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26/06/2024 | FRANCE | N°23/01596

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 26 juin 2024, 23/01596


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale













ARRET N°321



DU : 26 Juin 2024



N° RG 23/01596 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GCIU

ADV

Arrêt rendu le Vingt six Juin deux mille vingt quatre



Décision dont appel : Ordonnance de Référé, origine Président du TJ de CUSSET, décision attaquée en date du 20 Septembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00103



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VAC

HERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des ...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°321

DU : 26 Juin 2024

N° RG 23/01596 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GCIU

ADV

Arrêt rendu le Vingt six Juin deux mille vingt quatre

Décision dont appel : Ordonnance de Référé, origine Président du TJ de CUSSET, décision attaquée en date du 20 Septembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00103

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et Mme Céline DHOME, greffier lors du prononcé

ENTRE :

Mme [Z] [M] veuve [I]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Maître Laurent GARD de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro C63113-2023-003041 du 01/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

S.C.M. DELAIRE-FREZARD-THOMAS

N° SIREN 344 832 266

[Adresse 6]

[Localité 1]

et

La MACSF assureur de la SCM DELAIRE-FREZARD-THOMAS

Cours du triangle

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentants : Maître Elise BAYET de la SCP LALOY - BAYET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY (avocat postulant) et Maître Dominique DECAMPS MINI de la SELARL THEIS AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER (avocat plaidant)

INTIMÉES

DEBATS : A l'audience publique du 06 Mars 2024 Madame [N] a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC.

ARRET :

Prononcé publiquement le 26 Juin 2024, après prorogé du délibéré initiallement prévu le 02 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Céline DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [Z] [I] a été victime d'une chute le 16 janvier 2023 alors qu'elle se rendait au cabinet d'ophtalmologie de la SCM Delaire Frezard Thomas. Elle a ensuite été transportée aux urgences du centre hospitalier de [Localité 7] et un certificat médical a été rédigé par un médecin interne, faisant état de plusieurs factures et difficultés.

Mme [I] a été opérée le 19 janvier 2023 et le chirurgien a réalisé une hémi-arthroplastie totale de la hanche gauche.

Par acte du 20 juillet 2023, Mme [I] a fait assigner en référé la SCM Delaire Frezard Thomas aux fins de voir organiser une expertise judiciaire technique et une expertise judiciaire médicale.

Par ordonnance du 20 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Cusset a ordonné une mesure d'expertise judiciaire médicale et désigné à cette fin le Dr [E] et à son défaut le Dr [U].

La demande d'expertise « technique » présentée afin d'obtenir la communication de certains documents permettant de connaître le nom des personnes ayant assisté à sa chute a été rejetée comme incompatible avec le secret professionnel incombant aux ophtalmologues de la SCM. Le juge des référés a par ailleurs rappelé qu'il ne lui appartenait pas d'organiser une enquête civile pour palier la carence de Mme [I] dans l'administration de la preuve.

Mme [I] a relevé appel de cette décision suivant déclaration du 12 octobre 2023.

Aux termes de conclusions notifiées le 2 février 2024, l'appelante demande à la cour :

-d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté les parties du surplus de leurs demandes et l'a condamnée aux dépens.

-la réformant et statuant à nouveau, d'ordonner une mesure d'instruction confiée à tel expert qu'il plaira avec pour mission :

-De réunir contradictoirement les parties après les avoir dûment convoquées ;

-De les entendre contradictoirement en leurs explications et observations ;

-De se faire remettre par la SCM Delaire Frezard Thomas : sa déclaration de sinistre auprès de la MACSF, ainsi que les noms et coordonnées des personnes présentes et du personnel en poste en salle d'accueil le lundi 16 janvier 2023 matin,

-D'entendre, en présence des parties, tous les témoins de la scène, y compris parmi le personnel du cabinet d'ophtalmologie, et de recueillir et consigner leurs déclarations et témoignages au sujet de l'accident survenu le lundi 16 janvier 2023, d'entendre tous sachants afin de reconstituer circonstances de l'accident dont elle a été victime

-De donner son avis sur les causes de l'accident et le rôle de la baie coulissante automatique dans le processus accidentel et à cet effet, se faire remettre les fiches d'entretien et d'interventions, ainsi que les factures relatives à la maintenance ou à la réparation de ladite porte automatique coulissante, pour la période avant et après le 16 janvier 2023 ;

-Décrire le système de fonctionnement de la baie coulissante en ouverture et fermeture, rechercher tous les indices, matériels ou physiques, y compris par référence aux blessures occasionnées, permettant de fournir son avis sur les causes de l'accident et en particulier sur l'intervention matérielle de la porte coulissante et son rôle causal dans la chute de la victime et les blessures contractées.

De confirmer pour le surplus relatif à la mesure d'expertise médicale confiée au Docteur [T]-[S] [E] avec la mission qui lui a été impartie par le premier juge.

L'appelante assure avoir été victime d'une fermeture intempestive de la porte coulissante et indique qu'une expertise est nécessaire pour avoir un avis technique sur l'implication de la porte automatique coulissante dans le processus accidentel par la vérification de son mode de fonctionnement et l'examen de son système de sécurité et de commande automatique.

Elle fait valoir que l'article 146 ne trouvent pas à s'appliquer dans le cadre d'un référé probatoire fondé sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.

Elle estime que les témoignages des personnes présentes ne peuvent être recueillis sans disposer de la liste des patients présents au cabinet.

Concernant le fonctionnement de la porte elle relève dans les pièces produites par les intimés une série de défaillances qui justifient selon elle l'expertise sollicitée.

Par conclusions notifiées le 22 janvier 2024, la SCM Delaire Frezard Thomas et son assureur la MACSF demandent à la cour de :

-déclarer Madame [I] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;

-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [I], du surplus de ses demandes y compris de sa demande d'expertise technique et l'a condamné aux entiers dépens ;

Et sur son appel incident,

-déclarer la SCM Delaire Frezard Thomas recevable et bien fondée en son appel incident ;

-Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté la SCM Delaire Frezard Thomas du surplus de ses demandes et ordonné une mesure d'expertise médicale commettant le Docteur [E] pour y procéder ;

Et statuant à nouveau,

Débouter Mme [Z] [I] de l'ensemble de ses demandes, y compris sa demande d'expertise médicale,

Condamner Mme [I] à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Mme [I] aux entiers dépens.

Elles rappellent que les mesures d'instruction sollicitées ne doivent pas conduire à avoir un pouvoir général d'investigation ; qu'il est difficilement imaginable qu'un expert quelconque puisse se prononcer sur le fonctionnement mécanique de la porte mais également sur les causes de l'accident et les blessures de l'appelante.

Elles considèrent que c'est à bon droit que le juge des référés a rejeté la demande d'expertise technique.et rappellent que si tant est que l'expert désigné soit un professionnel de santé, il est impossible de communiquer la liste des patients présents la levée du secret médical n'étant possible que lorsque les professionnels appartiennent à la même équipe de soins, ce qui leur permet un accès aux informations des patients nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins.

En revanche elles soutiennent que Mme [I] ne rapporte pas la preuve que la porte l'a heurtée et fait chuter et qu'elle a ainsi eu un rôle actif dans la réalisation du dommage ou que cette porte à un caractère anormal.

Elle ajoute que cette porte est entretenue deux fois par an et qu'elle est aux normes.

En considération de ces éléments, elles soutiennent que Mme [I] n'était pas légitime à obtenir la désignation d'un expert médical.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2024.

Motifs :

Suivant les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

Mme [I] sollicite une mesure d'expertise afin que l'expert désigné :

1-se fasse remettre par la SCP Delaire Frezard Thomas : sa déclaration de sinistre auprès de la MACSF, ainsi que les noms et coordonnées des personnes présentes et du personnel en poste en salle d'accueil le lundi 16 janvier 2023 matin.

2-entende les témoins de la scène, recueille et consigne leurs déclarations et entende tous sachants afin de reconstituer les circonstances de l'accident dont elle a été victime,

3-donne son avis sur les causes de l'accident et le rôle causal de la baie coulissante et se fasse remettre les fiches d'entretien et d'interventions, ainsi que les factures relatives à la maintenance ou à la réparation de ladite porte automatique coulissante, pour la période avant et après le 16 janvier 2023 ;

4-Décrive le système de fonctionnement de la baie coulissante en ouverture et fermeture, rechercher tous les indices, matériels ou physiques, y compris par référence aux blessures occasionnées, permettant de fournir son avis sur les causes de l'accident et en particulier sur l'intervention matérielle de la porte coulissante et son rôle causal dans la chute de la victime et les blessures contractées.

Les deux premiers points de l'expertise sollicitée ne sont d'une part pas indispensables à l'exercice du droit de la preuve, et excèdent le caractère légalement admissible prévu par le texte.

En effet, il n'est pas nécessaire d'ordonner une expertise là où Mme [I] peut faire délivrer à la SCP Delaire Frezard Thomas une sommation interpellative d'avoir à lui communiquer le nom de ses employés présents à l'accueil ou encore la déclaration de sinistre auprès de la MACSF.

Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a justement considéré que la demande relative aux coordonnées des patients présents dans la salle, au fichier client et à l'agenda de rendez-vous se heurte aux dispositions de l'article L1110-4 du code de la santé publique.

Enfin cette demande s'analyse comme une véritable enquête civile dans laquelle l'expert aurait pour mission non pas d'apporter uniquement un éclairage technique sur les causes de l'accident, mais de se comporter comme un enquêteur en procédant à des auditions.

Les points 3 et 4 portent sur le fonctionnement de la porte coulissante. Cependant cette demande intervient plus de 6 mois après les faits. L'intimé justifie de l'achat de la porte le 8 juillet 2022, d'un contrat de maintenance souscrit en 2006, de la facture d'entretien pour la période 2022/2023. La visite de contrôle a eu lieu le 6 octobre 2022, tous les organes de fonctionnement de la porte ont été vérifiés et seule la batterie de secours devait être changée, ce qui a été fait le 10 octobre 2022. La même vérification a été opérée au mois d'avril 2023.

Il appartenait à Mme [I] de faire procéder si elle le jugeait nécessaire à un constat d'huissier dans les heures suivant l'accident. Au regard des pièces produites par l'intimée et du temps écoulé la mesure d'expertise sollicitée apparaît inutile à la résolution du litige.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise technique.

La SCP Delaire Frezard Thomas conclut par ailleurs à l'infirmation de la décision en ce qu'elle a fait droit à la demande d'expertise médicale.

Il n'est toutefois pas contesté que Mme [I] a chuté dans le sas d'entrée du cabinet d'ophtalmologie ; qu'elle a été examinée le jour même par un médecin interne qui a constaté notamment son impossibilité à se tenir debout et à la marche, une fracture basi-cervicale non déplacée du col à gauche et une fracture comminutive de la branche ilio pubienne gauche avec infiltration hématique des parties molles adjacentes.

Mme [I] a ainsi justifié de blessures et de l'opération qui a suivi le 19 janvier 2023. Elle justifiait, ainsi que l'a retenu le tribunal d'un intérêt légitime à voir préciser l'étendue de son préjudice corporel.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise médicale qui a d'ailleurs déjà été réalisée.

Mme [I] succombant en son appel et la mesure d'expertise ordonnée lui profitant, cette dernière sera condamnée aux dépens.

La SCP Delaire Frezard Thomas ayant dû engager des frais de défense en cause d'appel, il serait inéquitable de laisser à sa charge l'intégralité de ces frais.

Mme [I] sera condamnée à leur verser la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement , par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne Mme [Z] [M] veuve [I] à verser à la SCP Delaire Frezard Thomas la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [Z] [M] veuve [I] aux dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/01596
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.01596 ?
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