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19/06/2024 | FRANCE | N°23/00566

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 19 juin 2024, 23/00566


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°310



DU : 19 Juin 2024



N° RG 23/00566 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7KB

ADV

Arrêt rendu le dix neuf Juin deux mille vingt quatre



décision dont appel : Jugement Au fond, origine tribunal de Commerce du PUY-EN-VELAY, décision attaquée en date du 10 Mars 2023, enregistrée sous le n° 2022F33B



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLE

D-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel d...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°310

DU : 19 Juin 2024

N° RG 23/00566 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7KB

ADV

Arrêt rendu le dix neuf Juin deux mille vingt quatre

décision dont appel : Jugement Au fond, origine tribunal de Commerce du PUY-EN-VELAY, décision attaquée en date du 10 Mars 2023, enregistrée sous le n° 2022F33B

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [X] [J]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentants: Me Laurent PIEROT, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE et Me Philippe MARCHAL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

APPELANT

ET :

S.E.L.A.R.L. MANDATUM ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL SF OPTICAL, immatriculée au RCS du Puy-en-Velay sous le numéro 829 064 153, désignée à cette fonction selon décision du tribunal de commerce du Puy-en-Velay en date du 13 avril 2022

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Philippe CRETIER de la SELARL CLERLEX, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉE

DEBATS : A l'audience publique du 03 Avril 2024 Madame [I] a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 29 mai 2024.

ARRET :

Prononcé publiquement le 19 Juin 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 29 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu la communication du dossier au ministère public le 22 février 2024 et ses conclusions écrites reçues au greffe de la 3ème chambre civile et commerciale le 12 mars 2024 dûment communiquées par la communication électronique le même jour aux parties qui ont eu la possibilité d'y répondre.

La SARL SF Optical, ayant pour dirigeant M. [X] [J], avait pour principale activité l'exploitation d'un magasin d'optique sis au Puy-en-Velay (42).

Par jugement du 19 janvier 2022, la société a fait l'objet d'un placement en redressement judiciaire et la SELARL Mandatum a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 13 avril 2022, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire.

Considérant que M. [J] s'était intéressé tardivement au déroulement de la procédure collective et n'avait pas communiqué les documents nécessaires, le liquidateur judiciaire a saisi le tribunal de commerce d'une action en responsabilité pour insuffisance d'actif de la SARL SF Optical.

Par jugement du 10 mars 2023, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a fait droit à cette demande et condamné M. [J] à verser à la SELARL Mandatum la somme de 239.429,68 euros outre celle de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il a également prononcé une interdiction de gérer à l'encontre du dirigeant d'une durée de 10 ans.

Par déclaration du 29 mars 2023, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 11 mars 2024, celui-ci demande à la cour :

-de juger que la SELARL Mandatum n'a pas respecté le principe du contradictoire,

-de juger que la SELARL Mandatum ne rapporte pas la preuve d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif,

-de juger que la SELARL Mandatum ne rapporte nullement la preuve de sa mauvaise foi,

-de juger que la SELARL Mandatum ne rapporte pas la preuve qu'il a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements.

Dès lors :

-de juger qu'aucune faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ne peut lui être reprochée,

-de juger que seule une simple négligence peut lui être reprochée dans la gestion de la personne morale,

-de juger donc que sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée conformément à l'article L. 651-2 du code de commerce,

-de juger qu'aucune mauvaise foi ne peut être retenue à son égard,

-de juger qu'aucune interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ne peut être prononcée à son égard,

-de débouter purement et simplement la SELARL Mandatum de l'intégralité de ses demandes initiales formulées en première instance,

-de débouter purement et simplement la SELARL Mandatum du surplus de ses demandes, fins et prétentions,

-de condamner la SELARL Mandatum à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, M. [J] fait valoir que le tribunal de commerce n'a pas respecté le principe du contradictoire et fait grief au liquidateur de ne pas lui avoir communiqué ses pièces.

Il explique son absence à l'audience par le fait qu'il a suivi l'avis du mandataire qui lui a assuré que sa présence n'était pas nécessaire.

Il indique :

* sur l'absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours : qu'il est profane, il a fait preuve d'une simple négligence trouvant son explication dans ses problèmes de santé et ses difficultés personnelles,

* sur l'absence de comptabilité : qu'il n'a plus été en mesure de payer son expert-comptable mais tenait auparavant sa comptabilité,

Il ajoute que le tribunal a caractérisé une négligence sans en tirer les conséquences légales.

Enfin, sur l'interdiction de gérer, il affirme que la preuve du caractère intentionnel de son manquement n'est pas établie.

Par conclusions déposées et notifiées le 13 mars 2024, la SELARL Mandatum demande à la cour :

-de juger recevable mais infondé l'appel de M. [J],

-de confirmer la décision en toutes ses dispositions,

-de débouter de M. [J] de ses demandes au titre d'une prétendue violation du principe du contradictoire,

Ce faisant :

-de dire et juger que M. [J] a commis une faute de gestion en l'absence de comptabilité,

-de dire et juger que celle-ci a contribué au passif de la société et à l'insuffisance d'actif,

-de statuer ce que de droit s'agissant de la faute relevée d'office par le tribunal de commerce du Puy-en-Velay, consistant en un retard à la déclaration d'état de cessation des paiements,

-de dire et juger par ailleurs l'incurie de M. [J] fautive,

-de dire et juger que cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif,

-de le condamner en conséquence à lui payer, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL SF Optical, la somme de 239.429,68 euros correspondant à l'insuffisance d'actif de la SARL SF Optical,

-de le condamner également à une interdiction de gérer, diriger, administrer, contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale toute exploitation agricole ou toute personne morale, et ce pour une durée de 10 ans ;

-de le condamner enfin à lui payer es qualités, une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SELARL Mandatum fait valoir que l'assignation a été valablement délivrée à M. [J] qui ne s'est pas présenté ni fait représenter à l'audience et conteste le fait que Me [O] ait conseillé à M. [J] de ne pas venir à l'audience.

Elle rappelle qu'il appartenait à M. [J] de lui remettre l'ensemble des documents et livres comptables de la société en vue de leur examen ; que les comptes n'ont pas été établis ce qui constitue une faute manifeste de gestion, privant le dirigeant du moyen de percevoir l'évolution réelle de la situation financière et de la rentabilité de la personne morale. Elle soulève par ailleurs l'incurie du dirigeant et soutient que les fautes ont un lien de causalité avec l'insuffisance d'actif.

En réponse à M. [J], elle ajoute que l'état de santé de ce dernier ne saurait l'exonérer de ses obligations.

Par conclusions notifiées le 12 mars 2023, le ministère public demande à la cour :

-de confirmer le jugement rendu en ce qu'il retenu à l'encontre de M. [J] la faute de gestion consistant dans l'absence de tenue de comptabilité ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SARL SF Optical,

-de l'infirmer en ce qu'il a retenu le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements comme faute de gestion à l'encontre de M. [J],

-de dire que l'incurie a également contribué à l'insuffisance d'actif,

-de déclarer M. [J], à raison des deux fautes de gestion qui lui sont reprochées, responsable de l'insuffisance d'actif à concurrence de 180.000 euros et de le condamner en conséquence à payer la somme à la SELARL Mandatum,

-de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [J] une interdiction de gérer durant 10 ans,

-de le débouter de l'intégralité de ses demandes,

-de statuer ce que de droit sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Le ministère public affirme que le principe du contradictoire a été respecté.

Il fait grief à M. [J] d'avoir commis une négligence grave constitutive d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif en ne tenant pas de comptabilité régulière et conforme aux dispositions légales.

Au visa des articles L631-4 et L640-4 du code de commerce, il rappelle que suivant une jurisprudence constante, l'insuffisance d'actif résultant de l'état de cessation des paiements est calculée à compter de la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture (ou reportée) et non celle évoquée par le jugement statuant sur l'action en comblement. Il en déduit que le tribunal ne pouvait retenir une date de cessation des paiements différente à celle retenue dans le jugement d'ouverture et que la faute retenue d'office par le tribunal ne peut être reprochée à M. [J].

M. [J] prétendant que son état de santé est à l'origine des difficultés de sa société, le parquet répond que l'activité de la société s'est poursuivie au-delà de la période au cours de laquelle M. [J] a eu des difficultés de santé. Il observe que le dirigeant s'est abstenu de prendre des mesures pour se faire remplacer dans ses fonctions de dirigeant ou mettre fin à l'activité de la société.

Il estime en revanche devoir tenir compte de la situation personnelle du dirigeant dans le quantum de la condamnation à prononcer à l'égard de M. [J], toute en maintenant l'interdiction de gérer prononcée pour une durée de 10 ans en considération du manque de coopération du dirigeant avec les organes de la procédure et de l'absence de production d'éléments comptables.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

MOTIVATION :

A titre liminaire, il sera rappelé que les " demandes " tendant à " voir constater " ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour. Il en est de même pour les demandes tendant à voir " dire et juger" lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

I- Sur le respect du principe du contradictoire :

M. [J] assure n'avoir jamais reçu les pièces produites par la SELARL Mandatum, et reproche au tribunal de ne pas avoir veillé au respect du contradictoire. Il indique que ce manquement lui fait nécessairement grief.

La SELARL Mandatum réplique que l'assignation a été valablement délivrée à M. [J] et contenait l'ensemble des informations devant être portées à sa connaissance au regard des textes applicables.

Le ministère public conclut lui aussi au respect du principe du contradictoire.

Sur ce,

La cour observe que M. [J] ne tire aucune conclusion de ce moyen dans son dispositif et ne demande pas la nullité du jugement.

Surabondamment :

L'article 16 du code de procédure civile dispose que " le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ".

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement, et cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision (Cass. Civile 1ère, 13 juillet 2004, n° 01-14.506).

L'article 132 du code de procédure civile dispose que " la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. La communication des pièces doit être spontanée ".

En vertu de l'article 860-1 du code de procédure civile, la procédure devant le tribunal de commerce est orale. En conséquence, les moyens et prétentions des parties sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été contradictoirement débattus à l'audience (Cass. Soc., 8 octobre 2003, n° 01-41.297).

A défaut d'énonciations contraires dans la décision, les documents sur lesquels les juges se sont appuyés et dont la production n'a donné lieu à aucune contestation devant eux sont réputés, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement produits aux débats (Cass. Civ 1, 3 novembre 1982). La même présomption s'applique, à défaut d'incident de communication, aux documents visés dans les conclusions d'une partie (Cass. Civile2, 11 octobre 1989).

L'article 56 du code de procédure civile précise que l'assignation comprend l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. Il n'est pas fait obligation à l'huissier instrumentaire de joindre les pièces visées au bordereau.

En l'espèce, le mandataire judiciaire produit aux débats l'assignation d'avoir à comparaître devant le tribunal de commerce, datée du 16 novembre 2022 et remis en l'étude de l'huissier. Celle-ci comporte l'intégralité de la demande présentée au tribunal ainsi que le bordereau de communication des pièces versées aux débats. Elle rappelle à M. [J] que faute pour lui de comparaître ou de se faire représenter, l'examen de l'affaire sera effectué au vu des seuls éléments fournis par son adversaire.

Il ne peut donc être fait grief au tribunal d'avoir statué en l'absence de M. [J] au vu des pièces produites par le mandataire.

Par ailleurs lesdites pièces ont été régulièrement communiquées à hauteur d'appel de sorte que M. [J] ne peut soutenir qu'il a conclu sans en avoir connaissance.

Le moyen sera donc écarté.

II. Sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actifs :

L'article L. 651-2 du code de commerce dispose que " Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. ['] " Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la " personne morale ", sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ".

L'action en comblement pour insuffisance d'actifs suppose de caractériser :

-une insuffisance d'actif,

-une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif.

A- Sur l'insuffisance d'actif :

La SELARL Mandatum verse aux débats l'état du passif déclaré pour un montant total de 239.429,68 euros. Elle indique ne disposer d'aucun actif.

Le tribunal a pu relever que M. [J] ne s'était pas présenté au rendez-vous du commissaire-priseur qui a dressé un procès-verbal de difficultés le 1er février 2022.

M. [J] fait grief au liquidateur comme au commissaire-priseur de ne pas l'avoir convoqué pour cet inventaire. Il ne remet cependant pas en cause l'absence d'actif déclarée par le liquidateur.

S'agissant des convocations qui lui ont été adressées sans qu'elles lui parviennent, M. [J] fait état des pièces 6 bis et 6 Ter qui ne figurent ni sur le bordereau de communication de pièces de l'intimé ni sur le RPVA ni encore au dossier de l'intimé. La SELARL Mandatum indique que la première convocation envoyée le 24 janvier 2022 à M. [J] est effectivement revenue portant la mention " destinataire inconnu à l'adresse. ". Il est en revanche communiqué le courrier de convocation adressé par la SELARL Mandatum à M. [J] le 3 mai 2022 à la même adresse : [Adresse 6], soit au domicile de M. [J]. L'accusé réception joint à ce courrier présenté le 4mai 2022 porte la mention " pli avisé non réclamé ".

M. [J] ne peut donc faire grief au liquidateur de ne pas l'avoir régulièrement convoqué et mis en capacité de contribuer à la procédure puisqu'il a été convoqué à plusieurs reprises. Il ne rapporte par ailleurs pas la preuve (ni n'allègue) de l'existence d'un actif supérieur au passif déclaré.

En conséquence, il résulte des éléments transmis par le liquidateur judiciaire que l'insuffisance d'actif s'élève à 239.429,68 euros.

B- Sur les fautes reprochées à M. [J] :

Les fautes relevées par le mandataire et le ministère public à l'encontre de M. [J] à hauteur d'appel sont les suivantes :

-l'absence d'éléments comptables

-le défaut de déclaration d'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours

-l'incurie du dirigeant.

1-L'absence d'éléments comptables :

L'article L. 123-12 du code de commerce dispose que " toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.

Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise.

Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable ".

Suivant les dispositions de l'article L 622-5 du code de commerce, dès le jugement d'ouverture, tout tiers détenteur est tenu de remettre à l'administrateur ou, à défaut, au mandataire judiciaire, à la demande de celui-ci, les documents et livres comptables en vue de leur examen.

M. [J] conteste la faute qui lui est reprochée et affirme avoir déposé les bilans comptables pour l'exercice compris entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019. Il explique l'absence de bilan postérieur par l'incapacité dans laquelle il était de régler le comptable suite à ses problèmes de santé. Il ajoute avoir choisi par stratégie de réduire au maximum ses charges et donc de travailler entièrement seul pour sauver son activité.

Il retient également que le tribunal de commerce fait état d'une négligence grave et d'une méconnaissance coupable des devoirs d'un dirigeant de société pour conclure que seul une négligence peut lui être reprochée à l'exclusion de toute faute de gestion.

M. [J] ne peut cependant se prévaloir de cette motivation. Ce faisant, il occulte le fait qu'une négligence grave se distingue d'une négligence classique et peut être considérée comme une faute de gestion.

Il revient en conséquence à la cour d'examiner les circonstances dans lesquelles M. [J] a dirigé son entreprise afin de déterminer si le grief soulevé par le liquidateur et le ministère public s'analyse comme une négligence ou une faute de gestion.

Au cours de l'année 2018, M. [J] a subi trois opérations puis, au début de l'année 2019, une quatrième intervention chirurgicale, toutes liées à un premier cancer métastasé. Son traitement s'est accompagné d'une chimiothérapie préopératoire.

Par ailleurs, par acte du 24 mars 2021, la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Drôme Ardèche a fait assigner M. [J] devant le juge de l'exécution aux fins de vente forcée d'un bien immobilier lui appartenant.

Ces difficultés ont nécessairement impacté fortement la vie de M. [J] et perturbé la gestion de son entreprise. Toutefois, ces difficultés de santé n'expliquent pas à elles seules la tenue d'une comptabilité incomplète.

M. [J] produit la balance générale et le Grand livre général, soit l'ensemble des écritures comptables, pour l'exercice du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019. L'exercice comptable se réalisant sur 12 mois (sans que la clôture soit nécessairement au 31 décembre de l'année considérée) il ne peut donc être affirmé que M. [J] n'a tenu aucune comptabilité pour l'exercice clos au 30 juin 2019. Toutefois, les documents susvisés ne permettent pas de considérer qu'il a, comme il le conclut, déposé les bilans comptables pour l'exercice compris entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2019.

Par ailleurs, il n'est pas justifié d'une comptabilité pour la période courant du 13 avril 2017 (début de l'activité de la société liquidée) au 1er juillet 2018, ni de documents comptables pour la période postérieure au 30 juin 2019 alors que le redressement judiciaire a été ouvert le 19 janvier 2022 (soit 30 mois plus tard) sur assignation du Crédit mutuel.

M. [J] indique s'être battu seul pour tenter de sauver son entreprise, mais ne justifie d'aucun acte de gestion, ni même de la tenue d'une comptabilité sommaire. Il n'explique pas l'absence d'élément comptable sur la période antérieure à celle visée par le Grand livre général, ni l'absence de remise des comptes de la société au greffe du tribunal de commerce, alors que sur la période correspondant à ses difficultés de santé, le Grand livre général a été tenu.

Cette carence ne s'analyse donc pas comme une simple négligence mais constitue bien une faute caractérisée par l'absence de tenue d'une comptabilité régulière. En effet, rien ne permet de distinguer, au-delà des simples affirmations de l'appelant, les actes positifs accomplis dans le but de sauver son entreprise et d'éviter l'état de cessation des paiements.

2- Sur le défaut de déclaration d'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours:

L'article L. 631-4 du code de commerce dispose que :

" L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation. Si le retard est constaté, l'absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne constitue pas nécessairement une faute susceptible d'emporter la responsabilité pour insuffisance d'actif. Le liquidateur invoquant ce manquement devra apporter des éléments susceptibles de convaincre de ce que c'est en conscience que le chef d'entreprise a pris du retard dans cette déclaration ".

L'article L. 631-8 du code de commerce dispose que " le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.

Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions".

La date de cessation des paiements retenue pour constater la faute d'un retard est nécessairement celle retenue par le jugement d'ouverture ou le jugement de report (Cass. Com. 4 novembre 2014, n° 13-23.070).

La SELARL Mandatum rappelle que cette faute a été relevée d'office par le tribunal de commerce et s'en remet à droit. Elle fait observer, à l'instar du ministère public, que le tribunal n'avait pas la possibilité d'apprécier différemment au jugement d'ouverture la date de cessation des paiements.

Par jugement du 13 avril 2022, la société a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce du Puy-en-Velay. La date de cessation des paiements n'a pas été modifiée et est donc fixée au 19 janvier 2022.

Le jugement ayant prononcé la condamnation de M. [J] en comblement de l'insuffisance d'actif a retenu que :

" L'état d'endettement fait ressortir que depuis le 12 novembre 2018, la caisse de sécurité sociale a pris 4 inscriptions de nantissement sur le fonds au titre de créances sociales impayées s'élevant au jour du jugement d'ouverture à la somme de 35.761,59 euros.

Le passif déclaré comprend des dettes fiscales non payées au titre de la TVA et CFE dues sur la période 2018 à 2021 pour 9.091 euros.

La créance URSSAF a été produite à titre provisionnel faute d'information comptable.

Il y a lieu d'observer que la cessation des paiements était intervenue plus de 45 jours avant le jugement laquelle n'a pas été sollicitée par le dirigeant lui-même mais un créancier disposant d'un titre exécutoire ayant agi en recouvrement de créances impayées".

En statuant ainsi, le tribunal a modifié la date de cessation des paiements alors même qu'il n'était pas en mesure de le faire, aucune action en modification ou report de cette date n'ayant été intentée.

Au regard de ces éléments et en considération des conclusions du Ministère public auxquelles se rallie la SELARL Mandatum, le jugement sera infirmé sur ce point et l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal ne pourra être retenue au titre d'une faute de gestion.

3) Sur l'incurie du dirigeant :

La SELARL Mandatum et le ministère public soulèvent une nouvelle faute de gestion en cause d'appel, à savoir l'incurie de M. [J]. Ils lui reprochent de s'être abstenu de déclarer l'état de cessation des paiements et d'avoir poursuivi pendant plusieurs années une activité déficitaire.

Le ministère public stigmatise l'inertie délibérée de l'appelant pour se faire remplacer ou pour mettre fin à son activité.

M. [J] excipe de difficultés personnelles rencontrées tant au niveau économique qu'au niveau médical pour justifier de son incapacité à assurer une gestion normale de la société SF Optical.

Toutefois M. [J] ne justifie pas de démarches entreprises à l'annonce de sa maladie pour se faire assister ou remplacer. La lecture de la requête aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire permet de constater qu'il a cessé d'exploiter la société SF Optical qui n'avait plus d'activité à l'adresse déclarée au RCS. A l'ouverture de la procédure collective, il ne s'est pas présenté à l'audience (le jugement est réputé contradictoire) et n'a coopéré que tardivement avec les organes de la procédure collective et se présentant au mois de mai en l'étude du mandataire, après le jugement prononçant la conversion du redressement en liquidation, alors qu'il ne s'était pas présenté à l'audience à laquelle il été cité à la demande du tribunal.

Les difficultés qu'il a rencontrées auraient dû le conduire à envisager la suite de la gestion de sa société et prévenir d'éventuelles difficultés, notamment en nommant un administrateur ad hoc ou en arrêtant l'exploitation de la société.

Il se prévaut d'une absence de convocation alors qu'il a été régulièrement cité devant le tribunal de commerce devant lequel il avait la possibilité de se faire représenter.

M. [J] indique avoir voulu sauver seul son entreprise mais n'apporte aucun élément en faveur de ce qu'il indique permettant d'apprécier les démarches effectivement accomplies pour prévenir le redressement judiciaire, puis la liquidation judiciaire.

4) Sur le lien de causalité entre les fautes commises et l'insuffisance d'actif :

En ne tenant pas de comptabilité régulière, M. [J] s'est privé de la possibilité de disposer de documents fiables lui permettant de suivre l'évolution de sa société et de prévenir d'éventuelles difficultés. L'incapacité dans laquelle s'est trouvée la société de régler la TVA dès le mois de décembre 2018 ou encore Malakoff Humanis (et ce dès le 4ème trimestre 2017) constituait une première alerte.

En ne réalisant aucune diligence permettant une bonne gestion de la société pendant sa maladie, puis après celle-ci ; en ignorant les courriers recommandés du Crédit Mutuel qui a finalement sollicité l'ouverture d'une procédure collective, en n'effectuant aucun acte positif permettant à la société de poursuivre son redressement et d'éviter la liquidation ( ouverte postérieurement à ses difficultés de santé et à la vente de sa maison), M. [J] a contribué à l'insuffisance d'actif et aggravé la situation déficitaire de son entreprise et donc l'insuffisance d'actif, tel que relevé par le liquidateur judiciaire.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [X] [J] pour insuffisance d'actif.

5) Sur le quantum de la contribution de M. [J] à l'insuffisance d'actif :

La SELARL Mandatum entend que M. [J] soit condamné au montant du passif retenu.

Le ministère public retient que le fonctionnement de sa société a pu être perturbé par les difficultés de santé du dirigeant.

Sur ce,

Les juges du fond apprécient souverainement ce montant (Cass. Com., 1er février 1984, n° 82-14.928), dans la limite du montant de l'insuffisance d'actif. Il convient de prendre en compte le nombre et la gravité des fautes ainsi que l'état du patrimoine du dirigeant. Il faut justifier le quantum de la sanction et respecter le principe de proportionnalité.

Les fautes retenues à l'encontre de M. [J] revêtent une certaine gravité, notamment en raison du comportement attendu de la part d'un chef d'entreprise qui doit faire preuve de prudence et de diligence dans la gestion de sa société. Ces fautes se sont prolongées dans le temps et la première d'entre elle a d'ailleurs été commise dès la création de la société.

L'absence de comptabilité a totalement empêché le dirigeant d'avoir une bonne connaissance de la situation économique de la société et de pouvoir prévenir les éventuelles difficultés. Son incurie l'a également empêché de pouvoir améliorer ou prendre en charge la situation, notamment en nommant un administrateur provisoire ou en mettant un terme à l'exploitation de la société.

M. [J] doit être sanctionné à ce titre.

Cependant, il convient de tenir compte que cette situation a été aggravée par ses difficultés de santé durant plusieurs années et ses difficultés personnelles qui ont nécessairement impacté la situation de sa société.

S'agissant de sa situation financière, aucun élément n'est produit. Il est seulement porté à la connaissance de la cour qu'il a fait l'objet d'une saisie immobilière par un jugement rendu par le juge de l'exécution le 22 octobre 2021.

Par conséquent et pour l'ensemble de ces raisons, il convient de modérer la sanction prononcée par le tribunal et de ramener la contribution de M. [J] à l'insuffisance d'actif à la somme de 80.000 euros.

III. Sur l'interdiction de gérer :

1. Le principe

L'article L. 653-8 du code de commerce dispose que :

" Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22".

L'article L. 622-6 du code de commerce dispose que " le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire, pour les besoins de l'exercice de leur mandat, la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie ".

L'article L. 653-5 du code de commerce dispose que :

" Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

Il revient au demandeur de démontrer qu'il s'agit bien d'une abstention volontaire de coopérer, que les juges doivent caractériser.

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

Ces faits peuvent être déduits de l'absence de remise d'éléments comptables (Cass. Com, 16 septembre 2014), d'une présentation de comptabilité incomplète, d'une faute de communication de documents ou de réponses aux questions (Cass. Com., 6 mars 2019, n° 16-20.459).

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée ".

M. [J] affirme avoir coopéré positivement lors de la procédure avec le mandataire et s'estime victime d'un manque voire parfois de mauvaises informations de la part de ce dernier. Il estime que la SELARL Mandatum a failli dans la démonstration de la preuve puisqu'elle ne rapporte pas qu'il ait agi sciemment dans les omissions qu'il a pu commettre.

La SELARL Mandatum estime qu'en collaborant de manière très tardive avec les organes de la procédure collective, et ne tenant pas de comptabilité en contravention de la loi, la sanction de l'interdiction de gérer est parfaitement fondée.

Le ministère public relève que les fautes reprochées à M. [J] sont d'une gravité suffisante, notamment en ce qu'il s'est abstenu de coopérer volontairement avec les organes de la procédure collective et n'a pas remis au mandataire judiciaire les documents qu'il devait lui communiquer de mauvaise foi, pour justifier une interdiction de gérer d'une durée de 10 années.

En l'espèce, aux termes des éléments de motivation susvisés, il est avéré que M. [J]:

-n'a effectivement pas tenu de comptabilité alors que cela lui incombait en vertu de ses obligations légales,

-n'a pas coopéré avec les organes de la procédure collective,

-n'a remis aucun document comptable à son mandataire judiciaire tel qu'exigé par la loi à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Il a été précédemment jugé qu'il ne s'agissait pas de négligences mais de fautes de gestion caractérisées.

Le prononcé d'une interdiction de gérer suppose que les fautes aient un caractère intentionnel.

Le fait de ne pas avoir tenu de comptabilité régulière dès le début d'activité de la société de ne pas avoir fait établir de bilan complet dès 2017 ne s'analyse pas comme une simple négligence et ne trouve pas exclusivement son explication dans la maladie. Il en va de même pour le fait de n'avoir déposé aucuns comptes pour les exercices clos du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2020.

C'est également volontairement que M. [J] n'a pas coopéré avec les organes de la procédure collective. Ce dernier ne peut se prévaloir de convocations revenues avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse " alors d'une part qu'il résulte de la requête en redressement judiciaire que la société SF Optical n'avait plus d'activité au [Adresse 2], sans pour autant que l'adresse de la société ait été modifiée; d'autre part que le mandataire a adressé les convocations aux deux seules adresses connues ; enfin qu'une des convocations adressées à son domicile est revenue avec la mention " pli avisé et non réclamé " .

Son absence de coopération à la procédure collective procède dès lors d'un comportement volontaire puisqu'il ne s'est que très tardivement investi dans celle-ci.

Il ne s'est en outre pas rendu ni fait représenter aux audiences pour lesquelles il a pourtant été régulièrement cité.

Par conséquent, M. [J] doit faire l'objet d'une sanction d'interdiction de gérer en raison des fautes relevées à son encontre.

2. La motivation du quantum :

L'article L. 653-11 du code de commerce dispose que " lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans ".

La juridiction qui prononce une mesure d'interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l'intéressé (Com. 5 juill. 2018, n o 18-11.743). Encore faut-il que le chef d'entreprise apporte des éléments justifiant une modération de la sanction (Cass. Com., 29 septembre 2021, n° 20-12.166).

De nombreuses fautes de gestion ont pu être retenues à l'encontre de M. [J]. Elles se poursuivent sur une période assez longue et témoignent du fait que M. [J] a agi au détriment des intérêt de la société dont il était le dirigeant comme au détriment des créanciers de cette société.

Il sera tenu compte des difficultés de santé rencontrées par M. [J] sur une partie de la vie de la société pour limiter à 5 ans la durée d'interdiction de gérer prononcée à son encontre.

IV. Sur les autres demandes :

M. [J] succombant en sa demande sera condamné aux dépens.

L'équité commande de ne pas laisser à la charge de la SELARL Mandatum, ès-qualités de liquidateur judiciaire ses frais de défense. M. [J] sera condamné à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celle fixant à 239 429,68 euros la condamnation de M. [J] sur le fondement de l'article L651-2 du code de commerce et de celle fixant à 10 ans la mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ;

Statuant à nouveau ;

Condamne M. [X] [J] à verser à la SELARL Mandatum, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SF Optical la somme de 80.000 euros sur le fondement de l'article L651-2 du code de commerce ;

Prononce à l'encontre de M. [X] [N] [Y] [J], né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 7] de nationalité française, domicilié [Adresse 6] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale et ce pendant une durée de 5 ans.

Ordonne les mesures de publicité prescrites par les dispositions de l'article R621-8 du code de commerce dans les quinze jours du présent arrêt pour ce qui concerne les publicités aux registres et répertoires, au BODACC et dans un journal d'annonces légales;

Ordonne la signification du présent arrêt à la diligence du greffe de la cour à M. [J];

Ordonne la publicité de l'arrêt au casier judiciaire dès le retour au greffe de l'acte de signification susvisé ;

Dit qu'en application des articles L 128-1 et suivants du code de commerce et R 121-8 et suivants du même code, cette sanction fera l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer ( FNIG), tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d'accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement( UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Y ajoutant :

Condamne M. [X] [J] à verser à la SELARL Mandatum, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SF Optical la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [J] aux dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00566
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.00566 ?
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