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10/07/2024 | FRANCE | N°22/01778

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 10 juillet 2024, 22/01778


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N° 338



DU : 10 Juillet 2024



N° RG 22/01778 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F376



Arrêt rendu le dix Juillet deux mille vingt quatre



décision dont appel : Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AURILLAC, décision attaquée en date du 13 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 21/00046



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme

Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE greffier, lors de l'a...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N° 338

DU : 10 Juillet 2024

N° RG 22/01778 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F376

Arrêt rendu le dix Juillet deux mille vingt quatre

décision dont appel : Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AURILLAC, décision attaquée en date du 13 Juillet 2022, enregistrée sous le n° 21/00046

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE greffier, lors de l'appel des cause et de Mme Marlène BERTHET, Greffier, lors du prononcé

ENTRE :

S.A.S. GRIM AUTO

N° SIRET : 338 .79 2.5 75

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Maud VIAN de la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Représentant : Me Frédéric GUIZARD de la SELARL GDG, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANTE

ET :

M. [F] [G] [N] [W]

né le 11 février 1974 à [Localité 8] (21)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Jean-paul GUINOT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

S.A.S. FMC AUTOMOBILES - FORD FRANCE immatriculée au RCS de NANTERRE, prise en la personne de son représentant légal en exercice.

Dont le siège social est au : [Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Olivier FRANCOIS de la SCP BERNARD-FRANCOIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Représentant : Me Gilles SERREUILLE de la SELARL Cabinet SERREUILLE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 20 Mars 2024 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 10 Juillet 2024.

ARRET :

Prononcé publiquement le 10 Juillet 2024, arrêt initialement prévu pour le 22 mai 2024, prorogé au 12 juin 2024, au 26 juin 2024 et au 10 juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Marlène BERTHET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Suivant bon de commande du 30 juin 2020, M. [F] [W] a acquis auprès de la SA GRIM AUTO, concessionnaire Ford, un véhicule de marque Ford modèle Kuga pour la somme de 33.928 euros.

M. [W] a financé cette acquisition au moyen d'un crédit et réglé un acompte de 1.000 euros à l'établissement du troisième devis stipulant une date de livraison au 3 juillet 2020. Il entendait bénéficier des aides gouvernementales ouvertes pour l'achat d'un véhicule non polluant. Afin de bénéficier de ces aides, il devait notamment procéder à la destruction de son véhicule dit polluant.

Le véhicule cédé ne pouvant être livré que trois mois après sa date d'immatriculation, un bon de commande rectifié en date du 30 juin 2020 prévoyait la livraison au 10 septembre 2020 avec une date butoir au 20 septembre 2020.

Le véhicule n'a finalement été livré que le 13 mars 2021, en raison d'une campagne de rappel des véhicules de ce type par le constructeur.

Considérant qu'il subissait un préjudice, M. [W] a fait assigner son vendeur devant le tribunal judiciaire d'Aurillac. La SA FMC Automobiles (Ford France) a été appelé en cause par la SAS Grim Auto.

Par jugement du 13 juillet 2022, le tribunal a':

-débouté M. [W] de ses demandes d'indemnisation au titre de la décote du véhicule et au titre d'un préjudice de jouissance,

-débouté M. [W] de sa demande de remise du contrat d'entretien à l'égard de la SA FMC Automobiles,

-débouté la SAS Grim Auto de sa demande de garantie à l'égard de la SA FMC Automobiles,

-condamné la SAS Grim Auto à remettre à M. [W] le contrat d'entretien faisant débuter les garanties au jour de la réception effective du véhicule et ce jusqu'au 20 mai 2027 pour la garantie-constructeur et jusqu'au 20 mai 2025 pour la garantie Ford Protect,

-condamné in solidum M. [W] et la SAS Grim Auto à verser à la SAS FMC Automobiles la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens par moitié.

Par déclaration du 2 septembre 2022, M. [W] a interjeté appel de cette décision.

Par déclaration du 2 septembre 2022,'la SAS Grim Auto a également relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 7 novembre 2023, les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 septembre 2023, M. [W] demande à la cour':

-de réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de condamnation à l'encontre de la SAS Grim Auto à concurrence de 4.794 euros et 5.000 euros,

-de le confirmer s'agissant de la condamnation du vendeur à lui remettre le contrat d'entretien,

-de débouter la SAS FMC Automobiles de ses demandes,

-de condamner la SAS Grim Auto à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la SAS Grim Auto a manqué à son devoir d'information et de conseil (disponibilité et kilométrage du véhicule, campagne de rappel) et qu'il a subi un préjudice de jouissance ainsi qu'un préjudice de décote du véhicule.

Il ajoute que les garanties prévues au bon de commande et à la facture sont applicables à compter du 30 juin 2020, date de signature du bon de commande or les garanties doivent s'appliquer à compter de la date de livraison (13 mars 2021).

Il rappelle que la SAS Grim Auto est concessionnaire de la marque Ford et qu'à ce titre, elle est le représentant du constructeur Ford sur l'arrondissement d'[Localité 7], étant son seul interlocuteur et qu'il lui appartenait donc de lui transmettre l'ensemble des documents et notamment les garanties.

Par conclusions déposées et notifiées le 22 septembre 2023, la SAS Grim Auto demande à la cour':

-d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il':

*l'a condamné à remettre à M. [W] un contrat d'entretien faisant débuter les garanties au jour de la réception du véhicule soit le 13 mars 2021, jusqu'au 20 mai 2027 pour la garantie commerciale constructeur et jusqu'au 20 mai 2025 pour la garantie Ford Protect

*l'a condamné in solidum avec M. [W] à payer à la SAS FMC Automobiles la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

-de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il':

*a débouté M. [W] de ses demandes d'indemnisation au titre de la décote du véhicule et du préjudice de jouissance,

Par conséquent,

A titre principal':

-de débouter M. [W] et la SA FMC Automobiles de toutes leurs demandes, fins ou conclusions à son encontre,

-de rejeter l'appel de M. [W],

Subsidiairement, dans l'hypothèse où les demandes de M. [W] prospéraient à son encontre':

-de condamner la SA FMC Automobiles à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et notamment en ce qui concerne un éventuel report des garanties lesquelles doivent au final demeurer à la charge de la SA FMC Automobiles

En toute hypothèse au stade de l'appel':

-de condamner in solidum tout succombant à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'elle n'est qu'un simple revendeur de véhicules que l'importateur lui fournit, qu'elle a revendu le véhicule avec les droits et accessoires qui lui sont attachés mais n'est pas en mesure de se substituer ou de modifier les garanties attachées. Elle ne peut devoir des garanties données par la SA FMC Automobiles et il appartient à cette dernière de prendre des conclusions sur l'extension sollicitée des garanties.

Elle estime qu'elle n'a commis aucun manquement contractuel et qu'elle a accompli toutes les diligences nécessaires permettant de satisfaire au mieux l'acquéreur final.

Elle considère que c'est la SA FMC Automobiles qui n'a pas respecté le délai de livraison convenu et que c'est donc elle qui doit en répondre auprès de M. [W].

Par conclusions déposées et notifiées le 19 septembre 2023, la SA FMC Automobile demande à la cour':

-de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de demandes dirigées à son encontre et en ce qu'il les a condamnés à lui verser une indemnité au titre des frais irrépétibles,

A titre subsidiaire':

-de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants des demandes dirigées à son encontre et en ce qu'il les a condamnés à lui verser une indemnité au titre des frais irrépétibles,

A titre infiniment subsidiaire et statuant à nouveau':

-de débouter M. [W] de ses autres demandes,

-de débouter la SAS Grim Auto des demandes présentées à son encontre tant sur le fondement de la responsabilité contractuelle que sur le fondement de la garantie des vices cachés.

En toute hypothèse':

-de condamner tout succombant à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'elle n'a pas commis de faute contractuelle et qu'elle ne saurait engager sa responsabilité en raison des fautes personnelles commises par la SAS Grim Auto.

Elle ajoute ne pas être responsable de la campagne de rappel et donc du retard dans le délai de livraison, que M. [W] l'a par ailleurs accepté et ne peut se prévaloir d'un quelconque préjudice. Il n'a en outre subi aucun préjudice en lien de causalité direct et immédiat avec une quelconque faute de sa part.

Sur les garanties, elle précise que les échéances étaient contractuellement prévues par Ford France et que M. [W] bénéficie d'une garantie commerciale constructeur de 2 ans ainsi qu'une garantie Ford Protect d'une durée de 3 ans. Elle rappelle encore qu'elle est tiers au contrat et qu'aucune responsabilité ne peut lui incomber, la SAS Grim Auto s'étant engagée personnellement.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.

MOTIVATION':

I- Sur la responsabilité contractuelle de la SAS Grim Auto':

Suivant l'article 1231-1 du code civil': «'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.'».

L'article 1610 du code civil dispose que «'Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur'».

L'article 1611 du code civil dispose que «'Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu'»'

Enfin suivant les dispositions de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Monsieur [W] ne sollicite ni la résolution ni la nullité du contrat mais des dommages et intérêts venant compenser le préjudice qu'il estime avoir subi.

Il soutient que la société Grim Auto n'a, à aucun moment de la transaction, fait preuve de bonne foi.

Cependant M. [W] assimile à la mauvaise foi «'un manque de professionnalisme évident'» et l'incompétence de son vendeur.

Si M. [W] pouvait légitimement s'attendre à ce qu'un professionnel de l'automobile soit plus avisé et plus au fait des règles applicables au bonus écologique; qu'il est exact que plusieurs bons de commande ont été établis, notamment en raison de la méconnaissance du vendeur des conditions d'éligibilité au bonus écologique, il n'en est pas moins certain que les aléas rencontrés dans l'établissement du bon de commande ne traduisent pas la mauvaise foi du vendeur qui a, bien au contraire, corrigé ses erreurs et proposé à M. [W] de nouvelles conditions que ce dernier a acceptées.

S'agissant de la campagne de rappel, M. [W] indique que «'les problèmes techniques affectant les véhicules Ford Kuga hybrides devaient être connus des concessionnaires de la marque depuis de nombreux mois.'». Il n'apporte toutefois aucune pièce venant au soutien de cette affirmation. Les échanges de mails et notamment celui du 3 novembre 2020, aux termes duquel'la SAS Grim Auto explique avoir reçu «'à l'instant'» de nouvelles informations concernant la campagne de rappel, démontrent que cette société était éminemment dépendante d'informations qui ne lui ont été apportées que progressivement. La mauvaise foi de la société Grim Auto n'est ainsi pas établie et la demande indemnitaire de M. [W] ne peut prospérer sur ce fondement.

M. [W] fait également grief à son vendeur d'avoir failli à son devoir d'information et de conseil s'agissant de la disponibilité du véhicule, de son kilométrage et de la campagne de rappel.

Les erreurs successives de la SAS Grim Auto dans les informations transmises à l'acquéreur ont donné lieu à divers bons de commande rectifiés. Néanmoins, les informations fournies dans le dernier bon de commande du 30 juin 2020, accepté par M. [W], sont correctes': les propositions commerciales établies ont toujours fait état d'un véhicule de démonstration.

Par essence, le véhicule qui présentait un kilométrage de 154 kms le 12 juin 2020 était destiné à avoir un kilométrage plus important le jour de la livraison. Le bon de commande signé le 30 juin 2020 mentionne un kilométrage de 1'000 kms.

Par ailleurs ces griefs sont sans lien avec le préjudice allégué par M. [W] (perte de jouissance, décote du véhicule) de telle sorte qu'aucune faute n'est caractérisée s'agissant du kilométrage ou de la disponibilité du véhicule, les parties s'étant accordées sur une livraison au plus tard le 20 septembre 2020. Il convient en effet de distinguer la question relative à la disponibilité du véhicule et celle liée au retard de livraison consécutif à la campagne de rappel. Le tribunal a pu justement observer que les tergiversations relatives à la signature du bon de commande n'ont pas de lien avec le retard de livraison.

C'est effectivement en raison d'une campagne de rappel de la marque Ford dont il a appris l'existence le 12 août 2020, que M. [W] n'a pu prendre livraison du véhicule que le 13 mars 2021. Cette information lui a été confirmée le 1er septembre 2020 par la SAS Grim Auto. M. [W] indique que si cette campagne de rappel ne peut être imputée à la société Grim Auto, cet évènement ne peut être considéré comme un cas de force majeure permettant d'exonérer le vendeur de sa responsabilité. Ce faisant, il reproche à la SAS Grim Auto un retard dans la livraison du véhicule donc un manquement à son obligation contractuelle de délivrance.

Il apparaît cependant que la société Grim Auto concessionnaire ne pouvait anticiper ni prévoir cette campagne de rappel qui constitue un évènement indépendant de sa volonté, imprévisible et irrésistible.

Enfin et surtout, M. [W] ne démontre pas l'existence d'un préjudice consécutif au retard dans la livraison':

-il a bénéficié d'un véhicule de remplacement pendant toute la période d'attente. Bien qu'il rapporte la preuve qu'il a dû avancer les factures de location auprès d'une entreprise pour la période du 10 septembre 2020 au 13 mars 2021, il n'est pas contesté et il résulte des échanges de mails qu'il en a été remboursé. En conséquence, M. [W] ayant bénéficié d'un prêt de voiture équivalente pendant toute la période de retard dans la livraison, et ce à titre gratuit, le préjudice de jouissance n'est pas caractérisé.

-la SAS Grim Auto a formulé une offre commerciale pour une remise sur des barres de toit,

-le véhicule a été livré chargé en électricité, avec le plein d'essence, les barres de toit posées,

-la SAS FMC Automobiles lui a proposé de lui offrir un contrat d'entretien, un contrat pièces et offert une carte de carburant de 300 euros.

S'agissant de la décote du véhicule, M. [W] explique avoir acheté un véhicule d'une valeur de 47'350 euros et bénéficié sur ce montant de plusieurs reprises du fait d'aides gouvernementales. Selon ses déclarations le bonus écologique était versé pour l'achat d'un véhicule non polluant à compter du 1er juin 2020 (dans la limite de 200'000 véhicules). Il était donc nécessaire d'acheter rapidement pour bénéficier des primes. Le véhicule a subi une décote entre la date limite de livraison (20 septembre 2020) et la date de livraison effective (13 mars 2021). Lorsqu'il revendra son véhicule, il revendra un véhicule plus ancien que celui qu'il aurait pu acquérir au mois de mars 2021, mais il n'aurait en ce cas pas bénéficié des aides d'Etat. Il n'a pas subi le poids de cette décote puisqu'il n'a pas revendu ce véhicule.

Or, seuls sont indemnisés les dommages qui sont certains et non pas éventuels. En l'absence de preuve selon laquelle M. [W] souhaitait revendre son véhicule avant le 13 mars 2021, le préjudice n'est pas certain. En effet, le véhicule aurait dans tous les cas enregistré une décote dans l'année.

En tout état de cause, le préjudice de décote n'aurait pas été provoqué par le manquement à l'obligation d'information mais bien par le retard de livraison, de telle sorte qu'aucun lien de causalité n'aurait pu être caractérisé.

En conséquence, le jugement sera corrigé en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes d'indemnisations présentées au titre du préjudice de jouissance et de décote.

II-Sur la délivrance du contrat d'entretien et le point de départ des garanties':

La société Grim Auto fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'elle devait la garantie «'constructeur'» jusqu'au 20 mai 2027 et la garantie Ford Protect jusqu'au 20 mai 2025. Elle déclare être un simple revendeur de la marque Ford, n'avoir ainsi aucune qualité pour procéder à la modification des garanties attachées à la chose vendue. Elle considère n'être redevable d'aucune garantie personnelle à l'exception des garanties transmises avec la chose vendue.

Sur ce,

L'article 1103 du code civil dispose que «'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'».

L'article 1104 du code civil dispose que «'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public'».

L'obligation de délivrance du vendeur s'étend aux accessoires de la chose vendue, tant matériels que juridiques. Les accessoires matériels sont les objets indispensables et utiles à l'usage de la chose et les accessoires juridiques sont transmis de plein droit à l'acquéreur par l'effet de la vente (droits et actions en justices attachées au bien vendu).

L'article 1199 du code civil dispose que «'le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties'».

En l'espèce, les juges de première instance ont condamné la SAS Grim Auto à remettre à M. [W] un contrat d'entretien faisant débuter les garanties au jour de la réception du véhicule soit le 13 mars 2021, jusqu'au 20 mai 2027 pour la garantie commerciale «'constructeur'» et jusqu'au 20 mai 2025 pour la garantie Ford Protect.

Les parties sont d'accord sur le fait que M. [W] doit bénéficier d'une «'garantie constructeur'» et d'une garantie Ford Protect. Cependant, aucune d'elles ne retient la même durée de garantie':

-M. [W] sollicite la confirmation du jugement et souligne la contradiction des mentions relatives à la garantie

-La SAS Grim Auto fait valoir que la «'garantie constructeur'» est de 7 ans et que la garantie Ford Protect est de deux ans supplémentaires mais souligne qu'elle ne peut être tenue de garanties données par une autre personne juridique.

-la SAS FMC Automobiles fait valoir que la «'garantie constructeur'» est de 2 ans à compter de la première mise en circulation et que la garantie Ford Protect est d'une durée de 3 ans ou 100'000 kms soit une échéance au 13 mars 2026 ou 100'000 kms à la première des deux échéances'; le contrat d'entretien a pour point de départ le 13 mars 2021 et pour échéance le 13 avril 2024.

Les contradictions entre les dates d'échéance des garanties tiennent notamment au fait que les documents signés par la société Grim Auto et M. [W] sont en contradiction avec les conditions générales de vente produites par la SAS FMC Automobiles qui stipulent en leur article 10.1.2'que : «'la SAS FMC Automobiles garantit que si une pièce quelconque, ou la peinture de la carrosserie du véhicule acheté présentait une défaillance due à un défaut de matière ou de fabrication pendant une période de 2 ans à compter de la livraison effective du véhicule au premier client, ou à un intermédiaire, la pièce sera réparée ou reconditionnée une usine ou remplacée gratuitement et/ou la peinture réparée, par le concessionnaire-vendeur ou l'un quelconque des réparateurs agréés ou agents agréés Ford de l'Union Européenne, même si le véhicule a changé de propriétaire'».

M. [W] lui-même ne tire pas les conclusions de ses propres constatations puisqu'il conclut à la confirmation du jugement qui retient comme échéance de la garantie constructeur la date du 20 mai 2027 ( soit 7 ans après la date de mise en circulation) et le 20 mai 2025 pour la garantie Ford Protect tout en constatant que la société Ford a reporté le point de départ des garanties au 13 mai 2021.

Le bon de commande du 30 juin 2020 mentionne une garantie constructeur allant jusqu'au 20 mai 2027 (soit 7 ans après la première mise en circulation) Ce bon de commande est signé des deux parties.

Enfin M. [W] a transmis le contrat Ford Protect (extension de garantie) daté du 7 janvier 2020, signé par lui et par la société Grim Auto et prévoyant':

«'Date de début de garantie constructeur': 30 juin 2020

Date de début de garantie du contrat Ford Protect': 2 ans après la date de début de garantie constructeur

Date d'expiration du contrat Ford Protect': 20 mai 2025'»

Il est précisé dans le contrat Ford Protect que la garantie est de 60 mois, garantie constructeur de 24 mois incluse.

Ceci étant observé, il doit être également souligné que la société Grim Auto qui a relevé appel de la décision sur la question des garanties, ne conteste pas la durée ou encore l'échéance des garanties fixées par le tribunal puisqu'elle se limite à contester devoir ces garanties.

En statuant comme il l'a fait, le tribunal s'est légitiment fondé sur le document contractuel le plus ancien et le plus favorable à l'acquéreur fixant la garantie constructeur au 20 mai 2027 (suivant le bon de commande).

S'agissant de la garantie Ford Protect, la société Ford reconnait devoir cette garantie jusqu'au 13 mars 2026. Cependant M. [W] comme la société Ford France sollicite la confirmation du jugement qui fixe comme échéance la date du 20 mai 2025 pour la garantie Ford Protect et la société Grim Auto est taisante sur la question de la date d'échéance. Par suite il convient de confirmer le jugement sur ce point.

Le contrat d'entretien est de trois ans après la mise en service. La société Ford a fixé l'échéance de cette garantie au 13 avril 2024.

Il en résulte que seul l'engagement pris par la société Grim Auto de voir la garantie constructeur s'étendre jusqu'au 20 mai 2027 fait réellement débat.

La SAS Grim Auto ne peut se prévaloir du fait qu'elle est un simple revendeur et qu'elle ne peut modifier les garanties ou se retrouver engagée par des garanties octroyées par la SAS FMC Automobiles puisqu'elle s'est bien engagée personnellement, à l'égard de M. [W], tel que cela ressort des documents produits aux débats. Par ailleurs ce n'est pas une modification des délais qui est sollicitée mais simplement le respect des prescriptions des conditions générales de vente de Ford et la production d'un contrat d'entretien à l'attention de M. [W] comportant les bonnes durées de garantie.

Il convient également de rappeler que la SAS Grim Auto est un concessionnaire automobile FORD et que la SMC FMC Automobiles représente Ford France. Le concessionnaire réalise plusieurs missions dont la vente de voitures neuves, la vente de voitures d'occasion et le service après-vente (entretien et réparation du véhicule).

Il revient donc au concessionnaire d'assurer les garanties contractuellement convenues avec ses clients.

Il incombe ainsi à la société Grim Auto qui a promis à M. [W] une garantie constructeur d'en assumer la charge sans pouvoir exiger de la société Ford France d'autres engagements que ceux contenus dans les conditions générales de vente. Il s'ensuit que la société Grim Auto devra, sans recours contre la société Ford France, assurer à M. [W] les prestations dues au titre de la garantie constructeur au-delà de la date du 13 mars 2026 à laquelle la société Ford France s'est engagée et jusqu'au 20 mai 2027.

III - Sur les autres demandes':

La société Grim Auto et M. [W] succombant en leurs demandes seront condamnés aux dépens par moitié.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Ford France ses frais de défense. La société Grim Auto sera condamnée à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la SAS Grim Auto à verser à la société FMC Automobiles SAS-Ford France, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne in solidum M. [F] [W] et la SAS Grim Auto aux dépens'partagés entre eux par moitié'.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01778
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;22.01778 ?
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