R. G : 05/ 00915 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES ARRET DU 07 FEVRIER 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : Ordonnance de référé du TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 10 Décembre 2004 APPELANT : Monsieur Robert X... Chez Mme Fabienne Y... - ... 75005 PARIS représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour assisté de Me GUIBERT, avocat au barreau de PARIS INTIMEES :
S. A. LES ABEILLES DU HAVRE Route du Môle Central 76065 LE HAVRE CEDEX représentée par Me Marie-Christine COUPPEY, avoué à la Cour assistée de Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE L'INSTITUTION CRI PREVOYANCE 50 rue de Paris 92105 BOULOGNE BILLANCOURT CEDEX représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me Maxime CAUCHY, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 08 Décembre 2005 sans opposition des avocats devant Madame PRUDHOMME, Conseiller-rapporteur, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame PLANCHON, Président, Madame LE CARPENTIER, Conseiller, Madame PRUDHOMME, Conseiller GREFFIER.
LORS DES DEBATS : Mme NOEL-DAZY, Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 08 Décembre 2005, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2006.
ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 07 Février 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.
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Le 24 mai 1998, Monsieur Robert X..., alors capitaine de remorqueur de haute-mer, a été victime d'un accident du travail alors qu'il se trouvait à bord du remorqueur de son employeur au port du HAVRE ; qu'il a été licencié le 12 septembre 2002 après avoir été déclaré médicalement inapte à la navigation par décision du ministère de l'Equipement en date du 11 mars 2002 ; à la suite de ce licenciement, il a sollicité le paiement de plusieurs indemnités auprès de son employeur, la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. et après avoir saisi le Conseil de Prud'hommes du HAVRE qui s'est déclaré incompétent, il a présenté ses réclamations devant le tribunal de commerce du HAVRE et a demandé condamnation de la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. à lui payer la somme de 32. 787, 18 euros représentant la contre-partie d'une assurance prévoyance souscrite auprès de CRI Prévoyance en cas d'invalidité et celle de 20. 000 euros au titre des congés-payés qui ne lui ont pas été payés.
Par jugement du 10 décembre 2004, le tribunal de commerce du HAVRE a :
reçu Monsieur Robert X... en ses demandes à l'encontre de la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. et les a déclarées mal fondées, reçu la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. en son appel en garantie à l'encontre de l'institution CRI Prévoyance et l'a déclaré sans objet, débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,
condamné Monsieur Robert X... aux dépens et à payer à la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. la somme de 1. 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
condamné la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. à payer à la CRI Prévoyance la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur Robert X... est régulièrement appelant de ce jugement et dans ses écritures signifiées le 18 novembre 2005 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé des faits, des moyens et des prétentions soulevés, il demande à la Cour de :
- voir constater que le premier juge s'est mépris quant à l'application du code du travail maritime et du code du travail,
- voir constater qu'à partir du moment où un capitaine de remorqueur de haute mer est accidenté à l'occasion de son travail et perd de facto la possibilité d'exercer son commandement, les rapports en découlant ne se trouvent plus régis par le code du travail maritime mais par l'article L 131-2 du code du travail,
- voir constater de ce fait qu'il a droit au paiement des congés payés pendant toute la durée de son incapacité de travail personnel,
- voir lui allouer la somme de 20. 000 euros au titre des congés payés avec intérêts de droit à compter du jour de la demande outre celle de 2. 000 euros pour résistance abusive,
- s'entendre son employeur déclaré responsable dans le cadre des dispositions de la convention collective de remorquage (article 5 du protocole du 30 décembre 1972) de la souscription d'un contrat d'assurance pour le risque d'invalidité au moins égal à 15 %,
- voir lui allouer à titre de réparation au titre de l'indemnisation prévue par ledit contrat la somme de 44. 600 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure, outre la somme de 2. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- voir statuer ce que de droit sur le recours formé à l'encontre de la CRI Prévoyance.
Il expose à l'appui de son recours qu'il a été victime de deux accidents du travail le 21 décembre 1991 lui laissant un taux d'incapacité partielle de travail de 11 % et le 24 mai 1998 avec un taux d'incapacité partielle de travail de 35 %. Il conteste l'argumentation de son employeur qui fait valoir qu'il ne peut prendre en charge l'accident de 1991 puisque le contrat d'assurance prévoyance n'a été souscrit qu'à compter du 1er janvier 1993 et qu'en ce qui concerne celui de 1998, il n'est pas l'assureur de Monsieur X... et celui-ci doit diriger son action contre l'assureur. Il reproche au premier juge d'avoir estimé qu'il n'avait versé aucun texte lui permettant de rapporter la preuve que l'article 70 du code du travail maritime fait échec aux règles d'ordre public découlant de l'article 223-4 du code du travail d'autant que l'avenant au contrat de travail et conditions de rémunérations des officiers de marine signé, ne fait aucune référence aux règles du code du travail.
Par conclusions du 12 juillet 2005 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé des moyens et des prétentions en réponse de l'intimée, la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. demande à la Cour de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré les demandes dirigées à son encontre mal fondées. Elle réclame alors le débouté de Monsieur X... en toutes ses demandes, fins et conclusions. Elle conclut que Monsieur X... ne pouvait acquérir de congés payés en période de suspension du contrat de travail et demande qu'il soit dit qu'en sa qualité d'employeur de Monsieur X..., elle a respecté les obligations mises à sa charge par la convention collective au titre de l'assurance-prévoyance et n'a donc commis aucune faute à ce titre. Elle demande alors le débouté de ce chef de demandes en ce qu'il est dirigé contre l'employeur au lieu et place de l'assureur. Elle sollicite la condamnation de Monsieur Robert X... aux dépens et à lui payer la somme de 3. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
À titre infiniment subsidiaire, elle conclut à la condamnation de la CRI Prévoyance à la relever et à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre du contrat de prévoyance et la condamnation de tout succombant à lu paye rla somme de 3. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par conclusions du 15 novembre 2005 auxquelles il convient également expressément de se référer pour l'exposé des faits, des moyens et des prétentions soulevés, la CRI Prévoyance conclut, au visa de l'article L. 932-13 du code de la Sécurité sociale que l'action de Monsieur Robert X... et de la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. est irrecevable comme prescrite. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de juger que la réclamation de Monsieur X... et de la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. est atteinte de forclusion. À titre infiniment subsidiaire, elle sollicite de la Cour qu'elle juge que le capital réclamé par Monsieur Robert X... soit calculé sur la base d'un taux d'incapacité partielle de travail de 35 %. Elle réclame alors la condamnation de Monsieur X... à lui payer une indemnité de 1. 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens de l'appel en garantie.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2005.
SUR CE,
Attendu que Monsieur Robert X... a réclamé à son employeur le paiement de l'indemnité de congés-payés durant les 160 jours qu'a duré son incapacité totale de travail personnel soit le règlement de la somme de 20. 000 euros et, lui reprochant de n'avoir pas fait prendre en charge cette réclamation par la compagnie d'assurance que la convention collective nationale du remorquage lui faisait l'obligation de souscrire, il lui a également réclamé la contre-partie de l'assurance prévoyance souscrite auprès de CRI Prévoyance soit la somme de 32. 787, 18 euros ; que devant la Cour d'appel, il porte sa réclamation à ce titre à la somme de 44. 600 euros.
Attendu que l'instance oppose un capitaine de navire-remorqueur de haute mer à son employeur, armateur ; que le contrat de travail liant les parties est alors régi par les dispositions du Code du travail maritime, dérogatoire du droit commun ; qu'il ressort de l'article 92-1 du code du travail maritime, que le droit à congé des marins est de 3 jours par mois de service ; que l'article 79 du même code prévoit que les salaires cessent d'être dus au plus tard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du jour où le marin a été laissé à terre ; que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. au titre des congés-payés.
Attendu que Monsieur Robert X... demande en outre la contre-partie du contrat d'assurance-prévoyance au titre de son invalidité permanente, soit la somme actuelle de 44. 600 euros ; qu'ainsi, il résulte de la convention collective nationale du remorquage que l'employeur doit souscrire un contrat d'assurance pour couvrir les risques décès et invalidité absolue de ses salariés ; que par la suite, le protocole signé le 30 décembre 1972 a donné obligation à l'employeur de souscrire un contrat d'assurance pour couvrir les risques d'une invalidité au moins égale à 66 % ;
Attendu qu'en l'espèce, le Groupe Les Abeilles G7 (dont fait partie la Société Les Abeilles du HAVRE S. A.) a rempli ses obligations puisqu'il a souscrit une telle assurance auprès de la CRI Prévoyance et même, a souscrit une assurance plus favorable à ses salariés
puisqu'en 1992 et à effet au 1er janvier 1993, a été souscrite une garantie invalidité partielle par accident à partir d'un taux d'invalidité de 15 % ; que si l'accident subi par Monsieur X... en 1991 ne peut être indemnisé par l'assurance de groupe puisqu'il est apparu antérieurement à la date de signature du contrat, en revanche, celui de 1998 entre dans le champ d'application de la garantie souscrite par la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. pour le compte de ses salariés si le taux de l'incapacité subie par la victime est supérieur à 15 % ;
Attendu qu'il ressort de la décision rendue par le tribunal du contentieux de l'incapacité de ROUEN le 22 octobre 2002 que Monsieur X... a contesté devant cette juridiction le taux d'incapacité partielle de travail que lui avait attribué l'Etablissement National des Invalides de la Marine (ENIM) le 26 octobre 2000 d'une valeur de 20 % ; que ce tribunal a effectivement décidé que les séquelles présentées par Monsieur X... à la suite de l'accident du 24 mai 1998 justifiaient un taux global d'incapacité partielle de travail de 35 % ; que cette décision a été notifiée à Monsieur X... le 14 novembre 2002 ; que le 4 avril 2003, le représentant de la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. faisait la déclaration de son invalidité permanente et absolue à la CRI Prévoyance.
Attendu qu'il résulte des documents soumis à lappréciation de la Cour et notamment du régime de prévoyance décès invalidité permanente souscrit par le Groupe Les Abeilles G7 (dont fait partie la Société Les Abeilles du HAVRE S. A.) auprès de la CRI Prévoyance que le capital auquel Monsieur X... peut prétendre de la part de l'assureur doit être calculé en fonction du barème contractuellement prévu, sur la base du taux d'incapacité partielle de travail de 35 % ; e capital auquel Monsieur X... peut prétendre de la part de l'assureur doit être calculé en fonction du barème contractuellement prévu, sur la base du taux d'incapacité partielle de travail de 35 % ;
Attendu que si Monsieur Robert X... a été informé de la souscription d'un contrat d'assurance-décès puisqu'il a choisi le bénéficiaire du capital décès en cas de survenue de ce risque en remplissant le 30 mai 2002 le formulaire présenté par la CRI Prévoyance, en revanche, l'employeur ne justifie pas que, dans le cadre du contrat invalidité dont la date de souscription n'est pas même mentionnée mais qui a pris effet au 1er janvier 1993, il ait remis à son salarié la notice prévue à l'article L 140-4 du code des assurances lui permettant de connaître les garanties souscrites, les modalités d'entrée en vigueur et les formalités à accomplir en cas de sinistre ; qu'en conséquence, il convient de condamner la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. à payer à Monsieur X... le capital qui résulte de l'application de la garantie souscrite, calculé sur la base d'un taux d'incapacité partielle de travail de 35 %.
Attendu que la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. a alors appelé en garantie la CRI Prévoyance à la relever et à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre du contrat de prévoyance ; que contrairement à ce que soutient la CRI Prévoyance, la demande en garantie introduite par la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. à son encontre par l'action du 30 octobre 2003 n'est pas prescrite et la demande de prestation résultant de la déclaration faite à l'institution de prévoyance le 4 avril 2003 n'est pas forclose, la CRI Prévoyance ayant été informée du sinistre par l'employeur de l'invalide, dans les deux ans de la décision du 22 octobre 2002 fixant définitivement le taux d'incapacité partielle de travail du marin.
Attendu qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur X... mal fondé en cette réclamation ; qu'il y a lieu de condamner la CRI Prévoyance à garantir la société Les Abeilles du HAVRE S. A. du paiement du capital qui résulte de l'application de la garantie souscrite, calculé sur la base d'un taux d'incapacité partielle de travail de 35 %.
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et non compris dans les dépens.
Attendu que les dépens de la procédure de première instance et d'appel seront mis à la charge de la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. ; que la CRI Prévoyance sera également tenue à garantir la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. du paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce du HAVRE en date du 10 décembre 2004 en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de condamnation de la Société Les Abeilles du Havre S. A. au titre des congés-payés.
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. à payer à Monsieur X... le capital qui résulte de l'application de la garantie souscrite auprès de la CRI Prévoyance par contrat prenant effet au 1er janvier 1993, calculé sur la base d'un taux d'incapacité partielle de travail de 35 %.
Condamne la CRI Prévoyance à garantir la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. du paiement de ce capital,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie,
Condamne la Société Les Abeilles du HAVRE S. A. aux dépens de première instance et d'appel ; condamne la CRI Prévoyance à garantir la
Société Les Abeilles du HAVRE S. A. du paiement des dépens ; autorise la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT et Maître COUPPEY à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le Greffier,
Le Président.