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20/03/2008 | FRANCE | N°06/04307

France | France, Cour d'appel de Rouen, 20 mars 2008, 06/04307


R. G : 06 / 04307








COUR D'APPEL DE ROUEN


DEUXIÈME CHAMBRE


ARRÊT DU 20 MARS 2008










DÉCISION DÉFÉRÉE :


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 15 Septembre 2006








APPELANTE :


SCI CLUB DU DOMAINE DE VAUX SUR EURE
Domaine de Vaux sur Eure
Allée du Moulin
27120 VAUX SUR EURE


représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour


assistée de Me Jean-Yves PONCET, avocat au

barreau d'Evreux








INTIMÉS :


Monsieur Elie Y...


...

75016 PARIS




Madame Bernadette Z... épouse Y...


...

75016 PARIS




Monsieur Arnaud A...


...


...

27120 VAUX SUR EURE










...

R. G : 06 / 04307

COUR D'APPEL DE ROUEN

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 20 MARS 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 15 Septembre 2006

APPELANTE :

SCI CLUB DU DOMAINE DE VAUX SUR EURE
Domaine de Vaux sur Eure
Allée du Moulin
27120 VAUX SUR EURE

représentée par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Yves PONCET, avocat au barreau d'Evreux

INTIMÉS :

Monsieur Elie Y...

...

75016 PARIS

Madame Bernadette Z... épouse Y...

...

75016 PARIS

Monsieur Arnaud A...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

Madame Aline B... épouse A...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

Monsieur Daniel C...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

Madame Françoise D... épouse C...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

Monsieur René E...

...

78350 JOUY EN JOSAS

Madame Marie-Louise F... veuve G...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

Madame Odette H... épouse I...

...

92210 ST CLOUD

Monsieur Jean J...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

Madame Simone K... épouse J...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

Monsieur Didier L...

...

27120 VAUX SUR EURE

Monsieur René M...

...

...

27120 VAUX SUR EURE

SCI S. S. C.

...

...

27120 VAUX SUR EURE

représentés par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY N..., avoués à la Cour

assistés de Me Jean-Louis O..., avocat au barreau d'Evreux

Monsieur René P...

...

75017 PARIS

Madame Claude P...

...

75017 PARIS

sans avoué constitué bien que régulièrement assignés par acte du 08 juin 2007 remis à domicile

PARTIE INTERVENANTE :

Madame Evelyne Q...

prise en sa qualité d'héritière de Mr Hans Q... décédé le 22 juin 2006
assignée en intervention forcée par acte du 31 août 2007

...

...

27120 VAUX SUR EURE

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY N..., avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Louis O..., avocat au barreau d'Evreux

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré :

Madame BARTHOLIN, Présidente
Monsieur LOTTIN, Conseiller
Madame VINOT, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame DURIEZ, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Février 2008, où la présidente a été entendue en son rapport oral et l'affaire mise en délibéré au 20 Mars 2008

ARRÊT :

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Mars 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BARTHOLIN, Présidente et par Madame DURIEZ, Greffier présent à cette audience.

*
* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Faits et procédure :

Un arrêté du préfet de l'Eure en date du 8 janvier 1962 a autorisé le lotissement d'un terrain de 27 hectares situé sur la commune de Vaux sur Eure et par extension de Croisy sur Eure en vue de la construction de maisons individuelles.

Un règlement de servitudes d'intérêt général a été établi prévoyant que le lotissement dénommé domaine de Vaux sur Eure comprendrait la division en 12 tranches comportant chacune plusieurs lots, outre 6 lots isolés (lots 7, 42, 75, 76, 80 et 81), plus un lot formé par les parties communes (lot no 85).

71 lots étaient destinés à recevoir des maisons individuelles distinctes ou groupées à édifier par les futurs propriétaires, et les lots dits isolés comportant déjà des constructions étaient eux-mêmes destinés à être revendus à des propriétaires libres de les aménager dans le respect du cahier des charges ; les lots 77, 78, 79, 82 à 84 dénommés " le club " étaient eux-mêmes destinés à la création d'espaces verts et de jeux divers avec des pièces d'eau.

Enfin, le règlement de servitudes prévoyait que les parties communes groupées dans le lot 85 comprendraient les sols des voiries privées et des parkings et des espaces verts se trouvant hors des lots à vendre, ces parties communes étant placées sous le régime de l'indivision forcée et appartenant indivisément à l'ensemble des futurs propriétaires du morcellement, chacun pour une quote-part exprimée en dix millièmes et calculée proportionnellement à la superficie de chaque lot.

Concernant les six lots dénommés " le club ", l'article 19 du règlement prévoyait que leur acquéreur aura l'obligation d'y créer certains aménagements (volley-ball, tennis, et jeux de boules..., ainsi que pièces d'eau ou espaces verts et trois embarcadères permettant aux propriétaires d'y amarrer leur bateau).

L'article 19 du règlement prévoyait encore qu'" une société ou association pourra être créée avec la participation de tous les acquéreurs des lots et éventuellement de toutes personnes qu'il plaira à ces dernières, suivant le règlement intérieur, en vue d'acquérir ou le louer, organiser, agencer, administrer et gérer les lots constituant le club et les jeux qui y sont installés ".

A donc été constituée une société civile immobilière dénommée la SCI du club du domaine de Vaux destinée à acquérir et gérer les lots intitulés le club, société dont, au terme de plusieurs années de fonctionnement, certains associés ont manifesté l'intention de se retirer.

Ils ont soumis à cet effet leur retrait à l'assemblée générale de la SCI convoquée le 8 mai 2004 qui a voté contre cette résolution.

C'est dans ces conditions que les demandeurs au retrait ont saisi le tribunal de grande instance d'Evreux d'une demande tendant à se voir autoriser à se retirer de la société pour de justes motifs en application de l'article 1869 du code civil.

Par jugement en date du 15 septembre 2006, le tribunal de grande instance d'Evreux a déclaré recevable la demande de retrait de la SCI du Club du domaine de Vaux sur Eure formée par les demandeurs et les a autorisés à se retirer de la SCI du club du domaine de Vaux Sur Eure, fixant la date de leur retrait au jour ou le jugement sera définitif.

Le tribunal a dit encore que la SCI sera tenue en conséquence de rembourser à chaque associé retrayant la valeur des parts qu'il détient et renvoyé les parties pour l'évaluation des parts à la procédure prévue par l'article 1843-4 du code civil.

La SCI club du domaine de Vaux a été déboutée de toutes ses demandes et condamnée à payer les entiers dépens et à payer à chacun des demandeurs la somme de 330 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI du club du domaine de Vaux a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil et de l'article 19 du règlement de servitudes d'intérêt général, de juger recevable son appel et de réformer le jugement déféré et de :

- constater que les actes fondateurs du domaine font obligation aux propriétaires d'être membres de la SCI

-juger que le retrait des intimés ferait perdre à la SCI tout son sens sinon son objet et est incompatible avec leur qualité de propriétaire

-juger que les arguments développés par les intimés ne constituent pas de justes motifs.

En conséquence,

- débouter l'ensemble des intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

Vu la résolution de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI en date du 4 novembre 2006,

- constater que la SCI a été dissoute et que Me R... a été nommé liquidateur de la société

-constater que la demande de retrait des associés est dépourvue de fondement ;

En conséquence,

- infirmer le jugement intervenu et débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- constater que les intimés continuent de profiter de l'entretien et du gardiennage du domaine et que rien ne prouve qu'ils ne font pas usage des équipements sportifs ;

- débouter les intimés de leur demande tendant à être dispensés de toute charge à la date de l'assignation et décider qu'ils resteront tenus de ces frais jusqu'à l'obtention d'un titre exécutoire et sous réserve d'organiser au préalable leur lot de façon à rendre inaccessible pour eux le domaine de la SCI ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement l'ensemble des intimés à verser à la SCI la somme de 10 000 euros sur le fondement d le'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont droit de recouvrement au profit de la SCP Colin Voinchet Radiguet Enault avoués à la Cour par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Mesdames S... veuve Q..., Elie T..., Madame Bernadette U... née Z..., la SCI SSC, Monsieur René M..., Madame Aline A... née B..., Monsieur Arnaud A..., Monsieur Denis C..., Madame Françoise C... née D..., Monsieur René E..., Madame Marie-Louise G... née F..., Madame Odette I... née H..., Monsieur Jean J..., Madame Simone J... née GEORGES, Monsieur Didier L... concluent à la recevabilité de l'intervention forcée de Madame S... et en reprise d'instance en sa qualité d'héritière de Monsieur Q... décédé et, jugeant recevable l'appel de la SCI du club du domaine de Vaux, demandent de le dire mal fondé et de l'en débouter ;

Faisant droit à leur appel incident,

- de réformer partiellement le jugement entrepris et de fixer leur date de retrait à la date du 8 mai 2004, date de l'assemblée générale extraordinaire à laquelle leur demande de retrait a été rejetée par les associés majoritaires de la SCI alors que les justes motifs de ce retrait étaient réunis et, subsidiairement, à la date de l'assignation introductive d'instance ;

- de confirmer au surplus le jugement déféré dont appel dans ses dispositions non contraires ;

- de condamner la SCI du club du domaine de Vaux sur Eure en tous les dépens avec droit de recouvrement au profit de la SCP Lejeune Gallière Marchand Gray avoués associés suivant les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à leur payer à chacun d'eux la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de ses référer à leurs écritures signifiées le 2 mars 2007 pour la SCI du club du domaine de Vaux et le 3 décembre 2007 pour les intimés.

Les moyens développés par les parties dans leurs écritures seront examinés dans le cours de la discussion.

DISCUSSION

Il y a lieu de donner acte à Madame S... veuve Q... de son intervention en reprise d'instance en qualité d'héritière de son mari décédé qui était partie précédemment à la procédure.

Il convient en outre d'observer à titre liminaire que, suivant assemblée générale extraordinaire du 4 novembre 2006, la dissolution de la SCI a été votée à la majorité des associés et Me R... nommé en qualité de liquidateur de la SCI.

Cette dissolution, postérieure au jugement déféré ne saurait cependant priver a posteriori les intimés en appel de leur intérêt à agir ; en effet, d'une part et suivant l'article 1844 du code civil, la personnalité morale d'une société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci et il appartient au liquidateur d'établir les comptes de la SCI et la quote-part de charges de chacun des associés et, d'autre part, les intimés ont formé appel incident pour demander que la date de leur retrait soit fixée à une date antérieure au jour où le jugement deviendra définitif soit au 8 mai 2004 et subsidiairement au 25 mars 2005.

Ils ont donc intérêt et sont recevables à agir.

Sur la faculté de retrait :

La SCI du club du domaine de Vaux fait valoir que, au regard des textes fondateurs du domaine, tous les propriétaires doivent nécessairement être membres de la SCI ; que l'article 19 du règlement des servitudes d'intérêt général impose en effet à tous les propriétaires d'être titulaire d'une part sociale.

La SCI du club soutient encore que les statuts ne comprennent aucune disposition relative à la possibilité de se retirer et que seuls les propriétaires peuvent être agréés en tant qu'associés de la SCI ; que le règlement intérieur de l'association du club du domaine rappelle cette obligation en prévoyant que tout acquéreur d'un lot ou d'un local dépendant des bâtiments édifiés ou à édifier sur certains lots acquièrent en même temps une part de la SCI du club du domaine de Vaux sur Eure.

Elle souligne que ces dispositions ont pour objectif d'assurer outre l'entretien du parc arboré et le gardiennage du domaine la pérennité des activités ; elles impliquent donc que l'obligation d'être membre de la SCI est une obligation dont le débiteur est tenu en tant que propriétaire d'une chose et dont il ne peut s'affranchir qu'en abandonnant ou en aliénant celle-ci.

Elle invoque enfin que le retrait judiciaire n'est pas d'ordre public et que le contrat ou plus généralement tout acte réglementaire de droit privé doit pouvoir y déroger.
En réalité, l'article 19 du règlement de servitudes prévoit seulement en ce qui concerne les six lots en cause destinés aux espaces verts, jeux divers et embarcadères que " une société ou association pourra être créée avec la participation de tous les acquéreurs de lots et éventuellement de toutes personnes qu'il plaira à ces dernières, suivant le règlement intérieur, en vue d'acquérir ou de louer, organiser, agencer, administrer et gérer les lots constituant le club et les jeux qui y sont installés ".

Et l'article 11 des statuts de la SCI du domaine de Vaux sur Eure énonce de son coté que " seuls les propriétaires à quelque titre que ce soit peuvent être sociétaires ".

Si la condition pour être associé est ainsi d'être propriétaire d'un lot du domaine, aucune disposition claire contenue soit dans le règlement de servitudes d'intérêt général soit dans les statuts de la SCI ne fait en revanche obligation à un propriétaire de devenir associé de la SCI du domaine de Vaux.

La seule disposition précise qui lie obligatoirement la condition de propriétaire à la possession d'une part de SCI est une disposition du règlement intérieur de l'association du club qui prévoit que " tout acquéreur d'un lot ou d'un local dépendant des bâtiments édifiés ou à édifier acquiert en même temps une part de la SCI DU CLUB DU DOMAINE DE VAUX lui donnant la jouissance ainsi qu'à son conjoint et ses descendants des espaces verts appartenant à ladite société ".

Mais la SCI conteste la validité de ce règlement ; elle affirme en effet que le document contenant le règlement intérieur ne comporte ni date ni signature, qu'il ne fait pas partie des statuts de la SCI et n'a été approuvé par aucune assemblée délibérative ni celle de la SCI ni celle de l'association et qu'il ne lui est donc pas opposable.

Il s'ensuit que la SCI est parfaitement mal venue à invoquer l'une des dispositions d'un règlement dont elle fait observer à juste titre qu'il ne fait pas partie de ses statuts et n'a été approuvé par aucune assemblée de la SCI ; ses dispositions sont donc sans portée

La SCI affirme, au surplus, que la preuve que chaque propriétaire est au moins porteur d'une part sociale qu'il cède en même temps que la propriété de son bien est que cette cession figure dans les actes de vente qui sont dressés, tel celui concernant Monsieur P... comme celui concernant Monsieur C....

Mais elle s'abstient de verser aux débats ces documents, ne produisant que celui concernant la transmission des droits de Monsieur Q... à son épouse qui comporte effectivement la cession d'une part de SCI.

Il convient d'observer à cet égard que la société civile immobilière qui était composée à l'origine de 91 parts et dont les statuts prévoient que le nombre de parts peut s'accroître en fonction des cessions, ne donne aucune indication précise sur le nombre actuel de parts sociales et d'associés qui la composent, ce qui aurait permis aisément de vérifier par comparaison avec le nombre de propriétaires du domaine que chaque propriétaire est au moins porteur d'une part.

Et les intimés font observer sans être démentis que plusieurs propriétaires au sein du domaine ne sont pas associés : ainsi Monsieur et Madame V..., W...
XX..., W... et YY...
Y....

Le gérant de la SCI a lui-même reconnu au cours d'une assemblée générale qu'une part sociale n'avait pas été systématiquement proposée à chaque nouveau propriétaire en raison de ce qu'il qualifie d'" oublis successifs " au fil du temps.

A supposer cependant que le règlement de servitudes en édictant d'une manière générale et qui ne comporte aucune obligation qu'" une société (ou une association) pourra être constituée avec tous les acquéreurs de lots ", ait sous entendu que chaque propriétaire deviendra obligatoirement associé, il n'en demeure pas moins qu'aucune disposition des statuts ne subordonne en revanche la faculté de retrait d'un associé à la cession de son lot, laissant ouverte la possibilité de céder tout ou partie de ses parts à un autre associé.

Et, contrairement à ce que soutient la société, le silence des statuts quant à la faculté de retrait ne saurait valoir interdiction implicite de toute cession de droits sociaux hors le cas de cession de la propriété d'un lot.

Là encore, et même à supposer qu'une telle limitation soit cependant conforme à l'esprit du règlement de servitudes et des statuts de la SCI sinon à la lettre de ces documents, dès lors que ni le règlement ni les statuts ne réglementent la faculté de retrait, l'interdiction d'un retrait autorisé par décision de justice d'un ou plusieurs associés ne peut elle-même être considérée comme sous-entendue.

En effet, le règlement de servitudes a dissocié clairement le statut des parties communes soumises à l'indivision forcée de l'ensemble des propriétaires, ce qui implique l'impossibilité de retrait lié à la qualité même de propriétaire, du statut des autres lots et notamment de ceux intitulés " le club " destinés à être acquis et administrés par une société ou association et pour lesquels aucune disposition n'impose à chaque propriétaire d'être titulaire d'une part sociale ; il s'ensuit que nul ne peut être tenu dans ces conditions de rester associé sans pouvoir exercer la faculté de retrait fondée au moins sur un motif légitime conformément aux dispositions légales de l'article 1869 du code civil.

Et c'est à tort que la société civile immobilière invoque qu'un retrait même autorisé en justice compromettrait sa vocation à gérer des activités aussi essentielles du domaine que celles de gardiennage qui concernent l'ensemble des propriétaires alors que cette activité n'entre pas dans son objet social.

Sur les motifs invoqués par les associés pour se retirer :

Les demandeurs au retrait invoquent que, bien que ne participant plus aux activités sportives et de loisirs de la société civile dont ils n'utilisent plus ni les locaux ni les équipements ni les matériels et qu'ils ne profitent pas de la répartition de bénéfices la société n'en faisant pas, ils sont obligés de participer aux frais de fonctionnement et aux pertes de la même façon que les utilisateurs des installations en application des statuts de cette société.

Le juste motif retenu par la jurisprudence en matière de retrait doit être apprécié de façon subjective par rapport à la situation personnelle de l'associé (l'âge, l'état de santé, le changement de situation, la situation financière du demandeur au retrait)... ce qui suppose en l'espèce que les candidats au retrait précisent pour chacun d'eux leur motivation personnelle.

Or ils se bornent à souligner dans leur ensemble qu'ils n'utilisent plus les équipements sportifs, étant observé que la société civile immobilière a également la propriété d'espaces verts et notamment d'un grand parc de verdure, de pièces d'eau et d'embarcadères dont les associés n'indiquent pas ne pas avoir usage au sein du domaine d'autant que ces éléments sont situés au coeur du lotissement.

Ils insistent surtout sur le coût, exorbitant à leur yeux, des frais de reconstruction de la piscine qui auraient été votés selon eux dans la précipitation et contrairement aux préconisations de l'expert ZZ... de la cour d'appel de Rouen lequel concluait le 22 février 2002 à la nécessité d'opter pour un petit bassin au terme de son rapport où il concluait : " il importe de rester en dessous des 200m ² de plan d'eau afin de s'affranchir au maximum des contraintes imposées par l'arrêté de 1981 ".

Or il résulte des documents produits aux débats par la SCI du domaine de Vaux que les travaux de reconstruction de la piscine ont été votés après qu'une commission technique composée de personnes qualifiées, ayant des compétences professionnelles certaines (un polytechnicien, un centralien, un expert en assurances...) et dirigée par un ingénieur spécialiste de la mécanique des fluides élues par les associés de la SCI, se soit penchée sur les différentes solutions envisagées ; que les travaux de reconstruction ont été adoptés ensuite à la majorité des associés suivant assemblée générale ordinaire du 16 avril 2005, assemblée qui a validé des choix déjà opérés pour rendre les votes conformes en choisissant parmi trois projets et qu'enfin, les travaux ont été supervisés par ladite commission.

Les intimés admettent d'ailleurs dans leurs conclusions que les travaux ont été entrepris dans des conditions techniques et financières qui ne sauraient être critiquées, doutant seulement de la pertinence du choix opéré puisque la piscine est selon eux affectée depuis de désordres constatés par un huissier de justice le 9 mai 2006.

La SCI indique de son coté que les désordres invoqués consistant en une fissure du fond de la piscine sont exagérés et qu'en tout cas, ils ont été réparés ou en voie de l'être, sans être démentis sur ces derniers points alors que la piscine a fait l'objet de déclaration en préfecture en avril 2004 et d'un contrôle de la DASS en juin 2004 et qu'elle fait depuis l'objet périodiquement de contrôles.

Il n'est donc nullement démontré que le choix de travaux fait régulièrement par la SCI serait contraire à l'intérêt des associés et sur ce point, les demandeurs au retrait s'abstiennent de démontrer par la production de documents comptables que ce choix a entraîné des frais dispendieux pour eux et sans commune mesure par rapport à l'usage qui pouvait être raisonnablement attendu d'un tel investissement.

Les intimés font encore valoir que la gestion des comptes de la SCI souffre d'importantes anomalies notamment :

- le résultat de l'exercice et son affectation ne sont pas connus,

- la part du revenu ou du déficit incombant à chaque associé qui doit être déclaré à l'administration fiscale n'est pas connue,

- l'image du patrimoine de la société n'est pas connue,

- le montant des avances en compte courant effectué par les associés n'est pas connu.

Ils soutiennent que cette opacité dissimule mal certaines irrégularités dans " la manipulation des comptes " de la SCI ainsi qu'il avait été relevé dans un courrier adressé à la SOGEST gestionnaire des comptes de la SCI faisant état d'un emprunt pour compenser un déficit du compte de gestion.

Ils invoquent enfin qu'au moins trois parts sociales ont été attribuées à tort à des propriétaires qui n'en avaient jamais fait l'acquisition, ce qui remet en cause la validité des assemblées qui se sont tenues, la répartition des charges entres associés et ajoute à la confusion qui prévaut dans la tenue des comptes.

Or, l'obligation prévue par l'article 1856 du code civil qui est faite aux gérants de sociétés civiles de rendre compte de leur gestion aux associés n'impose pas la tenue d'une comptabilité dans les formes prévues pour les sociétés à objet commercial (comptabilité en partie double notamment) de sorte qu'une comptabilité en partie simple telle que préconisée par Monsieur AA... expert comptable dans l'attestation qu'il a faite à l'intention de la SCI et qui est habituellement dressée pour le compte de la SCI par la société SOGEST apparaît suffisante à l'information des associés.

Il s'ensuit que les griefs tenant à la confusion des comptes ou prétendues irrégularités n'apparaissent pas justifiés.

Au demeurant, les associés demandeurs au retrait n'ont intenté aucune action ut singuli ou au nom de la société pour faire juger les " importantes anomalies " qu'ils dénoncent sans les établir, dans les comptes qui ont toujours été approuvés par les associés dans leur majorité.

Enfin, l'anomalie selon laquelle des parts ont pu être attribuées par erreur à trois associés alors qu'il n'en avaient pas fait l'acquisition, a été admise par le gérant comme provenant d'" oublis successifs " au terme desquels une part sociale n'a pas été systématiquement proposée à chaque nouveau propriétaire.

La SCI fait toutefois observer que cette erreur a été constituée alors que certains des demandeurs au retrait étaient membres du conseil de surveillance de la SCI et qu'ils ne l'ont pas détectée.

Il reste que les délibérations de la SCI restent valables tant qu'elles n'ont pas été annulées et que les demandeurs s'abstiennent de démontrer l'incidence exacte d'une telle erreur sur la gestion de la société ou sur leur situation personnelle et le préjudice qu'elle leur cause personnellement.

Dans la mesure où la SCI a été créée et a pour objet de gérer les équipements sportifs, de loisirs et les espaces verts dans l'intérêt collectif de l'ensemble des propriétaires du domaine, et indépendamment de l'intérêt que tel ou tel en retire, la preuve n'est pas rapportée d'une gestion ruineuse de ces équipements et espaces au regard de cet intérêt collectif et de la situation personnelle des demandeurs.

Ceux-ci qui n'établissent pas au surplus les anomalies comptables invoquées ni l'incidence de l'erreur dans la liste des associés sur la gestion de la société ou sur la leur en particulier ne justifient en conséquence pas d'un motif légitime à se retirer de la SCI du domaine de Vaux sur Eure.

Il y lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de débouter les demandeurs au retrait de leurs demandes.

Sur les autres demandes :

Les intimés supporteront les entiers dépens et paieront à la SCI du domaine de Vaux sur Eure la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Donne acte à Madame Q... de son intervention en cause d'appel en reprise d'instance es qualités d'ayant droit de son mari décédé ;

Dit que les demandeurs au retrait restent recevables à agir nonobstant la liquidation en cours de la SCI du domaine de Vaux sur Eure ;

Infirmant le jugement déféré,

Déboute l'ensemble des demandeurs au retrait de leur demande de retrait de la SCI du domaine de Vaux sur Eure sur le fondement de l'article 1869 du code civil ;

Les déboute en conséquence de leur appel incident et de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux entiers dépens dont droit de recouvrement au profit de la SCP Colin Voinchet Radiguet Esnault avoués en application de l'article 699 du code de procédure civile et les condamne à payer à la SCI du domaine de Vaux sur Eure la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Numéro d'arrêt : 06/04307
Date de la décision : 20/03/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Evreux


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-20;06.04307 ?
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