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03/10/2007 | FRANCE | N°06/04918

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre 1 cabinet 1, 03 octobre 2007, 06/04918


R.G : 06/04918





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE 1 CABINET 1



ARRÊT DU 3 OCTOBRE 2007









DÉCISION DÉFÉRÉE :



TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 mars 2006







APPELANT :



Monsieur [I] [V]

[Adresse 4]

[Localité 9]



représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2006/014973 du 18/12/2006 accordée par le bureau d'aide jur

idictionnelle de Rouen)



INTIMÉES :



Société AXA FRANCE IARD venant aux droits d'AXA COURTAGE

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour



assistée de Me...

R.G : 06/04918

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE 1 CABINET 1

ARRÊT DU 3 OCTOBRE 2007

DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 10 mars 2006

APPELANT :

Monsieur [I] [V]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2006/014973 du 18/12/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMÉES :

Société AXA FRANCE IARD venant aux droits d'AXA COURTAGE

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour

assistée de Me Edouard POIROT-BOURDAIN, avocat au Barreau de ROUEN

S.A.S. EURO PALACES venant aux droits de la Société GAUMONT MULTIPLEXE

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour

assistée de Me Edouard POIROT-BOURDAIN, avocat au Barreau de ROUEN

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ROUEN

[Adresse 5]

[Localité 8]

n'ayant pas constitué avoué bien que régulièrement avisée de l'appel, ayant fait savoir par courrier du 22 juin 2006 qu'elle n'entendait pas intervenir dans l'instance

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 4 septembre 2007 sans opposition des avocats devant Madame LE CARPENTIER, Conseiller, en présence de Monsieur GALLAIS, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BOUCHÉ, Président

Madame LE CARPENTIER, Conseiller

Monsieur GALLAIS, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Jean Dufot

DÉBATS :

A l'audience publique du 4 septembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 octobre 2007

ARRÊT :

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 3 octobre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,

signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.

*

* *

Le 3 octobre 1999, M. [I] [V] a fait une chute dans un trou étroit, en raison de l'absence de plaque d'égout, sur le parking du cinéma GAUMONT à [Localité 9].

La société GAUMONT et son assureur, la société AXA COURTAGE, n'ont pas contesté devoir indemniser M. [V] qui a reçu une provision mais n'a pas admis les conclusions du rapport du Docteur [L] désigné par l'assureur.

A la demande de M. [V], le Docteur [Y] a été commis par ordonnance de référé du 21 novembre 2002.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 23 juillet 2003.

M. [V] a assigné devant le tribunal de grande instance de Rouen la société GAUMONT MULTIPLEXE et la société AXA COURTAGE en réparation de son préjudice, en faisant état de ce que l'expert judiciaire avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas son état dépressif et le préjudice professionnel en résultant.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Rouen n'est pas intervenue à l'instance mais a fait connaître le montant de ses débours.

Par jugement du 10 mars 2006, le Tribunal a :

- dit que M. [V] a un droit intégral à l'indemnisation de son préjudice,

- déclaré l'expertise du Docteur [Y] valable et régulière et homologué ses conclusions,

- condamné solidairement la société EURO PALACES, venant aux droits de la société GAUMONT MULTIPLEXE, et la société AXA COURTAGE à payer à M. [V] la somme de 7.513,33 € au titre de son préjudice personnel complémentaire et celle de 500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- déclaré le jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Rouen.

*******

M. [I] [V] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions du 24 mai 2007, il en sollicite la réformation et demande à la Cour :

- à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise, l'expert ayant notamment pour mission de quantifier les incidences psychologiques induites par l'accident,

- subsidiairement, de lui accorder, au titre :

. du préjudice matériel : 356,12 €

. de l'incidence professionnelle : 305.055 €

. du déficit fonctionnel temporaire : 11.450,93 €

. du déficit fonctionnel permanent : 4.500 €

. du pretium doloris : 5.000 €

- en tout état de cause, de lui allouer une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. [V] fait valoir pour l'essentiel :

- que l'expert a totalement occulté les troubles psychologiques importants engendrés par l'accident et le Tribunal a, à tort, écarté le syndrome dépressif et l'incidence professionnelle en résultant,

- que cette solution est en contradiction avec un certificat médical qu'il produit et s'il présentait, certes, une fragilité psychologique antérieure, il a connu, du fait de l'accident, un véritable traumatisme qui a amplifié le syndrome dépressif,

- que l'erreur manifeste d'appréciation de l'expert judiciaire doit conduire à la nullité des opérations d'expertise ou, tout au moins, à la désignation d'un nouvel expert,

- que subsidiairement, il doit être indemnisé dans les conditions qu'il sollicite, qui doivent notamment tenir compte de son impossibilité de mener à bien son projet professionnel et de son état d'anxiété.

Par écritures du 4 juillet 2007, la société EURO PALACES et la société AXA FRANCE IARD, venant aux droits d'AXA COURTAGE, concluent à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant à leur verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elles exposent essentiellement :

- qu'il n'existe aucune cause de nullité du rapport d'expertise, et en réalité M. [V] conteste les conclusions de l'expert sans faire la preuve de ses allégations,

- que le projet professionnel qu'il invoque est hautement hypothétique et les troubles psychiques dont il se plaint étaient antérieurs à l'accident et sans rapport avec celui-ci,

- que les postes de préjudice ont été justement appréciés par le Tribunal.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Rouen a informé la Cour, par courrier du 22 juin 2006, qu'elle n'entend pas intervenir dans l'instance et a produit le montant définitif de ses débours.

Sur ce,

L'appelant, dans le dispositif de ses conclusions, sollicite à titre principal une nouvelle expertise mais, dans les motifs de ses écritures, prétend aussi que, par application de l'article 175 du nouveau Code de procédure civile, le rapport d'expertise serait nul en ce que le Docteur [Y] a commis une erreur d'appréciation en ne retenant pas son état dépressif comme conséquence de l'accident ;

En vertu de l'article 175 du nouveau Code de procédure civile, la nullité des mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ;

L'expert judiciaire a examiné M. [V] le 9 juillet 2003 et le médecin conseil de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Rouen a assisté à ses opérations ;

Le Docteur [Y] a retranscrit avec précision les doléances de M. [V], relatant notamment (spécialement pages 3 et 6) que celui-ci estimait que l'accident avait eu un retentissement psychique important sur sa vie personnelle et professionnelle, que, désireux de créer une société et de reprendre des études de droit, il entendait suivre une psychanalyse déjà entreprise puis arrêtée en 1997 ;

Cependant, l'expert judiciaire a tenu compte de ces doléances d'une part en incluant dans la durée de l'incapacité temporaire totale la prolongation d'arrêt de travail prescrite par le psychiatre jusqu'au 15 mai 2000, d'autre part en précisant que « le syndrome dépressif constitue pour M. [V] une affection évoluant pour son propre compte et sans rapport direct et certain avec l'accident du 3 octobre 1999 » ;

Ce faisant, l'expert a accompli sa mission sans méconnaître ses obligations et n'est mise en évidence ni même alléguée aucune cause de nullité pouvant résulter des articles 114 et 117 du nouveau Code de procédure civile auxquels renvoie l'article 175 du même code ;

Par ailleurs, l'appelant ne fournit aucune pièce de nature à contredire les conclusions du Docteur [Y] ; tel n'est pas le cas, contrairement à ce qu'il prétend, du certificat du 23 octobre 2003 du Docteur [J], psychiatre, qui l'a suivi en raison de son état d'anxiété et reçu à plusieurs reprises pour cette raison entre le 16 mars 2000 et le 8 juin 2000 en prescrivant un arrêt de travail qui s'est terminé le 15 mai 2000 ; précisément, cette période a été prise en considération par l'expert judiciaire au titre de l'incapacité temporaire totale ;

Il n'y a donc pas lieu, non plus, d'ordonner une nouvelle expertise et le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a entériné les conclusions de l'expert judiciaire ;

Il ressort de son rapport que l'accident dont M. [V], né le [Date naissance 3] 1957, a été victime le 3 octobre 1999 et pour lequel aucune discussion n'existe quant à l'obligation pour la société EURO PALACES et son assureur de l'indemniser, a entraîné une fracture de l'humérus gauche qui a été traitée par une immobilisation coude au corps ;

La rééducation passive a débuté en novembre 1999 et l'immobilisation a été enlevée au début du mois de janvier 2000, période à laquelle la rééducation active a débuté à raison, par semaine, de trois puis de deux séances jusqu'à la mi-avril 2000 ;

Le Docteur [E] qui suivait M. [V] avait prescrit un arrêt de travail jusqu'au 15 mars 2000 qui a été prolongé de deux mois par le Docteur [J], psychiatre, soit jusqu'au 15 mai 2000 ;

Lors de l'examen, l'expert a seulement relevé une douleur à la pression de l'articulation acromiale ainsi qu'une force musculaire et de serrage un peu diminuée au niveau du membre supérieur gauche ;

Ses conclusions sont les suivantes :

- incapacité temporaire totale du 3 octobre 1999 au 15 mai 2000,

- consolidation au 5 juillet 2001 (date de la dernière consultation de M. [V] auprès du Docteur [E]),

- incapacité permanente partielle de 3 %,

- pretium doloris, compte tenu des douleurs initiales, des soins prodigués et des douleurs morales, évalué à 3 sur 7,

- absence de préjudice esthétique, de préjudice d'agrément et de retentissement professionnel ;

La liquidation du préjudice de M. [V] doit être examinée sur ces bases, compte tenu de ses demandes et des offres des sociétés intimées qui reprennent les sommes allouées par le Tribunal, en prenant en considération comme le fait l'appelant dans ses écritures

- d'une part, l'article L 376-1 alinéa 3 du Code de la Sécurité Sociale tel que modifié par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, d'application immédiate, et selon lequel « les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel »,

- d'autre part, la nouvelle nomenclature des préjudices corporels élaborée par le groupe de travail créé à cet effet ;

I. Préjudices patrimoniaux

1. Dépenses de santé

Il n'est réclamé aucune somme de ce chef par M. [V], pour lequel la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Rouen a fait connaître que le montant total et définitif de ses débours s'élève à 1.199,31 €, dont 426,02 € au titre d'indemnités journalières versées du 16 novembre 1999 au 15 mai 2000, le surplus, soit 773,29 €, correspondant aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation ;

2. Frais divers

M. [V] réclame à ce titre une somme de 356,12 € représentant les frais de séjour restés à sa charge à l'occasion d'une cure thermale à Évian du 17 août 2000 au 6 septembre 2000 ;

Cependant il ne ressort d'aucun document et spécialement du rapport d'expertise qu'un lien existerait entre cette cure et l'accident de sorte que la demande présentée à ce titre doit être rejetée ;

3. Incidence professionnelle

M. [V] soutient que ce poste de préjudice doit s'apprécier comme perte de chance de mener à bien un projet professionnel de création de société ;

Cependant, en dehors de ses affirmations à l'expert de son désir de reprendre en 1999 des études de droit et de créer une société qui n'ont cependant pas conduit le Docteur [Y] à retenir une incidence professionnelle, M. [V] produit seulement une attestation de présence à quatre semaines d'un stage de marketing en 1989 et une attestation de participation à un cycle de formation de cinquante-cinq jours en 1991 sur le management de l'entreprise, soit respectivement dix ans et huit ans avant l'accident ;

Une indemnisation même au titre d'une perte de chance suppose la preuve d'une réalité suffisante d'un projet qui ne peut résulter, ni de ce qui précède, ni de ce que M. [V] a eu, entre novembre 1995 et juillet 1996, cinq entretiens avec un responsable du centre interinstitutionnel de bilan de compétences, dès lors qu'il n'est fait état d'aucune conclusion ni démontré aucune démarche ensuite entreprise alors que l'accident n'est survenu que trois ans plus tard ;

M. [V] ne peut, dès lors, prétendre à quelque indemnisation que ce soit à ce titre ;

II. Préjudices extra-patrimoniaux

1. Déficit fonctionnel temporaire

M. [V] prétend obtenir à ce titre une indemnité pour la période courant du 3 octobre 1999 au 5 juillet 2001 ;

S'il est exact que l'expert judiciaire a fixé la consolidation au 5 juillet 2001, date de la dernière consultation de M. [V] auprès du Docteur [E], il n'en reste pas moins que l'intéressé n'a pas connu jusqu'à cette date de gêne dans les actes de la vie courante que ce poste est destiné à indemniser ;

Une telle gêne n'a été rencontrée par M. [V] qu'entre le 3 octobre 1999 et le 15 mai 2000 de sorte que la somme de 3.500 € justement allouée à ce titre par le premier juge doit être confirmée ;

2. Déficit fonctionnel permanent

L'incapacité permanente partielle de M. [V], né en 1957, ayant été fixée à 3%, la somme de 2.800 € accordée de ce chef par le Tribunal constitue une exacte appréciation de ce poste de préjudice ;

Il y a donc lieu à confirmation de ce chef ;

3. Souffrances endurées

Ce poste de préjudice, pour les raisons sus-mentionnées, a été chiffré par l'expert à 3 sur une échelle de 7 ;

Dans ces conditions, la somme de 3.500 € fixée par le premier juge constitue une juste estimation des souffrances endurées par M. [V] ;

Le jugement sera également confirmé sur ce point ;

Il résulte de ce qui précède qu'après déduction de la provision précédemment versée d'un montant de 2.286,67 €, il est dû à M. [V] une somme totale de 7.513,33 €, ainsi que l'a décidé le Tribunal dont le jugement sera en conséquence entièrement confirmé ;

L'appelant succombant dans son recours doit être condamné aux dépens d'appel ;

Il ne peut, dès lors, prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et l'équité ne commande pas qu'il en soit fait application au profit des sociétés intimées ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Déboute M. [I] [V] de toutes ses demandes contraires ;

Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Déclare le présent arrêt commun à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Rouen ;

Condamne M. [V] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP LEJEUNE-MARCHAND-GRAY-SCOLAN conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Le greffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre 1 cabinet 1
Numéro d'arrêt : 06/04918
Date de la décision : 03/10/2007

Références :

Cour d'appel de Rouen, arrêt n°06/04918


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-10-03;06.04918 ?
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