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17/01/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006947833

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ct0037, 17 janvier 2006, JURITEXT000006947833


R.G : 04/04359 R.G : 04/04549 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES ARRET DU 17 JANVIER 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 31 Août 2004 APPELANT :

Monsieur Jean-Jacques X... 39 Rue Breffroy 76000 ROUEN représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assisté de Me Benoît DAKIN, avocat au barreau de DIEPPE Madame Thérèse Y... épouse X... Le Z... 76590 CRIQUETOT SUR LONGUEVILLE représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assistée de Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au ba

rreau de DIEPPE INTIMEES : Me Catherine VINCENT ès qualités de Mandataire liqu...

R.G : 04/04359 R.G : 04/04549 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE DES APPELS PRIORITAIRES ARRET DU 17 JANVIER 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE :

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIEPPE du 31 Août 2004 APPELANT :

Monsieur Jean-Jacques X... 39 Rue Breffroy 76000 ROUEN représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assisté de Me Benoît DAKIN, avocat au barreau de DIEPPE Madame Thérèse Y... épouse X... Le Z... 76590 CRIQUETOT SUR LONGUEVILLE représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assistée de Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE INTIMEES : Me Catherine VINCENT ès qualités de Mandataire liquidateur de Société D'ETUDE ET D'ORGANISATION (S.E.O.) étendue à Patrick A... 20 rue Casimir Périer 76600 LE HAVRE représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour S.A. INTERFIMO 46 boulevard de la Tour Maubourg 75007 PARIS représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour assistée de Me Laurent DENIS, avocat au barreau de PARIS S.A. CREDIT LYONNAIS Tour Ariane 5 - Place de la Pyramide 92088 PARIS LA DEFENSE CEDEX 22 représentée par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour assistée de Me Patrick TARDIEU, avocat au barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 Octobre 2005 sans opposition des avocats devant Madame PRUDHOMME, Conseiller, rapporteur, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame PLANCHON, Président Madame LE CARPENTIER, Conseiller Madame PRUDHOMME, Conseiller GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme B..., Greffier DEBATS : A l'audience publique du 10 Octobre 2005, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Novembre 2005 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 13/12/2005 puis au 17/01/2006 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 17 Janvier 2006, par mise à disposition de

l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme B..., Greffier présent à cette audience. * * *

Par acte sous seing privé du 1er juin 1992, le Crédit Lyonnais consentait à la sarl Rouen Expertise Comptable un prêt d'un montant de 6.448.000 francs destiné à financer l'achat des actions de la SA Gérard BRACHAIS, remboursable sur une durée de 10 ans au taux de 11,53 % l'an. Suivant avenant du 15 mars 1996, le Crédit Lyonnais consentait une réduction de ce taux à 9,65 % l'an, étant précisé que toute somme non payée à son échéance porterait intérêts au taux contractuel majoré de 3 points.

Par acte sous seing privé du 29 mai 1992, Monsieur et Madame Jean-Jacques X... s'étaient déclarés cautions solidaires envers le Crédit Lyonnais pour le remboursement de toutes les sommes dues au titre de ce prêt. La société INTERFIMO S.A. se portait également garante du remboursement à bonne date de chacune des échéances du prêt.

Par suite d'impayés et de l'exigibilité anticipée du prêt, la société INTERFIMO S.A. désintéressait le Crédit Lyonnais des sommes dues en vertu de ce contrat de prêt d'un montant ainsi décomposé : - principal :....................................................... :

2.993.990,70 francs - intérêts au taux majoré de 12,65% arrêtés au 12 octobre 1999.............................. : 501.548,24 francs

Total .............. : 3.495.538,24 francs soit 532.891,47 euros.. Elle était subrogée dans les droits du Crédit Lyonnais et mettait en demeure Monsieur et Madame Jean-Jacques X... d'avoir à satisfaire leur engagement de caution et à lui payer cette somme. Elle les assignait devant le tribunal de grande instance de DIEPPE par acte du 3 novembre 1999.

Par jugement du 31 août 2004, le tribunal de grande instance de DIEPPE :

condamnait solidairement Monsieur et Madame Jean-Jacques X... à payer à la société INTERFIMO S.A. la somme de 532.891 ,48 euros majorée des intérêts au taux de 12,65 % l'an sur la somme de 456.430,94 % à compter du 12 octobre 1999 et jusqu'à parfait paiement,

ordonnait la capitalisation des intérêts à compter du jugement,

déboutait Monsieur et Madame Jean-Jacques X... de leurs demandes dirigées contre le Crédit Lyonnais,

déclarait irrecevables les demandes présentées par Monsieur X... à l'encontre de Maître VINCENT en sa qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la Société d'Etudes et d'Organisation (SEO) étendue à Monsieur A...,

disait n'y avoir lieu à exécution provisoire,

condamnait solidairement Monsieur et Madame Jean-Jacques X... à payer à la société INTERFIMO la somme de 1.500 euros sur le fondement des

dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

condamnait Monsieur Jean-Jacques X... à payer à Maître VINCENT es qualité la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

déboutait les parties de toutes demandes contraires ou plus amples,

condamnait solidairement Monsieur et Madame Jean-Jacques X... aux dépens.

Monsieur et Madame Jean-Jacques X... interjetaient régulièrement appel de ce jugement et dans leurs écritures signifiées le 28 septembre 2005 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé des faits, des moyens et des prétentions soulevés. Monsieur X... se désistait tout d'abord de l'appel régularisé à l'égard de Maître VINCENT en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SEO. Monsieur et Madame Jean-Jacques X... reprochaient à la société INTERFIMO S.A. d'avoir commis de nombreuses fautes dans l'obtention de leur cautionnement ce qui leur permet d'être déchargés de leur engagement. C'est pourquoi, ils demandent à la Cour de débouter cette société INTERFIMO S.A. de toutes demandes à leur encontre et à titre subsidiaire, de dire que le recours de la société INTERFIMO S.A. ne peut s'exercer que dans les limites de l'article 2033 alinéa 1 du code civil et seulement pour les sommes dues en capital, puisqu'ils ne peuvent être tenus à aucun intérêt contractuel.

Ils reprochent également au Crédit Lyonnais et à la société INTERFIMO S.A. d'avoir laissé dépérir le nantissement de actions de la société Gérard BRACHAIS devenue SEO et au Crédit Lyonnais seul d'avoir commis une faute en portant au crédit du compte de la sarl Le Havre Expertise Comptable Holding, les chèques d'un montant de 2.500.000 francs et de 948.000 francs en date du 27 avril 1999 à l'ordre de la SEO. En conséquence, ils sollicitent la condamnation du Crédit

Lyonnais à leur verser des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux condamnations qui seraient prononcées à leur encontre.

À titre encore plus subsidiaire, ils réclament la condamnation du Crédit Lyonnais à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre eux.

En tout état de cause, ils sollicitent la condamnation de la société INTERFIMO S.A. et du Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance.

À l'appui de leurs écritures, ils invoquent l'article 2033 du code civil qui prévoit que lorsque plusieurs personnes se sont obligées comme cautions solidaires d'une même dette, celle des cautions qui s'est trouvée contrainte d'acquitter la dette doit diviser son recours contre les cofidéjusseurs, ne pouvant poursuivre chacun d'eux que pour sa part et portion ; qu'aucune clause de l'acte de caution ne vient indiquer que les parties ont entendu déroger aux règles posées par ce principe ; que de plus les époux X... n'ont pas fait précéder leur signature de la mention "lu et approuvé"et n'ont pas précisé le taux des intérêts contractuels dans le contrat, qui a été souscrit avant le contrat de prêt ; c'est pourquoi, le cautionnement qu'ils ont donné ne peut porter que sur le principal de la dette à l'exclusion de tout intérêt contractuel. Ils reprochent encore au créancier de leur avoir fait souscrire un engagement de caution disproportionné à leur situation personnelle tant au regard de leur situation professionnelle respective que de leurs ressources et de leur patrimoine personnel. Ils invoquent encore la faute de la banque et de la société INTERFIMO S.A. d'avoir laissé dépérir le nantissement des actions de la société Gérard BRACHAIS devenue depuis

le SEO puisque cette société a fait l'objet depuis d'une procédure de liquidation judiciaire alors que les parts sociales auraient permis de les désintéresser jusqu'avant le détournement opéré en avril 1999 par la société Le Havre expertise comptable Holding. Enfin, ils reprochent au Crédit Lyonnais d'avoir crédité le compte de la société Le Havre expertise comptable Holding de 2 chèques le 27 avril 1999 d'un montant de 2.500.000 francs et 949.000 francs alors qu'ils avaient été établis à l'ordre de la SEO ce qui leur a causé un préjudice propre dans la mesure où ce détournement de chèque a vidé de toute valeur le nantissement pris sur les parts sociales de la SEO.

Dans ses conclusions du 30 septembre 2005 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé des moyens et des prétentions en réponse de l'intimée, la société INTERFIMO S.A. demande au contraire de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y rajoutant, elle sollicite la condamnation de Monsieur et Madame Jean-Jacques X... à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens de l'appel.

Enfin, dans ses écritures signifiées le 7 octobre 2005 auxquelles il convient encore de se référer pour l'exposé des moyens et des prétentions en réponse de l'intimé, le Crédit Lyonnais sollicite la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de DIEPPE en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame Jean-Jacques X... de leur appel en garantie à l'encontre du Crédit Lyonnais au motif que les engagements qu'ils ont pris et leurs qualités leur permettaient d'apprécier les risques qu'ils prenaient, sans qu'ils ne rapportent la preuve que le Crédit Lyonnais avait, sur leurs revenus, leur patrimoine et leurs facultés de remboursement, des informations qu'eux-mêmes pouvaient légitimement ignorer et qu'enfin, ils ne

démontrent pas que le nantissement inscrit sur les actions de la société Gérard BRACHAIS ait été définitivement perdu. C'est pourquoi, ils réclament la condamnation de Monsieur et Madame Jean-Jacques X... à leur payer la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi que les dépens de la procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 octobre 2005.

SUR CE,

Attendu que les époux X... ont interjeté appel de cette décision à des dates différentes et chaque recours a fait l'objet d'une inscription au rôle ; que dans le cadre d'une bonne administration de la justice, ces deux procédures ont fait l'objet d'une jonction le 10 mars 2005 par le Conseiller de la mise en état ;

Attendu qu'il convient de donner acte aux époux X... de leur désistement d'appel à l'encontre de Maître VINCENT, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société d'Etudes et d'Organisation (SEO) ;

Attendu que le 1er juin 1992, le Crédit Lyonnais a consenti à la sarl Rouen Expertise Comptable un prêt d'équipement à long terme d'un montant de 6.448.000 francs (982.991,26 euros) destiné à l'acquisition par cette sarl des actions de la société d'expertise comptable Gérard BRACHAIS ; ce prêt était consenti pour une durée de 10 années, au taux de 11,53 % l'an ; qu'à la garantie de ce prêt, étaient affectées en nantissement les actions de la SA Gérard BRACHAIS acquises par la sarl Rouen Expertise Comptable et les cautions solidaires et indivisibles de Monsieur et Madame Jean-Jacques X... ainsi que de Monsieur et Madame A... ; que ce prêt bénéficiait en plus du régime de cautionnement mutuel de la société INTERFIMO S.A., en sa qualité de garant.

Attendu qu'ainsi, Monsieur et Madame Jean-Jacques X... avaient souscrit le 29 mars 1992 un acte de cautionnement solidaire envers le Crédit Lyonnais, relatif à ce prêt finançant l'activité professionnelle de Monsieur X... à concurrence de la somme de 6.448.000 francs plus intérêts, commissions et frais accessoires ;

Attendu que la société Rouen Expertise Comptable (devenue entre temps la société d'expertise Comptable et de Participation) a cessé de régler les échéances du prêt à partir du mois de novembre 1996 ; que la société INTERFIMO S.A. a réglé, en application des contrats les liant, les échéances impayées au Crédit Lyonnais ; que la société INTERFIMO S.A. a mis ensuite en demeure la société d'expertise Comptable et de Participation d'avoir à lui rembourser les sommes payées pour son compte au Crédit Lyonnais, suivant quittance subrogative, soit la somme de 3.495,538,94 francs arrêtée au 12 octobre 1999 ; que contrairement à ce que soutiennent les époux X... dans leurs écritures et sans même qu'ils ne produisent aux débats ledit acte de cautionnement, ce contrat mentionnait que la caution renonçait à se prévaloir du bénéfice de l'article 2033 du code civil et s'engageait au contraire à contre-garantir la société INTERFIMO S.A., dans le cas où celle-ci aurait déjà payé cette dette en qualité de caution ; que la mention apposée par chacun des époux X... "bon pour caution solidaire" vaut acceptation de l'ensemble des mentions de cet acte qui sont considérées comme lues et approuvées, la caution n'étant pas dans l'obligation de recopier de façon manuscrite l'ensemble de l'acte qu'elle souscrit ; que la société INTERFIMO S.A. bénéficie alors dudit cautionnement des époux X... en vertu des dispositions de l'article 2029 du code civil ;

Attendu que Monsieur et Madame Jean-Jacques X... invoquent également le fait qu'ils n'ont pas reproduit manuscritement le taux d'intérêt contractuel et qu'ainsi, il ne pourrait leur être demandé que le

principal de la somme cautionnée ; mais attendu que l'article 1326 du code civil limite l'exigence de la mention manuscrite à la somme sur laquelle porte l'engagement de caution sans l'étendre à ses accessoires ou composantes dont le taux d'intérêts contractuel fait partie ; qu'en indiquant "plus intérêts, frais et accessoires" Monsieur et Madame Jean-Jacques X... se sont engagés à rembourser la somme cautionnée au taux indiqué par ailleurs dans l'engagement souscrit ;

Qu'encore, ils soutiennent que le taux d'intérêt mentionné dans l'acte de cautionnement d'une part et celui figurant dans le contrat de prêt d'autre part serait différent et qu'ainsi, ils ne peuvent être tenus au paiement d'un intérêt contractuel ; mais attendu que la Cour constate que cette affirmation ne repose sur aucune réalité, le taux de 11,53 % l'an figurant bien dans les deux actes ;

Qu'enfin, ils affirment que le Crédit Lyonnais s'est abstenu de les informer annuellement de la situation de la créance en application de l'article L313-22 du code monétaire et financier et qu'ainsi, la société INTERFIMO S.A. ne peut leur réclamer paiement des intérêts contractuels de la somme cautionnée ; que cependant, et à supposer que cette absence d'information soit démontrée, Monsieur et Madame X... ne peuvent invoquer cet élément qu'à l'encontre de l'établissement de crédit ; qu'en revanche, la caution qui a réglé la dette garantie est subrogée dans les droits du créancier originaire et a droit au paiement de la somme par elle réglée telle qu'elle résulte du contrat de prêt garanti et de la quittance subrogative et correspondant à l'engagement cautionné ; qu'ainsi, les époux X... ne peuvent utilement invoquer cet argument à l'encontre de la société INTERFIMO S.A.

Attendu que Monsieur et Madame Jean-Jacques X... reprochent alors au Crédit Lyonnais de leur avoir fait souscrire un engagement

manifestement disproportionné à leurs revenus et biens, pour réclamer de la banque paiement de dommages-intérêts ; qu'il convient tout d'abord de rappeler que d'autres garanties avaient été mises en place par le Crédit Lyonnais pour assurer le succès et la sécurité de l'opération : nantissement des actions de la S.A. Gérard BRACHAIS au profit du Crédit Lyonnais et caution solidaire et indivisible du prêt par les époux Patrick A..., le cautionnement mutuel de la société INTERFIMO S.A ne pouvant être considéré comme une garantie pour les cautions solidaires et indivisibles du prêt garanti.

Attendu que l'engagement de caution souscrit par les appelants était destiné à financer un achat d'actions de la part de la société dans laquelle Monsieur et Madame X... exerçaient leur activité professionnelle ; qu'ils affirment qu'ils n'exerçaient aucune fonction dans la société cautionnée ; que cependant, il apparaît que Monsieur X... était administrateur de la société d'Expertise Comptable Gérard BRACHAIS devenue par la suite la SEO et détenait des parts sociales de la sarl Le Havre Expertise Comptable Holding ; qu'il avait la qualité de directeur comptable dans la société Le Havre Expertise comptable et indiquait percevoir un salaire annuel, dans les 3 années précédent son engagement de caution, de 240.000 francs environ ; que son épouse, qui était comptable, avait un revenu annuel de 60.000 francs à la même époque ; que le couple avait acquis un bien immobilier grevé d'un emprunt sur encore 15 ans d'un montant de 48.000 francs annuel ; que Monsieur et Madame Jean-Jacques X... avaient indiqué l'époque avoir un disponible en banque de 600.000 francs ; qu'il résulte de tous ces éléments, que Monsieur et Madame X..., en apportant leur engagement à l'opération projetée, avaient en vue la situation professionnelle du couple et espéraient bénéficier de la prospérité de l'apport qui était fait dans cet achat ; que d'ailleurs, pendant quatre années, la société Rouen Expertise

Comptable a réglé les échéances mensuelles de remboursement de ce prêt ; que s'ils n'étaient effectivement pas salariés ou dirigeants de la société cautionnée, Monsieur X... exerçait ces fonctions au sein d'autres sociétés du même groupe et spécialement au sein de la société acquise et Madame X... était comptable de cette même société ; qu'ils avaient donc un intérêt manifeste à se porter caution du prêt permettant l'acquisition des actions de la société dans laquelle ils étaient administrateur et salarié ; qu'ils ne rapportent pas la preuve que la banque avait, sur l'opération financée et cautionnée par eux, des informations qu'eux-mêmes n'avaient pas eu ; que compte tenu de toutes les autres garanties souscrites, la banque a demandé à ces salariés de cautionner une opération financière dont ils espéraient tirer un avantage et qui ne créait pas pour eux un risque tel que leurs capacités financières connues à l'époque et toujours actuelles ne leur permettaient pas d'assumer, en présence des cautions solidaires du couple A... et enfin et surtout, du nantissement des actions acquises par ce prêt ; qu'ainsi, il convient de débouter Monsieur et Madame X... de leur demande de reconnaissance du caractère manifestement disproportionné du cautionnement par eux donné en garantie du prêt souscrit auprès du Crédit Lyonnais ;

Attendu que les appelants reprochent encore au Crédit Lyonnais et à la société INTERFIMO S.A. d'avoir laissé dépérir le nantissement que le Crédit Lyonnais détenait sur les actions de la SA Gérard BRACHAIS devenue la SEO ce qui a pour effet de les décharger de leur engagement de caution en application de l'article 2037 du code civil ;

Attendu qu'il ne peut être cependant opposé à la société INTERFIMO S.A. en sa qualité de codéfijusseur et non de créancier les dispositions de l'article 2037 du code civil ; que les liens contractuels existant entre les époux X... et la société INTERFIMO

S.A excluent tout recours à une responsabilité quasi délictuelle ;

Attendu, en ce qui concerne le reproche fait au Crédit Lyonnais, qu'ils rappellent que la société Rouen Expertise Comptable a cessé de faire face au paiement de ses mensualités du prêt à compter du 10 novembre 1996 ; qu'à partir de cette date, le Crédit Lyonnais n'a pas fait jouer le nantissement des actions ; que le 11 mars 1999, la société SEO a cédé sa clientèle à la société Le Havre Expertise Comptable et a donc fait un apport partiel d'actif pour un montant de 4.570.000 francs ; que s'il n'y a pas eu disparition des actions de la société SEO, il y a eu transformation de l'actif de la société sans que la banque n'intervienne ; que le 27 avril 1999, la société SEO a cédé toutes ses actions à la société Europartners pour 4.570.000 francs ; que la société SEO a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 13 juillet 2000, procédure étendue par la suite à Monsieur A... ; que les époux X... en concluent que le nantissement pris par le Crédit Lyonnais sur les actions de la SA Expertise Comptable Gérard BRACHAIS devenue société SEO n'a plus aucun intérêt et ils reprochent au Crédit Lyonnais d'avoir laissé perdre le nantissements sur ces actions, se désintéressant de la situation après avoir fait jouer la caution mutuelle de la société INTERFIMO S.A. et avoir été totalement payé de ses droits ;

Attendu que Monsieur et Madame X... reprochent enfin au Crédit Lyonnais sa faute lorsqu'il a crédité les deux chèques de la Société Europartners établis à l'ordre de la société Le Havre Expertise Comptable sur le compte de la sarl Le Havre Expertise Comptable Holding et non pas sur le compte de la société bénéficiaire, la SEO ce qui a eu pour effet de vider de toute sa valeur le nantissement pris sur les parts sociales de la SEO et demandent qu'il soit condamné à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre ;

Sur le dépérissement du gage invoqué par les époux X... :

Attendu que le Crédit Lyonnais conteste ce dépérissement par son fait et soutient qu'il a eu lieu lors de la cession par la SEO d'une partie de son actif à la Société LHEC ; attendu qu'ainsi, le 11 mars 1999, la SEO a procédé à un apport partiel d'actif à la Société LHEC pour une valeur nette de 4.750.000 francs et a reçu en contrepartie 47.500 actions d'une valeur nominale chacune de 100 francs ; qu'à ce stade, les actions de la SEO n'ont connu aucune dévaluation ni les droits des créanciers nantis ; que le Crédit Lyonnais a donc laissé faire la transaction rejetée sans se préoccuper de son gage ;

Attendu qu'en outre, il n'est pas contesté par le Crédit Lyonnais que le produit de la vente des actions de la société SEO à la société Europartners le 27 avril 1999, soit la somme de 4.750.000 francs a donné lieu à paiement d'un acompte et l'émission de deux chèques à cette date, l'un de 2.500.000 francs, l'autre de 949.000 francs, tous deux libellés à l'ordre de la SEO ; que ces deux chèques ont été crédités par "erreur" par la banque du Crédit Lyonnais sur le compte de la sarl Le Havre Expertise Comptable Holding et non pas sur celui de la SEO, ce que le Crédit Lyonnais a reconnu dans une correspondance adressée le 27 mars 2001 à Maître VINCENT, mandataire-liquidateur ; que cette erreur a rendu objectivement possible le détournement de ces sommes par Monsieur A... et l'appauvrissement en conséquence de la SEO puisque la disparition de ces fonds a vidé de toute leur substance les actions de la SEO ; que la liquidation judiciaire de la SEO a suivi de peu ces événements. Attendu que l'action en recouvrement de ces sommes engagée par Maître VINCENT liquidateur de la SEO au nom de cette dernière à l'encontre de Monsieur A... est des plus aléatoires ; qu'il en est de même des poursuites pénales engagées par le Crédit Lyonnais à l'encontre de Monsieur A... ; que si des fonds peuvent être recouvrés, les

époux X..., subrogés dans les droits du Crédit Lyonnais et d'INTERFIMO S.A, se trouveraient en concurrence avec d'autres créanciers de la SEO et ne pourraient prétendre qu'à une part du boni de liquidation ;

Attendu que l'abstention du Crédit Lyonnais lors de la vente des actions de la SEO à la société Europartners suivie de son erreur d'imputation des chèques sur le compte de la société venderesse est à l'origine du dépérissement du gage sous l'angle de l'article 2037 du code civil ce qui a pour effet de décharger la caution de son obligation ;

Attendu qu'il convient dès lors de condamner le Crédit Lyonnais à garantir Monsieur et Madame X... des condamnations prononcées à leur encontre au profit de la société INTERFIMO S.A. ;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

Attendu que les dépens d'appel seront mis à la charge de Monsieur et Madame X... et dit que le Crédit Lyonnais devra les garantir de cette condamnation ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Donne acte aux époux X... de leur désistement d'appel à l'encontre de Maître VINCENT, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société d'Etudes et d'Organisation (SEO) ;

Confirme le jugement rendu le 31 août 2004 par le tribunal de grande instance de DIEPPE en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l'action de Monsieur et Madame X... envers le Crédit Lyonnais ;

L'infirmant de ce chef, condamne le Crédit Lyonnais à garantir Monsieur et Madame X... de toutes les condamnations mises à leur charge ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de

procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie ;

Condamne Monsieur et Madame X... aux dépens et dit que le Crédit Lyonnais devra les garantir de cette condamnation ; autorise la SCP GREFF PEUGNIEZ et la SCP GALLIÈRE, LEJEUNE, MARCHAND, GRAY à recouvrer contre lui conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ct0037
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947833
Date de la décision : 17/01/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rouen;arret;2006-01-17;juritext000006947833 ?
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