La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2006 | FRANCE | N°06/00306

France | France, Cour d'appel de Rouen, 26 septembre 2006, 06/00306


R.G. : 06/00306 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 22 Décembre 2005 APPELANTE : Madame Nadine X... 5 rue de Normanville 27930 LE BOULAY MORIN comparant en personne, assistée de Me Pierre VERDIER, avocat au barreau d'EVREUX INTIMEE : Société LE GROUPE PIERRE LE GOFF NORMANDIE venant aux droits de la société SERPICO 15-19 rue Etienne Dolet 76140 LE PETIT QUEVILLY représentée par Me Sandrine CARON, avocat au barreau de QUIMPER COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'ar

ticle 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire ...

R.G. : 06/00306 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE SOCIALE ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 22 Décembre 2005 APPELANTE : Madame Nadine X... 5 rue de Normanville 27930 LE BOULAY MORIN comparant en personne, assistée de Me Pierre VERDIER, avocat au barreau d'EVREUX INTIMEE : Société LE GROUPE PIERRE LE GOFF NORMANDIE venant aux droits de la société SERPICO 15-19 rue Etienne Dolet 76140 LE PETIT QUEVILLY représentée par Me Sandrine CARON, avocat au barreau de QUIMPER COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 20 Juin 2006 sans opposition des parties devant Madame PAMS-TATU, Président, magistrat chargé d'instruire seul l'affaire, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PAMS-TATU, Président Madame RAYNAL-BOUCHÉ, Conseiller Monsieur MOUCHARD, Conseiller GREFFIER LORS DES DEBATS : Monsieur Y..., Greffier DEBATS : A l'audience publique du 20 Juin 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 Septembre 2006 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 26 Septembre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Madame PAMS-TATU, Président et par Monsieur Y..., Greffier présent à cette audience.

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions déposées les 9 et 25 juin 2006 ;

Attendu que Mme X... a été engagée à compter du 3 septembre 1990, en qualité d'attachée commerciale, par la société SERPICO aux droits de laquelle se trouve la société PIERRE LE GOFF NORMANDIE ; qu'en octobre 1998, une de ses collègues de travail, Mme Z..., a été nommée chef des ventes du département de l'Eure ; que les relations

de travail entre les deux salariées se sont dégradées, Mme X... reprochant à Mme Z... de s'approprier ses clients et d'être mise à l'écart par elle et les dirigeants ; qu'elle a été en arrêt de travail pendant le dernier trimestre 1999 ; que le 22 mars 2002, Mme X... a été victime d'un accident du travail qui lui a occasionné un arrêt de travail jusqu'au 16 septembre 2002 ; que lors de la seconde visite, le médecin du travail a indiqué : "inapte définitive à tout poste dans l'entreprise. Avis unique. Danger immédiat" ; que la salariée a été licenciée le 5 novembre 2002 pour inaptitude à tout poste dans l'entreprise et le groupe et impossibilité de reclassement ;

Attendu qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes lequel, par jugement du 22 décembre 2005, a ainsi statué : -

condamne la société SERPICO à payer à Mme X... la somme de 666,38 ç au titre du rappel de salaire et commission pour la période du mois de mars 2002 ; -

condamne la société SERPICO à payer à Mme X... la somme de 66,63 ç au titre de l'indemnité de congés payés sur le rappel de salaire ; -

condamne la société SERPICO à payer à Mme X... la somme de 1.500 ç au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; -

déboute Mme X... du surplus de ses demandes ; -

déboute la société SERPICO de sa demande reconventionnelle sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; -

condamne la société SERPICO aux entiers dépens ;

Attendu que Mme X... a interjeté appel et soutient que son inaptitude est directement liée au harcèlement dont elle a été victime ; que les pièces émanant notamment du médecin du travail et

de l'inspecteur du travail laissent supposer l'existence d'un tel harcèlement ;

Qu'elle sollicite de voir condamner la société à lui payer les sommes de : ô

75.000 ç à titre de dommages-intérêts, ô

417,74 ç au titre du solde d'indemnité de licenciement, ô

8.059,84 ç au titre du rappel d'heures supplémentaires, ô

1.571,22 ç au titre de rappel de salaires et commissions, ô

4.043,86 ç au titre de rappel de salaires relatif à l'échelon, ô

1.367,49 ç au titre de rappel de congés payés sur les rappels d'heures supplémentaires, les salaires et commissions, ô

209 ç au titre des frais de repas de mars 2002 et dernière semaine de février 2002, ô

53,36 ç au titre du remboursement des frais de téléphone, ô

171,38 ç au titre du rappel d'indemnités complémentaires, ô

175,22 ç au titre des congés payés manquants sur solde de novembre 2002, ô

4.573,47 ç à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, ô

3.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

le tout avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, -

ordonner l'exécution provisoire sur l'ensemble des demandes ;

Attendu que la société réplique : -

que la salariée a été mise en arrêt de travail à la suite d'un accident de la circulation du 22 mars 2002 et non pour une cause psychologique ; que l'anxiété n'a été évoquée que dans l'arrêt du 30 mars 2002 et qu'il s'agit d'une anxiété réactionnelle, donc liée à l'accident ; que l'état dépressif n'a été constaté que le 19

septembre 2002 ; -

que les faits de harcèlement invoqués sont antérieurs au 17 janvier 2002 et donc ne peuvent être pris en considération au titre de l'article L. 122-49 du Code du travail ; que les conditions de travail de la salariée ne se sont pas dégradées et qu'elle n'a pas été dépouillée de son secteur, aucun client ni secteur ne lui étant attribué ; -

que celle-ci n'a été victime d'aucune discrimination du fait de son statut de délégué du personnel ; -

que le docteur A..., médecin du travail, qui atteste du harcèlement moral va au delà de sa mission ; que ce n'est pas lui qui a examiné la salariée ;

Qu'elle sollicite de voir confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande au titre du harcèlement moral, la débouter de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

DECISION

Sur le licenciement

Attendu que Mme X... a été licenciée pour inaptitude à la suite d'un avis du médecin du travail du 19 septembre 2002 ayant conclu à son "inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise. Avis unique. Danger immédiat" ;

Attendu que si l'article L. 122-49 du Code du travail protégeant les salariés contre le harcèlement moral ne s'applique pas à des faits

antérieurs à la loi du 17 janvier 2002 ayant institué ce texte, il n'interdit pas d'apprécier l'existence d'un comportement fautif de l'employeur antérieur à l'entrée en vigueur de la loi et de vérifier s'il a perduré ;

Attendu que le médecin du travail indiquait en octobre 1999 que Mme X... l'avait consultée à plusieurs reprises depuis janvier 1999 (soit quelques mois après la nomination de Mme Z..., en qualité de chef des ventes) et lui avait rapporté des "faits patents de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie : réflexions désobligeantes, brimades notamment à propos de ses vacances, tracasseries sur des détails pratiques, vexations... A signaler que d'autres salariés de SERPICO ses sont plaints auprès de (sa) collègue, le docteur A..., de faits du même type à son égard" ;

Que l'inspecteur du travail écrivait lui aussi dans une lettre du 21 juillet 2000 adressée au directeur de SERPICO : "J'ai l'honneur de vous rappeler ci-après les observations formulées verbalement lors de ma visite visée en objet, au cours de laquelle je vous ai rencontré en présence de Mesdames LAMIOT et X..., respectivement déléguée syndicale Force Ouvrière et déléguée du personnel. Lors de cet entretien j'ai pu constater et noter que Mme Nadine X... fait état d'une situation de harcèlement moral dont elle serait victime au sein de votre établissement, tant de la part de sa hiérarchie directe que des responsables des structures commerciales internes à votre entreprise. J'ai pu constater et noter également que Mme X... était titulaire de deux attestations médicales, toutes deux établies par un médecin du travail différent, et faisant l'une comme l'autre référence à une situation de harcèlement moral. Dans un tel contexte et comme je vous l'ai indiqué lors de ma visite, il convient de veiller à ce que les causes de cette situation de harcèlement perçue par Mme X... soient rapidement recherchées, identifiées et

neutralisées. Je vous rappelle en effet que compte tenu de sa qualité de déléguée du personnel, Mme X... ne saurait être harcelée en quoi que ce soit par qui que ce soit, sauf à s'exposer, pour toute personne susceptible d'être éventuellement sujette à quelques "errements" verbaux ou comportementaux, à un relevé à son encontre et par voie de procès-verbal transmis au Procureur de la République, du délit d'entrave au fonctionnement des délégués du personnel défini par l'article L.482-1 du Code du travail (et passible d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 25.000 Frs, ou de l'une de ces deux peines seulement). Vous voudrez donc bien prendre toute mesure utile à l'égard de la hiérarchie de Mme X..., pour l'informer d'une part de l'état d'esprit actuel de Mme X... qui s'estime harcelée et discriminée, et d'autre part de l'absolue nécessité de veiller dans les diverses réunions organisées au plan professionnel, à ce qu'une distinction très nette soit faite entre le mandat détenu par Mme X... et la situation professionnelle de cette dernière. Vous voudrez bien me tenir informé du détail des démarches que vous aurez entreprises en vue de remédier à la situation susvisée, ainsi que des résultats desdites démarches."

Que le 15 décembre 2000, les signataires d'une pétition contre les représentants du personnel (notamment Mme X...) indiquaient : -

qu'ils avaient signé le jour-même ce document dont ils avaient tout juste pris connaissance, -

qu'il avait été rédigé par la direction en leur nom et non sur leur demande, -

et qu'après avoir consulté leur délégués, ils étaient en mesure de leur accorder leur confiance, en particulier à Mme X... ;

Que par ailleurs, le travail de la salariée était particulièrement apprécié : -

de son employeur avant la nomination de Mme Z... (lettre de

félicitations du 30 septembre 1997 de M. B..., PDG), -

des clients de l'entreprise soulignant dans leurs attestations les qualités professionnelles et humaines de Mme X...) ;

Attendu que cette dernière a été victime d'un accident de trajet le 22 mars 2002 ayant entraîné une entorse cervicale ; qu'elle a fait l'objet d'arrêts de travail successifs ; que les arrêts des 19 septembre et 23 octobre 2002 mentionnent un état dépressif ; que le certificat du docteur C... du 27 mars 2001 avait déjà fait état d'un "contexte d'anxiété et de stress permanents secondaire à des problèmes au niveau du travail" ; que le docteur D... a attesté le 16 octobre 2002 que Mme X... n'était pas en état de se rendre à entretien préalable à son licenciement ;

Attendu qu'il résulte de ces certificats médicaux émanant de praticiens différents que l'inaptitude de Mme X... est consécutive au comportement gravement fautif de la hiérarchie de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que compte tenu de son ancienneté, de sa rémunération, des circonstances du licenciement et du préjudice très important dont la salariée justifie (elle est toujours au chômage et sa santé reste très dégradée), il convient de lui allouer une somme de 70.000 ç ;

Sur l'indemnité de licenciement

Attendu que Mme X... réclame un complément d'indemnité de licenciement de 417,74 ç sur la base d'un salaire de référence de 2.853,32 ç ; que cependant il résulte des bulletins de paie produits que le salaire de référence n'est que de 2.461,57 ç et qu'ainsi Mme X... a été remplie de ses droits ;

Sur les heures supplémentaires

Attendu que la société produit notamment une note de service demandant au personnel que le temps de travail ne dépasse pas 36 heures et demi par semaine et 10 heures par jour avec une amplitude

quotidienne maximun de 13 heures, toutes les heures supplémentaires ne pouvant être réalisées qu'avec l'accord préalable de la direction ;

Que la salariée fait valoir que les commerciaux, techniciens et livreurs ont continué à effectuer 39 heures de travail par semaine et fournit un décompte succinct des heures qu'elle aurait effectuées en 2000 et 2001 ;

Qu'en tout état de cause, il n'est pas établi que les heures revendiquées auraient été exécutées avec l'accord préalable de la direction ; que cette demande ne peut être accueillie ;

Sur les autres demandes

Attendu que la cour fait sienne la motivation du conseil de prud'hommes ;

Attendu qu'il est équitable d'allouer à Mme X... une somme de 1.500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement mais uniquement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts ;

Y ajoutant,

Condamne la société PIERRE LE GOFF NORMANDIE à payer à Mme X... à ce titre la somme de 70.000 ç ainsi que celle de 1.500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et aux dépens.

Le greffier

Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Numéro d'arrêt : 06/00306
Date de la décision : 26/09/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-09-26;06.00306 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award