R.G. : 07/02130
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 18 DECEMBRE 2007
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 01 Décembre 2005
APPELANTE :
Madame Martine X...
...
31620 CASTELNAU D'ESTRETEFONDS
assistée de Me Eric BAUDEU, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Société E.G.M. GROUPE Z...
ZAC du Gros Chêne
76230 ISNEAUVILLE
représentée par Me Pierre CRIQUI, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Madame PAMS-TATU, Président
Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller
Monsieur MOUCHARD, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Monsieur CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Novembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Décembre 2007
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Décembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Monsieur CABRELLI, Greffier présent à cette audience.
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions déposées les 29 mai et 1er octobre 2007.
Mme X... a été embauchée en mai 1990, en qualité de comptable, par la société IMPRIMERIE LECERF. Elle a été transférée, en mai 1997, au sein de la société COMPO LASER, société holding du groupe Z.... A partir de juin 1998, ses bulletins de salaire ont mentionné la qualité de responsable du service personnel. En janvier 2003, elle a été en arrêt maladie une semaine pour dépression nerveuse et a repris son travail en février 2003. A son retour de congés, le 31 mars 2003, elle a été convoquée par M. A..., directeur administratif et financier, qui lui aurait indiqué qu'elle se verrait affectée à un autre poste ou licenciée. Elle a été en à nouveau en arrêt de travail de mi-avril à fin juin 2003.
Le 26 mai 2003, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen d'une demande de résiliation judiciaire pour harcèlement moral et de reclassification. Avant que l'affaire ne soit jugée, elle a été licenciée le 10 mai 2005 pour inaptitude et échec de la tentative de reclassement.
Par jugement de départage du 1er décembre 2005, elle a été déboutée de ses demandes.
Elle a interjeté appel et soutient :
•qu'elle aurait dû être classée cadre groupe II chef du personnel mais exerçait à partir du 1er janvier 1997 les fonctions de directeur des ressources humaines des sociétés du groupe Z....
•que sa demande de résiliation judiciaire est justifiée par le harcèlement moral dont elle a été victime de la part de M. Yves-Marie Z..., gérant de la société EGM, de son directeur financier, M. A... ; qu'en outre, elle a été maintenue abusivement dans la position d'agent de maîtrise alors qu'elle occupait un poste à responsabilités ;
•que la recherche de reclassement à la suite de son licenciement n'a pas été loyale.
Elle sollicite de voir :
-réformer le jugement ;
-dire qu'elle devait être classée au poste directeur des ressources humaines, groupe 1, échelon B et percevoir en cette qualité le salaire minimum prévu par la convention collective des imprimeurs de labeur de l'industrie graphique, depuis le 1er janvier 1997 ;
-condamner la société EGM, Groupe Z..., à lui payer à titre de rappel de salaire, dans la limite de la prescription quinquennale de 1998 à 2003 inclus, suivant compte versé aux débats, la somme de 46.450,55 € ;
-constater que Mme X... a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, de mesures abusives, vexatoires et humiliantes, prononcer, en conséquence la résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux torts exclusifs de l'employeur, cette résiliation emportant les mêmes conséquences qu'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-condamner la société EMG, Groupe Z..., à lui payer à titre de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, dans des conditions particulièrement abusives et vexatoires à raison du harcèlement de l'employeur, contraignant Mme X... à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat, pour une salariée totalisant 13 années d'ancienneté, la somme de 76.225 €, soit deux ans de salaire ;
-condamner la société à payer EGM à payer à Mme X... son préavis (4 mois) en qualité de cadre, en application de la convention collective des imprimeries de labeur et industrie graphique, avenant cadre, article 508,
soit un salaire mensuel de 3.252,36 € x 4.................... 13.009,44 €
-condamner la société EGM à payer à Mme X... ses congés payés sur préavis 1/10è................................................... 1.300,94 €
-condamner la société EGM à payer à Mme X... son indemnité de licenciement (article 509 de la convention collective des imprimeries de labeur et industrie graphique) soit 23.167,20 € sous déduction de la somme versée soit 19.554,12 €,
soit un solde de ............................................................. 3.613,08 €
-condamner la société EGM à payer à Mme X..., au titre de rappel d'indemnité de congés payés non pris,
la somme de................................................................... 1.134,55 €
-condamner la société EGM à payer à Mme X... à titre de rappel de jours supplémentaires de repos non pris, en application de l'accord sur la réduction du temps de travail.............................. 9.518,49 €
-subsidiairement et si la Cour estimait devoir écarter la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X..., dire que le licenciement notifié à Mme X... le 11 mai 2005 par la société EGM pour "inaptitude médicale et échec de la tentative de reclassement" est sans cause réelle ni sérieuse, faute pour la société EGM d'avoir loyalement procédé à la recherche d'un reclassement ;
-condamner la société EGM à payer à Mme X... les sommes suivantes :
•préavis............................................................................ 13.008,44 €
•congés payés sur préavis............................................... 1.300,94 €
•l'indemnité de licenciement (article 509 de la convention
collective, soit 23.176,20 € moins la somme versée 19.551,12 €,
soit un solde de ............................................................ 3.613,08 €
•à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans
cause réelle ni sérieuse dans des conditions particulièrement
abusives et vexatoires pour une salariée totalisant 13 années
d'ancienneté.................................................................. 76.225,00 €
outre les sommes dues au titre :
-de rappels de salaire dans la limite de la prescription
quinquennale la somme de ............................................ 46.450,55 €
-indemnité de congés payés non pris............................... 6.134,55 €
-rappel de jours supplémentaires de repos non pris en
application de l'accord sur la réduction du temps de travail. 9.518,49 €
-condamner la société EGM, Groupe Z... à payer à Mme X... la somme de 2.000 € pour les frais irrépétibles exposés devant le conseil de prud'hommes (bureau de jugement + formation de départage) et 2.000 € pour les frais irrépétibles exposés devant la Cour, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
-condamner la société EGM, Groupe Z... aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais et honoraires d'exécution de la décision à intervenir.
La société réplique :
que la salarié exerçait des fonctions d'agent de maîtrise consistant principalement à établir les bulletins de salaire en relation avec les différents services de l'ensemble des sociétés du groupe ; qu'elle avait des fonctions d'exécution exclusives de responsabilités ;
que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis ;
que le licenciement pour inaptitude est fondé et que la société a tenté de reclasser la salariée.
Elle sollicite de voir :
-dire Mme X... mal fondée en son appel ;
-confirmer le jugement ;
-condamner Mme X... à payer à la société EGM-GROUPE MORAULT la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la reclassification et le rappel de salaire
Mme X... a été embauchée en 1990, en qualité de comptable ; en juillet 1998, ses bulletins de salaire ont mentionné fonction de "responsable service personnel" groupe 3 échelon A, correspondant à la catégorie agent de maîtrise. Selon la grille de classification applicable à l'époque, produite par la société, le "chef du personnel" dans la "famille administration et gestion" relève de la catégorie cadre, groupe II.
Il résulte de l'attestation de M. B..., ancien directeur administratif, que Mme X... s'occupait notamment de la paie, des entretiens avec le personnel sur les 35 heures, de la gestion du personnel pour les sociétés du groupe, des entretiens de licenciement avec M. Z.... Elle verse des courriers démontrant qu'elle signait des lettres de convocations à un entretien préalable à un licenciement, des lettres de licenciement pour motif économique, faute grave ou inaptitude, de propositions d'embauche ou encore de reclassement à la suite d'une déclaration d'inaptitude, de rappel à l'ordre, de rupture de période d'essai.......
L'organigramme du service paie du 15 mai 2003 mentionne Mme X... comme responsable du personnel. Elle produit la copie des pouvoirs donnés par l'employeur pour le représenter dans toutes les procédures de licenciement et notamment lors des entretiens préalables à un licenciement, sa qualité de responsable du personnel de la salariée étant précisée. Elle procédait en effet aux entretiens préalables aux licenciements et a été présentée par le directeur d'un site comme responsable du personnel (attestation de M. C...).
La société qui reconnaît, au demeurant, avoir pu épisodiquement donner une délégation de signature à Mme X... pour le suivi des procédures de licenciement ne peut sérieusement mettre en cause l'authenticité des doubles non signés des pouvoirs produits par elle au motif qu'elle devait détenir les originaux, ni opposer que son intervention était limitée à la seule signature de correspondances.
Il résulte des responsabilités conférées à Mme X... qu'elle exerçait les fonctions de chef du personnel, catégorie cadre, groupe II, sans toutefois pouvoir prétendre à celle de directeur des ressources humaines puisqu'elle n'assistait pas aux réunions des délégués du personnel ou du comité d'entreprise et que les représentants du personnel attestent même ne l'avoir jamais rencontrée pas plus que le médecin du travail. Elle n'avait en outre sous ses ordres que 4 personnes.
La société ne conteste pas utilement le calcul du rappel de salaire effectuée par Mme X..., et ne verse que des calculs concernant la classification 3A. Il convient de faire droit à la demande de rappel de la somme de 46.450,55 € incluant les congés payés.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
La cour fait sienne l'analyse complète, détaillée et pertinente par laquelle le conseil de prud'hommes a retenu que l'existence de faits répétés de harcèlement moral n'était pas établie ; en effet, les témoignages produits émanent de personnes ayant quitté l'entreprise avant les faits allégués par la salariée ou n'ayant pas constaté d'agissements à son encontre ; l'attestation de Mme D... sera écartée en raison de son litige avec l'employeur devant la juridiction prud'homale. Quant à l'annonce publiée le 5 avril 2003 en vue de recruter un gestionnaire de paie, elle était destinée à pourvoir le poste de Mme E..., démissionnaire le 27 mars 2003, et était identique à celle publiée pour son recrutement et préparée par Mme X... le 23 mars 2002.
Cependant, en maintenant abusivement Mme X... dans la position d'agent de maîtrise alors qu'elle occupait un poste à responsabilités, responsable du personnel et du service paie, statut cadre, l'employeur a eu un comportement fautif justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
Compte tenu de ancienneté de la salariée (13 ans), de sa rémunération et des circonstances du licenciement, il convient de lui allouer la somme de 40.000 € à titre de dommages-intérêts.
Si la salariée a chiffré dans ses conclusions le montant du rappel de salaire devant lui être alloué, subsidiairement, sur la base de la classification de chef du personnel, catégorie cadre, groupe II, elle s'est abstenue de calculer les indemnités de rupture, congés payés et rappel de jours supplémentaires de repos non pris en application de l'accord sur la réduction du temps de travail.
En fonction de la classification retenue, la cour lui accorde les indemnités et rappels de salaire figurant dans le dispositif de l'arrêt.
Il est équitable d'attribuer à Mme X... la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré ;
Dit que Mme X... est fondée à prétendre à la classification de chef du personnel, catégorie cadre, groupe II, et condamne la société EGM à lui payer la somme de 46.450,55 € à titre de rappel de salaire congés payés inclus ;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X... aux torts de l'employeur et condamne la société EGM à lui payer la somme de 40.000 € à titre de dommages-intérêts ;
Condamne la société EGM à payer à Mme X... les sommes de :
-13.009 € à titre d'indemnités de préavis et de congés payés sur préavis,
-1.304,08 € à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-1.021,10 € à titre d'indemnité de congés payés non pris,
-8.566,65 € à titre de jours supplémentaires de repos non pris,
Condamne la société EGM à payer à Mme X... la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les éventuels frais et honoraires d'exécution de la décision à intervenir ;
Ordonne le remboursement par la société EGM aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à la salariée du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de six mois.
Le greffier Le président