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04/09/2024 | FRANCE | N°23/00750

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 04 septembre 2024, 23/00750


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°



DU : 04 septembre 2024



N° RG 23/00750 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F735

VTD

Arrêt rendu le quatre septembre deux mille vingt quatre



décision dont appel : Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 27 Mars 2023, enregistrée sous le n° 21/02795



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :



Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 04 septembre 2024

N° RG 23/00750 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F735

VTD

Arrêt rendu le quatre septembre deux mille vingt quatre

décision dont appel : Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 27 Mars 2023, enregistrée sous le n° 21/02795

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et de Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé

ENTRE :

M. [U] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Christine BAUDON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

M. [M] [W]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentant : Me Philippe GATIGNOL de la SCP TEILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Mme [B] [H]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentant : Me Anne-laure CANIVEZ, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe BOISSIER de la SCP BOISSIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 15 Mai 2024 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 04 septembre 2024.

ARRET :

Prononcé publiquement le 04 septembre 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Dans la nuit du 26 septembre 2010, une bagarre a eu lieu lors du bal des conscrits sur la commune de [Localité 6] (63). M. [U] [N], présent sur les lieux, a reçu des coups.

M. [M] [W] et Mme [B] [H] ont fait l'objet, les 31 août et 1er décembre 2011, de compositions pénales relatives à des faits de violences volontaires commis sur la personne de M. [U] [N].

Par actes d'huissier des 14 et 16 mars 2012, M. [N] a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise médicale et d'une demande de provision.

Par ordonnance du 18 décembre 2012, il a été fait droit à la demande d'expertise, mais la demande de provision a été rejetée.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 19 décembre 2012.

Puis, par actes d'huissier du 3 octobre 2014, M. [N] a fait assigner M. [W], Mme [H] et la CPAM du Puy-de-Dôme devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, aux fins de voir déclarer M. [W] et Mme [H] solidairement responsables et liquider ses préjudices.

Toutefois, dans ses dernières conclusions, il a sollicité un complément d'expertise et l'octroi d'une provision de 15000 euros.

Par jugement du 20 février 2019, le tribunal a :

- déclaré M. [M] [W] et Mme [B] [H] responsables in solidum de 35% du dommage subi par M. [U] [N], consécutivement aux faits survenus dans la nuit du 26 septembre 2010 lors d'un rassemblement festif à [Localité 6] ;

- ordonné avant-dire droit la réalisation d'une expertise de l'état de santé de M. [N] et a commis le docteur [Z] [I] pour y procéder ;

- condamné M. [W] et Mme [H] à verser à M. [N] la somme de 1000 euros à titre d'indemnité provisionnelle ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à verser à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 1 915,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles et de la perte de gains professionnels actuels du demandeur ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à verser à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 1 066 euros au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] aux dépens, lesquels seraient recouvrés directement par la SCP Collet de Rocquigny Chantelot Brodiez ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à verser à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [N], M. [W] et Mme [H] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- renvoyé l'examen du litige à l'audience de mise en état virtuelle du 1er octobre 2019.

Par déclaration du 20 février 2019, M. [N] a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, le juge de la mise en état a ordonné le retrait du rôle de l'affaire dans l'attente de la décision de la cour d'appel.

Par arrêt du 27 janvier 2021, la cour d'appel de Riom a infirmé, dans les limites de sa saisine, le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que M. [N] avait commis une faute ayant contribué à la survenue de son dommage à hauteur de 50 %. Il a déclaré M. [W] et Mme [H] responsables in solidum à hauteur de 50 % du dommage subi par la victime.

Par message RPVA en date du 12 août 2021, M. [U] [N] a sollicité la réinscription du dossier au rôle.

Par jugement du 27 mars 2023, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

- fixé le préjudice subi par M. [N], à la somme totale de 57 808,24 euros, suivant le détail suivant :

Préjudices patrimoniaux :

a) sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

perte de gains professionnels avant consolidation : 9 747,8l euros ;

assistance temporaire par tierce personne : 210 euros ;

frais divers : 146,44 euros ;

b) sur les préjudices patrimoniaux permanents :

préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 2 000 euros ;

Préjudices extra-patrimoniaux :

a) sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

déficit fonctionnel temporaire : 3 280 euros ;

souffrances endurées : 7 000 euros ;

préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros ;

b) sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents :

déficit fonctionnel permanent : 27 000 euros ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à M. [N], la somme de 28 904,12 euros sur laquelle il convient de déduire la provision de 2 000 euros versée, à titre de réparation de son préjudice corporel outre intérêts au taux légal à compter de la décision ;

- débouté M. [N] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 19 027,78 euros au titre des dépenses de santé actuelles, de la perte des gains professionnels actuels et des dépenses de santé futures, ainsi que la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à M. [N] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [W] et Mme [H] aux entiers dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Il a notamment énoncé que M. [N] ne démontrait pas qu'il aurait pu signer un contrat de travail à la suite de son contrat d'apprentissage ; que l'expert judiciaire avait estimé qu'il n'y avait aucune incidence professionnelle. Néanmoins, il a retenu que le fait générateur intervenu en début d'année scolaire avait impacté la scolarité de la victime.

Par déclaration du 5 mai 2023, enregistrée le 10 mai 2023, M. [U] [N] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 4 août 2023, l'appelant demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne l'évaluation :

du préjudice scolaire, universitaire ou de formation ;

des souffrances endurées ;

du préjudice esthétique temporaire ;

- réformer le jugement entrepris en ce qui concerne l'évaluation ou le rejet de l'indemnisation des préjudices subis au titre des :

pertes de gains professionnels actuels ;

assistance temporaire par tierce personne ;

frais divers ;

incidence professionnelle ;

déficit fonctionnel temporaire ;

déficit fonctionnel permanent ;

préjudice d'agrément ;

- fixer les préjudices subis comme suit ;

frais divers : 2 322,12 euros ;

assistance tierce personne : 7 800 euros ;

pertes de gains professionnels : 43 619,16 euros ;

incidence professionnelle : 10 000 euros ;

déficit fonctionnel temporaire : 3 969 euros ;

déficit fonctionnel permanent : 48 420 euros ;

préjudice d'agrément : 5 000 euros ;

- condamner in solidum M. [W] et Mme [H] à prendre en charge, à hauteur de 50 %, lesdites sommes ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [W] et Mme [H] à lui verser 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise ;

- condamner au surplus M. [W] et Mme [H] solidum à lui payer une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles supportés en cause d'appel ainsi que les entiers dépens de cette instance.

Par conclusions déposées et notifiées le 10 avril 2024, M. [M] [W] demande à la cour de :

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

- confirmer le jugement du 27 mars 2023 en ce qu'il a :

fixé les postes de préjudices suivants :

- perte de gains professionnels avant consolidation : 9 747, 81 euros ;

- assistance tierce personne : 210 euros ;

- frais divers : 146,44 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire 3 280 euros ;

débouté M. [N] de ses demandes au titre du préjudice d'agrément, de l'incidence professionnelle et de la perte de gains professionnels futurs ;

- infirmer le jugement du 27 mars 2023 en ce qu'il a :

fixé le préjudice subi par M. [N] à la somme totale de 57 808,24 euros suivant le détail suivant :

Préjudices patrimoniaux permanents :

- préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 2 000 euros ;

Préjudices extra patrimoniaux temporaires

- souffrances endurées temporaires : 7 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros ;

Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- déficit fonctionnel permanent : 27 000 euros ;

condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à M. [N] la somme de 28 904 euros sur laquelle il convient de déduire la provision de 2 000 euros versée, à titre de réparation de son préjudice corporel outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 19 027, 78 euros au titre des dépenses de santé actuelles, de la perte de gains professionnels actuels et des dépenses de santé futures ainsi que la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- statuant à nouveau :

- fixer les postes de préjudice suivants :

souffrances endurées 3 500 euros ;

préjudice esthétique temporaire : 1 000 euros ;

déficit fonctionnel permanent 16 800 euros ;

- débouter M. [N] de ses demandes au titre du préjudice scolaire ou de formation ;

- fixer le préjudice subi par M. [N] à la somme totale de 34 684,25 euros ;

- déclarer que M. [W] et Mme [H] devront, in solidum, payer à M. [N] la somme de 17 342, 12 euros de laquelle il conviendra de déduire la provision de 2 000 euros et les sommes versées à titre d'exécution provisoire ;

- déclarer que M. [W] et Mme [H] devront, in solidum, payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 9 513,89 euros au titre des dépenses de santé actuelles, de la perte de gains professionnels actuels et des dépenses de santé futures, ainsi que la somme de 557 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- constater qu'il s'est d'ores et déjà acquitté entre les mains de la CPAM de la somme de 10 920 euros ;

- condamner en conséquence la CPAM du Puy-de-Dôme à lui restituer la somme de 5 035,44 euros ;

- débouter M. [N] et la CPAM du Puy-de-Dôme de toute demande contraire.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir que rien n'indique que M. [N] aurait bénéficié d'un contrat de travail auprès du maître d'apprentissage, ce faisant, la perte de gains professionnels actuels se limitera uniquement au titre du contrat d'apprentissage. De plus, le rapport d'expertise n'a pas mis en évidence la nécessité d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne.

Par conclusions déposées et notifiées le 3 novembre 2023, Mme [B] [H] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien-fondée en ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris sur les dispositions concernant :

- les frais divers,

- l'assistance temporaire par tierce personne,

- la perte de gains professionnels avant consolidation,

- l'incidence professionnelle,

- le déficit fonctionnel temporaire

- le préjudice d'agrément,

- réformer le jugement entrepris sur les dispositions concernant :

- les dépenses de santé donnant lieu à la créance de la CPAM du Puy-de-Dôme,

- le préjudice scolaire, universitaire ou de formation,

- les souffrances endurées temporaires,

- le préjudice esthétique temporaire,

- le déficit fonctionnel permanent,

- en conséquence, débouter M. [N] de sa demande liée à l'indemnisation du préjudice scolaire, universitaire ou de formation accordée par le jugement du 27 mars 2023 ;

- fixer à la somme de 3 000 euros le préjudice subi par M. [N] au titre des souffrances endurées temporaires ;

- fixer à la somme de 1 000 euros le préjudice subi par M. [N] au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- fixer à la somme de 16 800 euros le préjudice subi par M. [N] au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- condamner in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 9 513,89 euros au titre des dépenses de santé suite au partage de responsabilité opéré à hauteur de 50% ;

- condamner in solidum dès lors, M. [W] et Mme [H] à payer à M. [N] la somme globale de 17 092,12 euros suite au partage de responsabilité opéré à hauteur de 50% ;

- dire et juger que la décision à intervenir sera prononcée en deniers ou quittance ;

- ordonner la restitution de la somme de 4 756,95 euros à son profit par la CPAM du Puy-de-Dôme en remboursement du trop-perçu, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- ordonner la restitution de la somme de 5 906 euros à son profit par M. [N] en remboursement du trop-perçu, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- débouter M. [N] de ses demandes contraires ;

- réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée par M. [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur la demande formulée au titre des dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions notifiées et déposées le 16 novembre 2023, la CPAM du Puy-de-Dôme demande à la cour, au visa des articles 376-1, R.315-2 du code de la sécurité sociale, 31, 546 alinéa 1er, outre 1231-7 du code civil, l'article 1 de l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L.376-1 et L.454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2022, de :

à titre principal :

- juger irrecevables pour défaut de qualité à agir les appels de M. [W] et Mme [H] dirigés à l'encontre des condamnations prononcées au profit de la CPAM ;

- confirmer le jugement du 27 mars 2023 en toutes ses dispositions ;

subsidiairement :

- infirmer le jugement du 27 mars 2023 uniquement en ce qu'il a condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à lui payer la somme de 19 027,78 euros au titre des frais engagés dans l'intérêt de la victime, M. [N] ;

- condamner in solidum Mme [H] et M. [W] à lui verser 50% de la somme 19 027,78 euros relative aux prestations versées à M. [N], son assuré ;

- débouter M. [W] et Mme [H] du surplus de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elle, dont celles relatives à l'indemnité forfaitaire de gestion ;

en toute hypothèse :

- condamner in solidum M. [W] et Mme [H] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que les appelants principal et incident n'ont pas d'intérêt à agir à son encontre, ceux-ci n'ayant jamais contesté la créance.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2024.

MOTIFS

Le principe de la responsabilité a été tranchée définitivement par arrêt de la présente cour en date du 27 janvier 2021, arrêt qui a infirmé le jugement sauf en ce qu'il a dit que M. [N] avait commis une faute ayant contribué à la survenue de son dommage à hauteur de 50 %, et statuant à nouveau, la cour a déclaré M. [W] et Mme [H] responsables in solidum à hauteur de 50 % du dommage subi par M. [N], consécutivement aux faits survenus dans la nuit du 26 septembre 2010 lors d'un rassemblement festif à [Localité 6].

Une indemnité de 2 000 euros a été octroyée à M. [N] à titre provisionnel, et il a été sursis à statuer sur les demandes de la CPAM du Puy-de-Dôme dans l'attente de la liquidation du préjudice corporel de la victime.

- Sur l'évaluation du préjudice

La première expertise déposée le 19 décembre 2012 a conclu à une date de consolidation au 19 décembre 2012, soit à la date de l'expertise, tout en relevant que l'état de M. [N] pouvait évoluer (tentative de mise en fonction de l'implant gauche, exérèse chirurgicale de l'implant, mise en place d'une prothèse auditive gauche en considérant le risque d'intolérance).

Le même expert dans la seconde expertise déposée le 12 juin 2019, fixe la date de consolidation au 27 mai 2015, celui-ci relevant que depuis la date de la première expertise, l'évolution de l'état otologique de M. [N] a été marquée par des tentatives infructueuses de réglage de l'implant otologique gauche, puis par une exérèse chirurgicale de l'implant et enfin par son remplacement par une prothèse auditive gauche conventionnelle. La date de consolidation a été fixée au vu du courrier du professeur [R] du 27 mai 2015, de la stabilité auditive et du recul d'environ de deux ans par rapport à l'exérèse de l'implant.

sur les préjudices patrimoniaux

sur les préjudices patrimoniaux temporaires

- sur les dépenses de santé actuelles

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime. Ce poste inclut les frais d'orthèse, de prothèses, paramédicaux, d'optique, etc...

Il résulte du relevé des débours définitifs de la CPAM du Puy-de-Dôme que ces dépenses de santé s'élèvent à 6 423,99 euros.

- sur les frais divers

Ce sont les frais autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime. Ils sont fixés en fonction des justificatifs produits sauf pour la tierce personne. Tous les frais temporaires supportés par la victime dont elle rapportera la justification seront indemnisés au titre de ce poste.

M. [N] fait valoir que pour rejeter ses demandes, le tribunal a évoqué qu'il n'aurait justifié que de 7 déplacements de 40 km et a limité son indemnisation à un montant de 146,44 euros ; qu'il suffit de faire une lecture attentive des rapports du professeur [I], l'expert judiciaire, qui reprend la liste de toutes les consultations et donc de tous ses déplacements. Il sollicite une indemnisation sur la base de 4 440 km et d'une indemnité kilométrique de 0,523 euros, soit un total de 2 322,12 euros.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.

Néanmoins, M. [N] ne justifie pas les frais de déplacement sollicités, il procède notamment à une évaluation globale en invoquant le fait qu'il a dû se rendre environ 20 fois par an à [Localité 4] de 2010 à 2015. Il vise au surplus les factures de l'audioprothésiste Amplifon alors même qu'il se situe à [Localité 9] et que M. [N] vit à [Localité 7], soit la commune limitrophe. Le tribunal a ainsi fait une juste évaluation de ce poste de préjudice au vu des justificatifs produits.

- sur l'assistance tierce-personne temporaire

Les frais de tierce-personne temporaires sont fixés en fonction des besoins de la victime au vu principalement du rapport d'expertise médicale. L'indemnisation de ce poste de préjudice n'est pas subordonnée à la production de justificatifs et n'est pas réduite en cas d'assistance bénévole par un membre de la famille.

M. [N] soutient que sa mère l'a accompagné dans toutes les démarches qu'il a été dans l'obligation d'accomplir : il quantifie le temps passé à environ deux heures par semaine de 2010 à 2015, soit 104 heures par an et retient un taux horaire de 15 euros pour calculer l'indemnité en résultant, soit 7 800 euros.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement, à savoir l'octroi d'une indemnité de 210 euros au vu des 7 déplacements justifiés ayant nécessité l'accompagnement de sa mère.

L'expert n'a pas retenu de besoin en tierce-personne, que ce soit dans la première ou la seconde expertise.

Le jugement sera confirmé, à défaut de contestation sur ce point, en ce qu'il a retenu un besoin de deux heures d'assistance par tierce-personne à 15 euros de l'heure pour les 7 déplacements justifiés, soit un préjudice évalué à 210 euros.

- sur les pertes de gains professionnels actuels

La perte de gains professionnels actuels (PGPA) concerne le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire étant rappelé que celle-ci peut être totale ou partielle ou les deux selon les périodes.

La durée de l'incapacité temporaire est indiquée par l'expert. Elle commence à la date du dommage et finit au plus tard à la date de la consolidation, c'est à dire à la date à partir de laquelle l'état de la victime n'est plus susceptible d'être amélioré d'une façon appréciable et rapide par un traitement médical approprié.

M. [N] sollicite la confirmation du jugement sur le calcul de la PGPA du 26 septembre 2010 au 5 juillet 2011, mais l'infirmation sur la période postérieure jusqu'à sa consolidation. Il fait valoir qu'étant titulaire du BEP Bois, il aurait très certainement validé son certificat d'aptitude au métier de charpentier et aurait été rapidement embauché ; qu'il doit être indemnisé du fait de la perte de revenus liée à l'incapacité de poursuivre dans cette voie au titre d'une perte de chance. Il sollicite une indemnisation de 43 619,16 euros dont 13 770,78 euros correspondant à la période non contestée par les intimés et accordée par le tribunal.

Il ressort des pièces produites que M. [N] a perçu des indemnités journalières de la CPAM du Puy-de-Dôme d'un montant de 1 602,86 euros pour la période du 29 septembre 2010 au 30 avril 2011.

Au surplus, la BTP Prévoyance a réglé à M. [N] une somme de 2 420,11 euros pour la période du 26 septembre au 13 décembre 2010.

La victime se trouvait en contrat d'apprentissage à partir du 5 juillet 2010. Le contrat devait se terminer le 5 juillet 2011.

Les parties sont d'accord sur le montant de la perte subie du 26 septembre 2010 au 5 juillet 2011, à savoir 13 770,78 euros, montant auquel il convient de déduire les indemnités journalières et les indemnités versées par BTP Prévoyance, soit 9 747,81 euros.

S'agissant de la période suivante, il est soutenu que M. [N] aurait rapidement été embauché comme charpentier.

Plusieurs observations s'imposent. En premier lieu, le tribunal a justement relevé qu'au cours du premier semestre de formation (2010-2011), M. [N] avait obtenu une moyenne générale de 16/20 constituée par une seule note en atelier professionnel, les autres matières (technologie, dessin technique, prévention santé environnement, français, histoire-géographie, anglais, mathématiques et sciences physiques) n'avaient pas fait l'objet de note en raison de 137 heures d'absences dont 102 avaient été justifiées ; que ce bulletin faisait apparaître que M. [N] n'avait obtenu qu'une note et l'appréciation du professeur indiquait 'moyenne non significative due une absence longue'.

Dans la mesure où le tribunal avait indiqué que M. [N] ne produisait pas ses bulletins de note de l'année précédente, ni d'attestation de professeur pouvant donner des informations sur son investissement scolaire (élément indicatif de ses chances de signer un contrat de travail après son apprentissage), celui-ci a versé des documents, et notamment : justificatif de l'obtention du brevet des collèges qu'il a passé alors qu'il avait intégré le lycée ; synthèse de la réunion de rentrée établie en 2008 mentionnant qu'il était entré au lycée professionnel avec un projet bien défini, à savoir se préparer au métier de charpentier et intégrer le tour de France avec les Compagnons.

Il produit également une attestation de son médecin traitant du 28 avril 2011 mentionnant que son état de santé justifiait un changement de travail, qu'il lui était contre-indiqué de travailler dans le domaine de la construction bois/ossature bois/charpente.

Si M. [N] a perdu une chance de travailler en tant que charpentier, ce point sera examiné au stade de l'incidence professionnelle, mais la perte de gains professionnels actuels n'est elle pas établie. En outre, l'examen des avis d'imposition qui ne sont versés qu'à partir de l'année 2013 établit qu'il a perçu des revenus sur la période pour laquelle il est sollicité une indemnisation, ce qui signifie qu'il se trouvait en capacité d'exercer une autre activité professionnelle. Aucune pièce médicale n'est produite afin de démontrer qu'il se trouvait dans l'incapacité de travailler dans d'autres secteurs d'activités. Il sera observé que l'intéressé ne sollicite pas l'indemnisation de pertes de gains professionnels futurs car il expose travailler en qualité de cariste : le contrat de travail n'est pas produit, et la cour ignore la date de ce début d'activité.

La demande telle que présentée au titre de l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels sera rejetée pour la période postérieure au 5 juillet 2011.

sur les préjudices patrimoniaux permanents

- sur les dépenses de santé futures

La CPAM du Puy-de-Dôme justifie de dépenses de santé futures d'un montant de 11 000,93 euros dont le quantum n'est pas contesté.

- sur le préjudice de formation

Il peut s'agir de la perte d'années d'études, d'un retard scolaire ou de formation, de la modification de l'orientation professionnelle, de la renonciation à une formation, etc...

Ce poste de préjudice s'apprécie in concreto, en fonction de la durée de l'incapacité temporaire et de sa situation dans le temps (limitée à la période des vacances ou au contraire pendant la période des examens), des résultats scolaires antérieurs à l'accident (tout redoublement n'est pas imputable à un accident), du niveau des études poursuivies, de la chance de terminer la formation entreprise.

M. [N] était déjà titulaire du BEP des métiers du bois, il a commencé le 5 juillet 2010 son contrat d'apprentissage pour obtenir son CAP au métier de charpentier, et a dû abandonner sa formation en raison des blessures résultant de la bagarre du 26 septembre 2010. Le fait générateur est intervenu en début d'année scolaire, et M. [N] a ainsi perdu toute son année scolaire et la chance d'obtenir son diplôme. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 2 000 euros, M. [N] ayant sollicité la confirmation de la décision sur ce point.

- sur l'incidence professionnelle

Elle correspond aux séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l'activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible. Cette incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l'obligation de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste de préjudice permet également d'indemniser le risque de perte d'emploi qui pèse sur une personne atteinte d'un handicap, la perte de chance de bénéficier d'une promotion, la perte de gains espérés à l'issue d'une formation scolaire ou professionnelle, les frais nécessaires à un retour de la victime à la vie professionnelle.

Se fondant sur le rapport d'expertise, l'expert n'ayant pas retenu d'incidence professionnelle, le tribunal a débouté M. [N] de sa demande à ce titre.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.

Néanmoins, il convient de relever que l'expert dans son premier rapport d'expertise avait conclu: 'incidence professionnelle sur la capacité de M. [N] à poursuivre sa formation comme charpentier'. Il n'a pas retenu d'incidence professionnelle dans le second rapport en référence au fait que l'aggravation (exérèse chirurgicale de l'implant auditif gauche) n'a pas eu de conséquence sur la poursuite de l'activité professionnelle actuelle de M. [N] car il a trouvé un emploi de cariste et il poursuit cette activité depuis.

L'incidence professionnelle inclut la dévalorisation sur le marché du travail par l'obligation de changer d'orientation professionnelle et par l'accroissement de la pénibilité de l'emploi. Elle est sans lien avec le niveau de rémunération. Or, en l'espèce, il est établi que M. [N] ne peut exercer le métier qu'il avait choisi et auquel il se destinait. Les attestations de membres de sa famille confirment cet état de fait. Malgré sa surdité congénitale, il avait pu entamer cette formation de charpentier et ce sont les séquelles de l'agression qui ont imposé l'interruption de cette activité professionnelle.

Ainsi, la cour évalue le préjudice subi au titre de l'incidence professionnelle à 7 000 euros.

sur les préjudices extra-patrimoniaux

sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- sur le déficit fonctionnel temporaire

Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité, des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

M. [N] sollicite l'infirmation du jugement sur ce point, il demande de retenir une base d'indemnisation de 30 euros par jour, faisant valoir que la période traumatique a duré sur les deux périodes, plus de trois ans pendant lesquels les soins et les essais thérapeutiques se sont succédés, il ignorait quelle audition il allait récupérer, vers quel métier il allait pouvoir s'orienter, il a été dépendant de ses parents.

Les intimés demandent la confirmation du jugement.

Sur ce,

Il résulte du premier rapport d'expertise que M. [N] a subi un déficit fonctionnel complet de trois jours correspondant à la durée d'hospitalisation pour le remplacement de l'implant gauche du 21 au 23 février 2011. Puis, il a subi un déficit fonctionnel :

- de 50 % de 14 jours correspondant à la période post-traumatique du 26 septembre au 2 octobre 2010, et à la période post-opératoire du 23 février au 1er mars 2011 ;

- de 25 % pendant la période s'étendant du 26 septembre 2010 au 29 avril 2011, date de la dernière consultation avec le professeur [R] et fin de l'arrêt de travail, en excluant 3 jours de DFT complet et les 14 jours à 50 % ;

- de 10 % entre le 29 avril 2011 et la date d'expertise, le 19 décembre 2012.

L'expert a indiqué qu'au moment des faits, M. [N] atteint d'une surdité congénitale bilatérale, était porteur d'une prothèse auditive droite et d'un implant d'oreille moyenne gauche ; que cette réhabilitation auditive était fonctionnelle et la correction globale reposait principalement sur l'implant gauche ; que le traumatisme du 26 septembre 2010 a entraîné un dysfonctionnement définitif de l'implant gauche et une mise hors d'usage de la prothèse auditive droite, avec pour conséquence une aggravation de la surdité bilatérale ; que cette surdité a été partiellement compensée par le remplacement de la prothèse auditive droite le 2 octobre 2010 ; que par contre, le remplacement chirurgical de l'implant gauche le 22 février 2011 n'a permis aucun gain auditif, et qu'un nouvel implant ne serait jamais fonctionnel ni utilisé par M. [N] jusqu'à la date de l'expertise.

Il résulte du second rapport que le déficit fonctionnel temporaire comprend :

- un DFT complet de 2 jours correspondant à la durée d'hospitalisation en relation avec l'exérèse chirurgicale de l'implant gauche (10 et 11 juin 2013) ;

- un DFT partiel de 10 % progressivement décroissant sur la période du 12 juin au 18 septembre 2013 (retour à l'état auditif antérieur), soit 3 mois et 7 jours.

L'expert a exposé que depuis la date de la dernière expertise, l'évolution de l'état otologique de M. [N] avait été marquée par des tentatives infructueuses de réglage de l'implant gauche, puis par une exérèse chirurgicale de l'implant, et enfin par son remplacement par une prothèse auditive gauche conventionnelle.

Au regard des éléments ci-dessus exposés, il sera retenu un taux horaire de 25 euros par jour.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu une somme due de ce chef de 3 280 euros [(25 euros x 5 jours) + (25 euros x 50 % x 14 jours) +( 25 euros x 25 % x 198 jours) + (25 euros x 697 jours X 10 %)].

- sur les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Le tribunal a relevé que les rapports d'expertise fixaient les souffrances endurées à 2,5/7 en ce qui concernait la première et à 1/7 en ce qui concernait la seconde. Il a souligné que M. [N] avait eu des répercussions psychologiques rapportées par le docteur [C] dans son certificat du 22 mars 2012 : 'je soussignée constate ce jour que [U] [N] né le [Date naissance 2] 1991 présente un état psychologique fragile depuis son agression qui s'acutise dès qu'il est témoin d'agressivité ou de violence physique ou verbale. Cette hypersensibilité/fragilité psychologique interfère dans ses habitudes de vie, l'empêche actuellement de poursuivre sa formation dans de bonnes conditions malgré de réels efforts.'. Il a fixé le montant de l'indemnité à ce titre à 7 000 euros. M. [N] sollicite la confirmation de cette disposition du jugement.

Mme [H] conteste cette analyse. Elle rappelle que la date de consolidation a été fixée au 27 mai 2015 et qu'aucun élément n'est apporté sur les souffrances endurées qu'il aurait ressenties entre la date de ce certificat et la date de consolidation. Elle propose une indemnisation de 3 000 euros, aucun élément ne justifiant une indemnisation supérieure à la jurisprudence en la matière.

M. [W] estime que la demande indemnitaire de M. [N] est excessive et propose une somme de 2 500 euros pour la première période et de 1 000 euros pour la seconde.

Il résulte de la première expertise dans laquelle l'avis du docteur [C] avait été repris dans la partie 'Historique' que 'l'évaluation des souffrances endurées doit considérer la douleur liée au traumatisme, les douleurs post-traumatiques et post-opératoires, ainsi que la douleur morale et psychologique de retour à une situation de handicap non corrigée. Nous proposons une évaluation de 2,5/7".

Le même expert, dans son expertise de 2019, expose que 'l'évaluation des souffrances endurées doit considérer la douleur liée au geste chirurgical, à la période de cicatrisation et à l'hyperesthésie de la zone cicatricelle. Nous proposons un taux de 1 sur 7".

L'expert ayant pris en compte l'ensemble des éléments caractérisant le poste 'souffrances endurées', il y a lieu de retenir une indemnisation de 6 000 euros (à savoir 4 000 euros pour la première période et 2 000 euros pour la seconde).

- sur le préjudice esthétique temporaire

L'expert judiciaire dans le cadre de sa première expertise a retenu l'existence de ce poste de préjudice et l'a évalué à 1/7 : 'l'évaluation du préjudice temporaire doit considérer l'état facial post-traumatique et la nécessité du port d'un pansement post-opératoire'.

Il n'a pas retenu l'existence de ce préjudice dans la seconde expertise.

Au vu de ces constatations, ce préjudice sera fixé à 1 500 euros.

sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents

- sur le déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice sur la base d'une valeur du point de 2 550 euros, M. [N] étant âgé de 24 ans au jour de la consolidation, et en retenant un taux de 12 % tel que fixé par l'expert.

Il ressort en effet de la première expertise qu'un taux de 12 % avait été retenu à ce titre.

L'expert exposait que le calcul de ce taux devait considérer l'aggravation globale de la surdité compte tenu de la perte de gain fonctionnel liée au dysfonctionnement post-traumatique de l'implant gauche (le nouvel implant de M. [N] n'était ni fonctionnel ni utilisé à la date de l'expertise). Il concluait que le gain auditif global apporté par l'implant gauche était de 29 dB ( de 71,5 à 42,5 dB soit 40 % de gain global) ; que le déficit fonctionnel avant la première implantation et après le traumatisme était identique et égal à 40 % (PAM droite = 66,5 / 66 dB ; PAM gauche = 70,5 / 72,5 dB). L'expert considérait à partir de ces chiffres que l'implant gauche permettait chez M. [N] de réduire son déficit fonctionnel permanent de 16 % (40 % de 40 %). Il ajoutait que le déficit fonctionnel permanent théorique était donc de 16 % ; qu'il fallait néanmoins considérer l'apport de la prothèse auditive droite ce qui permettait de réduire le taux d'environ 25 %. Il proposait ainsi un DFP réel de 12 % (16 - 4 %).

Dans le cadre de la seconde expertise, l'expert conclut à l'absence d'aggravation du déficit fonctionnel permanent antérieur.

M. [N] conteste l'analyse du tribunal : il considère qu'il faut retenir la première date de consolidation pour faire le calcul, il était alors âgé de 21 ans ; qu'en outre, l'expert n'a pas pris en compte les souffrances permanentes et les conséquences au quotidien du déficit fonctionnel et des souffrances. Il estime que ce n'est pas la valeur du point du DFP entre 0 et 12 % qui doit être retenue, mais celle entre 28 et 40 %, soit 4 035 euros.

M. [W] et Mme [H] soutiennent que la valeur du point ne saurait excéder la valeur médiane de 1 400 euros.

La valeur du point reste identique que l'on retienne la première date de consolidation ou la seconde (21 ou 24 ans). Toutefois, le taux de DFP de 12 % caractérisé par l'expert judiciaire ne tient pas compte des troubles dans les conditions d'existence également indemnisées au titre du DFP : M. [N] rapporte la preuve des éléments caractérisant ses troubles dans ses conditions d'existence devant conduire à ré-évaluer le taux retenu par l'expert. Cette preuve ressort notamment des attestations de ses proches, mais encore de l'avis du docteur [C] qui dans son certificat du 22 mars 2012, constate que ' [U] [N] présente un état psychologique fragile depuis son agression qui s'acutise dès qu'il est témoin d'agressivité ou de violence physique ou verbale. Cette hypersensibilité/fragilité psychologique interfère dans ses habitudes de vie (...) malgré de réels efforts.' Ce taux sera ainsi ré-évalué à 14 % et l'indemnisation sera donc de 35 700 euros (2 550 x 14).

- sur le préjudice d'agrément

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l'indemnisation du préjudice d'agrément à l'impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l'accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités, ainsi que l'impossibilité psychologique de pratiquer l'activité antérieure.

L'appréciation se fait in concreto, en fonction des justificatifs, de l'âge, du niveau sportif.

Le tribunal a débouté M. [N] de cette demande.

Ce dernier sollicite une somme de 5 000 euros faisant valoir qu'il ressort des attestations communiquées qu'il avait comme passe-temps le bricolage, il faisait du vélo, du basket et du ski, il allait fréquemment à la piscine ; que depuis les faits, il ne peut plus s'adonner à de telles activités car cela suppose qu'il pose ses prothèses pour éviter tous les chocs.

L'expert a considéré que le préjudice d'agrément était 'réel' et directement en lien avec la fragilité psychologique rapportée par le docteur [C]. Toutefois, le retentissement psychologique tel que décrit relève du poste du déficit fonctionnel permanent. Ainsi, le préjudice invoqué par M. [N] au titre du préjudice d'agrément a d'ores et déjà été indemnisé au titre du DFP car il s'agit de difficultés à pouvoir participer à des activités de loisirs de manière générale.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

- Sur la répartition de l'indemnité à la charge des responsables entre la victime et la CPAM du Puy-de Dôme

Après avoir fixé l'indemnité allouée au titre des postes de préjudice sans tenir compte des prestations versées par les tiers payeurs, il y a lieu de déterminer la dette du tiers responsable en faisant application de la réduction du droit à indemnisation ou du partage de responsabilité, puis d'allouer à la victime ce qui lui reste dû après déduction des prestations ayant partiellement réparé ce poste mais dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, et enfin d'accorder le solde au tiers payeur (indemnité mise à la charge du tiers responsable après déduction de l'indemnité revenant à la victime).

M. [W] et Mme [H] ont été déclarés responsables à hauteur de 50 % des préjudices de M. [N].

En application de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, si la victime n'a été indemnisée qu'en partie, elle peut exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû, par priorité au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle.

En l'espèce, il convient d'examiner le poste PGPA où la répartition doit être faite entre la victime et la CPAM.

Le préjudice au titre de ce poste est de 11 350,67 euros (9 747,81 euros pour M. [N] et 1 602,86 euros pour la CPAM), et la responsabilité étant de 50 %, l'indemnité à la charge des responsables, M. [W] et Mme [H], est de 5 675,34 euros ; après application de l'article 31 sus-mentionné, il reste dû 5 675,34 euros à M. [N] et 0 euro pour la CPAM.

Ainsi, M. [W] et Mme [H] seront condamnés in solidum à régler à M. [N] les sommes suivantes :

- frais divers : 73,22 euros ;

- assistance tierce-personne temporaire : 105 euros ;

- pertes de gains professionnels actuels : 5 675,34 euros ;

- préjudice de formation : 1 000 euros ;

- incidence professionnelle : 3 500 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire : 1 640 euros ;

- souffrances endurées : 3 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire : 750 euros ;

- déficit fonctionnel permanent : 17 850 euros ;

soit un total de 33 593,56 euros.

Il conviendra de déduire la provision de 2 000 euros déjà versée et la condamnation sera prononcée en deniers ou quittances.

Ils seront en outre condamnés à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 3 211,99 euros au titre des dépenses de santé actuelles et celle de 5 500,46 euros au titre des dépenses de santé futures. Aucune somme n'est due au titre des pertes de gains professionnels actuels après application de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985.

Il sera précisé que les intimés sont parfaitement recevables à faire appel incident de la condamnation concernant les sommes dues à la CPAM dès lors que le tribunal n'a pas appliqué le partage de responsabilité, qui avait été sollicité par M. [W] et Mme [H] de manière générale.

Au surplus, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, l'arrêt se suffisant à lui-même pour obtenir toute restitution de sommes dues.

- Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum M. [W] et Mme [H] à payer à la CPAM la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Succombant principalement, M. [W] et Mme [H] seront condamnés in solidum à payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, et aux dépens de première instance et d'appel qui incluront les frais d'expertises judiciaires.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code civil au bénéfice de la CPAM du Puy-de-Dôme.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- évalué les préjudices subis par M. [U] [N] de la manière suivante :

- frais divers : 146,44 euros ;

- assistance temporaire par tierce-personne : 210 euros ;

- perte de gains professionnels actuels : 9 747,81 euros ;

- préjudice de formation : 2 000 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire : 3 280 euros ;

- débouté M. [U] [N] de sa demande au titre du préjudice d'agrément ;

- condamné in solidum M. [M] [W] et Mme [B] [H] à payer à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Infirme le surplus des dispositions du jugement ;

Statuant à nouveau :

Evalue les préjudices subis par M. [U] [N] de la manière suivante :

- incidence professionnelle : 7 000 euros ;

- souffrances endurées : 6 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros ;

- déficit fonctionnel permanent : 35 700 euros ;

Constate que M. [U] [N] n'a pas formé de demande en appel au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

Condamne in solidum M. [M] [W] et Mme [B] [H] à payer en deniers ou quittances à M. [U] [N] les sommes suivantes :

- frais divers : 73,22 euros ;

- assistance tierce-personne temporaire : 105 euros ;

- pertes de gains professionnels actuels : 5 675,34 euros ;

- préjudice de formation : 1 000 euros ;

- incidence professionnelle : 3 500 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire : 1 640 euros ;

- souffrances endurées : 3 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire : 750 euros ;

- déficit fonctionnel permanent : 17 850 euros ;

soit un total de 33 593,56 euros ;

Dit qu'il conviendra de déduire la provision de 2 000 euros versée et que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne in solidum M. [M] [W] et Mme [B] [H] à payer en deniers ou quittances à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 8 712,45 euros au titre de ses débours ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum M. [M] [W] et Mme [B] [H] à payer à M. [U] [N] une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la CPAM du Puy-de-Dôme ;

Condamne in solidum M. [M] [W] et Mme [B] [H] aux dépens de première instance et d'appel, qui incluront les frais d'expertises judiciaires.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00750
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;23.00750 ?
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