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10/07/2024 | FRANCE | N°23/01769

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 10 juillet 2024, 23/01769


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale













ARRET N°341



DU : 10 Juillet 2024



N° RG 23/01769 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GC2S



Arrêt rendu le dix Juillet deux mille vingt quatre



décision dont appel : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de CUSSET, décision attaquée en date du 24 Octobre 2023, enregistrée sous le n° 2023 2340



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON,

Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Cécile CHEBANCE, greffier lors de l'appel des causes et Marl...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°341

DU : 10 Juillet 2024

N° RG 23/01769 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GC2S

Arrêt rendu le dix Juillet deux mille vingt quatre

décision dont appel : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de CUSSET, décision attaquée en date du 24 Octobre 2023, enregistrée sous le n° 2023 2340

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Cécile CHEBANCE, greffier lors de l'appel des causes et Marlène BERTHET, greffier lors du prononcé

ENTRE :

M. [C], [E] [T]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Bernard SOUTHON de la SCP SOUTHON BERNARD ET AMET-DUSSAP ANNE, avocat au barreau de MONTLUCON

APPELANT

ET :

PARQUET GENERAL

Cour d'Appel de RIOM

[Adresse 7]

[Localité 6]

présent à l'audience en la personne de M. BOFFARD, substitut général

S.E.L.A.R.L. MJ DE L'ALLIER liquidateur judiciaire de la SARL PALETTES EXPRESS (RCS Cusset 422 039 412)

[Adresse 2]

[Localité 1]

non représenté

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 15 Mai 2024 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 10 Juillet 2024.

ARRET :

Prononcé publiquement le 10 Juillet 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Marlène BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SARL Palettes Express a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Cusset du 19 avril 2022.

Par requête du 1er juin 2023, le ministère public a sollicité le prononcé d'une interdiction de gérer à l'égard de M. [C] [T], devant le tribunal de commerce de Cusset.

Par jugement du 24 octobre 2023, le tribunal de commerce a prononcé à l'encontre de M. [T], gérant de la SARL Palettes Express une mesure d'interdiction de gérer de 10 ans.

Il a retenu qu'il avait sciemment poursuivi une exploitation déficitaire, que M. [T] n'avait pas collaboré avec les organes de la procédure, n'avait pas tenu de comptabilité suffisante, n'avait pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.

Par déclaration du 22 novembre 2023, M. [T] a interjeté appel de cette décision.

La SELARL MJ de l'Allier n'a pas constitué avocat.

Par ordonnance du 2 mai 2024, le conseiller de la mise en état de la 3ème chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Riom a déclaré les conclusions et pièces du ministère public irrecevables, les délais de l'article 905-2 du code de procédure civile n'ayant pas été respectés.

Par conclusions déposées et notifiées le 2 janvier 2024, M. [T] demande à la cour :

-de juger la citation délivrée le 1er août 2023 entachée de nullité,

-de réformer entièrement le jugement du 24 octobre 2023,

-de rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires

-de juger n'y avoir lieu à sanction à son égard, avec toutes conséquences de droit quant à la publication de l'arrêt à intervenir et à l'inscription au fichier national des interdits de gérer,

-A titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions la sanction prononcée qui sera réduite dans le temps, et dans son étendue notamment à l'égard des activités non professionnelles de représentation, de direction, de gestion, d'administration et de contrôle des personnes morales de nature civile,

-de passer les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la citation est nulle car la procédure applicable pour la saisine du tribunal de commerce sur requête du ministère public n'a pas été respectée,

Sur le fond, il prétend que l'ensemble des fautes de gestion retenues à son encontre ne sont pas caractérisées.

Il fait enfin valoir que le prononcé d'une interdiction de gérer de 10 ans est disproportionné et demande à ce que la sanction soit réduite tant dans son étendue que sa durée. Il fait notamment valoir qu'il est gérant de SCI et que la généralité de la sanction ne permet pas de distinguer l'activité professionnelle et commerciale d'une activité personnelle non professionnelle.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024, à l'audience.

MOTIVATION :

A titre liminaire, il sera rappelé que les conclusions et pièces du parquet général ont été déclarées irrecevables.

Suivant les dispositions de l'article 472 du code de procédure civile qui dispose que " si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond " et que " le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ".

L'intimé dont les conclusions sont déclarées irrecevables est réputé ne pas avoir conclu, ce qui le prive de tout appel incident ou demande au titre des frais irrépétibles et autres dépens d'appel ; ses moyens et pièces ne pourront pas être étudiés par la cour au fond ; il est par ailleurs réputé s'être approprié les motifs du jugement attaqué. Le juge d'appel n'a donc à faire droit à l'appel formé de manière systématique, mais uniquement si celui-ci apparaît fondé dans ses critiques de la décision rendue par les premiers juges.

I. Sur la nullité de la citation :

L'article 73 du code de procédure civile dispose que " constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à suspendre le cours ".

L'article 112 du code de procédure civile dispose que " la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir ".Com. 20 octobre 2021, n° 20-13.628).

En l'espèce, le procureur de la République a saisi le tribunal de commerce de Cusset d'une demande en prononcé d'une interdiction de gérer à l'égard de M. [T] par requête du 1er juin 2023. Ce dernier a été convoqué par citation du 1er août 2023.

Au visa de l'article R 631-4 du code de commerce, M. [T] estime que cette citation est nulle dès lors:

-qu'aucune des pièces prétendument jointes à la requête de M. le procureur de la République ne lui ont été remises en copie, celle-ci visant " les pièces du dossier de la procédure collective ", toujours ignorées du concluant,

-que la citation ne contenait pas copie d'une convocation du président du tribunal de commerce de Cusset mais une invitation à comparaître,

-que la citation ne contenait pas le rapport du juge-commissaire.

M. [T] n'ayant pas comparu en première instance (renvoi refusé), il est recevable à former cette prétention en cause d'appel.

L'exception de nullité pour vice de forme est soumise aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile :

-la nullité doit être prévue par un texte, à moins qu'elle ne soit d'ordre public ou qu'il s'agisse d'une formalité substantielle,

-la nullité doit causer un grief à celui qui l'invoque, entendu comme une " désorganisation des droits de la défense ".

L'article R. 653-2 du code de commerce dispose que " Pour l'application de l'article L. 653-7, le tribunal est saisi, selon le cas, par voie d'assignation ou dans les formes et selon la procédure prévue à l'article R. 631-4 [...] ".

L'article L. 653-7 du code de commerce dispose que " Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6 et L. 653-8, le tribunal est saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public ['] ". Ces articles concernent notamment les cas où le tribunal prononce une faillite personnelle ou une interdiction de gérer.

L'article R. 631-4 du code de commerce dispose que " Lorsque le ministère public demande l'ouverture de la procédure par requête, celle-ci indique les faits de nature à motiver cette demande. Le président du tribunal, par les soins du greffier, fait convoquer le débiteur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " à comparaître dans le délai qu'il fixe.'A cette convocation est jointe la requête du ministère public ". Le recours à la lettre recommandée avec demande d'avis de réception n'est pas prescrit à peine de nullité et une convocation par un acte d'huissier de justice, auquel est jointe la requête du procureur de la république constitue un mode de saisine régulier du tribunal.

Les formalités susvisées sont des formalités substantielles en ce qu'elles précisent les conditions dans lesquelles le dirigeant poursuivi sera convoqué devant le tribunal et avisé des faits qui lui sont reprochés. Leur omission est donc susceptible d'être sanctionnée par une nullité pour vice de forme.

Il appartient donc à M. [T] de rapporter la preuve que ces formalités n'ont pas été respectées et que cela lui a causé un grief.

Aux termes de la citation du 1er août 2023, le commissaire de justice instrumentaire a précisé qu'il signifiait et remettait copie de :

-la requête du procureur de la République du 1er juin 2023 avec pièces jointes ;

-la convocation de M. le président du tribunal de commerce de Cusset

-le rapport du juge-commissaire.

Cette mention fait foi jusqu'à inscription de faux.

Sont joints à la citation les documents suivants :

-requête du Procureur de la République du 1er juin 2023, indiquant l'ensemble des faits à l'origine de cette demande,

-un courrier adressé par le liquidateur judiciaire au procureur de la République le 22 mai 2023,

-un courrier adressé par le procureur de la République au liquidateur judiciaire le 29 avril 2023,

-le rapport du mandataire liquidateur du 23 mai 2022.

Il apparaît que la requête du Procureur précise les différents faits motivant sa demande, que le débiteur a été cité à comparaître, ce qui ne peut s'apparenter à une simple invitation ; que cette requête est jointe à la citation, de telle sorte que les prescriptions de l'article R. 631-4 du code de commerce ont été respectées.

En conséquence, M. [T] sera débouté de sa demande en nullité de la citation.

II- Sur l'interdiction de gérer :

A) Sur la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements :

Le tribunal de commerce a retenu que la SARL Palettes Express avait avancé la somme totale de 79.868,07 euros à la SARL Palettes Express Ouest alors même qu'aucun lien capitalistique, ni relation d'affaires n'existait entre cette société et la société Palettes Express (société liquidée), qui avaient de surcroît donné en garantie à la société d'affacturage leur compte de garantie. Il a également souligné que M. [T] s'était abstenu d'indiquer que la société Palettes Express Ouest dont il était également le co-gérant avait déposé le bilan le 13 avril 2022.

M. [T] estime que les éléments énoncés ne caractérisent pas une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu'à la cessation des paiements mais des éléments factuels tirés du rapport du mandataire judiciaire.

Sur ce,

L'article L. 653-3 du code de commerce dispose que :

" I.- Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1, sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements.

['] "

L'article L. 653-4 du code de commerce dispose que :

" Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ".

Elle n'est sanctionnée que si l'intérêt personnel du dirigeant est rapporté. La poursuite à des fins personnelles doit être telle qu'elle ne peut conduire qu'à la cessation des paiements, cela signifie qu'elle doit être antérieure à la cessation des paiements (Cass. Com. 13 avril 2022, n° 21-12.994).

L'article L. 653-8 du code de commerce dispose que :

" Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci ".

Dans un courrier du 22 mai 2023, le liquidateur judiciaire indique que le Grand Livre des tiers de la SARL Palettes Express Ouest arrêté au 22 avril 2022 révèle que la SARL Palettes Express a avancé la somme de 79.868,07 euros alors qu'il n'existe aucun lien capitalistique entre les deux sociétés et qu'elles ont également donné en garantie à la société d'affacturage leur compte de garantie.

Cette observation est reprise in extenso dans la requête du ministère public comme dans le jugement. En l'absence de démonstration, d'analyse des comptes de la société Palettes Express et d'examen des flux entre les deux sociétés qui avaient la même activité, il ne peut être considéré comme établi que M. [T] a abusivement poursuivi une activité déficitaire.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

B) Sur la déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours :

Le tribunal a retenu que M. [T] n'avait pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours puisque la date de cessation des paiements avait été fixée au 1er octobre 2021, soit 6 mois et 19 jours avant l'ouverture de la procédure.

M. [T] fait quant à lui valoir que la date du 1er octobre 2021 correspond seulement à la dette la plus ancienne indiquée par ses soins et ne suffit pas à caractériser l'état de cessation des paiements. Il ajoute que les éléments avancés n'établissent pas le caractère volontaire du dépôt tardif de la déclaration de cessation des paiements.

Sur ce,

L'article L. 653-8 du code de commerce dispose que :

" Elle [l'interdiction de gérer] peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ".

Les juges du fond doivent apprécier que c'est en connaissance de cause que le dirigeant n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai légal, ce que contrôle la Cour de cassation (Cass. Com., 15 mai 2019, n° 16-10.660).

Par ailleurs, " l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report " (Cass. Com., 4 novembre 2014, n° 12-23.070).

Au regard de ces textes, la cour doit donc apprécier l'omission reprochée à M. [T] au regard de la date retenue dans le jugement d'ouverture de la procédure collective ( au demeurant non frappé d'appel), et il ne lui appartient pas de la modifier.

La date de cessation des paiements ayant été fixée 6 mois et 19 jours avant l'ouverture de la procédure collective, il est établi que M. [T] n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai légal.

M. [T] conteste le caractère volontaire de cette omission et rappelle que :

- le jugement de résolution du plan a été rendu à son initiative. Il produit en ce sens une demande d'ouverture de liquidation judiciaire,

- il a exposé de façon loyale les difficultés rencontrées, préférant mettre fin au plan de continuation,

- la SARL Palettes Express s'est attachée à régler les salaires de ses salariés (28 personnes jusqu'en mars 2022).

Cependant, il résulte des documents versés aux débats que la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte 6 mois et 19 jours après la date de cessation des paiements ; que le passif résiduel du plan s'élevait à 1.220.990, 20 euros au 23 mai 2022 (rapport du mandataire liquidateur), somme conséquente dont M. [T] n'a pu ignorer l'évolution.

En outre, M. [T] ne pouvait ignorer la fragilité de son entreprise puisque celle-ci avait déjà fait l'objet d'une procédure collective et notamment d'un plan de redressement judiciaire.

C'est à son initiative qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte, mais le caractère spontané de cette déclaration ne lui ôte pas son caractère tardif.

Par conséquent, le jugement sera confirmé sur ce point.

C) Sur l'absence de collaboration avec les organes de la procédure :

Le tribunal de commerce a considéré que M. [T] n'avait pas collaboré avec les organes de la procédure, ainsi que cela était relevé dans le rapport du liquidateur judiciaire du 23 mai 2022 (absence d'envois d'éléments comptables et des pièces sollicitées qui s'avéraient indispensables).

M. [T] fait quant à lui valoir qu'il a remis au mandataire liquidateur l'ensemble des éléments comptables en sa possession tel un bilan prévisionnel au titre du dernier exercice de la société.

L'article L. 653-5 du code de commerce dispose que :

" Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ".

L'abstention doit avoir une incidence sur le déroulement de la procédure, une absence à un rendez-vous n'étant pas suffisante (Cass. Com., 16 septembre 2014, n° 13-10.514). Cela peut par contre être l'absence de remise de pièces permettant au liquidateur de recouvrer une créance ou l'absence de remise de la liste complète des salariés. La constatation de simples difficultés de coopération ne suffit pas (Cass. Com., 24 mai 2018, n° 16-29.116).

L'article L. 653-8 du code de commerce dispose que :

" Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci ".

En l'espèce, le rapport du liquidateur judiciaire produit par M. [T] mentionne qu'il ne s'est pas présenté au rendez-vous du 16 mai 2022 et n'a remis aucune des pièces demandées et notamment aucun élément comptable à compter du 1er septembre 2021, et ce, en dépit des demandes formulées.

Cependant, la circonstance selon laquelle le dirigeant ne s'est pas présenté à un rendez-vous du mandataire liquidateur est insuffisante à rapporter la preuve de son absence de coopération.

Par ailleurs, la collaboration avec les organes de la procédure ne s'entend pas uniquement de la communication d'éléments comptables et en outre, seule une abstention volontaire doit donner lieu à sanction.

Or il apparaît que M. [T] a entretenu une communication électronique avec le mandataire liquidateur au mois d'avril 2022 aux termes de laquelle il a répondu à ses interrogations et transmis des pièces afin de garantir le meilleur déroulement de la procédure en précisant que sa priorité portait sur les salariés et les règlements des salaires.

Au vu de ces éléments, il ne peut être considéré que M. [T] n'a pas volontairement collaboré avec les organes de la procédure.

Les éléments communiqués sont insuffisants à le démontrer.

Par conséquent, le jugement sera infirmé sur ce point.

D) Sur l'absence de tenue de comptabilité régulière :

Le tribunal a retenu que M. [T] n'a pas tenu de comptabilité satisfaisante sur le plan de la rigueur comptable, et que cette absence de comptabilité ou son incomplétude ne permettait pas une étude et une vérification de l'activité économique réelle, ni des flux financiers.

M. [T] affirme avoir remis l'ensemble des éléments comptables en sa possession au mandataire liquidateur.

L'article L. 653-5 du code de commerce dispose que :

" Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ".

Ce fait peut être déduit de l'absence de remise d'éléments comptables (Cass. Com., 16 septembre 2014, n° 13-10.514), d'une présentation de comptabilité incomplète, faute de communication de nombreux documents et de réponse aux questions (Cass. Com., 6 mars 2019, n° 16-20.459).

En l'espèce, M. [T] produit :

-Un projet de bilan (sans date),

-Un inventaire du 18 avril 2022 faisant apparaître un stock de 51.123,32 euros

-plusieurs mails provenant d'un échange avec la société de mandataires,

Il est rappelé qu'il n'ait pas demandé à M. [T] de rapporter la preuve qu'il a coopéré avec le liquidateur judiciaire s'agissant de la communication de ses éléments de comptabilité mais qu'il tenait effectivement une comptabilité régulière.

Le liquidateur mentionne un courriel du comptable de la société Palette Express du 5 mai 2022 aux termes duquel il est transmis le détail du compte client arrêté au 13 avril 2022 le projet de bilan établi avec le client (la liasse fiscale étant en cours) et le grand livre arrêté à l'ouverture de la procédure. Le projet de bilan comme la liasse fiscale n'ont pu être établis sans tenue d'une comptabilité interne.

Le grief élevé à l'encontre de M. [T] sur ce point est donc insuffisamment caractérisé.

Par conséquent, le jugement sera infirmé sur ce point.

E) Sur la durée de l'interdiction de gérer :

L'article L. 653-8 du code de commerce dispose que :

" Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci ".

L'article L. 653-11 du code de commerce dispose que " lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans ".

La Cour de cassation considère que la juridiction qui prononce une mesure d'interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l'intéressé (Com. 5 juill. 2018, n o 18-11.743). Encore faut-il que le chef d'entreprise apporte des éléments justifiant une modération de la sanction (Cass. Com., 29 septembre 2021, n° 20-12.166).

En l'espèce, le tribunal n'a pas motivé le quantum de la sanction retenue.

En considération de la seule faute retenue par la cour à l'encontre de M. [T] il apparaît que la durée de 10 ans de l'interdiction de gérer est disproportionnée. Il n'est en effet pas établi que la déclaration tardive mais spontanée de l'état de cessation des paiements procède d'une intention de nuire ou de détournement.

Par suite la sanction prononcée sera limitée à une durée de deux ans et ne concernera pas les SCI dont M. [T] est le gérant.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute M. [C] [T] de sa demande en nullité de la citation délivrée le 1er août 2023 ;

Infirme le jugement critiqué en ce qu'il fixe à 10 ans l'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de M. [C] [T] ;

Statuant à nouveau ;

Prononce à l'encontre de M. [C] [T] né le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 8] (60) une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale (à l'exception des sociétés civiles immobilières dont il est le gérant) pour une durée de deux ans ;

Dit qu'en application de l'article L128-1 et suivants et R 128-1 du code de commerce cette sanction sera l'objet d'une inscription au fichier national des interdits de gérer ;

Condamne M. [T] aux dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/01769
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;23.01769 ?
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