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26/06/2024 | FRANCE | N°23/00502

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 26 juin 2024, 23/00502


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale













ARRET N° 318



DU : 26 Juin 2024



N° RG 23/00502 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7FF



Arrêt rendu le Vingt six Juin deux mille vingt quatre



Décision dont appel : Jugement au fond, origine Tribunal de Commerce de MONTLUÇON, décision attaquée en date du 10 Mars 2023



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme V

irginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et de Mme Céline DHOME lors du...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N° 318

DU : 26 Juin 2024

N° RG 23/00502 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7FF

Arrêt rendu le Vingt six Juin deux mille vingt quatre

Décision dont appel : Jugement au fond, origine Tribunal de Commerce de MONTLUÇON, décision attaquée en date du 10 Mars 2023

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et de Mme Céline DHOME lors du prononcé

ENTRE :

S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Maître Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM- CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

S.A.R.L. BC RESTAURATION

N° SIRET : 824 556 369

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentants : Maître Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et Maître Christophe BALLORIN de la SELARL BALLORIN-BAUDRY, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉ

DEBATS : A l'audience publique du 06 Mars 2024 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 26 Juin 2024.

ARRET : Prononcé publiquement le 26 Juin 2024 après prorogé du délibéré initiallement prévu le 15 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Céline DHOME, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SARL BC Restauration a conclu le 23 février 2017 avec la SA AXA France IARD un contrat d'assurance multirisque de l'entreprise par l'intermédiaire d'un courtier en assurance, la société ICS ASSURANCES, ayant pour objet d'assurer l'activité de « station-service autoroutière et restauration », exploitée sous l'enseigne AVIA.

Le 14 mars 2020, le Ministre des Solidarités et de la Santé, a pris un arrêté dans le cadre de la crise sanitaire qui a affecté l'activité de restauration exploitée par la SARL BC Restauration.

Pour autant, suivant les dispositions réglementaires et législatives qui se sont succédées lors des deux périodes de confinement (arrêté du 14 mars 2020, décret n°2020-293 du 23 mars 2020, décret n°2020-548 du 11 mai 2020, décret n°2020-663 du 31 mai 2020 et décret n°2020-1310 du 29 octobre 2020), les stations-services ont fait parties des commerces de première nécessité dont la fermeture n'a pas été rendue obligatoire.

Par exploit d'huissier du 25 mai 2021, la SARL BC Restauration a assigné la société AXA France IARD devant le tribunal de commerce de Montluçon au visa de l'article L. 113-1 alinéa 1 du code des assurances, afin de voir notamment :

- dire et juger réputée non écrite et inopposable à la société BC Restauration la clause contractuelle d'exclusion,

- condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 756.520 euros à titre de provision sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement à intervenir,

-condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

-désigner tel expert judiciaire qu'il plaira au tribunal de nommer pour la détermination des pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance.

Par jugement rendu le 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Montluçon a, entre autres dispositions :

- déclaré non écrite la clause d'exclusion de garantie « perte d'exploitation » au titre des 2 fermetures administratives en cas d'épidémies dont se prévaut la SA AXA France IARD en pages 13 de l'annexe 4 chapitre XVI des conditions particulières de la police d'assurance-dommage aux biens et RC périls dénommés avec volet « tous dommages sauf »

-en conséquence, déclaré la demande en paiement de la garantie « perte d'exploitation » formée par la société BC Restauration recevable mais partiellement fondée, au titre des 2 fermetures administratives des restaurants ordonnées par le gouvernement pour les périodes du 16 mars 2020 au 1er juin 2020 et du 30 octobre 2020 au 28 février 2021,

- constaté que l'indemnisation maximale sera plafonnée à la somme de 306.700€ par fermeture administrative

- condamné la société AXA France IARD à porter et payer à la société BC Restauration la somme de 60.000 euros à titre de provision,

- dit que l'estimation de la perte d'exploitation est imparfaite et par conséquent :

- ordonné une expertise judiciaire confiée à Mme [E] [X],

- sursis à statuer sur la liquidation définitive du préjudice subi par la demanderesse dans l'attente de la remise du rapport de l'expert judiciaire,

-débouté la société BC Restauration de sa demande en paiement à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- réservé les demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision n'a pas été frappée d'appel.

Mme [X], expert judiciaire, a déposé son rapport le 22 avril 2022.

Par jugement du 10 mars 2023 le tribunal de commerce de Montluçon a :

- condamné la SA AXA France lARD à porter et payer, en deniers et quittances valables, à la société BC Restauration, la somme de 143.554 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 avec anatocisme, au titre de la garantie Pertes d'exploitation,

- débouté la SARL BC Restauration de sa demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné la SA AXA France IARD à payer à la société BC Restauration la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA AXA France IARD aux entiers dépens, ce comprenant les frais d'expertise et les frais de greffe liquidés à la somme de 181,87 euros,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Par déclaration du 20 mars 2023, la SA AXA France IARD a relevé appel de cette décision.

Suivant conclusions signifiées le 12 septembre 2023, la SARL BC Restauration a formé appel incident.

Aux termes de conclusions notifiées le 23 janvier 2024, la SA AXA France IARD demande à la cour de :

-prononcer la nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Montluçon le 10 mars 2023

A défaut :

-réformer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter la société BC Restauration de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-la condamner à lui porter et payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

-réformer le jugement dont appel en ce qu'il a assorti la condamnation des intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 avec anatocisme,

En conséquence :

-rejeter la demande tendant à voir assortir la condamnation des intérêts avec anatocisme à compter du 16 mars 2020,

-rejeter l'appel incident de la SARL BC Restauration, confirmer le jugement pour le surplus.

-déclarer irrecevable la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SARL BC Restauration dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 11 janvier 2024

A défaut l'en débouter,

-débouter la SARL BC Restauration de toutes ses autres demandes, fins et conclusions, et en particulier de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel

-condamner la SARL BC Restauration aux entiers dépens et faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à la SELARL Lexavoue [Localité 6] [Localité 5] prise en la personne de Me Gutton.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

-Sur la nullité :

Le tribunal a constaté qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la somme versée par le loueur de fonds de 233.380 euros pour le calcul de la marge brute à indemniser, dès lors que cette somme est susceptible d'être restituée au terme de la clause de retour à meilleure fortune. Il s'est fondé sur un protocole d'aide au maintien de l'activité des locataires gérant, qui ne figure pas au BCP et qui ne lui a jamais été transmis.

-Sur le fond :

La Cour de cassation a reconnu la validité des clauses d'exclusion dès lors qu'elles sont formelles et limitées, ce qui est le cas en l'espèce.

Il convenait de retenir l'incidence de la subvention d'équilibre, qui a permis de compenser l'entier préjudice né de la fermeture administrative subie par la partie restauration de la SARL BC Restauration ; qu'il n'est en outre pas justifié que le retour à meilleur fortune observé ait entraîné un remboursement de cette subvention.

La subvention a fait disparaitre la seule et unique condition pouvant justifier le versement de l'indemnité par l'assureur à savoir la perte d'exploitation puisque cette perte n'est plus.

Subsidiairement :

-Sur la période d'indemnisation :

La période garantie est limitée à 3 mois (accord de la société BC restauration sur ce point).

-Sur les circonstances :

Aux termes du contrat, le « sinistre » n'est ni l'épidémie, ni le confinement général de la population, ni les conséquences d'une conjoncture dégradée liée à une crise sanitaire nationale mais uniquement la fermeture administrative dont les pertes d'exploitation sont les seules conséquences indemnisables.

La baisse générale significative de l'activité économique et les restrictions de déplacement imposées à la population doivent nécessairement être prises en compte afin de déterminer la réalité des dommages qui résultent exclusivement de la fermeture administrative, seul risque garanti par le contrat.

La garantie AXA France IARD porte sur les conséquences de la fermeture administrative mais en aucun cas sur les conséquences de l'épidémie en elle-même.

-Sur la perte de marge :

Il convient de tenir compte de toutes les économies réalisées durant la période de fermeture et d'en soustraire le montant, telles que les charges salariales non déboursées du fait des mesures de chômage partiel mises en 'uvre par l'Etat ou encore les dépenses non exposées (frais de cartes bancaires, redevances variables diverses, etc).

Aux termes de conclusions notifiées le 11 janvier 2024, la société BC Restauration demande à la cour :

A titre principal :

-d'infirmer, de condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 228.036 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 avec anatocisme, au titre de la garantie pertes d'exploitation sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement à intervenir

-de confirmer pour le surplus,

A titre subsidiaire :

-de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montluçon le 10 mars 2023 en ce qu'il a :

- Condamné la SA AXA France IARD à porter et payer, en deniers ou quittances valables, à la société BC Restauration la somme de 143.554 € en principal outre intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 avec anatocisme, au titre de la garantie Pertes d'exploitation,

- Condamné la SA AXA France JARD à payer à la société BC Restauration la somme de 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société AXA France JARD aux entiers dépens, ce comprenant les frais d'expertise et les frais de greffe liquidés à la somme de 181.87 €,

- Prononcé l'exécution provisoire qui est de droit,

-de condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 143.554 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 avec anatocisme, au titre de la garantie pertes d'exploitation sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement à intervenir ;

En cas d'annulation du jugement du tribunal de commerce de Montluçon du 10 mars 2023, évoquant :

A titre principal :

-de condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 228.036 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 date du refus d'AXA avec anatocisme, au titre de la garantie pertes d'exploitation,

A titre subsidiaire :

-de condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 143.554 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2020 date du refus d'AXA avec anatocisme, au titre de la garantie pertes d'exploitation

En tout état de cause :

-de condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

-de dire n'y avoir lieu à suspendre l'exécution provisoire de droit,

-de condamner la SA AXA France IARD à lui payer la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

-de condamner la SA AXA France IARD aux entiers dépens de l'instance, en incluant les frais d'expertise judicaire.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

-Sur la nullité :

Un débat contradictoire a eu lieu sur le protocole dans le cadre de l'expertise même si la pièce n'a pas été communiquée. Le contenu de ce Protocole standard et les clauses qu'il comporte étaient parfaitement connus des toutes les parties.

-Sur la validité de la clause d'exclusion :

La SA AXA France IARD doit la garantir des pertes d'exploitation subies lors des périodes de fermeture administrative liées à l'épidémie de Covid-19. Ce débat juridique n'a plus lieu d'être, seule subsiste la question de l'évaluation du préjudice qu'elle a subie.

-Sur l'indemnisation :

La subvention d'équilibre n'est en rien une subvention d'exploitation permettant à la SA AXA France IARD de s'exonérer de sa responsabilité d'assureur. Le montant de la subvention d'équilibre n'a pas à être prise en compte dès lors que cette somme doit être restituée au terme de la clause de retour à meilleure fortune et en fonction de l'indemnisation de la perte d'exploitation par la SA AXA France IARD.

Les aides perçues au titre du Fonds de solidarité ne doivent pas être prises en compte pour diminuer la perte d'exploitation subie par les restaurateurs.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.

MOTIVATION :

Sur la nullité du jugement

.

La SA AXA France IARD reproche au tribunal d'avoir statué sur la prise en compte de la subvention d'équilibre versée par le loueur de fonds, en se fondant sur un protocole d'aide au maintien de l'activité des locataires gérants lié à la situation exceptionnelle générée par la crise Covid, alors que ce protocole d'accord ne lui a jamais été communiqué, ce que reconnait la société BC Restauration.

Le jugement a donc été rendu à l'appui de pièces qui n'ont pas fait l'objet d'une communication contradictoire.

La SARL BC Restauration fait quant à elle valoir qu'un débat contradictoire a bien eu lieu entre les parties s'agissant de cette pièce, notamment lors de l'expertise, nonobstant l'absence de transmission matérielle de ce protocole. Il a été tenu compte de la subvention d'équilibre dont le montant était connu par les pièces comptables produites. Le contenu de ce protocole standard était parfaitement connu des parties de telle sorte que la seule absence de transmission matérielle ne peut constituer une violation du principe du contradictoire.

La SA AXA France IARD réplique sur ce point que le fait que cette pièce soit produite dans d'autres litiges similaires n'est pas une circonstance permettant de respecter le principe du contradictoire.

Sur ce,

L'article 16 du code de procédure civile dispose que :

 « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».

En l'espèce, au cours des opérations d'expertise, un débat est né entre les parties concernant la nécessité de prendre en compte la subvention d'équilibre pour le calcul du préjudice subi : « une discussion s'est engagée sur l'aide d'équilibre octroyée par le pétrolier, dont le montant est significatif, et dont les modalités de calcul ne sont pas déterminées au jour de la réunion. Il a été demandé à M. [S] d'obtenir du pétrolier des informations quant aux modalités d'attribution de cette aide afin de savoir dans quelles proportions cette aide devrait ou non être retenue pour le calcul du préjudice » (page 6 du rapport d'expertise).

Dans un dire n°3 en date du 4 avril 2022, la SARL BC Restauration produit une note de l'expert-comptable Me [O] qui indique qu'« en ce qui concerne l'aide versée par le pétrolier à hauteur de 233.000 euros, celle-ci n'aurait à notre sens pas lieu d'être prise en compte pour déterminer l'indemnisation contractuelle. En effet le pétrolier TDA exploitant sous l'enseigne AVIA s'est vu confier l'exploitation de ce site par la société autoroutière suite à un appel d'offre, ['] ce n'est que pour lui éviter de se retrouver en cessation de paiement qu'il lui a été accordé une aide provisoire avec une « clause de retour à meilleure fortune ».

Le conseil de la SA AXA a répondu par un dire du 13 avril 2022 dans lequel il relate que « la subvention d'équilibre compense quasiment parfaitement toute perte de la société ». Il ajoute avoir pu prendre connaissance des documents comptables et maintenir sa position.

Dans son rapport définitif, l'expert judiciaire écrit en page 17 que « la convention de la SARL [S] nous a été fournie par Me Ballorin. Nous n'avons pas vu celle de la SARL BC Restauration, mais nous procédons par analogie (à confirmer). Il se trouve que la subvention d'équilibre fait l'objet d'une clause de retour à meilleure fortune qui entraînera son reversement dès le retour à une situation favorable. Elle ne doit pas être retenue pour le calcul du préjudice indemnisable ».

L'expert judiciaire a donc précisé avoir raisonné par analogie, puisque les protocoles d'aide au maintien signés entre la société TDS et ses partenaires sont tous les mêmes.

Le respect du principe du contradictoire s'apprécie in concreto et il ressort de ces différents éléments que la SA AXA France IARD avait connaissance de l'existence de cette subvention d'équilibre et qu'une discussion s'est engagée entre les parties sur la nécessité de tenir compte de cette indemnité dans l'évaluation du préjudice de la société BC Restauration. De plus, la SA AXA France IARD ne s'est jamais préalablement manifestée pour en obtenir la communication, de telle sorte qu'elle avait les éléments suffisants pour faire valoir ses observations sur ce point.

Ainsi, un débat contradictoire a eu lieu concernant la prise en compte de la subvention d'équilibre versée par le pétrolier à son locataire-gérant (dont l'existence et le montant étaient connus de tous) même si la pièce litigieuse n'a pas été produite aux débats : le principe du contradictoire a donc été respecté et le jugement n'encourt pas la nullité. La SA AXA France sera déboutée de cette demande.

A titre surabondant la pièce étant produite devant la cour, même si le jugement avait été annulé, la cour aurait dû évoquer le litige et constater que la pièce était produite devant la cour.

Sur la validité de la clause d'exclusion :

Le débat juridique relatif à la validité de la clause d'exclusion figurant au contrat d'assurance a été tranché par le tribunal de commerce de Montluçon par jugement du 3 septembre 2021. Ce jugement n'a pas été frappé d'appel.

Dans ces circonstances, la SA AXA France IARD doit garantir la SARL BC Restauration des pertes d'exploitation subies lors des périodes de fermeture administrative liées à l'épidémie de covid-19, et ce, tel que prévu au contrat :

'La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l'assuré

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication [...]'.

Le rappel de l'évolution jurisprudentiel et de « l'environnement judiciaire du dossier » ne peut permettre à l'appelante de voir juger le dossier sur d'autres bases que celles de la décision du 3 septembre 2021.

Sur la demande d'indemnisation de la SARL BC Restauration 

-Sur la prise en compte de la subvention d'équilibre :

La SA AXA France IARD fait valoir que la SARL BC Restauration a bénéficié de la société TDA, propriétaire du fonds de commerce, d'une subvention d'équilibre d'un montant de 233.380 euros pour l'année 2020 ; qu'il s'agit de loyers dus par la SARL BC Restauration à la société TDA qui ont été gelés, ce gel s'étant traduit comptablement par l'écriture en compte d'une subvention d'équilibre. Elle considère que cette subvention a permis de compenser l'entier préjudice né de la fermeture administrative subie par la partie restauration de la SARL BC Restauration puisqu'elle est d'un montant supérieur à la somme retenue par l'expert au titre des pertes d'exploitation.

Elle souligne qu'il n'est pas justifié de ce que le retour à meilleur fortune observé depuis la fin de la crise sanitaire ait entraîné le remboursement de la subvention et conclut qu'au regard de l'accord intervenu, cette subvention ne sera pas restituée et que par conséquent, le bénéfice de cette subvention fait disparaître la seule et unique condition pouvant justifier le versement d'une indemnité par l'assureur, à savoir la perte d'exploitation puisque cette perte n'est plus.

Le « Protocole d'aide au maintien de l'activité des locataires-gérants lié à la situation exceptionnelle générée par la crise Covid » est produit aux débats.

Il est rappelé aux termes de ce protocole que :

-que la société opère sur la moitié Est de la France, des activités de distribution de carburants, de boutiques et de restauration sur une cinquantaine d'aires de service du réseau autoroutier français dans le cadre de contrats signés avec des sociétés d'autoroutes ou avec les services de l'Etat ou des collectivités territoriales ; que les contrats dont la société TDA est attributaire sont considérés comme des autorisations d'occupation du domaine public, prévoyant la construction d'installations par la société et l'exploitation d'activités 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, selon un cahier des charges découlant des obligations de service public fixées par l'Etat ; que la permanence d'exploitation des activités est une clause essentielle du contrat liant la société TDA à son concédant, et qu'en cas d'interruption, elle s'expose à des astreintes journalières et à une rupture de son contrat ;

-que la société TDA a choisi de confier l'exploitation du fonds de commerce à une société exploitante sous le régime juridique de la location-gérance consentie moyennant le paiement par le locataire-gérant d'un loyer calculé en fonction des prévisions de chiffres d'affaires établies par activité sur une période portant sur l'exercice comptable de la société et afin de permettre au locataire-gérant de dégager un fonds de roulement positif pour la durée de l'exercice comptable ;

- que la crise covid et les mesures administratives de fermeture de la restauration ont provoqué une diminution drastique de l'activité des locataires-gérants ; que le capital social des sociétés des locataires-gérants étant modique, la perte de plus de 50 % déclenchant les mesures prévues par l'article L.223-42 du code de commerce a été rapide ; que la société TDA étant tenue de maintenir l'exploitation de ses sites et devant assurer la survie de ses locataires-gérants, a apporté un concours financier aux sociétés afin que celles-ci ne soient pas placées en redressement judiciaire ou mises en liquidation car en cas de déclenchement de ces procédures, un administrateur judiciaire aurait été amené à gérer l'exploitation, ce qui n'est pas autorisé par les contrats passés entre TDA et ses concédants.

Aussi, il a été décidé entre la société TDA et la société exploitante, la SARL BC Restauration : 'TDA a mis en place un gel des loyers à compter du déclenchement de la crise covid ; les loyers ont été facturés mais non prélevés afin de préserver la trésorerie de la Société.

En fin d'exercice, soit le 30/09/2020, une étude conjointe de l'arrêté de gestion de fin d'exercice a été réalisée entre TDA et la Société. Le résultat de la Société s'avérant déficitaire à hauteur de - 233.380€ HT, malgré une gestion par le locataire gérant en bon père de famille, une subvention d'équilibre d'un montant de 233.000€ HT a été accordée à la Société par TDA.

La Société a accepté, dès retour à meilleure fortune de ses comptes, le versement sur un ou plusieurs exercices d'ajustements de loyers à hauteur de ceux effectivement prélevés au titre de l'année 2019, année 'pré-covid' en fonction de son exploitation.

Dans le cas où l'arrêté de compte des exercices post-2020 serait également déficitaire, toujours dans le cadre d'une gestion de la société en bon père de famille et en fonction de l'indemnisation de sa perte d'exploitation par son assureur dans le cadre de son contrat multirisques, alors le montant serait reporté à l'exercice suivant.

Cette disposition s'éteindra à la fin du contrat de location-gérance passé entre TDA et la Société sans pour autant entrer dans un solde de tous comptes ».

L'expert judiciaire, Mme [X], expert-comptable, a considéré que cette subvention avait pour vocation de couvrir une réduction d'activité mais qu'elle ne couvrait pas que la période de sinistralité ; qu'il se trouve que la subvention d'équilibre fait l'objet d'une clause de retour à meilleure fortune qui entraînera son reversement dès le retour à une situation favorable ; qu'elle ne peut donc pas être retenue pour le calcul du préjudice indemnisable.

La subvention litigieuse n'est pas une subvention d'exploitation: il a effectivement été prévu que les loyers restaient dus mais que les prélèvements étaient gelés, leur paiement était reporté, non à une date précise, mais à l'occasion d'un retour à meilleure fortune. Elle doit être analysée comme une avance faite par la société TDA et le cabinet comptable de la SARL BC Restauration l'a comptabilisée en ce sens. Cette somme perçue au titre du protocole est soumise à une clause de retour à meilleur fortune et à remboursement en cas d'indemnisation de la perte d'exploitation par l'assureur.

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a énoncé qu'il ne serait pas tenu compte de la somme versée par le loueur de fonds de 233.380 euros pour le calcul de la marge brute à indemniser.

-Sur la période d'indemnisation :

La société AXA France IARD demande à la cour de constater que la perte d'exploitation au titre du mois de février 2021 ne doit pas être prise en compte. Les parties étant d'accord sur ce point, il n'y a pas lieu à statuer sur cette question mais simplement d'en tenir compte dans l'évaluation du sinistre.

-Sur la prise en compte des circonstances liées au covid-19 :

La SA AXA France IARD soutient qu'aux termes du contrat, le 'sinistre' est uniquement la fermeture administrative dont les pertes d'exploitation sont les seules conséquences indemnisables ; que les pertes d'exploitation indemnisables doivent exclusivement résulter du sinistre garanti, soit en l'espèce d'une fermeture administrative puisqu'il s'agit de mobiliser l'extension de garantie 'suite à fermeture administrative' ; qu'il y a donc lieu de tenir compte du contexte épidémique lié au covid-19 qui aurait nécessairement eu pour effet d'entraîner une baisse du chiffre d'affaires de l'assuré, et ce, indépendamment de toute fermeture administrative de l'établissement concerné ; qu'une étude réalisée en Suède démontre la baisse d'activité des restaurants qui n'ont pourtant fait l'objet d'aucune mesure administrative, à savoir une baisse de volume des ventes approchant les 40 %.La garantie de la SA AXA France IARD ne couvre que la perte de chiffre d'affaires du fait de la fermeture administrative et non du fait du confinement généralisé, qui a nécessairement entraîné une diminution de ce dernier. Les stations-services ont quant à elles, fait partie des commerces de première nécessité dont la fermeture n'a pas été rendue obligatoire.

Aussi, elle demande de prendre en compte un coefficient d'évolution du chiffre d'affaires de - 70,46 % sur la première vague et de - 41,26 % sur la seconde et à défaut le chiffre de -37,21% retenu par l'expert.

Néanmoins, l'incidence du covid-19 ne peut être retenue à la fois comme cause de la fermeture administrative du restaurant de la SARL BC Restauration et comme facteur impactant son activité. L'épidémie et la fermeture administrative sont liées par la définition même de la garantie et par les dommages qui en résultent puisque l'épidémie est la cause de la fermeture administrative.

Au surplus, les facteurs externes invoqués par la SA AXA France IARD ne sont nullement définis dans les conditions générales et exposeraient les assurés à des limitations d'indemnisation arbitraires. Aussi, les conséquences de l'épidémie telles qu'une baisse de fréquentation ne constituent pas des facteurs pouvant être retenus pour réduire la marge brute.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a énoncé qu'il n'y avait pas lieu de retenir les conséquences de l'épidémie de covid-19 pour calculer la perte d'exploitation à indemniser.

-Sur la prise en compte des aides reçues de l'Etat :

Le tribunal a retenu que les aides de l'Etat devaient être déduites du dommage indemnisable au titre de la perte d'exploitation. Il a considéré que les parties avaient entendu définir contractuellement le montant du dommage indemnisable par référence au plan comptable général approuvé par arrêté du 27 avril 1982 ; qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier la pertinence de cette définition ; qu'en écartant les aides perçues au titre du fonds de solidarité la société BC Restauration se place dans la situation de recevoir une indemnité supérieure aux pertes réelles.

La SARL BC Restauration sollicite une infirmation sur ce point. Elle fait valoir que les aides perçues au titre du fonds de solidarité ne doivent pas être prises en compte dès lors que :

- l'aide financière prend la forme d'une subvention attribuée par décision du ministre de l'action et des comptes publics, et doit être enregistrée en subvention d'exploitation ; pour la détermination du chiffre d'affaires, il n'est pas tenu compte des subventions d'aides publiques perçues par l'entreprise ; aux termes des recommandations de la Fédération Française de l'Assurance à laquelle AXA fait partie, le calcul de la marge brute doit se faire sur les seuls comptes 70, 71 et 72 du plan comptable, et pas sur le compte 74 ; ces recommandations sont reprises dans les documents contractuels d'ICS et il convient de retenir cette définition telle que prévue au contrat ;

-les aides versées par l'Etat visent à couvrir les frais fixes des entreprises concernées et non la perte de marge indemnisable par AXA ;

- les conditions d'éligibilité au fonds de solidarité prévoient que les commerçants n'ont droit au fonds de solidarité qu'à la condition que les charges fixes ne soient pas prises en charge par d'autres sources, telles que les assurances ; rien ne semble indiquer que les restaurateurs ne sont pas susceptibles d'avoir à rembourser le montant perçu au titre du fonds de solidarité,

- enfin, ces aides sont l'expression de la solidarité de la nation envers les entreprises en difficultés, et une prestation de solidarité ne peut avoir de caractère indemnitaire.

L'intimé réplique que l'absence de déduction de ces aides conduirait à une double indemnisation.

L'expert a, en page 10 de son rapport, rappelé les dispositions contractuelles concernant les pertes d'exploitation, à savoir :

1) les conventions spéciales 'Périls dénommés avec volet tous dommages sauf' :

- le chapitre VIII (Pertes d'exploitation) traite des pertes résultant de la réduction du chiffre d'affaires pendant la période d'indemnisation. Il définit la marge brute annuelle par la différence entre :

d'une part le total chiffre d'affaires, production stockée et production immobilisée (N°70-71-72) ;

et d'autre part, les achats de marchandises et matières, emballages, variations de stocks, rabais remises et frais de transport (N°601, 602, 603, 607, 609 et 624).

Le taux de marge brute est le rapport entre la marge brute annuelle et le chiffre d'affaires calculé comme ci-dessus. Le montant des dommages et intérêts liés à la baisse de chiffre d'affaires et donnant lieu à indemnité est calculé ainsi :

([chiffre d'affaires en l'absence de sinistre]-[chiffre d'affaires réel]) x taux de marge brute.

- le chapitre IX (Frais supplémentaires additionnels) prévoit l'indemnisation des frais supplémentaires additionnels d'exploitation, c'est-à-dire :

les frais nécessairement exposés pendant la période d'indemnisation, au-delà des charges normales de l'exploitation (frais généraux, provisions et amortissements) en l'absence de sinistre, en vue de maintenir les résultats des activités au niveau qui aurait été obtenu si le sinistre ne s'était pas produit ;

le dommage correspond aux frais exposés nécessaires pour maintenir pendant la période d'indemnisation, le niveau de chiffre d'affaires qui aurait été obtenu en l'absence de sinistre ; mais doivent être retranchés la portion des charges normales que l'entreprise, du fait du sinistre, cesserait de payer pendant la période d'indemnisation au titre de l'exploitation assurée, et les indemnités versées par AXA au titre des autres garanties.

2) les conditions particulières :

- le chapitre VIII (Pertes d'exploitation) précise que la garantie s'applique pendant une période d'indemnisation de 12 mois, avec une franchise de 3 jours calendaires,

- le chapitre XVI annexe 4 (fermeture administrative) précise que la garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque la décision administrative est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'une épidémie... Cependant ce même chapitre limite la garantie à une durée maximum de trois mois, et à 50 x la valeur en euros de l'indice du contrat.

C'est donc effectivement par référence au plan comptable que les parties ont entendu définir le montant du dommage indemnisable et il est effectif que les aides perçues de l'Etat au titre du fonds de solidarité ou des aides aux coûts fixes doivent être comptabilisées en compte 74.

Cependant, cette classification et l'application du contrat ne doivent pas conduire l'assuré à percevoir une double indemnisation.

Dans le rapport présenté au ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance le 8 juillet 2021, le médiateur de l'Assurance a été interrogé sur la question de de la déduction ou non des subventions versées par l'Etat de l'indemnité versée au titre de la perte d'exploitation. Celui-ci a indiqué :

'Dans cette situation de crise sanitaire inédite, le gouvernement a mis en place un fonds de solidarité exceptionnel visant à aider financièrement les entreprises en difficultés en raison d'une perte d'exploitation.

Très naturellement la problématique consistant à savoir si ces aides doivent être déduites des indemnités accordées au titre de la perte d'exploitation a été soumise à nos services. Nos propositions de solution ont été rendues sur le fondement du principe indemnitaire de l'article L.121-1 du code des assurances disposant : 'L'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre'.

Ce principe implique donc que l'indemnité due par l'assureur ne peut pas dépasser les pertes réelles subies par l'assuré dans le cadre d'un sinistre. Aussi, si l'assuré a reçu une indemnité par le biais du fonds de solidarité mis en place par l'Etat pour palier à sa perte d'exploitation, alors l'assureur est fondé à déduire cette aide lors de l'estimation du préjudice » (page 13).

Au cours de la crise sanitaire, les entreprises ont bénéficié du fonds de solidarité, soit d'une aide directe pour soutenir leur trésorerie) et d'une aide dite « coûts fixes ». Le parallèle entre ces aides et l'allocation adulte handicapé ne peut être fait, le Fonds de solidarité restant une aide circonstanciée due à une situation de crise qu'elle a vocation à palier.

Il ne peut être tiré des dispositions de l'ordonnance N°2020-460 du 22 avril 2020, le fait que les conditions d'éligibilité au fonds et du calcul du montant de l'aide pourraient être remis en cause.

Dans ces circonstances, il y a lieu de tenir compte des aides d'Etat octroyées aux entreprises pour faire face aux conséquences sur leur activité des mesures prises par les autorités pour lutter contre la propagation du virus, et notamment de l'allocation partielle d'activité, ainsi que des aides d'Etat dans le cadre du fonds de solidarité.

Il est nécessaire de prendre en compte ces éléments pour déterminer le quantum de l'indemnité d'assurance dès lors que la SARL BC Restauration n'a pas supporté le coût des salaires et des charges salariales pris en charge par l'Etat dans le cadre du dispositif de chômage partiel, et que l'absence de déduction des aides et subventions conduirait à une double indemnisation de l'assurée, contraire au principe indemnitaire de l'article L.121-1 du code des assurances.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a retenu qu'il y avait lieu de déduire les aides d'Etat du dommage indemnisable au titre de la perte d'exploitation.

-Sur le calcul de l'indemnisation :

-Sur la détermination de la perte de chiffre d'affaires et la perte de marge :

Il est rappelé que les parties sont d'accord sur les périodes d'indemnisation, à savoir du 15 mars au 31 mai 2020 et du 1er novembre 2020 au 31 janvier 2021.

La SA AXA France IARD critique la méthode retenue par l'expert judiciaire pour estimer la perte de chiffre d'affaires. Elle affirme que la variation doit être constatée par rapport à l'année N-1 et non entre N-1 et N-2.

Cette critique a été faite à l'expert qui y a répondu dans l'expertise en indiquant maintenir sa méthode qui permet de ressortir une tendance équilibrée, cette méthode, la plus usuelle, étant effectivement la plus pertinente.

La perte de chiffre d'affaires est donc de 449 000 euros pour la période du 15 mars 2020 au 31 mai 2020 et de 218 000 euros pour la période des mois de novembre 2020 à janvier 2021.

L'expert judiciaire, après avoir rappelé la définition de la marge brute annuelle dans le contrat d'assurance (la différence entre le total chiffres d'affaires, comptes n° 70, 71, 72] et les achats de marchandises et matières, emballages, variations de stocks, rabais remises et frais de transport) a conclu que le taux de marge brute globale de l'établissement était très stable, à savoir 75,9 %; qu'il en allait de même pour la marge brute relative à la seule activité de restauration dont la moyenne ressortait à 77,5%.

L'appelante estime qu'elle doit être ramenée à 67,41 % en raison d'un taux de charges variables économisées de 9,59 %.

Cependant, l'expert a pu répondre aux dires de la SA AXA et a conclu de ses travaux et de l'étude de la corrélation des charges externes avec le chiffre d'affaires un taux de charges variables de 5,9%, taux qui sera retenu.

Après correction de la perte de marge compte-tenu d'un taux de frais variable de 5,9% la perte de marge s'élève donc à 321 500 euros pour la période du 15 mars 2020 au 31 mai 2020 et à 156 100 euros pour la période du 1er novembre 2020 au 31 janvier 2021.

Conformément à la motivation susvisée et au rapport de l'expert, il sera déduit pour chaque période l'aide activité partielle, le Fonds de solidarité perçu, les exonérations de cotisations URSSAF et les aides au paiement.

Il en résulte l'indemnité suivante :

Du 15 mars 2020 au 31 mai 2020

Du 1er novembre 2020 au 31 janvier 2021

Perte de CA

321 500

156 100

Aides déduites

117 946

162 564

Total

203 554

6 464

Par conséquent, le jugement sera infirmé sur le montant de la condamnation et la SA AXA France IARD sera condamnée à verser à la SARL BC Restauration la somme de 197 090 euros.

Sur la capitalisation des intérêts :

La SA AXA France IARD fait valoir que la capitalisation des intérêts ne saurait courir à compter d'une date antérieure à la réalisation de la créance, qui ne peut donc être celle du 16 mars 2020, date à laquelle ces sommes n'étaient pas dues puisque l'interdiction d'accueillir du public venait d'être ordonnée.

Elle y voit une condamnation excessive qui sanctionnerait le versement d'une somme dont il ne fait aucun doute qu'elle n'est plus due aujourd'hui, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a reconnu la validité des clauses d'exclusion.

Sur ce,

L'article 1343-2 du code civil dispose que « Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ». Les conditions de cet article étant remplies le principe de l'anatocisme s'applique. Cependant la société AXA France IARD souligne à juste titre qu'à la date du 16 mars 2020 la créance n'était pas encore certaine liquide et exigible puisque cette date correspond au début du confinement. A défaut de justification d'une mise en demeure ou de l'acte de signification de l'assignation à jour fixe, les intérêts courront donc à compter du jugement du 3 septembre 2021.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive :

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Si la SARL BC Restauration avait formé une demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à hauteur de 25.000 euros devant le tribunal de commerce, elle n'a pas repris cette demande dans ses premières conclusions devant la cour (25 mai 2023), où elle concluait simplement au débouté de la SA AXA France IARD de l'intégralité de ses demandes, et sollicitait sa condamnation à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Dans ses conclusions du 11 janvier 2024, elle a ajouté une demande de dommages et intérêts à hauteur de 25.000 euros pour résistance abusive.

Par conséquent, cette demande, au demeurant non fondée, doit être déclarée irrecevable.

Sur les autres demandes :

La société AXA France IARD succombant en sa demande sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équite commande de ne pas laisser à la charge de la société BC Restauration ses frais de défense. La somme sollicitée apparaît disproportionnée au regard de la nature et la complexité du litige.

Il sera fait droit à la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans la limite de 5.000 euros .

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement , par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande de la SA AXA France IARD tendant à voir prononcer la nullité du jugement.

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 143 554 euros l'indemnité que doit verser la société AXA France IARD à la société BC Restauration et dit que les intérêts commenceraient à courir le 16 mars 2020 ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SA AXA France IARD à verser à la SARL BC Restauration la somme de 197 090 euros à titre d'indemnisation de son préjudice d'exploitation ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2021, avec anatocisme ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SA AXA France IARD à verser à la SARL BC Restauration la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA AXA France IARD aux dépens d'appel

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00502
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.00502 ?
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