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28/03/2006 | FRANCE | N°05/00212

France | France, Cour d'appel de Rouen, 28 mars 2006, 05/00212


R.G : 05/00212 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES ARRET DU 28 MARS 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 03 Janvier 2005 APPELANTES : S.A. VALCAOR 35 rue Denis Papin 76580 LE TRAIT représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assistée de Me Fabienne LEVEQUE, avocat au barreau de DIJON S.A. MASSEINE Rue Ronnenberg 76480 DUCLAIR représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assistée de Me Fabienne LEVEQUE, avocat au barreau de DIJON INTIMEE : S.A. ITM ENTREPRISES 24, rue Auguste Chabrières 7

5015 PARIS représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAU...

R.G : 05/00212 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES ARRET DU 28 MARS 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 03 Janvier 2005 APPELANTES : S.A. VALCAOR 35 rue Denis Papin 76580 LE TRAIT représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assistée de Me Fabienne LEVEQUE, avocat au barreau de DIJON S.A. MASSEINE Rue Ronnenberg 76480 DUCLAIR représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assistée de Me Fabienne LEVEQUE, avocat au barreau de DIJON INTIMEE : S.A. ITM ENTREPRISES 24, rue Auguste Chabrières 75015 PARIS représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour assistée de Me FLEIMERT, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 23 Février 2006 sans opposition des avocats devant Madame PRUDHOMME, Conseiller, rapporteur, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PLANCHON, Président Madame LE CARPENTIER, Conseiller Madame PRUDHOMME, Conseiller GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame X..., Greffier DEBATS : A l'audience publique du 23 Février 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 Mars 2006 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 28 Mars 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme Y..., Greffier présent à cette audience. * * *

La S.A. VALCAOR exploitant un magasin à DUCLAIR (Seine-Maritime) et la S.A. MASSEINE exploitant un magasin au TRAIT (Seine-Maritime) étaient devenues franchisées du groupement de distribution INTERMARCHÉ en juin 1981 pour la première et en novembre 1990 pour la

seconde ; des contrats d'adhésion étaient régularisés et des contrats d'enseigne étaient signés, le 5 mars 1997 en ce qui concerne la S.A. VALCAOR et le 22 décembre 1998 pour la S.A. MASSEINE ; ces contrats contenaient au profit de la société ITM ENTREPRISES un droit de priorité en cas de transfert de propriété du fonds de commerce de la société d'exploitation à une personne n'ayant pas été agréée par la société ITM ENTREPRISES dans le contrat d'enseigne et sur les actions de cette même société d'exploitation dans les contrats d'adhésion (droit de préemption).

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 18 juin 2004, les SA. VALCAOR et MASSEINE notifiaient à la société ITM ENTREPRISES la résiliation de leur contrat d'enseigne ; le lendemain, ces deux sociétés procédaient au montage d'une enseigne CHAMPION, appartenant au groupe CARREFOUR sur leurs magasins.

Par courrier du 25 juin 2004, la société ITM ENTREPRISES indiquait alors qu'elle désirait faire trancher le différend concernant l'interprétation des contrats d'enseigne et la résiliation des liens contractuels, conformément aux clauses des contrats, par un arbitre ; des tractations entouraient la désignation des arbitres chargés de trancher le litige, jusqu'au 11 mai 2005, date à laquelle les trois arbitres composant le tribunal arbitral acceptaient la mission et une réunion en vue de finaliser l'acte de mission était tenue le 13 septembre 2005.

Par acte du 13 octobre 2004, la société ITM ENTREPRISES saisissait le

président du tribunal de commerce de ROUEN aux fins de constat à effectuer dans les locaux des SA. VALCAOR et MASSEINE au motif qu'elle allait engager une action au fond à l'encontre des sociétés du groupe CARREFOUR en raison des actes organisés de concurrence déloyale dont elle faisait l'objet de la part de ce concurrent. Par ordonnance du 19 octobre 2004, le président du tribunal de commerce de ROUEN commettait un huissier de justice avec mission de se faire remettre copie de documents identifiés et à consigner toute déclaration que souhaitaient faire les personnes nommément désignées. Lors de la venue dans les locaux des deux sociétés VALCAOR et MASSEINE, il était opposé à l'huissier de justice commis une fin de non recevoir.

Par exploit du 12 novembre 2004, les SA. VALCAOR et MASSEINE saisissait le président du tribunal de commerce de ROUEN d'une demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 19 octobre 2004.

Par ordonnance de référé du 3 janvier 2005, le président du tribunal de commerce de ROUEN a :

vu les articles 145 et 497 du nouveau code de procédure civile,

dit que la mesure ordonnée le 19 octobre 2004 sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile remplissait pleinement les conditions requises et devait donc être confirmée,

débouté les SA. VALCAOR et MASSEINE de l'ensemble de leurs demandes et prétentions,

condamné les SA. VALCAOR et MASSEINE à payer à la société ITM ENTREPRISES la somme de 4.000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

laissé à la charge des SA. VALCAOR et MASSEINE les dépens.

Les SA. VALCAOR et MASSEINE sont régulièrement appelantes de cette ordonnance et dans leurs écritures signifiées le 5 janvier 2006 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé des

faits, des moyens et des prétentions soulevés, elles demandent à la Cour de :

les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

constater l'existence d'une instance arbitrale en cours,

Subsidiairement,

constater l'absence de motif légitime de recours à l'article 145 du nouveau code de procédure civile,

constater le caractère général des mesures d'investigation sollicitées par la société ITM ENTREPRISES et ordonnées le 19 octobre 2004,

constater en tout état de cause, le caractère non justifié du recours à une procédure non contradictoire,

En conséquence,

infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de ROUEN en date du 3 janvier 2005, rétracter l'ordonnance présidentielle du tribunal de commerce de ROUEN en date du 19 octobre 2004 rendue sur requête de la société ITM ENTREPRISES,

condamner la société ITM ENTREPRISES à régler aux SA. VALCAOR et MASSEINE une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

condamner la société ITM ENTREPRISES à payer aux SA. VALCAOR et MASSEINE la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

condamner la société ITM ENTREPRISES aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leur appel, les SA. VALCAOR et MASSEINE font notamment état de ce que le président du tribunal de commerce de ROUEN était incompétent pour rendre l'ordonnance sur requête du 19 octobre 2004

au motif qu'une instance au fond était en cours (l'instance arbitrale) et que l'article 145 du nouveau code de procédure civile ne pouvait recevoir application.

Elles reprochent de plus le caractère irrecevable et malfondé des demandes de communication de la société ITM ENTREPRISES au motif, premièrement, d'une présentation partiale du contexte de la résiliation des contrats d'enseigne INTERMARCHÉ des SA. VALCAOR et MASSEINE, deuxièmement, des raisons légitimes de résiliation de leur contrat d'enseigne INTERMARCHÉ par elles, et enfin, troisièmement, du caractère artificiel de l'imputation de fraude aux droits de préemption de la société ITM ENTREPRISES que celle-ci leur a adressée.

Elles invoquent le non-respect des conditions d'application de l'article 145 du nouveau code de procédure civile en raison de l'absence d'éléments objectifs de déloyauté ou de fraude de leur part, l'absence de motif légitime de recours à l'article 145 du nouveau code de procédure civile et enfin le caractère d'enquête générale des mesures sollicitées.

Par conclusions du 15 février 2006 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé des moyens et des prétentions en réponse de l'intimée, la société ITM ENTREPRISES demande en revanche à la Cour de :

constater que la mesure d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile l'a été avant tout procès au fond,

constater que la mesure ordonnée par l'ordonnance du 19 octobre 2004 concerne un litige distinct de la procédure d'arbitrage opposant les SA. VALCAOR et MASSEINE à la société ITM ENTREPRISES,

constater qu'il existait un motif légitime pour elle de solliciter une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du nouveau

code de procédure civile,

constater que la mesure ordonnée était légalement admissible,

En conséquence,

débouter les SA. VALCAOR et MASSEINE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

dire et juger que l'ordonnance rendue le 19 octobre 2004 par Monsieur le président du tribunal de commerce de ROUEN est bien fondée,

confirmer l'ordonnance du 3 janvier 2005 rendue par le président du tribunal de commerce de ROUEN en toutes ses dispositions,

condamner les SA. VALCAOR et MASSEINE au paiement d'une somme de 12.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société ITM ENTREPRISES estime qu'il n'y avait aucun procès au fond engagé au sens de l'article 145 du nouveau code de procédure civile puisque la mesure ordonnée concerne un litige distinct, et la constitution du tribunal arbitral s'est faite postérieurement à la mesure d'instruction ordonnée puisqu'il doit s'apprécier au moment de la demande présentée au juge.

Elle affirme qu'elle avait un motif légitime à solliciter la mesure de constat ordonnée en raison des déclarations du président de la société CSF en charge de l'enseigne CHAMPION, de la cession des actions qui est intervenue à son insu et enfin sur le procédé du séquestre des accords de cession conclus avec ses franchisés.

Elle rappelle encore que les mesures ordonnées étaient parfaitement légales et ne ressortaient nullement de mesure d'enquête ou d'investigation générale que n'autoriserait pas la jurisprudence.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2006.

SUR CE,

Sur la compétence du président du tribunal de commerce :

Attendu qu'il convient, pour que le juge des référés soit compétent

pour ordonner les mesures prévues à l'article 145 du nouveau code de procédure civile que lors de la saisine sur requête, aucune instance au fond ne soit pendante devant une juridiction.

Attendu que l'article 19 des contrats d'enseigne signés entre les parties prévoyaient que les litiges auxquels le contrat pourrait donner lieu, notamment au sujet de sa validité, de son interprétation, de son exécution et de sa résiliation, seraient résolus par la voie de l'arbitrage ; que, si le 25 juin 2004 la société ITM ENTREPRISES informait les SA. VALCAOR et MASSEINE de son intention de soumettre à la procédure d'arbitrage leur divergence dans l'interprétation et la résiliation des liens contractuels les unissant, cevoie de l'arbitrage ; que, si le 25 juin 2004 la société ITM ENTREPRISES informait les SA. VALCAOR et MASSEINE de son intention de soumettre à la procédure d'arbitrage leur divergence dans l'interprétation et la résiliation des liens contractuels les unissant, ce tribunal arbitral n'était composé que le 11 mai 2005, en application de l'article 1452 du nouveau code de procédure civile ; que la clause compromissoire n'exclut pas, tant que le tribunal arbitral n'est pas constitué, la faculté de saisir le juge des référés aux fins de mesures provisoires ou conservatoires ; qu'en conséquence, puisqu'au jour de la saisine du président du tribunal de commerce le 18 octobre 2004, aucune procédure au fond n'était introduite, le magistrat était compétent pour statuer sur les mesures réclamées, l'article 875 du nouveau code de procédure civile lui donnant pouvoir d'ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.

Sur le bien-fondé de la décision prise :

Attendu que les SA. VALCAOR et MASSEINE exposent dans leurs écritures qu'elles ont décidé de rompre leur contrat d'enseigne avec la société

ITM ENTREPRISES pour conclure un nouveau contrat d'enseigne avec un groupe de distribution concurrent ; qu'il n'appartient pas au juge saisi de décider si ces deux sociétés avaient des motifs légitimes de résilier leur contrat d'enseigne INTERMARCHÉ comme le revendiquent ces deux sociétés mais il lui appartient de rechercher si la société ITM ENTREPRISES avait des motifs légitimes de conserver ou établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige opposant les parties.

Attendu que la société ITM ENTREPRISES, au regard d'articles de presse versés aux débats reprenant les déclarations du président de la société CSF en charge de l'enseigne CHAMPION en septembre 2004, Monsieur Thierry Z... qui déclarait :

"Nous menons une action organisée depuis 2003 vis-à-vis d'INTERMARCHÉ, résultat 8 INTERMARCHÉ sont passés dans le giron de CHAMPION en 2003 et 12 depuis le début de l'année 2004" et de la cession de plusieurs sociétés d'exploitation de magasins sous l'enseigne INTERMARCHÉ passées sous l'enseigne CHAMPION intervenues préalablement, réclamait la possibilité de désigner un huissier de justice aux sièges sociaux des SA. VALCAOR et MASSEINE avec mission de se faire remettre tout document relatif à cette "action organisée" et de consigner toute déclaration que souhaiterait faire Monsieur Jean-Pierre A..., directeur du magasin de DUCLAIR au sujet des faits visés dans la requête et plus particulièrement concernant "l'action organisée vis-à-vis d'INTERMARCHÉ" par le groupe CARREFOUR et notamment les conditions de reprise des points de vente visés par la requête.

Attendu que la société ITM ENTREPRISES faisait donc état de suspicion de concurrence déloyale de la part de la société CSF auprès de ses magasins et de fraude à ses droits dans sa requête ; qu'elle constatait le départ de plusieurs magasins de son enseigne allant à la concurrence et était bien évidemment tenue en dehors des

tractations alors qu'elle disposait de par les conventions signées d'un droit de préemption sur les cessions de titres ; que le président du tribunal de commerce a alors pu faire droit à la requête qui lui était présentée, la demanderesse justifiant qu'elle avait un motif légitime à rechercher si les cessions ENTREPRISES respectaient ses droits résultant des contrats précédemment signés avec elle.

Attendu que les mesures ordonnées par cette ordonnance du 19 octobre 2004 avaient un caractère limité aux relations entretenues par ces deux magasins et les sociétés du groupe CARREFOUR, au regard de l'action organisée vis-à-vis d'INTERMARCHÉ par le groupe CARREFOUR, par la prise de documents en copie et le recueil de déclaration spontanées faites par le directeur du magasin de DUCLAIR ; qu'elles se devaient d'être ordonnées de manière non contradictoire pour avoir une quelconque chance d'aboutir ; qu'en conséquence, il convient de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise.

Sur les demandes supplémentaires :

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la société ITM ENTREPRISES la charge de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens en cause d'appel, sauf à les modérer.

Attendu que les appelantes qui succombent supporteront la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 3 janvier 2005 par le président du tribunal de commerce de ROUEN,

Condamne les SA. VALCAOR et MASSEINE à payer à la société ITM ENTREPRISES la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne les SA. VALCAOR et MASSEINE aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT,

avoués près la Cour d'appel de ROUEN, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Numéro d'arrêt : 05/00212
Date de la décision : 28/03/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-03-28;05.00212 ?
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