R. G : 06 / 03225
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE 1 CABINET 1
ARRÊT DU 23 JANVIER 2008
DÉCISION DÉFÉRÉE :
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 12 juillet 2006
APPELANT :
Monsieur Pierre X...
...
27700 LES ANDELYS
représenté par la SCP LEJEUNE MARCHAND GRAY Y..., avoués à la Cour
assisté de Me Z..., avocat au Barreau d'EVREUX, substituant Me Gérard A..., avocat au Barreau d'EVREUX
INTIMÉES :
S. C. A DE SENANCOURT
... B...
27420 CAHAIGNES
représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour
assistée de Me Jean C..., avocat au Barreau de COUTANCES
Madame Ginette D... épouse AA...
... B...
27420 CAHAIGNES
représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour
assistée de Me Jean C..., avocat au Barreau de COUTANCES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 décembre 2007 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHÉ, Président, rapporteur, en présence de Monsieur GALLAIS, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur BOUCHÉ, Président
Madame LE CARPENTIER, Conseiller
Monsieur GALLAIS, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Jean Dufot
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 décembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 janvier 2008
ARRÊT :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.
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* *
Par acte d'huissier signifié le 28 novembre 2001, la société civile d'exploitation agricole De SENANCOURT, propriétaire exploitant des haras à Cahaignes (27) gérée par Ginette E..., a assigné Pierre POUSSE devant le tribunal de grande instance d'EVREUX sur le fondement de l'article 1134 du code civil pour le voir condamné au paiement de la somme de 22 867, 37 € (150 000 francs) représentant le prix d'acquisition de 95 % du cheval GAI de SEN ;
Au soutien de son action, elle a produit notamment une déclaration d'association datée du 26 janvier 2000 qui porte les signatures de Ginette E... et de Pierre POUSSE avec mention de l'acquisition par l'une de 5 % des parts du trotteur, par l'autre de 95 % ;
Le 2 juillet 2002, Pierre X..., en désaccord avec son ancienne amie, a déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal d'EVREUX pour faux en écritures, soutenant qu'il a signé un document pré-imprimé et non renseigné ensuite complété à son insu ;
Par jugement du 21 mai 2004, le tribunal de grande instance a sursis à statuer sur l'action civile jusqu'à la décision pénale ;
Après avoir accordé à Ginette E... le bénéfice du statut de témoin assisté, le juge d'instruction a signé le 26 octobre 2004 une ordonnance de non-lieu et condamné Pierre POUSSE à une amende civile ; cette décision a été entièrement confirmée le 10 mars 2005 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de ROUEN ;
Après sa radiation du rôle du tribunal le 6 juin 2005 fondée sur l'existence de pourparlers en cours, l'affaire y a été réinscrite le 1er septembre 2005 sur signification des conclusions de la société De SENANCOURT et de Ginette E... qui, outre le bénéfice de leur assignation, demandent le paiement de la somme complémentaire de 22 639 € pour les frais de pension de l'animal exposés pendant les années 2000, 2003, 2004, 2005 et 2006 et de celle de 10 000 € de dommages et intérêts ;
C'est dans ces circonstances que le tribunal de grande instance d'EVREUX, par jugement contradictoire du 12 juillet 2006, a :
-condamné Pierre POUSSE à payer à la société De SENANCOURT la somme de 22 867, 35 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 octobre 2001, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés par application de l'article 1154 du code civil,
-condamné Pierre POUSSE à payer à la société De SENANCOURT la somme de 15 293, 85 € au titre des pensions pour les années 2000, 2003, 2004, 2005 et 2006, jusqu'au 1er mars 2006,
-condamné Pierre POUSSE à payer à la société De SENANCOURT la somme de 10, 23 € par jour, à compter du 1er mars 2006 jusqu'à l'enlèvement et le paiement du prix de l'animal,
-condamné Pierre POUSSE à payer à Ginette E... la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts,
-condamné Pierre POUSSE au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Le tribunal a jugé que, malgré le défaut de remise à Pierre X... d'un certificat de vente et d'une carte d'immatriculation, la déclaration d'association, commencement de preuve par écrit de la vente du cheval GAI de SEN complété par un ensemble d'éléments tirés notamment de l'instruction pénale et de l'émission de factures portant le tampon de la société De SENANCOURT, suffit à prouver sa ferme intention d'acquérir à la fin de l'année 1999.
***
Pierre X... a relevé appel de cette décision assortie de l'exécution provisoire ;
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 9 novembre 2007, Pierre X... demande à la cour, par réformation du jugement, de débouter la société De SENANCOURT et Ginette E... de la totalité de leurs prétentions et de les condamner solidairement à lui rembourser la somme de 52 903, 43 € qu'il a versée en exécution du jugement, avec intérêts de droit et à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
La société De SENANCOURT et Ginette E... demandent à la cour dans leurs écritures signifiées le 4 octobre 2007 la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de Pierre POUSSE à leur verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE LA COUR,
Pierre X... rappelle le contexte d'un dépit amoureux dans lequel Ginette E..., gérante de la société De SENANCOURT, a été conduite à l'assigner en novembre 2001 ; au surplus, le 6 mai 2000, il l'avait lui-même assignée en remboursement d'un prêt de 250 000 francs et, après un jugement de débouté en date du 29 juin 2001, il a obtenu sa condamnation par un arrêt du 18 juin 2003 désormais définitif ;
Sur le fond, l'appelant conteste non seulement la sincérité de l'acte synallagmatique sous seing privé du 26 janvier 2000 intitulé la " déclaration d'association " sur lequel sont apposées sa signature et celle de Ginette E..., mais, lui déniant la valeur même de début de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du code civil, fait valoir que la preuve de son engagement d'acquérir le cheval GAI de SEN n'est pas faite ;
Pourtant, le tribunal s'est livré à une longue et pertinente analyse des informations recueillies par le juge d'instruction chargé de suivre sur sa plainte avec constitution de partie civile pour faux en écriture, qui ont permis de ne pas exclure la sincérité des dispositions pré-imprimées et des ajouts figurant sur la déclaration avant sa signature par les co-contractants ;
Ainsi, il est acquis par le juge d'instruction et par la chambre d'accusation que Pierre X... a varié dans ses déclarations au point d'avouer sa volonté d'acquérir un cheval après l'avoir niée, qu'en homme d'affaires riche et particulièrement avisé, il n'est pas vraisemblable qu'il ait accepté à son domicile, dans son salon, d'apposer sa signature sur un acte non rempli, et qu'après avoir choisi d'acheter " JUPITER du DALM " dont il a personnellement rempli et signé le 24 décembre 1999 la fiche de renseignements et, pour constituer le dossier de propriétaire, rempli sans le signer le certificat de vente à destination de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français, il s'est finalement ravisé et a signé un mois plus tard une déclaration d'association portant sur GAI de SEN dans les circonstances qu'il persiste à contester ;
Dès lors qu'il a été clairement établi par l'information pénale l'intention d'acheter un cheval, qu'il n'y a pas eu d'autre achat que celui de GAI de SEN, Ginette E... étant intervenue auprès de la société d'encouragement pour, avec l'accord de Pierre X..., " décommander " le transfert de propriété de JUPITER du DALM, mais qu'il n'a pu être tranché sur le moment, avant ou après les signatures, où la déclaration a été renseignée, ce document a le caractère d'un commencement de preuve par écrit qui, complété par d'autres éléments convergents, prouve l'échange des consentements entre les deux acquéreurs et la société De SENANCOURT et, partant, la réalité de la vente ;
Les trois factures qui ont ensuite été émises par la société les 26 janvier et 30 décembre 2000 et le 30 septembre 2001, la première du montant de l'achat, 150 000 francs, les deux autres de cette somme actualisée, constituent un complément de preuve suffisant pour établir l'existence du contrat et l'obligation à laquelle Pierre X... s'est engagé de payer le prix du cheval ;
Pour répondre à Pierre X... qui y voit à tort une preuve de l'absence d'achat, il convient de souligner que, tant que son prix n'est pas intégralement payé, la société venderesse est autorisée par l'article 7 du décret du 30 octobre 1997 à conserver la carte d'immatriculation de l'équidé, véritable titre de propriété ;
Subsidiairement, sur le fondement des articles 1109 et 1116 du code civil, l'appelant invoque le vice du consentement, aux motifs qu'il aurait consenti à l'achat en se méprenant sur les véritables sentiments que Ginette E... pouvait lui porter et qu'il est victime du comportement manoeuvrier de cette dernière ;
Il en veut pour preuve deux témoignages recueillis par l'intimée elle-même : celui de Corinne F..., sa fille et celui de Gwenaël G..., entendus par les gendarmes, qui, sans remettre en cause la volonté de Pierre X... d'acquérir un cheval, l'ont expliquée par son souci de conserver un contact avec Ginette E... dont il sentait croître l'éloignement affectif ;
Cependant, ce contexte, à le supposer réel, n'est pas de nature à remettre en cause la volonté d'acquérir un cheval exprimée par Pierre POUSSE et ne suffit pas à démontrer l'erreur et encore moins le dol allégués qui auraient vicié son consentement ; lors de l'instruction pénale, sa personnalité d'homme d'affaires avisé qui lit les documents qu'il signe a confirmé la réalité de son plein consentement ;
Enfin, dès lors que l'appelant, même à titre subsidiaire, ne critique pas le montant des frais de pension de l'animal exposés, ni le coût journalier qui continue à courir jusqu'à son enlèvement et que les intimées acceptent les termes du jugement déféré sur ce point, sa condamnation à ce titre doit être confirmée ;
Il serait inéquitable que la société De SENANCOURT et Ginette E... conservent la charge des frais de procédure hors dépens qu'elles ont encore dû exposer devant la cour pour faire confirmer leurs droits ;
PAR CES MOTIFS, adoptant ceux du tribunal et y ajoutant,
Confirme le jugement du 12 juillet 2006 en toutes ses dispositions ;
Condamne Pierre POUSSE à verser à la société De SENANCOURT et à Ginette E... ensemble une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens ;
Admet la société civile professionnelle d'avoués GREFF-PEUGNIEZ au bénéfice du recouvrement direct prévu par l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLe Président