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19/06/2024 | FRANCE | N°24/00546

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 19 juin 2024, 24/00546


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°313



DU : 19 Juin 2024



N° RG 24/00546 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GE6B

ADV

Arrêt rendu le dix neuf Juin deux mille vingt quatre



décision dont appel : Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 1], décision attaquée en date du 27 Mars 2024, enregistrée sous le n° 23/00626



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M

me Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lo...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°313

DU : 19 Juin 2024

N° RG 24/00546 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GE6B

ADV

Arrêt rendu le dix neuf Juin deux mille vingt quatre

décision dont appel : Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 1], décision attaquée en date du 27 Mars 2024, enregistrée sous le n° 23/00626

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [F] [B]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et Me Jacques VERDIER, avocat au barreau d'AURILLAC

APPELANT

ET :

Mme LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D APPEL DE RIOM

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée à l'audience par Monsieur BOFFARD Tristan, substitut général

S.E.L.A.R.L. MJ [O] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de Monsieur [F] [B]

Me [K] [O] Liquidateur judiciaire

[Localité 4]

Représentant : Me Yvan BOUSQUET de la SELARL CABINET BOUSQUET, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

CONSEIL DEPARTEMENTAL DE L'ORDRE DES CHIRURGIENS

DENTISTES DU CANTAL, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Madame la Présidente du Conseil de l'Ordre, le Docteur [U] [Z].

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 15 Mai 2024 Madame [C] a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 19 Juin 2024.

ARRET :

Prononcé publiquement le 19 Juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [F] [B], exerçant la profession de chirurgien-dentiste à Ytrac a fait l'objet d'une procédure collective ouverte le 14 septembre 2016 par le tribunal judiciaire d'Aurillac.

Par jugement du 13 septembre 2017, le tribunal de grande instance d'Aurillac a adopté un plan de redressement judiciaire au profit de M. [B].

Suite à plusieurs impayés, le tribunal a convoqué M. [B] pour recueillir ses explications. Lors de l'audience du 8 juin 2022, M. [B] a indiqué avoir procédé au versement des sommes relatives à l'exécution du plan.

Par requête en date du 30 novembre 2023, la SELARL MJ [O] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de l'intéressé a sollicité la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Au soutien de cette demande, le commissaire à l'exécution du plan a rappelé que M. [B] rencontre toujours des difficultés à tenir les échéances du plan et que la modification de celui-ci conduirait à des échéances plus élevées que M. [B] serait incapable de régler.

Par jugement du 27 mars 2024, le tribunal judiciaire d'Aurillac a :

- déclaré irrecevable la demande en modification de plan présentée par M. [B] ;

- prononcé la résolution du plan de redressement adopté au profit de M. [B] ;

- constaté l'état de cession des paiements de M. [B] et l'a fixé provisoirement au 27 mars 2024 ;

- prononcé la liquidation judiciaire de M. [B] ;

- autorisé M. [B] à poursuivre l'activité pendant une durée de trois semaines à compter du jugement.

Le tribunal a considéré :

-qu'aucun élément nouveau ne justifiait la modification du plan

-que M. [B] n'avait pas respecté les engagements pris et plus spécialement l'engagement d'augmenter ses versements

-que M. [B] ne produisait aucune pièce démontrant sa capacité à honorer les échéances dont il est redevable.

Par déclaration du 2 avril 2024, enregistrée le 3 avril 2024, M. [B] a interjeté appel de ce jugement.

Dans le même temps, il a saisi le premier président de la cour d'appel de Riom, en référé, afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement critiqué.

Par une ordonnance du 22 avril 2024, le premier président de la cour d'appel de Riom a fait droit à cette demande.

Par conclusions du 8 avril 2024, M. [B] demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Aurillac le 27 mars 2024 en toutes ses dispositions ;

- constater l'absence d'état de cessation de paiements ;

- dire n'y avoir lieu à résolution du plan de redressement et à liquidation judiciaire.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir que le défaut de respect du plan ne suffit pas à démontrer l'état de cessation des paiements. Il explique le retard pris dans la communication des relevés bancaires par la volonté de produire ces pièces à hauteur d'appel. Il affirme enfin bénéficier d'une activité stable au fil des ans.

Par conclusions du 9 avril 2024, le parquet général de la cour d'appel de Riom sollicite la confirmation du jugement, considérant que les conditions de la liquidation judiciaire sont remplies.

Suivant conclusions notifiées le 10 mai 2024, la SELARL MJ [O], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. [B], sollicite la confirmation du jugement. Elle souligne :

-un cumul de retard de 5 échéances sur le plan pour un montant cumulé de 57 108,85 euros ;

-une trésorerie extrêmement faible

-un actif disponible de 5 391,61 euros

-une capacité d'autofinancement insuffisante

-une absence de prévisionnel de trésorerie.

Par conclusions notifiées le 23 avril 2024, le Conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Cantal s'en remet à droit. Il rappelle que :

- depuis de nombreuses années, il est alerté par les difficultés financières rencontrées par le docteur [B] notamment auprès d'un certain nombre de prothésistes dentaires (dès 1997).

- le docteur [B] a régulièrement été en retard dans le paiement de ses cotisations

ordinales. A ce jour, la cotisation due à l'Ordre pour l'année 2024, payable au 31 mars

2024 d'un montant de 454 €, n'est pas réglée.

- le docteur [B] n'est pas à jour dans le respect de ses obligations de formation continue.

- l'ensemble de ces éléments porte atteinte à l'obligation de probité nécessaire à l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste.

- compte tenu de son âge, le Docteur [B], né le [Date naissance 6] 1946, installé dans le Cantal depuis le 9 mai 1977, peut faire valoir ses droits à retraite.

Dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement rendu par le tribunal concernant la résolution du plan de redressement et l'état de cessation des paiements du Docteur [F] [B], il sollicite l'octroi d'un délai de 3 semaines à compter de l'arrêt à intervenir pour laisser le temps au Docteur [B] d'informer sa clientèle et d'assurer les soins et traitements en cours de ses patients.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

Motivation :

Suivant les dispositions de l'article L626-27 I du code de commerce : " I. En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l'exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.

Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.

Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé. (..)

La résolution du plan n'est qu'une faculté relevant du pouvoir souverain des juges du fond (Com,26 juin 2011 N° 98-15.123). L'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire après résolution du plan impose de caractériser l'état de cessation des paiements du débiteur (Com 22 février 2017 pourvoi N° 15-14.458).

1- Sur la résolution du plan :

M. [B] bénéficie d'un plan de redressement arrêté le 13 septembre 2019 prévoyant le remboursement des créanciers selon deux options : 100% sur dix ans et 60%sur 4 ans, le tout portant sur un passif de 423 910,93 euros dont 193 193,65 euros à échoir.

Le 3 août 2023, le commissaire à l'exécution du plan a signalé au tribunal que M. [B] restait devoir quatre échéances en retard.

Aux termes de son rapport du 30 novembre 2023, il indique que ces retards ne sont pas nouveaux puisque M. [B] a toujours eu des difficultés à honorer les échéances du plan. Ainsi, l'échéance semestrielle due au 1er septembre 2019 a été payée le 12 avril 2021, et celle due au 1er mars 2020 a été payée le 11 janvier 2023.

M. [B] ne conteste pas cette situation puisqu'il indique que le plan a été partiellement exécuté mais il soutient que ce ne sont pas 4 mais 2 échéances semestrielles qui étaient en retard à la date de l'audience.

Le nouveau décompte établi par le commissaire à l'exécution du plan dans ses conclusions montre que l'échéance due au 1er septembre 2021 a été réglée le 11 mars 2024 soit dans les jours précédant le jugement.

Toutefois, la liste des échéances traitée au 6 mai 2024 permet de constater que M. [B] reste débiteur de 5 échéances (les deux échéances de l'année 2022, les deux échéances de 2023 et la première échéance de 2024), pour un montant global de 57 108.85 euros. Monsieur [B] ne rapporte pas la preuve que ce montant est erroné.

Il est donc établi sans conteste que M. [B] ne respecte pas le plan depuis de nombreuses années et ce malgré le rappel que lui avait adressé le tribunal judiciaire au mois de juin 2022 sur le risque de résolution du plan et de prononcé d'une liquidation judiciaire s'il ne respectait pas ses engagements. M. [B] s'était alors engagé à augmenter ses versements mensuels.

Le fait qu'il reste devoir 5 échéances du plan représentant plus de deux années de versement témoigne de son incapacité à rattraper son retard et à respecter les engagements pris auprès des créanciers.

C'est donc en faisant une juste appréciation des faits que le tribunal a prononcé la résolution du plan de redressement judiciaire.

2- Sur la liquidation judiciaire :

L'article L. 631-1 du code de commerce définit la cessation des paiements comme la situation d'une entreprise qui se trouve " dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible "

M. [B] indique que le défaut de respect du plan ne suffit pas à démontrer l'état de cessation des paiements.

Il fait valoir que son activité est stable et qu'il est en mesure de régler une somme de 47 562 euros par an grâce aux économies réalisées en termes de salaires (son épouse gère désormais son secrétariat), d'emprunt (l'emprunt immobilier a été remboursé) et au remboursement intégral de cotisations URSSAF qui lui permet de disposer d'une somme supplémentaire de 14 250 euros par an.

Il ajoute que l'état des créances fait apparaître une dette au Trésor Public de 35 139 euros alors que cette dette est de 19 081 euros.

Toutefois la pièce produite datée du 8 février 2024 ne permet pas de savoir si cette créance, qui ne semble pas avoir été contestée dans le cadre de la procédure judiciaire, a été mal prise en compte dans l'établissement du passif ou si la somme de 19 081.05 représente le solde restant dû après règlement partiel en cours de plan.

Par ailleurs, si M. [B] a pu réduire son endettement global en soldant le crédit immobilier (sans pour autant abonder le compte du commissaire au plan d'une somme équivalente au montant de l'échéance de ce prêt ainsi que le souligne le tribunal) ceci ne vient pas modifier le montant du passif exigible de 57 108,85 euros représenté par les échéances impayées du plan.

Quant à l'actif disponible, il ressort des pièces du dossier et plus spécifiquement des relevés de comptes produits par l'appelant qu'au 30 avril 2024, l'actif disponible de M. [B] s'élevait à 1 765.80 euros sur son compte CIC Sud-Ouest professionnel et à 103.23 euros sur son compte privé.

La comptabilité du commissaire à l'exécution du plan fait ressortir un solde disponible au 27 mars 2023 de 267.51 euros (après déduction des honoraires taxables).

Ces sommes sont manifestement insuffisantes pour faire face à l'actif exigible de 57 108.85 euros.

L'état de cessation des paiements est donc caractérisé.

Les moyens soulevés par M. [B] quant aux économies réalisées et sa nouvelle capacité de remboursement viennent en réalité au soutien d'une demande de modification du plan qu'il ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions et dont la cour n'est en conséquence pas saisie.

Par ailleurs, cette modification pour être accueillie aurait dû être examinée suivant les dispositions de l'article L626-26 du code de commerce.

Enfin, et en tout état de cause, l'état de cessation des paiements s'oppose à cette demande, le commissaire à l'exécution du plan relevant à juste titre qu'aucun prévisionnel d'activité clair n'est établi.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la liquidation judiciaire de M.[B], l'échec du plan démontrant qu'aucun redressement est manifestement impossible .

Il convient d'autoriser le Dr [B] à poursuivre son activité pendant une durée de trois semaines à compter de l'arrêt afin de lui permettre d'informer sa clientèle et d'assurer les soins et traitements en cours de ses patients.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant dans les limites de sa saisine ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Autorise le Dr [B] à poursuivre son activité pendant une durée de trois semaines à compter de l'arrêt afin de lui permettre d'informer sa clientèle et d'assurer les soins et traitements en cours de ses patients.

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 24/00546
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.00546 ?
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