R.G : 04/02406COUR D'APPEL DE ROUENCHAMBRE 1 CABINET 1ARRÊT DU 8 NOVEMBRE 2006DÉCISION DÉFÉRÉE :TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ROUEN du 9 mars 2004APPELANTS :Monsieur Cyril X...1, Parc de la Bresle76130 MONT-SAINT-AIGNANcomparant à l'audiencereprésenté par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Courassisté de Me Bruno LANFRY, avocat au Barreau de ROUENMadame Christiane Y...1, Parc de la Bresle76130 MONT-SAINT-AIGNANcomparante à l'audiencereprésentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Courassistée de Me Bruno LANFRY, avocat au Barreau de ROUENINTIMÉE :S.A.R.L. C.E.R. CONSTRUCTIONSR.N. 14La Forge Féret76520 BOOSreprésentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Courassistée de Me Benoît VAN DEN BULCKE, avocat au Barreau de ROUENCOMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 septembre 2006 sans opposition des avocats devant Monsieur PÉRIGNON, Conseiller, rapporteur, en présence de Madame LE CARPENTIER, Conseiller, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :Monsieur BOUCHÉ, PrésidentMonsieur PÉRIGNON, ConseillerMadame LE CARPENTIER, ConseillerGREFFIER LORS DES DÉBATS :Jean DufotDÉBATS :A l'audience publique du 19 septembre 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 novembre 2006ARRÊT :
CONTRADICTOIREPrononcé publiquement le 8 novembre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Jean Dufot, greffier présent à cette audience.* * *LES FAITS ET LA PROCÉDURE :Le 9 mai 2000, Monsieur Cyril X... et Madame Christine Y... ont confié à la société CER CONSTRUCTIONS le soin d'édifier un pavillon sur un terrain leur appartenant à MONTVILLE.Le
permis de construire a été obtenu le 4 septembre 2000.Par courrier en date du 8 janvier 2001, M. X... et Mme Y... (ci-après consorts X...-Y.../AN O) ont demandé l'arrêt des travaux jusqu'à la mise en conformité de la construction avec les plans du permis de construire.Une expertise a été ordonnée et le rapport déposé le 14 octobre 2002.La société CER CONSTRUCTIONS a fait assigner les consorts X...-Y.../AN O par acte du 12 juin 2003 pour obtenir la résiliation du contrat de construction à leurs torts et les voir condamner à lui payer :ô 20.580,61 Euros en contrepartie des prestations réalisées jusqu'au 8 janvier 2001, avec les intérêts contractuels,ô 6.175 Euros à titre de dommages et intérêts tel que prévu par le contrat,ô 3.000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.Par jugement rendu le 9 mars 2004, le tribunal de grande instance de ROUEN a :- prononcé la résiliation du contrat de construction liant la société CER CONSTRUCTIONS et les consorts X...-Y.../AN O,- débouté les consorts X...-Y.../AN O de l'ensemble de leurs demandes formées contre la société CER CONSTRUCTIONS,- condamné solidairement les consorts X...-Y.../AN O à payer à la société CER CONSTRUCTIONS les sommes suivantes :ô 20 580,61 Euros au titre des prestations réalisées avec intérêts au taux conventionnel prévus par l'article 7-5 du contrat,ô 6 175 Euros à titre de dommages et intérêts,- débouté la société CER CONSTRUCTIONS de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 20 000 Euros,- condamné solidairement les consorts X...-Y.../AN O aux dépens comprenant les frais d'expertise.Le 27 mai 2004, les consorts X...-Y.../AN O ont interjeté appel de cette décision.*******Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 27 septembre 2004, les consorts X...-Y.../AN O demandent à la cour d'infirmer la décision déférée et de :- prononcer la résiliation
du contrat de construction aux torts de la société CER CONSTRUCTIONS,- débouter la société CER CONSTRUCTIONS de l'ensemble de ses demandes,- condamner la société CER CONSTRUCTIONS à leur verser en remboursement de l'acompte, frais de démolition, et indemnité contractuelle de résiliation, la somme de 44.122,29 Euros,- les autoriser à se faire restituer la somme de 67.500 Francs, soit 10.290,31 Euros, consignée sur le compte individuel CARPA de leur avocat,- condamner pareillement la société CER CONSTRUCTIONS à leur payer en réparation de l'ensemble de leurs préjudices la somme de 17.895,78 Euros augmentée de 182,20 Euros par mois à compter du 5 février 2001, sauf à parfaire,- dire que toutes les sommes ci-dessus seront productives d'intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt,- condamner la société CER CONSTRUCTIONS à leur payer une indemnité de 5.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- subsidiairement, réduire sensiblement le montant de l'indemnité contractuelle par application de l'article 1152 du Code civil,- débouter la société CER CONSTRUCTIONS de toutes prétentions au titre de la situation de travaux no 3,- condamner la société CER CONSTRUCTIONS aux dépens de première instance et d'appel.*******Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 27 octobre 2005, la société CER CONSTRUCTIONS demande à la cour de :- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,- débouter les consorts X...-Y.../AN O de l'ensemble de leurs demandes,- y ajoutant, condamner les consorts X...-Y.../AN O solidairement à lui payer une indemnité de 4 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,- condamner les consorts X...-Y.../AN O aux dépens de première instance et d'appel.*******SUR CE LA COUR :Vu les conclusions et les pièces :- Sur la résiliation du contrat de construction :Les consorts X...-LEBUG font essentiellement valoir que, contrairement à ce
que le tribunal a retenu, le plan d'insertion dans le paysage a un caractère contractuel et que l'implantation du pavillon ayant été réalisée sans aucune correspondance avec ce plan, ils sont fondés à solliciter la résolution du contrat de construction aux torts de la société CER CONSTRUCTIONS, les énonciations et conclusions du rapport d'expertise étant par ailleurs entachées de multiples erreurs qui le rendent largement inexploitable.De son côté, la société CER CONSTRUCTIONS soutient que le plan d'insertion, qui certes, doit être joint à la demande de permis de construire en vertu des dispositions de la loi du 9 février 1994 et du décret du 18 mai 1994, n'a pas de caractère contractuel et ne serait qu'indicatif à l'égard des maîtres de l'ouvrage.Cependant, il résulte des termes du contrat de construction et en particulier, de l'article 1.1, que la construction projetée est conforme aux règles de construction prescrites par le Code de la construction et de l'habitation, par le Code de l'urbanisme et aux règles de l'art et l'article 1.2 précise que le constructeur s'oblige envers le maître d'ouvrage à réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à l'édification de l'immeuble et à son utilisation normale conformément aux pièces annexées :- notice descriptive conforme à l'arrêté ministériel du 27 novembre 1991 ; - plan de la construction à édifier .L'article 1.5 précise encore que les plans ont un caractère contractuel.Or, il est incontestable que le document intitulé insertion dans le paysage fait partie des plans établis par la CER CONSTRUCTIONS et qu'il a été signé par les consorts X...-LEBUG.S'il s'agit effectivement d'un document obligatoire qui doit figurer dans la demande de permis de construire ainsi que le prévoit l'article R 421-2 du Code de l'urbanisme, il n'en demeure pas moins qu'aux termes du contrat ci-dessus rappelés, ce plan paysager présente un caractère contractuel liant le constructeur.Or, il résulte des éléments versés aux débats que
l'implantation du pavillon telle qu'elle a été réalisée ne correspond pas aux plans concernant l'insertion du pavillon dans le paysage établis par la société CER CONSTRUCTIONS et signés par les consorts X...-LEBUG.En effet, il ressort tant des photographies versées aux débats que du rapport d'expertise, pris dans ses énonciations objectives et non erronées, que la construction commencée par la société CER CONSTRUCTIONS et interrompue au niveau du plancher haut du rez-de-chaussée, ne permet et ne permettra pas d'obtenir visuellement, non seulement à l'égard de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire, mais également à l'égard des consorts X...-LEBUG, une construction telle qu'elle était représentée sur le terrain et son environnement.Ainsi, le plan d'insertion dans le paysage daté du 29 juin 2000 et repris dans les documents contractuels ultérieurs de la société CER CONSTRUCTIONS (avenant no 1 du 19 octobre 2000), montre que le garage en façade Est est pratiquement au niveau de la chaussée desservant cette parcelle du lotissement.Or, les photographies, notamment celle intitulée façade sur rue , prises par l'expert judiciaire, montrent que la construction, arrêtée au niveau du plancher haut du rez-de-chaussée, est nettement au-dessous du niveau prévu, de telle sorte que le garage, au lieu de se trouver au niveau de la chaussée, est enterré et nécessite, pour son accès, le creusement d'une rampe (dont la pente est calculée à 12 % par l'expert), ce qui est totalement incompatible avec la présentation visuelle de l'insertion telle qu'elle résulte du plan contractuel.Si M. CHAPELLIER (dans la mesure où ses calculs seraient exacts eu égard aux nombreuses carences et erreurs, notamment d'orientation, qu'il a commises et qui ont conduit le magistrat délégué par le premier président de la cour de ce siège à prendre, le 9 mars 2004, une ordonnance réduisant considérablement sa rémunération) a conclu que l'implantation
planimétrique et altimétrique du pavillon serait correcte par rapport aux documents d'urbanisme, il n'en demeure pas moins que l'insertion dans le paysage de la construction est sans rapport avec le plan signé par les consorts X...-LEBUG. L'expert a d'ailleurs observé que, s'agissant du décaissé, le résultat est contestable et il a relevé l'absence, sur le volet paysage, de tout dispositif de piégeage de l'eau.L'expert précise encore, sans être contesté, que le talus venant du voisin tel qu'il est présenté sur le plan d'insertion, n'est pas réaliste vis-à-vis des règles de l'art ni du bon usage et que la société CER CONSTRUCTIONS qui est un professionnel, aurait dû inscrire les pentes sur les coupes et sur le plan d'insertion . Il observe encore que la pente de 12 % pour un garage est tolérable mais que les problèmes de ruissellement existent et auraient dû figurer sur le plan.L'expert note également que Les plans n'indiquent pas les branchements ni l'accès voiture, ni le traitement des eaux pluviales de ruissellement. Ces travaux ne sont pas dans le contrat. En tant que professionnel, la société CER CONSTRUCTIONS aurait peut être dû les figurer sur les documents pour information, Monsieur X... et Madame Y... n'étant pas des professionnels .Enfin, il est précisé que le dessinateur a, pour réaliser le plan litigieux, choisi une distance et un angle qui lui ont permis d'atténuer les reliefs et par conséquent, de montrer l'ensemble sous un angle qui ne correspond pas à la réalité.Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est établi que, contrairement à ses affirmations selon lesquelles l'implantation serait conforme à ses plans, la société CER CONSTRUCTIONS a manqué à ses obligations contractuelles et plus particulièrement à l'obligation de conseil et d'information du professionnel envers son cocontractant profane. Compte tenu de ces fautes contractuelles, il convient d'infirmer la décision entreprise et de prononcer la résiliation du contrat de
construction aux torts de la société CER CONSTRUCTIONS.- Sur le préjudice des consorts X...-LEBUG :Il ressort des énonciations techniques qui précèdent que la démolition de la partie construite de l'ouvrage s'impose afin de réaliser une nouvelle construction conforme à l'aspect présenté par le plan d'insertion litigieux. Le coût de cette démolition a été évalué à 28 000 Euros par l'expert. En l'absence de discussion, il sera fait droit à la demande des consorts X...-LEBUG à hauteur de cette somme.Les consorts X...-LEBUG devant reprendre leur opération de construction avec d'autres entreprises, il convient de condamner la société CER CONSTRUCTIONS à leur rembourser l'acompte de 45.000 Francs versé le 8 janvier 2001, soit 6.860,21 Euros, pour la réalisation des fondations qui ne pourront être reprises dans une autre construction.Par ailleurs, sur un prix contractuel de 450.000 Francs, les consorts X...-LEBUG ont, le 8 février 2001, consigné sur le compte CARPA de leur avocat, la somme de 67.500 Francs correspondant à la situation de travaux no 1. en l'absence de réalisation des travaux, il y a lieu d'ordonner la restitution de cette somme, soit 10.290,31 Euros.Conformément aux articles 7-4 et 7-1 du contrat de construction qui prévoient le paiement d'une indemnité contractuelle égale à 15 % du solde du contrat en cas de rupture de celui-ci aux torts du constructeur, il convient de condamner la société CER CONSTRUCTIONS à payer aux consorts X...-LEBUG une somme de 405.035 Francs x 0,15 = 60 755,25, soit 9.262,08 Euros.Il est par ailleurs incontestable que les consorts X...-LEBUG ont subi, du fait de l'interruption des travaux et de l'impossibilité de construire le pavillon projeté, divers préjudices (notamment, moral et de jouissance) qui seront indemnisés, au vu des éléments justificatifs versés aux débats, par l'allocation d'une somme arbitrée à 5 000 Euros.Les consorts X...-LEBUG sont également fondés à obtenir
l'indemnisation des intérêts et frais bancaires qu'ils ont exposés pour engager cette construction, soit, sur un emprunt de 77.596,55 Euros contracté auprès de la CAISSE D'EPARGNE DE HAUTE NORMANDIE au taux nominal de 6,2 % et au taux effectif global de 7,28 %, une somme de 7.095,78 Euros, arrêtée à l'échéance du 5 janvier 2004 ainsi qu'il résulte du tableau d'amortissement versé aux débats. - Sur les demandes annexes :Il y a lieu de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société CER CONSTRUCTIONS.Il est inéquitable de laisser à la charge des consorts X...-LEBUG les frais exposés en marge des dépens en cause d'appel ; en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, il y a donc lieu de leur allouer une somme qu'au vu des éléments de la cause, la cour arbitre à 3 000,00 Euros.*******PAR CES MOTIFS :La Cour :Statuant publiquement et contradictoirement :Reçoit l'appel en la forme.Au fond :Infirme la décision entreprise.Prononce la résiliation du contrat de construction souscrit le 9 mai 2000 aux torts de la société CER CONSTRUCTIONS.Condamne la société CER CONSTRUCTIONS à payer aux consorts X...-LEBUG, en remboursement de l'acompte, frais de démolition, et indemnité contractuelle de résiliation, la somme totale de 44.122,29 Euros.Autorise les consorts X...-LEBUG à se faire restituer la somme de 10.290,31 Euros, consignée sur le compte individuel CARPA de leur avocat.Condamne la société CER CONSTRUCTIONS à payer aux consorts X...-LEBUG, une somme de 5 000 Euros au titre des préjudices moral et de jouissance et une somme de 7 095,78 Euros au titre des frais bancaires et financiers.Dit que les sommes ci-dessus fixées seront productives d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.Déboute la société CER CONSTRUCTIONS de l'ensemble de ses demandes.Condamne la société CER CONSTRUCTIONS aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des
avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.Condamne la société CER CONSTRUCTIONS à payer aux consorts X...-LEBUG la somme de 3 000,00 Euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.Le greffier
Le Président