La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°23/01367

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 19 juin 2024, 23/01367


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°315



DU : 19 Juin 2024



N° RG 23/01367 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GBUL

VTD

Arrêt rendu le dix neuf Juin deux mille vingt quatre



Sur APPEL d'une décision rendue le 15 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (N°RG 22/00751)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-D

IF, Conseiller

Madame Anne-Céline BERGER, Conseiller



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :



Mme [I] [Z]

[Adresse 1]...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°315

DU : 19 Juin 2024

N° RG 23/01367 - N° Portalis DBVU-V-B7H-GBUL

VTD

Arrêt rendu le dix neuf Juin deux mille vingt quatre

Sur APPEL d'une décision rendue le 15 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (N°RG 22/00751)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Anne-Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [I] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Géraud MANEIN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/010687 du 06/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

M. [P] [F]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Géraud MANEIN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/010689 du 06/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANTS

ET :

Mme [B] [A] épouse [Y]

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie VIGNANCOUR-DE-BARRUEL de la SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

S.A. ABEILLE IARD & SANTE anciennement AVIVA ASSURANCES

immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 306 522 665

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Sophie VIGNANCOUR-DE-BARRUEL de la SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉES

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 avril 2024, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame THEUIL-DIF et Madame BERGER, rapporteurs.

ARRET :

Prononcé publiquement le 19 juin 2024 après prorogé du délibéré prévu initialement le 05 juin 2024 puis le 12 juin 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 septembre 2019, [E] [F] est décédé dans un accident de la circulation impliquant le véhicule de Mme [B] [A] épouse [Y], véhicule garanti par la police d'assurances n° 78283173 souscrite auprès de la SA Aviva Assurances devenue la SA Abeille IARD & Santé, alors qu'il se trouvait au volant d'une motocyclette.

Par lettre du 13 janvier 2022, le conseil des ayants droit d'[E] [F] a sollicité la compagnie d'assurance de Mme [Y] afin qu'elle fasse une offre d'indemnisation à ses clients.

Par lettre du 19 janvier 2022, la compagnie d'assurance a répondu qu'à la lecture du procès-verbal des autorités de gendarmerie, son assurée n'était pas responsable de l'accident.

Suivant actes des 10 et 17 février 2022, Mme [I] [Z] et M. [P] [F], mère et frère d'[E] [F], ont fait assigner Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, aux fins de voir :

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur, à payer et porter à Mme [Z] la somme de 40 000 euros au titre du préjudice d'affection, et la somme 5 000 euros au titre du préjudice moral du fait du défaut d'offre d'indemnisation ;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur, à payer et porter à M. [P] [F] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice d'affection, et la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral du fait du défaut d'offre d'indemnisation ;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur, à payer et porter à Mme [I] [Z] et à M. [P] [F] la somme de 2000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- juger que ces sommes seraient augmentées des intérêts aux taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de Me Manein sur ses affirmations de droit.

Par jugement du 15 décembre 2022, le tribunal a :

- rejeté les demandes formées par Mme [I] [Z] et par M. [P] [F];

- condamné Mme [I] [Z] et M. [P] [F] aux dépens,

- condamné Mme [I] [Z] et M. [P] [F] à verser à Mme [B] [Y] et à la SA Abeille IARD & Santé ensemble la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a énoncé que la faute d'[E] [F] excluait tout droit à indemnisation, cette faute ayant directement et exclusivement causé l'accident lequel ne se serait pas produit s'il avait conservé le contrôle de son véhicule.

Mme [I] [Z] et M. [P] [F] ont relevé appel de cette décision suivant déclaration du 20 décembre 2022.

Par ordonnance du 16 février 2023, le premier président a rejeté comme irrecevable, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire qui s'attachait au jugement du 15 décembre 2022.

Par ordonnance du 19 juillet 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle et dit que la réinscription se ferait sur justification de l'exécution de la décision attaquée.

Les appelants ont sollicité la réinscription après avoir adressé un chèque de règlement de 2 000 euros représentant l'indemnité par eux due sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Puis, ils se sont acquittés des dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées en date du 24 août 2023, les appelants demandent à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, des articles L.211-8 et suivants du code des assurances, 1240-1 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement en ce qu'il :

a rejeté la première de leurs demandes ;

a ignoré la seconde de ces demandes ;

les a condamnés aux dépens ;

les a condamnés à verser à Mme [Y] et son assureur la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en conséquence, statuant à nouveau :

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, à payer et porter à Mme [Z] la somme de 40 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, à payer et porter à Mme [Z] la somme 5 000 euros au titre du préjudice moral du fait du défaut d'offre d'indemnisation ;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, à payer et porter à M. [P] [F] la somme de 15 000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, à payer et porter à M. [P] [F] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral du fait du défaut d'offre d'indemnisation ;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé, en sa qualité d'assureur du véhicule impliqué, à payer et porter à Mme [I] [Z] et à M. [P] [F] la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- juger que ces sommes seront augmentées des intérêts aux taux légal à compter du 20 mai 2020;

- condamner solidairement Mme [B] [Y] et la SA Abeille IARD & Santé aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Manein sur ses affirmations de droit.

Ils observent en premier lieu que le tribunal n'a pas répondu à leur seconde demande, et a ainsi violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Ils soutiennent ensuite qu'il appartient à Mme [Y] de rapporter la preuve qu'[E] [F] a commis une faute qui serait la cause unique et exclusive de l'accident pour qu'elle soit exonérée de sa responsabilité. Or, ils estiment que l'enquête de flagrance est extrêmement lacunaire, elle ne fait état d'aucune constatation sérieuse et objective sur les conditions de l'accident, le véhicule de Mme [Y] a été déplacé avant l'arrivée des gendarmes et aucune mesure exacte n'a été réalisée quant à l'emplacement des véhicules impliqués. L'enquête ne révèle aucune distance de freinage ou toutes autres données techniques pouvant caractériser les circonstances de l'accident. Quant à la présence de stupéfiant dans l'analyse de sang d'[E] [F],l'enquête ne caractérise aucun lien certain entre l'accident et cet élément.

Ils font valoir par ailleurs qu'en violation des articles L.211-8 et suivants du code des assurances, la compagnie d'assurance ne leur a jamais transmis la moindre offre d'indemnisation, même précisant les limitations ou exclusions qu'elle entendait appliquer ; que la contestation par l'assureur du lien de causalité entre le préjudice de la victime et l'accident ne le dispense pas de faire dans le délai requis, l'offre imposée par l'article L.211-9 du code des assurances.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées en date du 12 mars 2024, la SA Abeille IARD & Santé anciennement Aviva Assurances et Mme [B] [A] épouse [Y] demandent à la cour, au visa de la loi Badinter du 5 juillet 1985 et notamment son article 4, des articles L.211-9, L.211-14 et R.211-40 du code des assurances, de :

- dire bien jugé mal appelé ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter Mme [Z] et M. [P] [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner solidairement Mme [Z] et M. [P] [F] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [Z] et M. [P] [F] aux entiers dépens.

Elles font valoir que selon les nombreux témoignages, il est avéré que Mme [B] [Y] se trouvait sur sa voie de circulation, à l'arrêt, moteur tournant lors du choc entre les deux véhicules.

Il est précisé par les enquêteurs que le conducteur de la motocyclette a perdu le contrôle de son engin à la sortie d'un virage à droite et qu'il est venu empiéter sur la partie gauche de la chaussée pour venir percuter le véhicule de Mme [Y]. L'accident s'est produit dans une portion à 70 km/h. Les gendarmes relatent que la motocyclette a été retrouvée à près de 90 mètres de la zone de choc présumée et le corps à 85 mètres. La vitesse de l'engin et la conduite dangereuse de M. [F] au moment des faits sont encore confirmées par d'autres témoins.

Elles ajoutent qu'[E] [F] roulait, sans permis, sur une moto volée depuis 2015 et non assurée qui n'était pas en état de circuler (chaîne de l'engin rouillée et pneu arrière droit lisse) ; qu'enfin, le jour de l'accident, [E] [F] a été contrôlé positif au tétrahydrocannabinol. Le service de pharmacologie médicale a établi le 30 septembre 2019 undocument d'aide à l'interprétation des résultats qui précise : « Durant cette période, la personne a pu présenter des troubles de la vigilance et éventuellement du comportement, imputable au cannabis. ». Ainsi, contrairement à ce qu'avancent les demandeurs, « l'enquête de gendarmerie a bel et bien permis de connaître les circonstances de l'accident ». Elles en concluent que [E] [F] a non seulement commis plusieurs fautes en relation directe avec l'accident ayant entraîné son décès et les préjudices consécutifs de ses ayants droits, mais qu'elles sont d'une gravité telle qu'elles excluent tout droit à indemnisation des victimes par ricochet.

Enfin, elles considèrent que dès lors que les fautes commises par [E] [F] sont à l'origine exclusive des préjudices d'affection de ses ayants droits, ces derniers ne peuvent en obtenir indemnisation à l'encontre de la SA Abeille IARD & Santé ; que le tribunal a bien statué sur toutes les demandes dont il était saisi, en ce compris sur celles qui avaient pour objet de réparer le 'préjudice moral pour défaut d'offre d'indemnisation' que les appelants prétendaient chacun avoir subi. Le tribunal n'ayant fixé aucune indemnité devant être mise à leur charge, c'est à bon droit que les appelants ont été déboutés de leurs demandes à ce titre. Ces derniers ne peuvent donc justifier d'un quelconque préjudice moral en lien de causalité avec l'offre qu'ils considéraient comme insuffisante.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

MOTIFS

- Si dans la partie 'discussion' des conclusions des appelants, il est fait état d'une violation des dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile et 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme en ce que le tribunal n'aurait pas répondu à la seconde demande figurant dans l'assignation, ou encore d'une violation de l'article 455 du code de procédure civile pour défaut de motivation, les appelants ne sollicitent dans le dispositif de leurs écritures que de réformer le jugement, et non de l'annuler.

Or, l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

La cour n'a donc pas été saisie d'une demande d'annulation du jugement, et les manquements invoqués ne peuvent conduire à la réformation de la décision.

- Sur le fond, l'article 1er de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, instituant un régime spécial d'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, prévoit que 'les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres'.

L'obligation à réparation du dommage subi par la victime d'un accident de la circulation pèse sur tout conducteur ou gardien d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans l'accident. Toutefois, l'article 4 de la loi de 1985 dispose que 'la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis'.

En application de l'article 1353 du code civil, il appartient au défendeur à l'action en responsabilité de rapporter la preuve de la faute de la victime.

La Cour de cassation exerce un contrôle sur la caractérisation de la faute de conduite de la victime et de l'existence d'un lien de causalité entre cette faute et son dommage. Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation - et, le cas échéant, de déterminer l'importance de la limitation-, ou de l'exclure. Mais la liberté d'appréciation du juge du fond est limitée par les principes posés en la matière par la Cour de cassation. Ainsi, l'indemnisation totale du conducteur victime ne peut être admise s'il est relevé qu'il a commis une faute.

Aux termes d'une jurisprudence constante, la limitation du droit à indemnisation de la victime conducteur d'un accident de la circulation dépend de la gravité de sa faute et non pas de son caractère causal dans la survenance de l'accident. Et l'exonération totale du défendeur à l'action en indemnisation peut intervenir sans que celui-ci ait à faire la preuve du caractère imprévisible et irrésistible de la faute invoquée ou que la faute de la victime a été la cause exclusive de l'accident (2e Civ., 18 mars 2004 : Bull. civ. II, n°127 ; 2e Civ., 10 juill. 2008, n°07-15.739).

Il est également constant que la faute de la victime doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur d'un véhicule impliqué dans l'accident (2e Civ., 27 mai 2021, n°20-12.932 ; 2e Civ., 20 mai 2020, n°19-14.663).

En l'espèce, le 20 septembre 2019, [E] [F] est décédé dans un accident de la circulation alors qu'il se trouvait au volant d'une motocyclette, accident impliquant le véhicule de Mme [B] [Y].

Il résulte du procès-verbal d'investigations de la compagnie de gendarmerie d'[Localité 9] en date du 24 janvier 2020 que 'le conducteur de la motocyclette a percuté le véhicule Peugeot 3008 [Immatriculation 8] à hauteur du côté conducteur, de face. Les témoignages font état d'un choc violent contre un véhicule à l'arrêt, moteur tournant circulant dans son sens de circulation. Le conducteur de la motocyclette a perdu le contrôle de son engin à la sortie du virage à droite, a empiété sur la partie gauche de la chaussée pour venir percuter le véhicule en face. La motocyclette est découverte à près de 90 mètres de la zone de choc présumée et le corps du conducteur à 85 mètres (CF auditions de témoins et planche photographique).

Il n'existe aucun élément matériel permettant d'impliquer la conductrice dans une quelconque responsabilité du dit accident.

L'enquête menée permet de déterminer que le responsable de l'accident était le conducteur de la motocyclette qui est décédé des suites de ses blessures.'

Au surplus, il ressort de ce même procès-verbal qu'[E] [F] conduisait une motocyclette non assurée au moment des faits, déclarée volée, M. [V] [W] lui ayant amené l'engin ; qu'en outre la victime n'était pas titulaire du permis moto ; que d'autre part, l'examen sanguin effectué sur la personne d'[E] [F] démontrait la présence de tétrahydrocannabinol ; qu'enfin, après examen de la motocyclette, il ressortait que le pneumatique arrière était lisse, la chaîne de conduite était rouillée, et que ce véhicule n'était pas en état de rouler.

Les premiers gendarmes présents sur les lieux de l'accident ont indiqué ne pas avoir constaté de point de choc, mais une zone présumée de choc au carrefour fait par le CD 1093 et le CD 63, zone dont la vitesse est limitée à 70 km/h. Ils ont constaté que Mme [Y] avait déplacé son véhicule avant leur arrivée pour éviter un autre accident, mais que la voiture présentait côté conducteur des traces de chocs à l'avant gauche, au niveau du pare-brise et carrosserie, constatations corroborant ses déclarations verbales sur la position de son véhicule au moment des faits, à savoir qu'elle se trouvait moteur tournant sur le CD 1093 au niveau du carrefour, en attendant de pouvoir tourner sur sa gauche pour se rendre à son domicile, placée sur sa partie droite de circulation avant de pouvoir tourner. Les résultats des dépistages alcool et stupéfiants sur la personne de Mme [Y] ont été négatifs.

L'un des témoins directs de l'accident M. [J] [R] a déclaré aux gendarmes :

'J'ai marqué un arrêt car un véhicule est passé devant moi pour monter en direction de [Localité 13] et il y avait un véhicule de marque Peugeot 3008 de couleur noir qui se trouvait sur sa voie de circulation et qui avait mis son clignotant pour tourner en direction de [Localité 12]. Le véhicule en question se trouvait donc à l'arrêt, moteur tournant...On a vu comme une 'Flèche noire' qui arrivait très vite venant de notre gauche de [Localité 11]. C'était une moto noire qui a heurté le véhicule 3008 de face côté conducteur. La moto, ainsi que le motard sont partis en l'air...'.

Le gendarme a demandé à M. [R] s'il pouvait confirmer que la Peugeot 3008 était bien sur sa voie de circulation au moment du choc. Celui-ci a répondu : 'Elle était bien sur sa voie de circulation au moment du choc. De toute façon, le motard est arrivé à très grande allure. Il a littéralement été projeté en l'air consécutivement au choc'.

La compagne de M. [R], Mme [D] [O] a également été entendue et a déclaré:

'L'accident a eu lieu juste devant nous. J'ai juste vu l'impact, je ne l'ai pas vu arriver. La dame qui conduisait le 3008 était stationnée dans sa voie et avait son clignotant dans le but de tourner sur sa gauche. Elle était bien sur sa voie et était arrêtée. La moto est arrivée très vite. Nous roulions sans musique et avec les fenêtres ouvertes et je ne l'ai pas entendu arriver. J'ai juste entendu le choc et j'ai vu le motard et la moto s'envoler. Le motard s'est envolé au moment du choc et j'ai cru qu'il allait retomber sur notre capot. Je suis immédiatement sortie du véhicule ai contacté les pompiers. Le motard est retombé au sol au moment où je suis sortie du véhicule. Je pense qu'il a du s'envoler sur une vingtaine de mètres. Le choc a eu lieu sur l'aile côté conducteur du véhicule. Ça a fait un bruit énorme. Je n'ai pas eu le temps de voir si le motard tentait s'esquiver le véhicule mais lors de son virage et du choc, il se trouvait plus dans la voie du 3008 que dans la sienne.'

Dans ces conditions, le tribunal a légitimement retenu qu'[E] [F] avait commis, en violation du code de la route, une faute de conduite caractérisée (vitesse excessive et défaut de maîtrise) ayant directement et exclusivement causé l'accident, lequel ne se serait pas produit s'il avait conservé le contrôle de son véhicule, outre le fait qu'[E] [F] se trouvait sur l'emprise de stupéfiants (détection de substances cannabiniques), roulait avec une motocyclette ayant le pneu arrière lisse et une chaîne de conduite rouillée, et qu'il n'avait pas le permis moto.

De son côté, la conductrice, Mme [Y], se trouvait à l'arrêt afin de tourner à gauche, dans son couloir de circulation : le choc est entièrement imputable au comportement fautif du défunt.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'enquête de gendarmerie a permis de connaître précisément les circonstances de l'accident décrites par deux témoins directs et éclairées par des investigations techniques.

[E] [F] a non seulement commis plusieurs fautes en relation directe avec l'accident ayant entraîné son décès et les préjudices consécutifs de ses ayants droits, mais qui sont en outre d'une gravité telle qu'elles excluent tout droit à indemnisation des victimes par ricochet. Ainsi, les demandes formées par la mère et le frère de la victime, Mme [I] [Z] et M. [X] [F] doivent être rejetées.

- Au surplus, les appelants reprochent à la compagnie d'assurance de Mme [Y], de ne jamais leur avoir transmis la moindre offre d'indemnisation en violation des articles L.211-8 et suivants du code des assurances. Ils demandent à être indemnisés du préjudice moral subi du fait de l'absence d'offre d'indemnisation et de condamner l'assureur à verser au Fonds de Garantie une somme égale à 15 % de l'indemnité à leur allouer.

L'article L.211-9 du code des assurances énonce que quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Par lettre du 13 janvier 2022, le conseil des appelants a écrit à la compagnie Aviva Assurances, afin de solliciter la transmission d'une offre d'indemnisation 'telle que prescrite par les articles L.211-8 et suivants du code des assurances'.

La compagnie d'assurance lui a été répondu le 19 janvier 2022 que selon les procès-verbaux des autorités de gendarmerie, son assurée n'était pas responsable .

Dès lors que la demande d'indemnisation est rejetée en raison de la faute de la victime conductrice excluant son droit à indemnisation, les appelants doivent nécessairement être déboutés de leur demande d'indemnisation pour préjudice moral résultant d'un défaut d'offre d'indemnisation de l'assureur.

- Succombant à l'instance, Mme [Z] et M. [F] seront condamnés aux dépens d'appel, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement sur la question des frais irrépétibles de première instance.

Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déboute Mme [I] [Z] et M. [P] [F] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice moral du fait du défaut d'offre d'indemnisation ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Mme [I] [Z] et M. [P] [F] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/01367
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.01367 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award