute de ses demandes tendant à la rectification, sous astreinte, des bulletins de salaire, à la modification de son coefficient professionnel et à l'attribution d'une rémunération revalorisée ;

- le déboute de sa demande en paiement de frais irrépétibles ;

- déboute le syndicat CGT de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

- laisse les dépens à la charge de M. X..., partie perdante.

Patrick X... et le syndicat CGT RENAULT ROUEN ont régulièrement interjeté appel de ce jugement le 9 octobre 2007.

En faisant soutenir oralement par son avocat à l'audience du 13 février 2008 ses conclusions écrites déposées le jour même, Patrick X... a demandé à la cour de :

- dire et juger qu'il a fait objet d'une discrimination syndicale prohibée,

- en conséquence,

- condamner la société REAGROUP au paiement d'une somme de 44. 416, 24 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait de la discrimination syndicale,

- condamner la société REAGROUP au paiement d'une somme de 10. 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la discrimination syndicale ;

- ordonner à la société REAGROUP FRANCE OUEST d'attribuer à M. X..., sur les bulletins de paie, la mention d'un emploi niveau 17 comme M. Y... et d'attribuer à M. X... une revalorisation salariale moyenne correspondant au moins au salaire mensuel actuel de M. Y..., soit 2. 119, 62 € en décembre 2007, et ce sous astreinte de 1. 000 € par jour de retard passé le délai de 1 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société REAGROUP au paiement d'une somme de 3. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Patrick X... a repris en cause d'appel son argumentation déjà présentée en première instance et fait complémentairement valoir :

- que le conseil de prud'hommes a fait totalement abstraction du rapport d'enquête déposé le 3 janvier 2007 en exécution de la mesure d'instruction ordonnée le 25 septembre 2006 par le juge départiteur, et notamment de l'aveu de M. I..., représentant de la société REAGROUP, selon lequel les personnes ayant réussi le test COTECH suivent normalement la formation COTECH, sauf pour raison personnelle ;

- que la société REAGROUP ne démontre aucunement qu'il existait des causes objectives, étrangères à ses activités syndicales, expliquant la non-inscription de Patrick X... à une session de formation COTECH en 1992 et dans les années qui ont immédiatement suivi ;

- qu'à tort le conseil de prud'hommes a estimé qu'il fallait démontrer que l'employeur menait une politique générale d'exclusion des salariés exerçant des mandats syndicaux, les textes légaux n'imposant pas que la discrimination ait été collective à l'égard d'autres salariés élus CGT pour que la discrimination à l'encontre d'un seul et unique salarié soit reconnue ;

- que l'absence de formation COTECH n'a pas permis à Patrick X... d'évoluer dans les mêmes conditions que les autres salariés bénéficiaires de celle-ci, d'obtenir le statut ETAM, de cotiser à la caisse des cadres, de suivre une formation permanente sur les nouvelles technologies et de percevoir une rémunération supérieure avec un coefficient réévalué au minimum à 230 ;

- qu'il a toujours travaillé sur la mécanique des automobiles et non sur la carrosserie, et que les deux établissements de ROUEN situés rive droite et rive gauche ne sont pas totalement autonomes puisque des salariés ont toujours été mutés d'un site à l'autre en fonction des besoins ;

- qu'il est faux de prétendre que l'établissement de la rive droite dans lequel travaillait Patrick X... en 1992 n'avait pas besoin de salariés bénéficiant de la formation COTECH, et qu'il ressort des pièces produites par la société REAGROUP que M. Z... a passé le test après lui ;

- que sont totalement inopérants les griefs que lui fait la société RENAULT RETAIL GROUP de n'avoir pas sollicité la formation COTECH, celle-ci nécessitant l'accord de l'employeur, et une formation électromécanique, laquelle n'existe que depuis deux ans ;

- qu'il évalue son préjudice matériel par référence au salaire de M. G..., qui était placé dans une situation rigoureusement comparable à la sienne avant que ne débute le traitement discriminatoire, et avec lequel l'écart s'est très sensiblement creusé depuis 1992, l'ensemble des autres salariés COTECH étant positionné sur une classification d'emploi et un échelon supérieurs à celui-ci ;

- que la société REAGROUP compare sa situation à des salariés ayant passé le COTECH et aujourd'hui positionnés à l'échelon 12, alors que de nombreux autres ont bénéficié d'augmentations de salaires et sont aujourd'hui positionnés à l'échelon 17, 20 ou même 23, et notamment M. H....

En faisant soutenir oralement à l'audience par son avocat ses conclusions écrites déposées le 13 février 2008, le syndicat CGT RENAULT ROUEN a demandé à la cour de :

- condamner la société REAGROUP au paiement d'une somme de 1 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le syndicat CGT RNUR de ROUEN ;

- condamner la société REAGROUP au paiement d'une somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Le syndicat CGT RENAULT ROUEN prétend notamment que Patrick X... a démontré que la discrimination syndicale à l'encontre de la CGT a été érigée par la société RENAULT en une véritable politique patronale qui s'est conclue par l'accord d'entreprise du 14 décembre 2001, et que cette discrimination, qui a pour effet de discréditer et de dévaloriser le salarié, porte nécessairement atteinte au syndicat auquel il est adhérent et à l'intérêt collectif de l'ensemble de la profession.

En faisant soutenir oralement à l'audience par son avocat ses conclusions écrites transmises le 12 février 2008, la société RENAULT RETAIL GROUP a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Patrick X... et le syndicat CGT RENAULT ROUEN de leurs demandes, et de les condamner aux dépens.

La société RENAULT RETAIL GROUP reprend également devant la cour ses arguments développés devant le conseil de prud'hommes et fait en outre plaider en réplique :

- que l'existence de mutations de l'un à l'autre n'enlève rien au caractère distinct des deux établissements de ROUEN jusqu'en 1997, et qu'au sein de l'établissement rive droite les mécaniciens étaient affectés soit à la tôlerie (service de rattachement de Patrick X...), soit en mécanique ;

- que les salariés n'étaient pas automatiquement et immédiatement inscrits à la session de formation COTECH suivant leur passage du test, et que M. J...bénéficiait d'une expérience plus grande dans le niveau P3 B220 qu'il avait atteint sept mois avant Patrick X... et appartenait à l'atelier mécanique de la rive droite où le besoin de coordinateur technique était beaucoup plus impérieux qu'en tôlerie où il n'y en a jamais eu ;

- que M. I... n'était pas responsable de l'établissement lors de la période concernée, pas plus que de l'établissement rive gauche auquel appartenaient les autres salariés, et qu'il n'est dès lors pas en mesure d'apporter un témoignage sur les faits de l'époque ;

- que l'attestation de M. K... ne peut être retenue comme pertinente en raison d'une part de son caractère indirect, d'autre part de l'ancienneté des faits et des propos qu'elle prétend rapporter mot à mot à plus de 15 ans de distance, et qu'elle est démentie par l'attestation de M. G... ;

- que la non-inscription de Patrick X... à la formation COTECH n'est nullement liée à ces activités syndicales, mais à l'absence d'inscription quelconque à cette formation pour l'ensemble des salariés de l'établissement de la rive droite ;

- qu'il n'existe pas de corrélation entre les anciens coefficients 225 et les nouveaux échelons de la nouvelle classification, dont l'échelon 8 attribué à Patrick X... après nouvel examen de ses fonction et correspondant à la réalité de celles-ci ;

- qu'il est inexact de soutenir que l'ensemble des salariés s'étant vu attribuer un échelon 8 dans la nouvelle grille seraient, à l'exception de Patrick X..., bénéficiaires aujourd'hui d'un échelon supérieur ;

- que la mise en oeuvre de l'accord de méthode du 14 décembre 2001 a conduit à constater que Patrick X... ne pouvait prétendre à une quelconque indemnisation transactionnelle ni à un repositionnement dans la grille de classification ;

- que le pourcentage d'écart de rémunération entre M. A... et Patrick X... est allé en s'amenuisant entre 1991 et 2006, et que l'écart avec celle de M. H... (engagé 3 ans avant Patrick X...) en 2005 est inférieur à celui existant en 1987 ;

- que la différence de rémunération entre Patrick X... et M. G... ne tient donc pas à la discrimination alléguée mais au développement antérieur de carrière propre à celui-ci.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le rapport d'enquête déposé le 3 janvier 2007 par les conseillers prud'hommes missionnés par la juridiction de première instance révèle que, si M. I..., directeur de l'établissement REAGROUP, a convenu que les personnes ayant réussi le test COTECH suivaient normalement la formation subséquente sauf pour raison personnelle, et qu'il ne pouvait préciser pourquoi 5 parmi celles ayant passé le test entre 1987 et 1993 n'avaient pas suivi la formation, il a cependant expliqué que la programmation de la formation tenait compte des besoins de l'entreprise et du budget affecté à celle-ci et que l'absence de test et de formation entre octobre 1994 et février 2003 était due dans un premier temps à un choix de la direction régionale et de l'établissement, puis à la fusion des établissements rive droite-rive gauche et à la filialisation de l'entreprise.

La seule attestation délivrée par Daniel B... relatant des propos tenus à Patrick X... après sa réussite au test COTECH par son supérieur hiérarchique, selon lesquels l'intéressé devait choisir entre sa carrière et ses fonctions syndicales, ne peut suffire à établir que la formation lui aurait ensuite été refusée en raison de l'exercice de ces fonctions. La contestation par Patrick X... du motif du jugement conditionnant la valeur probante de ces propos à la démonstration d'une politique générale d'exclusion des salariés syndiqués devient donc sans objet.

Il n'est pas contesté que, parmi les 8 salariés ayant accédé à la formation COTECH entre 1991 et 1998, 5 travaillaient pour la succursale de la rive gauche de la société REAGROUP, établissement distinct de la succursale de la rive droite jusqu'en 1997 : François C..., Laurent D..., Alain A..., Philippe E... et Bernard F.... Patrick Z..., qui a également suivi cette formation, a passé le test le 13 mars 1992, alors que Patrick X... l'avait réussi la veille, et tous les deux travaillaient pour la succursale de la rive droite, mais le premier avait atteint le niveau P3 B220 le 1er juin 1991 alors que le second ne l'a acquis que le 1er février 1992.

Reprenant les motifs du conseil de prud'hommes ainsi complétés et partiellement modifiés par les siens, la cour considère à son tour que la non-admission de Patrick X... à une session de formation COTECH en 1992 et dans les années qui ont immédiatement suivi s'explique par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur son appartenance à un syndicat : existence de deux établissements distincts jusqu'en 1997, besoins et budgets de formation de chacun d'eux, date de passage du test, ancienneté dans le niveau acquis, absence de toute formation COTECH organisée pour la succursale de la rive droite entre 1993 et 2003...

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes fondées par Patrick X... sur la discrimination syndicale et tendant au paiement de dommages intérêts pour préjudice matériel et moral et à l'attribution d'une classification supérieure et d'une revalorisation salariale, ainsi que la demande indemnitaire présentée par le syndicat CGT RENAULT ROUEN.

Eu égard à l'issue de l'instance d'appel, Patrick X... et le syndicat CGT RENAULT ROUEN ne peuvent bénéficier de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu en la cause le 28 septembre 2007 par le conseil de prud'hommes d'ELBEUF,

Déboute Patrick X... et le syndicat CGT RENAULT ROUEN du surplus de leurs demandes,

Condamne Patrick X... et le syndicat CGT RENAULT ROUEN aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Numéro d'arrêt : 07/03925
Date de la décision : 01/04/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes d'Elbeuf


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-04-01;07.03925 ?
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