R.G : 03/03740 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE 1 CABINET 1 ARRET DU 11 JANVIER 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 05 Juin 2003 APPELANTE : Madame Nicole ROPARS épouse X... agissant tant en son nom personnel qu'es-qualité d'administratrice légale de Mr. Alain X..., son époux , et de son fils Pierre 3, chemin du Fond du Val 76930 CAUVILLE représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me JULIA, avocat au barreau de ROUEN INTIMES : Monsieur LE DOCTEUR Y... Clinique François 1er 132, boulevard François 1er 76600 LE HAVRE représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour assisté de Me TUGAUT, avocat au barreau du HAVRE Monsieur LE DOCTEUR Z... Clinique François 1er 132, boulevard François 1er 76600 LE HAVRE représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assisté de Me HERCE, avocat au barreau de ROUEN CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAVRE 222, boulevard de Strasbourg 76600 LE HAVRE représenté par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assisté de Me JULIA, avocat au barreau de ROUEN COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Novembre 2005 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHÉ, Président, rapporteur, en présence de Monsieur PERIGNON, Conseiller, Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Monsieur BOUCHÉ, Président Monsieur PERIGNON, Conseiller Madame HOLMAN, Conseiller GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame A..., Greffier DEBATS : A l'audience publique du 16 Novembre 2005, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2006 ARRET :
CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 11 Janvier 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par
Monsieur BOUCHÉ, Président et par Madame A..., Greffier présent à cette audience. * * *
La cour est saisie de l'appel relevé par Nicole X..., agissant tant en son personnel qu'ès-qualités d'administratrice légale de son époux et des biens de son fils mineur Pierre, d'un jugement du Tribunal de grande instance du Havre en date du 05 juin 2003 qui, statuant sur les assignations en responsabilité des docteurs Y... et Z... délivrées le 21 novembre 2001 à la requête des consorts X..., a :
- condamné le docteur Daniel Z... à payer à Nicole X... la somme de 15.000 ç en sa qualité d'administratrice légale de son mari, la somme de 7.500 ç à titre personnel, la somme de 7.500 ç en sa qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur, enfin à titre personnel et en ses qualités d'administratrice des biens de son mari et de son fils, la somme de 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- débouté Nicole X... du surplus de ses demandes et prétentions ( notamment à l'encontre du docteur Olivier Y... ),
- débouté la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Havre de son recours en indemnisation,
- condamné le docteur Daniel Z... à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE du Havre la somme de 760 ç sur le fondement de l'ordonnance du 24 janvier 1996 ainsi que la somme de 600 ç en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 29 janvier 2004, Nicole X... née ROPARS, agissant tant en son nom qu'ès-qualités d'administratrice légale de son mari et de son fils, demande à la cour, par réformation de la décision entreprise, de dire et juger que
les docteurs Z... et Y... n'ont pas donné à leur patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données actuelles de la science, en conséquence de les condamner à indemniser l'entier préjudice des appelants ; avant dire droit, de désigner, aux frais des docteurs Z... et Y..., un collège d'experts composé d'un neurologue et d'un expert comptable, aux fins de déterminer les préjudices économiques et personnels des appelants, et enfin de condamner conjointement et solidairement les docteurs Z... et Y... à régler à titre provisionnel à Nicole X... la somme de 30.489,80 ç à titre personnel, es-qualité d'administratrice légale de son époux, la somme de 152.449,02 ç et la somme de 15.244,90 ç es-qualité d'administratrice légale des biens de son fils mineur ainsi qu'aux entiers dépens.
Le docteur Daniel Z... conclut le 05 septembre 2005 au débouté des demandes de Nicole X... agissant tant en son nom personnel qu'es-qualités d'administratrice légale de son époux et de son fils mineur ; il forme incidemment appel et subsidiairement demande à la cour de réduire dans telles proportions qu'il lui plaira le montant des indemnités allouées et de condamner l'appelante aux entiers dépens.
Le 13 avril 2005, le docteur Olivier Y... demande principalement à la cour de déclarer l'appel de Nicole X... irrecevable, subsidiairement de confirmer le jugement du Tribunal de grande instance du Havre en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes et enfin de la condamner aux entiers dépens et au versement de 1.500 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie demande à la cour aux termes de ses conclusions signifiées le 29 septembre 2005, de lui donner acte de ce que le montant de ses prestations concernant Alain X...
s'élève à 338 853, 56 ç, de condamner solidairement les docteurs Z... et Y..., ou l'un à défaut de l'autre, au remboursement de ces prestations, de confirmer pour le surplus le jugement entrepris à l'égard de la caisse, et de condamner solidairement aux dépens les docteurs Z... et Y... ou à défaut de la partie reconnue responsable ;
La concluante fait valoir devant la cour son droit à l'indemnité forfaitaire de 760 ç prévue par l'Ordonnance du 24 janvier 1996.
SUR CE LA COUR
IL résulte du rapport d'expertise et des compléments d'information fournis par les divers intervenants les faits suivants, qui ne sont pas contestés :
Alain X..., né le 13 janvier 1953, était gérant d'une entreprise de chaudronnerie ;
Atteint de douleurs persistantes de la hanche, il a fait l'objet début avril 1998 d'un diagnostic d'ostéonécrose de la tête fémorale gauche, et a été orienté par son médecin traitant vers le docteur Y..., chirurgien orthopédiste ;
Celui-ci a sursis à toute intervention chirurgicale, notamment en raison de la jeunesse du patient ;
Cependant, à la suite d'une fracture accidentelle du pied droit et de la persistance des douleurs de la hanche malgré la mise en décharge par cannes anglaises et l'administration d'antalgiques, le docteur Y... s'est orienté vers une prothèse générale de la hanche, prévue le 18 février 1999 ;
Le 12 janvier 1999, le docteur Z..., anesthésiste, a reçu les époux X... pour une consultation pré-anesthésique ;
Le choix d'une rachianesthésie ( péridurale ) a été fait en considération des contraintes anatomiques et physiologiques détectées
lors des examens ( classe III de Mallampati prédictive d'une gêne à l'intubation trachéale, obésité, opérations des cordes vocales, bronchite chronique post-tabagique), cette anesthésie présentant l'intérêt de préserver la ventilation spontanée et d'éviter une intubation trachéale;
Le 17 février 1999, Alain X... a été hospitalisé à la Clinique François 1er du Havre, l'intervention sous rachianesthésie devant avoir lieu comme prévu le lendemain par le docteur Y... en présence du docteur Z... ;
Le 18 février 1999, alors que le personnel soignant disposait aseptiquement les champs opératoires d'Alain X..., déjà localement anesthésié, est survenu chez celui-ci un état d'agitation par un relèvement de la partie supérieure de son corps accompagné de l'arrachement des électrodes de surveillance, de la perfusion intra-veineuse et de la sonde nasale d'oxygène ; une contention physique a dû être exercée par le personnel médical ;
Le docteur Z... a décidé d'approfondir la sédation par inhalation d'anesthésiques volatiles par masque, l'anesthésie péridurale se prolongeant ainsi en anesthésie générale ;
Le patient a alors présenté une dépression respiratoire avec cyanose et chute de la saturation en oxygène, difficilement compensée par la ventilation au masque, eu égard à l'anatomie cervico-pharyngo-laryngée du patient ; il a alors été intubé par mandrin semi-souple, malgré les difficultés pressenties de l'acte, après trois premières vaines tentatives ;
La situation s'est dégradée à nouveau avec ralentissement de la fréquence cardiaque puis arrêt cardio-vasculaire, jugulé par l'administration d'adrénaline endo-trachéale puis intra-veineuse ;
Après son transfert en salle de réveil, sans qu'ait été pratiquée l'intervention chirurgicale, Alain X... a été transféré le jour
même dans le service de réanimation médicale du Centre Hospitalier Général du Havre où il a séjourné jusqu'au 25 mars, date de son hospitalisation en service de neurologie où il est demeuré jusqu'au 27 avril 1999, puis du 27 avril au 21 mai 1999, dans le service de médecine physique et de réadaptation du Centre Hospitalier du Havre ; A partir du 21 mai, il a été admis dans le Centre de Rééducation Fonctionnelle de Berck-sur Mer qu'il quittera le 27 Août 1999 pour regagner son domicile ; en octobre 1999, il sera hospitalisé une dizaine de jours en service psychiatrique en raison d'un excès d'agitation ;
A compter du 17 novembre 2000, Alain X... sera accueilli dans une résidence médicalisée à Deauville ;
Il reste atteint de troubles des fonctions neurologiques supérieures à type de confusion mentale qui, selon les experts et sans contestation possible, sont la conséquence de l'hypoxie cérébrale survenue le 18 février 1999 : troubles de la mémoire, désorganisation des concepts et de la notion d'espace et de temps, diminution grave de l'initiative, de la motivation et de l'affectivité, repli sur soi, troubles de l'attention, irritabilité ;
Il a été placé sous tutelle de sa femme par décision judiciaire du 26 septembre 2000 et son entreprise de chaudronnerie a fait l'objet d'un redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce du Havre en date du 5 mai 2000 ;
Les docteurs LECLAIR, orthopédiste, DANZE, Neurologue, et BULTEL, anesthésiste, experts judiciaires, ont été nommés en référé le 05 octobre 1999 à la requête des consorts X... pour reconstituer les faits et consigner les doléances du malade ; ils ont déposé leur rapport le 18 décembre 2000 ;
Telles sont les circonstances dans lesquelles , dans son jugement du
5 juin 2003 frappé d'appel par Nicole X..., le Tribunal de grande instance du Havre, saisi de l'assignation des consorts X... en date du 21 novembre 2001 mettant en cause la responsabilité des docteurs Z... et Y... et réclamant l'indemnisation de leurs préjudices, a retenu la responsabilité du docteur Z... pour manquement fautif à son obligation d'information mais n'a pas retenu de faute dans les gestes médicaux, et a rejeté les demandes formées à l'encontre du docteur Y... ;
La caisse primaire d'assurance maladie a été déboutée de sa demande en paiement à l'encontre du ou des médecins ;
Par ordonnance du 1er février 2005, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de désignation d'un expert agréé près la cour de cassation formée par Nicole X... à partir de l'avis qu'elle a sollicité du docteur Patrice BODENAN, anesthésiste à l'hôpital Sainte-Anne à Paris.
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Le tribunal a estimé, au vu du rapport des docteurs BULTEL, LECLAIR et DANZE que les deux praticiens intervenus auprès d'Alain X... ont satisfait à l'obligation leur incombant de prodiguer des soins conformes aux données acquises de la science médicale et qu'aucune faute ne peut leur être reprochée à ce titre ; le docteur Olivier Y... a satisfait à son obligation d'information, celle tenant au risque inhérent à l'anesthésie incombant à l'anesthésiste ;
Le docteur Daniel Z... n'ayant pas rempli son obligation à ce titre, sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil ; Alain X... a été privé de la possibilité de refuser l'opération, et son épouse et son fils doivent également être indemnisés de la perte de chance pour leur mari et père de donner un consentement éclairé ;
En revanche, le tribunal, jugeant qu'il n'existe pas de lien causal entre la faute de Daniel Z... et les séquelles graves dont reste atteint Alain X..., a débouté la caisse primaire d'assurance maladie de ses demandes de prise en charge du coût des prestations exposées pour soigner le malade.
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Sur la responsabilité du docteur Z...
Nicole X... estime que le docteur Z... a manqué à ses obligations en pré-anesthésie et en per anesthésie ;
*] elle soutient qu'il a manqué à son obligation d'information, celui-ci ayant décidé de pratiquer une rachianesthésie ( péridurale) sans en indiquer les risques à Alain X... et sans même évoquer avec lui la possibilité d'opérer sous anesthésie générale, et que, s'il avait été tenu informé des risques, il aurait consulté au delà ;
* l'appelante reproche au docteur Z... d'avoir prolongé l'anesthésie en administrant au patient du SEVORANE (provoquant une détresse respiratoire) et en tentant à 4 reprises d'intuber le patient (origine de l'étouffement) provoquant l'arrêt cardio-circulatoire qui est à l'origine de l'état actuel d'Alain X... ;
Elle fait valoir également la maladresse du médecin anesthésiste lors de l'intubation réalisée au 4ème essai par mandrin souple ; s'interrogeant sur le point de savoir pourquoi le docteur n'a pas utilisé le mandrin souple immédiatement elle soutient que le médecin n'a pas mis tout en oeuvre pour intuber le patient correctement ;
Enfin, en raison de l'état de santé du patient, l'anesthésiste aurait dû préalablement à l'intervention procéder à des analyses complémentaires ;
Le docteur Z... répond que le recours à la rachianesthésie s'est fait avec le consentement du patient, que la preuve de l'information peut être administrée par tout moyen et notamment par présomption, qu'en principe la secrétaire doit vérifier que figure dans le dossier la feuille de consentement éclairé, feuille non communiquée, mais que l'absence de ce document ne permet pas de conclure à une absence d'information, qu'un délai d'un mois s'est écoulé entre la consultation et l'intervention, que le patient n'a consulté aucun autre médecin pour avoir de plus amples informations, que la veille de l'intervention il confirmera le choix de la rachianesthésie ;
Il estime qu'Alain X... n'avait d'autre choix que de subir l'intervention chirurgicale sous rachianesthésie, mode d'intervention le plus judicieux, que l'anxiété dont souffrait le patient n'a jamais été un obstacle à l'opération, que c'est à tort que le tribunal se réfère à l'état d'anxiété du patient, 30 minutes après l'admission dans la salle d'opération, pour en conclure qu'il était envisageable
de renoncer à l'opération ;
S'agissant de la responsabilité en per-anesthésie, le docteur Z... reprend la motivation des premiers juges ainsi que le rapport d'expertise pour conclure que la posologie du SEVORANE employé et l'approfondissement de la sédation ont été conformes aux prescriptions du fabricant, au VIDAL et aux données scientifiques, et que l'utilisation d'un mandrin souple ne pouvait être le premier recours ;
Or, les trois experts ont estimé que le choix de la technique anesthésique locale était tout-à -fait judicieux, conforme aux bonnes pratiques professionnelles et sécurisant compte tenu des éléments pré-anesthésiques en sa possession : probables difficultés des voies aériennes, obésité et insuffisance respiratoire chronique au moins potentielle, du type de l'intervention envisagée qui nécessitait un bon relâchement musculaire, de la durée moyenne sur la moitié inférieure du corps et de l'absence de contre-indication à la rachianesthésie par sédation, en raison de l'anxiété déclarée par le patient et notée dans le dossier ;
Quant au reproche fait à juste titre à Alain X... d'avoir caché au cours de la procédure pré-opératoire une pratique alcoolique avérée, il n'est pas repris par l'anesthésiste, dès lors que les experts ont vérifié que les choix médicamenteux et les posologies avaient parmi leurs fonctions de prévenir les effets secondaires possibles de l'alcoolisme tels que le delirium tremens et les convulsions chez les patients en cours de sevrage, que le patient ne présentait pas de signes extérieurs et analytiques d'éthylisme, et que celui-ci a été sans effet sur l'accident respiratoire et cardio-vasculaire ;
De même, les experts ont noté que les dosages et les gestes de Daniel Z... ont été exempts de critique pendant la rachianesthésie et
l'installation du patient, puis au cours des phases successives de l'événement grave qui a suivi, dès lors qu'ils ont analysé, puis exclu toutes explications prévisibles, qu'ils n'ont finalement trouvé aucun signe précurseur des effets secondaires des benzodiazépines, connus mais rares et imprévisibles, ni relevé aucune faute de l'anesthésiste, même lors des tentatives ultimes d'intubation ;
Aucun élément nouveau qui n'aurait été pris en considération par les experts, qui ont évoqué le vomissement de liquide gastrique, et auquel le conseiller de la mise en état a justement répondu, n'est de nature à justifier la nécessité d'une nouvelle expertise à partir de l'hypothèse émise par le docteur BODENAN de l'anesthésie secondaire des fosses nasales et des cordes vocales ayant facilité la possible inhalation broncho-pulmonaire de liquide gastrique par le malade ;
Cependant, c'est à bon droit que le tribunal a fait reproche d'un défaut d'information au docteur Z..., sur lequel incombe la charge de la preuve de l'accomplissement de son obligation et qui n'est pas en mesure notamment de justifier la remise à Alain X... de la documentation sur les opérations d'anesthésie et de transfusion, ni même la feuille de consentement éclairé signée par le patient ;
Il n'est besoin de rappeler la juste analyse faite par les premiers juges de cette obligation qui éclaire le malade sur les risques, même rares de complications, d'autant plus qu'Alain X... présentait des pratiques tabagiques et des caractéristiques morphologiques et psychologiques propres qui nécessitaient encore plus d'éclaircissements sur le choix d'une péridurale et les conséquences d'un échec de celle-ci, aussi rare fût-il ;
La conséquence de ce manquement n'est pas d'ordre économique, ne
concerne pas l'état de dérèglement mental grave d'Alain X... provoqué par les suites anesthésiques exemptes de toute faute, mais s'analyse en une perte de chance, dès lors que la nécessaire intervention chirurgicale ne relevait pas de l'urgence ( le malade est toujours porteur de sa hanche ), que le patient a été privé ainsi que son épouse d'une discussion sur l'opportunité de l'intervention et sur les risques de la survenance d'événements graves ;
Cette perte de chance est sans rapport avec les débours de la caisse primaire d'assurance maladie ; le tribunal a fait bonne mesure en allouant à Nicole X..., à son mari et à son fils les indemnités respectives de 15 000 ç , 15 000 ç et de 7 500 ç ;
Sur la responsabilité du docteur Y...
Nicole X... invoque également la responsabilité du docteur Y... pour manquement à son obligation d'information et en raison de sa volonté d'opérer malgré les incidents d'anesthésie :
[* d'une part un manquement du chirurgien à son obligation d'information, dès lors qu'il n'a pas évoqué avec le patient les risques opératoires qui comprennent les risques anesthésiques,
*] d'autre part une faute en privilégiant la poursuite de l'anesthésie, étant précisé qu'il s'est entretenu avec le docteur Z... du choix d'approfondir l'anesthésie pour permettre d'opérer le patient, et qu'en participant à sa réanimation, il a apporté sa collaboration pendant l'anesthésie, alors que les deux médecins ne pouvaient ignorer l'exogénose d'Alain X... ;
Or, le docteur Y... répond à bon droit que son obligation d'information concerne la technique retenue, le diagnostic effectué et son pronostic, et non les risques liés à l'anesthésie, qu'il ne lui appartenait donc pas d'informer Alain X... sur les risques
anesthésiques, l'ostéonécrose pouvant découler de multiples autres facteurs, que le patient, qui a aussi une obligation d'information et de loyauté envers son médecin, a omis de l'informer de son alcoolisme, dont les experts ont évoqué, sans la retenir, la possible influence sur une accélération de la nécrose ;
Le chirurgien orthopédiste se prévaut des remarques expertales pour souligner que la thérapeutique choisie était appropriée aux données actuelles de la science, que ce choix, qui nécessite un certain recul évolutif sous traitement médical, n'a pas été précipité et a été discuté avec son patient pendant les 10 mois d'observation et de traitement qui ont précédé le rendez-vous chirurgical, que l'évolution et la conduite médicale dans les suites de l'accident aigu ont été conformes aux pratiques habituelles et qu'il n'est pas acceptable de soutenir que les séquelles présentées par Alain X... sont imputables à la thérapeutique choisie par le docteur Y... ;
Enfin, il fait justement valoir qu'il était impensable que, présent lors de l'accident anesthésique, il restât passif, alors que son confrère anesthésiste tentait de maintenir en vie son patient ;
En conséquence, aucune faute thérapeutique ou d'information ne peut être reprochée à Olivier Y... .
Malgré l'entière confirmation du jugement déféré, l'équité ne commande pas que Nicole X..., qui conservera la charge de ses propres frais, indemnise le docteur Y... de ceux hors dépens qu'il a lui-même exposés pour faire reconnaître ses droits ;
Nicole X... et Daniel Z... seront chacun pour moitié condamnés aux dépens d'appel, hormis ceux de l'incident plaidé devant le conseiller de la mise en état, auxquels Nicole X... est déjà condamnée, et ceux avancés par la caisse primaire d'assurance maladie, qui en
conservera la charge ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement du 5 juin 2003 ;
Condamne Nicole X... et Daniel Z..., chacun pour moitié, aux dépens d'appel, sauf à ceux de l'incident plaidé devant le conseiller de la mise en état, mis à la charge de Nicole X... et aux dépens avancés par la caisse primaire d'assurance maladie du Havre, qui en conservera la charge ;
Admet la société civile professionnelle d'avoués DUVAL etamp; BART, et les sociétés HAMEL-FAGOO-DUROY et GALLIERE-LEJEUNE-MARCHAND-GRAY dans cette limite, au bénéfice du droit de recouvrement défini par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT