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19/03/2008 | FRANCE | N°06/02874

France | France, Cour d'appel de Rouen, 19 mars 2008, 06/02874


R. G : 06 / 02874




COUR D'APPEL DE ROUEN


CHAMBRE 1 CABINET 1


ARRÊT DU 19 MARS 2008








DÉCISION DÉFÉRÉE :


TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 7 avril 2006


APPELANTS :


Monsieur Etienne X...


...


...

57730 VALMONT


représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY Y..., avoués à la Cour


assisté de Me Jean Pierre Z..., avocat au Barreau de ROUEN


Madame Françoise X...épouse A...


...

58 40 NORTH DAKO

TA
(U. S. A.)


représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY Y..., avoués à la Cour


assistée de Me Jean Pierre Z..., avocat au Barreau de ROUEN


Monsieur Patrick X...


...


...

22300 LANNION


représen...

R. G : 06 / 02874

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 19 MARS 2008

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 7 avril 2006

APPELANTS :

Monsieur Etienne X...

...

...

57730 VALMONT

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY Y..., avoués à la Cour

assisté de Me Jean Pierre Z..., avocat au Barreau de ROUEN

Madame Françoise X...épouse A...

...

58 40 NORTH DAKOTA
(U. S. A.)

représentée par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY Y..., avoués à la Cour

assistée de Me Jean Pierre Z..., avocat au Barreau de ROUEN

Monsieur Patrick X...

...

...

22300 LANNION

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY Y..., avoués à la Cour

assisté de Me Jean Pierre Z..., avocat au Barreau de ROUEN

Monsieur Marc X...

...

07430 DAVEZIEUX

représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY Y..., avoués à la Cour

assisté de Me Jean Pierre Z..., avocat au Barreau de ROUEN

INTIMÉS :

Monsieur Jean-Marie X...

...

66000 PERPIGNAN

représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me Blandine B..., avocat au Barreau de ROUEN

Monsieur Philippe X...

...

04000 DIGNE LES BAINS

représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me Blandine B..., avocat au Barreau de ROUEN

Maître Michel X...

...

76540 VALMONT

représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me Blandine B..., avocat au Barreau de ROUEN

Maître Vincent X...

...

76230 BOIS-GUILLAUME

représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me Blandine B..., avocat au Barreau de ROUEN

Madame Marie X...épouse C...
D...

...

20013 SAN SEBASTIAN
(ESPAGNE)

représentée par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Blandine B..., avocat au Barreau de ROUEN

Monsieur Denis X...

...

76000 ROUEN

comparant à l'audience

représenté par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assisté de Me Blandine B..., avocat au Barreau de ROUEN

Madame Marie-José X...épouse E...

...

76000 ROUEN

représentée par Me COUPPEY, avoué à la Cour

assistée de Me Blandine B..., avocat au Barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 23 janvier 2008 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHÉ, Président, rapporteur, en présence de Monsieur GALLAIS, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BOUCHÉ, Président
Madame LE CARPENTIER, Conseiller
Monsieur GALLAIS, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Jean Dufot

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 janvier 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2008

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 mars 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.

*
* *

De l'union de Raoul X..., notaire à Valmont, et de Marie-Louise F...sont nés 12 enfants :
- Jean-Marie X...né le 15 août 1933,
- Philippe X...né le 22 juillet 1934,
- Etienne X...né le 3 avril 1936,
- Michel X...né le 10 mai 1937,
- Pierre X...né le 3 juillet 1938, disparu en Algérie en 1961,
- Françoise X..., épouse A..., née le 30 juillet 1943,
- Patrick X...né le 6 septembre 1944,
- Vincent X...né le 2 décembre 1945,
- Marc X...né le 4 avril 1947,
- Marie-Dominique X..., épouse C...
D..., née le 28 août 1948,
- Denis X...né le 10 octobre 1949,
- Marie-José X..., épouse E..., née le 28 février 1951 ;

Raoul X...a rédigé un testament olographe le 10 mai 1947 pour léguer à son épouse la quotité disponible de sa succession ; il est décédé le 8 octobre 1957 ;
Marie-Louise F..., âgée de 44 ans, est ainsi devenue propriétaire de la moitié de la communauté, usufruitière de l'autre moitié par l'effet du contrat de mariage et légataire de la quotité disponible en pleine propriété de la succession de son époux ;

Le partage de la succession de Raoul X...n'a pas été effectué et les héritiers sont ainsi restés en indivision ; plusieurs d'entre eux, encore mineurs lors du décès de leur père, ont été placés sous la tutelle et l'administration de leur mère ;

Divers actes de disposition et d'administration ont été faits, dont la cession consentie à Michel X...le 16 novembre 1962 de l'étude notariale sous administration provisoire suivant délibération du conseil de famille du 11 mai 1962 homologuée par jugement du 11 octobre 1962, la vente le 22 février 1980 par Marie-Louise F...d'une maison d'habitation de Valmont à Michel X..., puis la vente le 4 décembre 1981 également par la mère d'une maison de la rue Louis Dubreuil à Rouen à Denis X..., un de ses autres fils ;

Marie-Louise F...est décédée le 4 mai 1995 ;

Par acte des 27 et 30 mars 1998, huit des onze héritiers ont fait assigner Patrick, Etienne et Marc X...afin que les opérations de liquidation et de partage de la succession de leur mère soient ordonnées ;

Par acte du 15 février 1999, Patrick, Etienne et Marc X...ont fait sommation aux autres héritiers de leur communiquer plusieurs pièces ;
le juge de la mise en état, par ordonnance du 17 décembre 1999, n'a pas fait droit à cette demande ;

Par jugement du 5 décembre 2000, rectifié le 30 octobre 2001, le tribunal de grande instance de Rouen a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Marie-Louise F...et de Raoul X...et de la communauté ayant existé entre eux et a nommé maîtres RIVIÈRE et HUTEREAU, notaires respectivement à Cenon (33) et à Darnétal (76), pour y procéder conjointement ;

Après ouverture des opérations le 10 mars 2003, les notaires ont dû se résoudre à dresser un procès-verbal de difficultés le 7 juin 2004 en raison de désaccords entre les indivisaires ;

Le 29 mars 2005 le juge commissaire, saisi par sept des héritiers, a constaté la non-conciliation des parties et renvoyé l'affaire devant le tribunal ;
Etienne, Patrick, Marc X...et Françoise G...ont sollicité la communication des pièces énoncées dans la sommation du 15 février 1999 et une mesure d'expertise ;

Suivant jugement contradictoire du 7 avril 2006, le tribunal de grande instance de Rouen a rejeté la demande de communication des pièces et la demande subsidiaire d'expertise judiciaire, a homologué une partie du procès-verbal de difficultés et condamné conjointement Patrick, Etienne, Marc et Françoise G...à payer aux autres cohéritiers 2 000 € à titre de dommages et intérêts et 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

***

Etienne et Françoise G...ont relevé appel de cette décision ;
Patrick et Marc X...ont formé appel incident par même avoué et font leurs les moyens développés par les appelants ;

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 24 octobre 2006, ils demandent à la cour, par réformation du jugement entrepris, d'enjoindre les intimés de communiquer, sous astreinte de 100 € par jour de retard l'ensemble des pièces visées dans la sommation du 15 février 1999 ;
subsidiairement ils demandent la désignation d'un expert immobilier et d'un expert comptable aux frais avancés de l'indivision-succession et, en toute hypothèse, la condamnation des autres héritiers au paiement d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les appelants reprochent essentiellement au tribunal d'avoir statué " extra petita " en tranchant le fond du litige, alors qu'il constate que ni les demandeurs à la communication de pièces et à l'expertise judiciaire, ni les autres cohéritiers ne forment de demande concernant la résolution des difficultés ;

S'agissant de la communication de pièces, le tribunal a opposé la prescription en application des articles 1268, 1269 du code de procédure civile et 2255, 2277, 815-10 alinéa 2 et 2262 du code civil ; selon les appelants il s'agit d'une erreur de droit : en effet, l'indivision post-communautaire et l'indivision successorale ayant été maintenues au décès de Raoul X..., les fonds ont été gérés par Marie-Louise F...au-delà de la majorité des enfants ; dès lors la prescription n'a commencé à courir qu'au décès de cette dernière ;
par ailleurs, l'arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation du 5 décembre 1978 a jugé que le rapport des dettes constituant une opération de partage, les dettes ne sont pas exigibles pendant la durée de l'indivision et ne peuvent se prescrire avant la clôture des opérations de partage ;

Toujours selon les appelants, le tribunal a jugé à tort que les pièces dont la communication est demandée ne sont pas pertinentes, alors que, d'après l'arrêt de la deuxième chambre civile du 17 novembre 1993, il n'est pas nécessaire de démontrer que soit établie la certitude de l'existence d'une pièce mais seulement sa vraisemblance ;

***

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 9 novembre 2007, Vincent X...et Michel X..., tous deux notaires, Jean-Marie, Philippe, Denis X..., Marie-Dominique H...
D...et Marie-José I...demandent à la cour, par confirmation du jugement entrepris sauf concernant les dommages et intérêts, de condamner in solidum les appelants et les appelants incidents à payer à chacun d'entre eux la somme de 2 000 € de dommages et intérêts, et à l'ensemble des intimés une indemnité supplémentaire de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les intimés estiment en effet, comme le tribunal, que les prétentions de leurs contradicteurs sont prescrites et, concernant la communication de pièces, qu'il leur appartient de démontrer que les intimés seraient en possession de ces pièces ; les appelants persistent en réalité à réclamer les pièces pour retarder le cheminement de la procédure ;

À la demande subsidiaire d'expertise, ils leur opposent l'article 146 du code de procédure civile qui évite de suppléer leur carence dans l'administration de la preuve ;

SUR CE LA COUR,

Dans le procès-verbal qu'ils ont établi le 7 juin 2004, les notaires liquidateurs ont regroupé les difficultés rencontrées en cinq points ; selon les appelants, les solutions à ces difficultés supposent la consultation de pièces que leurs contradicteurs retiennent et qui ont fait l'objet le 15 février 1999 d'une sommation de communication sous 14 rubriques restée sans effet ;

Aux termes de leurs conclusions, les appelants se réfèrent expressément à cette liste de pièces qu'ils demandent à la cour d'enjoindre les intimés de communiquer sous astreinte ; la sommation est ainsi définie :
- L'arrêté comptable définitif établi par la Chambre des Notaires et le Procureur de la République au jour du décès de Monsieur Raoul X...survenu le 8 Octobre 1957 ;
- L'intégralité des comptes établis, par l'administrateur de l'étude et de la succession de Monsieur Raoul X..., pendant la période d'administration ;
- L'évolution de la créance compte clients figurant dans la déclaration de cession de Michel X...;
- L'arrêté comptable établi lors de la cession de l'office notariale de Monsieur Raoul X...au profit de Monsieur Michel X...;
- La justification du paiement échelonné, au principal et intérêts, du prix de cession de l'office notarial par Monsieur Michel X....
- La justification de l'emploi, par la mère, des fonds revenant aux enfants mineurs à l'occasion du jugement du 11 Octobre 1962 ;
- Les contrats de location consentis par Madame Marie-Louise X...au profit de chacun des enfants ci-après désignés :
* Monsieur Michel X...au titre de l'immeuble situé à VALMONT,
* Madame Marie-José X...au titre de l'immeuble situé à ROUEN,
* Monsieur Denis X...au titre de l'immeuble situé à ROUEN,
* Monsieur Vincent X...au titre de l'immeuble situé à ROUEN,
* Monsieur Philippe X...au titre de l'immeuble situé au HAVRE.
- L'origine de la somme de 90 000 francs payée, en dehors de la comptabilité du notaire, lors de la vente de l'immeuble de ROUEN à Monsieur Denis AUVRAY ;
- L'origine de la somme de 130 000 francs réglée par Madame Veuve X...le 1er Décembre 1976 ;
- Le livret de famille et les contrats de mariage de chacun de Jean-Marie X..., Philippe X..., Michel X..., Françoise X...épouse J..., Vincent X..., Marie X...épouse C...
D..., Denis X..., Marie-José X...épouse E...;

- La dévolution et le règlement de la succession de Pierre X...;
- L'extrait K bis et les bilans de la S C I exploitant la clinique et la société de presse depuis l'ouverture de la succession ;
- L'ensemble des relevés de compte de Marie-Louise F...édités jusqu'à un an avant son décès,
- La justification de l'ordre de virement et la destination des comptes de la succession de veuve X...;

Selon les appelants, la consultation de ces pièces devrait permettre de résoudre les difficultés que les notaires liquidateurs n'ont pas pu résoudre et qu'ils ont résumées de la manière suivante après avoir levé certains obstacles :
- Patrick et Marc X...demandent le rapport à succession des libéralités indirectes que leur mère aurait consenties à Michel et à Denis leurs frères lors de ventes, sous-évaluées à leurs yeux, des maisons de Valmont et de la rue Louis Dubreuil à Rouen ;
- Denis n'est pas en mesure de justifier du règlement du prix de la maison de Rouen à hauteur de 90 000 francs ;
- plusieurs enfants X...ont occupé gratuitement ou moyennant des loyers dérisoires des immeubles indivis, ces avantages constituant pour les appelants des donations indirectes ;
- Marie-Louise F...a consenti des prêts qui, à défaut de preuve de leurs remboursements, sont rapportables à la masse à partager ;
- la traçabilité des flux financiers s'avère impossible concernant les produits encaissés par la défunte de plusieurs ventes immobilières ;

S'y ajoutent des demandes de pièces que les notaires ont écartées, mais que les appelants reprennent devant la cour ;

C'est dans ce contexte qu'est intervenu le jugement entrepris qui, pour des motifs de prescription, de sincérité des pièces produites ou d'absence de possession des certaines d'entre elles, a entièrement rejeté les demandes de communication dans un tableau récapitulatif figurant en pages 21 et 22 ;

Sur la pertinence des pièces réclamées

Les appelants reprochent au tribunal d'avoir jugé ultra petita en statuant sur la prescription de plusieurs de leurs demandes de rapport à succession, alors qu'il n'était pas saisi de cette exception et qu'il a ainsi tranché des questions de fond sans rapport avec celle limitée à la production des pièces nécessaires au déblocage des opérations de liquidation ;

Les intimés, sans vouloir se retrancher derrière un tel moyen de pur droit qui masquerait leur souci de transparence qu'ils invoquent, font cependant valoir à bon droit qu'en application de l'article 138 du code de procédure civile, il appartient au juge invité à se prononcer sur la délivrance d'une pièce de vérifier d'une part son existence entre les mains de celui qui est suspecté de rétention, d'autre part sa pertinence ou son utilité ;

Or, dans la notion de pertinence entre nécessairement celle de prescription : la décision déférée n'est pas critiquable sur ce point, concernant certaines pièces réclamées par les appelants, étant souligné que l'imprescriptibilité incontestable de toute action en partage d'une indivision ne rejaillit pas sur les demandes spécifiques qu'elle englobe et ne fait pas obstacle aux règles légales de prescription ;
c'est ainsi à bon droit que le juge de la mise en état, dans son ordonnance du 17 décembre 1999, a pu juger que la réponse aux exceptions d'irrecevabilité opposées par les uns, de la compétence du tribunal statuant au fond, est un préalable à la pertinence de la demande de communication de pièces formée par les autres ;

S'agissant de la reddition des comptes des mineurs par leur tutrice, l'article 475 du code civil enferme cette action dans un délai de cinq ans à compter de leur majorité : la plus jeune des enfants X...mineurs, Marie-José, est devenue majeure en février 1972 ; les actions en reddition étaient très largement prescrites 26 ans plus tard, lors de l'assignation délivrée en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage ;

Et les intimés d'ajouter à bon droit, pour la moralité des débats, que leur mère, dont l'emploi des fonds provenant de la cession de l'étude de son mari défunt n'est pas plus facile à reconstituer pour eux que pour les appelants qui le demandent, a utilisé ces fonds ou leur remploi en achat d'immeubles pour donner à chacun de ses douze enfants une éducation et une formation intellectuelle et professionnelle qu'aucun n'ose contester ;

Le tribunal s'est enfin interrogé à juste titre sur l'indétermination des pièces réclamées, et donc sur leur pertinence ;
au surplus, il n'a pu expliquer en quoi les sept héritiers aujourd'hui intimés seraient plus documentés et qualifiés que leurs quatre autres frères et soeur pour vérifier la gestion des fonds recueillis par leur mère qui ont servi à leur éducation et qui, pour certains, placés en immeubles ayant hébergé plusieurs des enfants au cours de leurs études et depuis, ont ensuite été recouvrés lors de la revente de ces immeubles ;

Au demeurant, les onze co-indivisaires n'ont pas contesté devant les notaires liquidateurs avoir bénéficié d'une juste répartition par leur mère du prix de ces reventes lors de leurs mariages respectifs sous forme de libéralités de montants équivalents et être ainsi dispensés de rapport ; dans cette logique, la demande de production des contrats de mariage et des livrets d'état-civil relève plus d'une intention malicieuse que de l'utilité et doit être rejetée ;

S'agissant du traité de cession de l'office notarial à Michel X...en 1962, les appelants renouvellent leur demande de communication des pièces suivantes :
- l'arrêté comptable définitif établi par la Chambre des Notaires et par le procureur de la République au jour du décès de Raoul X...,
- l'intégralité des comptes établis par l'administrateur jusqu'à la cession de l'office à Michel en novembre 1962,
- la justification du paiement échelonné du prix de cession,
- le sort du compte clients de l'étude à compter du décès de Raoul X...;

Suspectant en premier lieu une sous-évaluation du prix de la cession et une dispense partielle de paiement consentie à Michel, ils s'étonnent qu'au prétexte qu'est expiré le délai de conservation de pièces vieilles de plus de 40 ans, ce dernier, successeur de leur père, puisse invoquer l'absence de preuve de leur actuelle possession, alors que la Chancellerie contrôle les offices publics et ministériels et qu'à ce titre elle conserve nécessairement trace de tous les actes de cession ;

Or, c'est par un juste motif que le tribunal, faisant application de l'article 2262 du code civil qui dispose que toutes les actions réelles ou personnelles sont prescrites par trente ans, sauf dispositions particulières qui n'existent pas en l'espèce, a dit que les contestations relatives au prix et aux comptes de cession sont prescrites, la demande principale de pièces et celle subsidiaire d'une expertise judiciaire irrecevables ;

Au demeurant, les intimés sont fondés à souligner que la cession au prix de 280 000 francs s'est faite en toute transparence sous le contrôle des autorités institutionnelles et que, ce qu'admettent les appelants de manière incohérente au point de détecter un manque de 600 francs tout en demandant copie des chèques, Michel a pu justifier des versements à hauteur de 260 000 francs, sur la part de prix due de 266 000 francs ;
la preuve que Michel a soldé sa dette, conventionnellement échelonnée en 14 annuités dont 13 de 20 000 francs et une de 6 000 francs aux termes du traité de cession, est complétée par une quittance, régulière délivrée par sa mère le 15 mai 1972 et comme telle libératoire, même si elle ne s'accompagne pas d'un compte ou d'un chiffre, ceci par anticipation eu égard à la chronologie des remboursements exposée par Michel devant le tribunal ;

En revanche, reste la différence-14 000 francs-entre le prix de l'office et les sommes versées par l'acquéreur, différence que celui-ci ne conteste pas avoir retenue et qui trouve son explication dans la faible part de l'indivision successorale dont Marie-Louise F...n'était pas seule titulaire (soit 14 / 280ème) : n'est pas atteinte par la prescription commençant à courir à compter de l'ouverture des opérations de liquidation, et est donc recevable et fondée la prétention des appelants relative au paiement du prix de cession et qui tend à voir rapporter à la masse partageable cette somme de 14 000 francs retenue par Michel X...pour le compte de l'indivision et actualisée selon les règles régissant la matière ;

N'est pas de nature à remettre en cause cette obligation de rapport à succession justement revendiquée par les appelants, le respect formel des conditions légales du traité de cession : intervention d'un conseil de famille qui a autorisé Marie-Louise F..., ès qualités d'administratrice des biens de ses enfants mineurs, à céder l'office à son fils Michel, représentation à l'acte de cession de Pierre, dont le décès n'était pas alors déclaré, par maître K..., notaire judiciairement désigné le 4 juillet 1962, perception par la mère de la part de ce frère disparu et sa gestion, comme pour tous les biens de l'indivision post-communautaire ;

La disposition du jugement déféré qui ne fait pas cas de ce solde impayé doit être réformée ;

En revanche, la contestation de l'arrêté comptable de l'étude au jour du décès de Raoul X...vérifié par la chambre des Notaires et par la Chancellerie et la revendication des comptes établis par l'administrateur provisoire de 1957 à 1963 sont prescrites ; les intimés s'interrogent à juste raison sur le motif et l'intérêt de ces prétentions portant sur des comptes archivés et s'étonnent que le notaire des appelants n'ait pas cru devoir interroger l'office X...ni justifier d'un refus ; ces demandes manquent de cause ;

Reste en second lieu l'interrogation des appelants relative aux fruits retirés par leur mère du compte clients qui, dans la déclaration de succession établie après le décès de Raoul X..., n'apparaît pas en capital ;
la comptabilité de maître Michel X..., estiment-ils, devrait retracer la totalité des mouvements de ce compte qui est resté un compte d'indivision sous l'usufruit de leur mère : or, l'étude n'a versé aucun loyer entre 1961 et 1963 et Michel X...ne justifie pas davantage avoir versé de loyer pour la maison et l'étude jusqu'en 1975 ; en outre, les comptes partiels de Marie-Louise F...en l'étude de maîtres Michel et Vincent X...ne permettent pas d'affirmer que toutes les créances clients ont été effectivement perçues par la mère ;

Sans qu'il soit utile de rechercher si, comme l'affirment les intimés, Michel, au service militaire lors du décès de son père, n'a pris possession du secteur habitat de la maison de Valmont qu'en fin 1963 après y avoir entamé d'importants travaux compensant un temps les loyers réclamés pour la période précédente, puis s'est régulièrement acquitté de loyers auprès de sa mère, les réclamations de certains co-indivisaires portant sur le rapport de loyers de l'étude et de l'habitation de Valmont et d'intérêts du compte clients de l'office sont irrecevables comme prescrites en cinq ans par application de l'article 2277 du code civil ; les demandes de pièces y afférentes sont donc dénuées de pertinence ;

S'agissant des contrats de location consentis par la mère à plusieurs de ses enfants, parmi lesquels les appelants omettent de citer celle qui s'est tardivement ralliée à leur camp, Françoise G...qui ne s'en défend pas expressément, certains de ces contrats n'ont jamais existé et n'ont pas donné lieu à paiement de loyers tant que les enfants étaient installés dans les appartements le temps de faire leurs études à Rouen, à Paris ou à Maizières ; ces aides éducatives ne peuvent sérieusement être qualifiées d'avantages indirects rapportables à la succession ;

Il apparaît par ailleurs que certains co-indivisaires qui le reconnaissent, Denis, Marie-José et Philippe, une fois installés dans la vie professionnelle, ont bénéficié un temps de la gratuité de logements offerts par leur mère, avant d'assumer la charge d'un loyer ; sans qu'il soit nécessaire comme l'a fait le tribunal de procéder à la chronologie de ces occupations par chacun, il est acquis que Marie-Louise F...a revendu le dernier des immeubles en 1991 et que la demande de production des baux, quand ils ont existé, n'a d'intérêt que pour prétendre à des rapports à succession qui, en matière de loyers et d'indemnités d'occupation, sont prescrits par cinq ans en application de l'article 2277 du code civil ;

Sur ce point, le rejet de la demande de production des baux prononcé par le jugement déféré mérite encore confirmation ;

S'agissant de la somme de 90 000 francs payée à Denis X...hors la comptabilité du notaire lors de l'achat de l'immeuble situé ...que sa mère lui a consenti le 4 décembre 1981, les appelants avaient longuement développé en première instance les circonstances qui, à leurs yeux, avaient conduit leur mère à consentir à son fils un emprunt de 90 000 francs qui n'aurait jamais été remboursé ;

Devant la cour, déboutés par le tribunal en raison d'une part de la confusion de leurs considérations et d'autre part de la contradiction existant entre cet emprunt familial allégué mais sans pièce et les termes du contrat de vente signalant deux emprunts bancaires, et convaincus du versement par Denis à sa mère de 40 000 francs supplémentaires obtenu sous la pression de Patrick qui estimait le prix insuffisant, les appelants se contentent d'affirmer sans preuve que la vente a eu lieu à un prix inférieur à la réelle valeur du bien et qu'il y a eu de la part de Marie-Louise F...une intention libérale qui mérite de qualifier la vente de donation sujette à rapport ;

L'existence de cette libéralité est d'autant moins exacte que les intimés prouvent que leur mère avait acheté l'immeuble litigieux en décembre 1976 pour le prix de 230 000 francs et qu'une revente cinq ans plus tard au prix de 310 000 francs, voire de 350 000 francs, n'a rien de dérisoire, relève au contraire d'une bonne gestion de la part de sa propriétaire et n'a jamais fait l'objet d'une interrogation de la part de l'administration fiscale ;

Enfin, il résulte des explications développées par les intimés et des pièces notariées que, pour payer 350 000 francs, prix de l'immeuble après ajustement imposé par Patrick, Denis a dû emprunter à sa mère une somme de 90 000 portée à 130 000 francs à la suite de l'augmentation confidentielle exigée par Patrick et que la quittance authentique donnée par Marie-Louise F...dans l'acte de vente emporte présomption de sincérité, à défaut de commencement de preuve de ce que cette somme de 90 000 francs n'aurait en réalité pas été payée ;

Dans la liste des pièces qui ont fait l'objet de la sommation du 15 février 1999, figurent également celles susceptibles d'expliquer l'origine des 130 000 francs réglés par Marie-Louise F...le 1er décembre 1976 : le tribunal, soulignant l'approximation de la demande, a cru comprendre qu'il pourrait s'agir du prix de revente d'un appartement situé à Rouen rampe Beauvoisine, que Marie-Louise F...aurait remployé sous forme de prêt à son fils Denis lors de la transaction du 4 décembre 1981 ;
devant la cour, les appelants, tout en demandant le bénéfice de leur sommation, n'en font plus état, renonçant implicitement aux pièces litigieuses et acceptant les termes du rejet par le tribunal relatif au prix ;

La demande subsidiaire d'une expertise immobilière est dès lors dénuée de pertinence ;

S'agissant de la dévolution successorale de Pierre X..., porté disparu en Algérie en 1961 à l'âge de 23 ans sans qu'une procédure d'absence ait été ouverte, les appelants font valoir qu'encore mineur au moment de la mort de son père, il disposait comme ses frères et soeurs d'un patrimoine géré par leur mère et qu'il est nécessaire d'avoir communication du jugement la commettant en qualité de représentante de Pierre, jugement qui doit se trouver en annexe du traité de cession de l'étude ;

Une telle prétention ne résiste pas à l'examen, dès lors qu'aucune preuve n'est apportée de la disposition effective de sa part de patrimoine par Pierre avant et pendant son séjour en Algérie, qu'il n'avait pris personnellement aucune disposition testamentaire, qu'il n'avait pas d'enfant, qu'aucune déclaration de succession n'a été établie à sa disparition et que, dès lors, ont joué les règles normales de la dévolution légale dont ont nécessairement profité les onze frères et soeurs du disparu ;
au surplus, ainsi qu'il a été écrit ci-dessus, aucune faveur ou défaveur n'a touché ou affecté le " patrimoine " du disparu géré par sa mère ;

On voit mal quelles pièces concernant Pierre les appelants espèrent mettre à jour qui pourraient avoir une influence sur les opérations de partage de la communauté et des successions de leurs parents ; leur demande a, sinon pour intention, à tout le moins pour effet de raviver sans motif légitime le souvenir d'un événement familial douloureux ;

S'agissant des relevés de comptes de Marie-Louise F..., il n'est pas contesté que la comptabilité de l'office de maîtres Michel et Vincent X...ne couvrait pas l'intégralité des comptes possédés par leur mère, ce qui empêche les notaires chargés des opérations de partage de conclure avec sécurité sur la question ;

Toutefois, dès lors que maître Michel X...a fourni aux liquidateurs le 1er décembre 1997 la situation des comptes de la défunte en sa possession et son actif (essentiellement les comptes bancaires, quelques actions, des parts de la S. C. I. Clinique de l'Abbaye, une pièce de terre et des meubles meublants), il appartient autant aux appelants qu'aux intimés de se rapprocher des banques pour obtenir les renseignements complémentaires requis pour suivre les mouvements de fonds gérés sur ordres de la défunte ;

À défaut par les appelants de justifier avoir interrogé les banques et avoir essuyé un refus de communication, leurs contradicteurs sont fondés à leur opposer leur carence dans l'administration de la preuve qu'une mesure d'expertise n'est pas chargée de suppléer ;

S'agissant d'une société civile immobilière dont la dénomination avait été omise par les actuels appelants et qui ne peut être que la société de l'Abbaye-rue Verte Orée à Fécamp, ces appelants, à défaut de critique devant la cour, acceptent implicitement les motifs du jugement qui a rejeté leur demande de production d'extraits K bis et de comptes, dès lors qu'ils peuvent être consultés au registre du commerce autant par les uns que par les autres ;

Malgré le maintien sans distinction des termes de leur entière sommation, ils s'exposent encore une fois à une confirmation du rejet de communication prononcé par le jugement déféré ;

Sur les dommages et intérêts et l'indemnité pour frais irrépétibles

Les appelants contestent l'abus de leur résistance et sa sanction sous forme d'une indemnité de 2 000 € au profit de leurs contradicteurs prononcés par le tribunal ;

Ils soulignent essentiellement que la sommation de communication est ancienne puisqu'elle date de 1999, que, si paralysie des opérations de partage il y a, elle est due aux autres co-héritiers qui ont multiplié les refus, qu'ils n'ont jamais eu l'intention de porter atteinte à la mémoire de leur mère dont ils ne contestent ni le courage, ni la probité, enfin que la durée de l'indivision et le cumul d'une gestion des biens de mineurs et de ceux de la défunte ont pu donner aux parties qui ne sont pas juristes l'impression d'un manque de transparence ;

C'est pourtant par de justes motifs que le tribunal a caractérisé le comportement procédural fautif de Patrick, Marc, Etienne et Françoise X...: à les lire, ils entendent faire de la communication des pièces requises depuis 1999 un préalable à leurs demandes au fond ;

Or, cette pratique de l'incident de communication n'a pas eu d'autre effet que de masquer les questions essentielles de partage, qu'ils n'ont toujours pas voulu formuler, et de différer les réponses au fond que le tribunal, puis la cour ont dû apporter pour vérifier la pertinence de l'incident et conduire les notaires liquidateurs sur la voie de ce partage ;
au surplus, les difficultés rencontrées dans la recherche des pièces incombant pour beaucoup autant aux appelants qu'à leurs contradicteurs et la suspicion systématique entretenue apparaissent incompatibles avec leur reconnaissance par ailleurs affirmée de la probité de leur mère dans la gestion des biens indivis faite dans l'intérêt de tous ses enfants ;

Le retard considérable apporté dans les comptes et le partage de l'indivision depuis les assignations qui leur ont été délivrées en mars 1998 est imputable aux appelants et les décisions judiciaires rendues jusqu'à présent ont confirmé le mal-fondé de leur sommation ;

Leur résistance fautive en première instance et leur appel caractérisé par l'abus, dès lors que, par de longs motifs pertinents, le tribunal avait espéré mettre fin aux contestations, justifient que les intimés soient indemnisés des conséquences préjudiciables de ce comportement persistant non seulement par la somme globale de 2 000 € accordée par le jugement confirmé, mais aussi devant la cour par une nouvelle somme de 2 000 €, sans qu'il soit utile de distinguer le préjudice propre de chacun d'eux, qui partagent tous la même condition successorale et procédurale ;

En équité, les intimés justement indemnisés de leurs frais irrépétibles de première instance doivent aussi l'être des nouveaux frais de défense qu'ils ont encore dû exposer devant la cour pour faire confirmer le jugement ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement du 7 avril 2006 en toutes ses dispositions, sauf sur la somme de 14 000 francs provenant de la cession de l'étude notariale restée impayée ;

Le réformant sur ce seul point, dit qu'à défaut de justifier du paiement de cette somme à l'indivision, Michel X...doit la rapporter à la succession ;

Condamne in solidum Patrick, Etienne Marc X...et Françoise G...à payer à Jean-Marie, Philippe, Michel, Vincent et Denis X..., et à Marie-Dominique H...
D...et Marie-José I...ensemble la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les quatre appelants aux dépens ;

Admet maître M. C. COUPPEY, avoué, au bénéfice du recouvrement direct dans les conditions définies par l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Numéro d'arrêt : 06/02874
Date de la décision : 19/03/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rouen


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-19;06.02874 ?
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