COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°284
DU : 05 Juin 2024
N° RG 22/02360 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F5U6
VTD
Arrêt rendu le cinq Juin deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une décision rendue le 28 octobre 2022 par le tribunal de proximité de Thiers (N°RG 11-22-000085)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Anne-Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A. FLOA anciennement dénommée BANQUE DU GROUPE CASINO
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 434 130 423
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentants : Maître Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et Maître Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE
APPELANTE
ET :
Mme [Z] [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Non représentée, assignée à personne
INTIMEE
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 11 Avril 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 05 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d'huissier en date du 13 mai 2022, la SA Floa anciennement dénommée la SA Banque du Groupe Casino, a fait assigner Mme [Z] [I] devant le juge des contentieux de la protection au tribunal de proximité de Thiers aux fins d'obtenir la condamnation de la défenderesse au paiement d'une somme totale de 7 329,14 euros outre intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure, au titre d'un contrat conclu le 29 octobre 2018 signé par voie électronique, le cas échéant, après prononcé de la résiliation judiciaire.
Elle a sollicité subsidiairement, en cas de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts, que la condamnation soit assortie des intérêts au taux légal avec majoration de cinq points, en limitant cette sanction aux intérêts échus et non payés, et en outre la capitalisation des intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 28 octobre 2022, le JCP a débouté la SA Floa de l'ensemble de ses demandes.
Le tribunal a énoncé que l'on ne disposait pas du certificat confirmant que l'organisme auquel la SA Floa avait eu recours était habilité à authentifier des signatures comme service de confiance, pour la période considérée ; qu'il n'était pas possible de rattacher le contrat litigieux au fichier de preuve rapportant l'acte matériel de signature électronique, lequel devait être considéré comme n'ayant pas valablement été signé numériquement.
La SA Floa a interjeté appel de cette décision le 20 décembre 2022.
Par conclusions déposées le 14 mars 2023 et signifiées le 15 mars 2023, l'appelante demande à la cour, vu les articles 1103, 1104, 1231-1, 1902 du code civil, L.311-1 et suivants du code de la consommation, et l'article 1 du décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017, de :
- infirmer le jugement rendu le 28 octobre 2022 par le juge des contentieux de la protection au tribunal de proximité de Thiers ;
- statuant à nouveau :
- à titre principal, condamner Mme [I] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 27 avril 2022 :
* capital restant dû : 5 695,53 euros
* intérêts : 799,34 euros
* assurance : 378,63 euros
* indemnité conventionnelle : 455,64 euros
Total : 7 329,14 euros
outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement ;
- à titre subsidiaire, prononcer la résiliation du crédit souscrit par Mme [I] à la date de l'assignation ;
- condamner au titre des restitutions, Mme [I] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 27 avril 2022 :
* capital restant dû : 5 695,53 euros
* intérêts : 799,34 euros
* assurance : 378,63 euros
* indemnité conventionnelle : 455,64 euros
Total : 7 329,14 euros
outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement ;
- en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- dire que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'article L111-8 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
Elle expose que par offre du 29 octobre 2018, un crédit renouvelable d'un montant maximum autorisé de 6 000 euros a été proposé à Mme [I], offre qui a été acceptée le jour même par signature électronique ; que Mme [I] n'a pas honoré ses engagements et que la déchéance du terme est intervenue le 24 septembre 2021.
Elle soutient à titre principal que la signature électronique a été créée par la société DocuSign, prestataire de services de certification électronique, faisant partie intégrante de la liste des prestataires homologués au sein de l'Union Européenne comme autorité de certification électronique qualifiée. Elle en conclut que la signature électronique mise en oeuvre est une signature électronique qualifiée dont la fiabilité est présumée.
A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'il est versé le fichier de preuve créé par le prestataire de services de certification électronique, attestant du consentement du signataire ; qu'en outre, elle produit également des éléments extrinsèques à la signature, notamment le passeport de la requise et un relevé d'identité bancaire ; que l'emprunteur a procédé à des remboursements mensuels ensuite du versement des fonds.
En tout état de cause, elle expose que le lien entre d'une part l'enveloppe de preuve et parcours client et d'autre part le crédit litigieux, ne fait aucun doute dans la mesure où le document intitulé 'Parcours Client - trust ans Sign' versé aux débats reprend le numéro du dossier 9397396, référence correspondant au numéro de dossier apparaissant sur l'offre initiale, en première page ; que cette mention apparaît en page 3 du Parcours client Trust ans Sign versé aux débats.
Mme [Z] [I], à qui la SA Floa a signifié sa déclaration d'appel le 14 février 2023 (à personne) et ses conclusions le 15 mars 2023 (à domicile), n'a pas constitué avocat.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens de l'appelante, à ses dernières conclusions.
La procédure a été clôturée le 15 février 2024.
MOTIFS :
En application de l'article 1174 du code civil, lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l'article 1369. Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même..
L'article 1366 précité dispose que l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
Enfin, l'article 1367 prévoit que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.
Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
En l'espèce, la signature dont la SA Floa se prévaut est une signature électronique simple. Il en résulte que cette signature ne bénéficie pas d'une présomption de fiabilité et que celui qui entend s'en prévaloir doit rapporter la preuve de cette fiabilité.
Aux termes de l'article 1367 précité, cette preuve est rapportée dès lors que :
- l'identité du signataire a pu être vérifiée
- la fiabilité du processus de signature électronique est démontrée.
En ce qui concerne l'identité du signataire du contrat produit par l'appelante, elle est corroborée par la production de plusieurs pièces, au premier rang desquelles figure la copie du passeport de Mme [Z] [I].
D'autres pièces aux nom et adresse de l'intimée et contemporaine de la signature du contrat sont également jointes : une facture de téléphone SFR du 24 septembre 2018, un bulletin de salaire d'août 2018 et un relevé d'identité bancaire.
En ce qui concerne la fiabilité du processus de signature électronique, la SA Floa verse aux débats un fichier de preuve créé par la société Docusign, prestataire de services de certification électronique (PSCE) qui retrace les différentes étapes de la signature électronique, organisme habilité à authentifier des signatures comme service de confiance.
Aux termes de ce document, ce fichier de preuve permet d'attester de la signature électronique du document par le signataire désigné ci-après : '[Z] [I] ([Courriel 6]) a signé le 29 octobre 2018 11:59:30 CET - référence de la transaction associée [XXXXXXXXXX03]".
Il est notamment relaté que le signataire s'est authentifié sur la page de consentement en saisissant le code qui lui a été transmis automatiquement par le service Protect&Sign par SMS au numéro de téléphone [XXXXXXXX01] et que le service a vérifié l'égalité entre le code saisi par l'utilisateur et le code transmis.
Par ailleurs, figure en dernière page du fichier de preuve le numéro de dossier du contrat de prêt : 9397396, permettant ainsi de rattacher le contrat au fichier de preuve.
Il résulte de l'ensemble de ces pièces que la signature du contrat de prêt par Mme [Z] [I] est suffisamment établie.
A cette signature, s'ajoute le fait que Mme [I] a honoré plusieurs échéances du prêt.
La SA Floa sollicite la condamnation de Mme [I] à lui payer la somme de 7 329,14 euros, outre les intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure.
Au vu notamment de l'historique du compte et du décompte de créance produit en pièce n°17, il sera fait droit à la demande dans les limites suivantes :
- principal : 5 695,53 euros
- intérêts : 425,69 euros
- assurance : 352,88 euros
Ainsi, Mme [I] sera condamnée à payer à la SA Floa la somme de 6 474,10 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,368 % sur la somme de 5 695,53 euros à compter de la mise en demeure du 18 novembre 2021.
Aux termes de l'article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l'indemnité avec d'autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.
En l'espèce, l'indemnité de 455,64 euros réclamée par la SA Floa apparaît manifestement excessive, d'une part en ce qu'elle se cumule avec les indemnités de retard calculées sur plusieurs échéances avant la déchéance du terme ainsi qu'il ressort de l'historique du compte, et d'autre part, en ce que le taux d'intérêt était bien supérieur à la dépréciation monétaire, de sorte que le préjudice subi par le prêteur est limité.
Cette indemnité sera en conséquence réduite à la somme de 50 euros.
Mme [I] sera condamnée au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2021.
La sanction de la déchéance du droit aux intérêts n'étant pas prononcée, il n'y a pas lieu de statuer spécifiquement sur l'application de la majoration du taux légal prévue par l'article L.313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier.
De surcroît, la capitalisation des intérêts n'est pas prévue en matière de crédit à la consommation, les sommes auxquelles le prêteur peut prétendre étant limitativement énumérées par la loi. La SA Floa ne peut donc se prévaloir de la capitalisation des intérêts.
Enfin, Mme [I] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sans qu'il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article R.444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Condamne Mme [Z] [I] à payer à la SA Floa la somme de 6 474,10 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,368 % sur la somme de 5 695,53 euros à compter du 18 novembre 2021, et celle de 50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2021 au titre de la clause pénale ;
Déboute la SA Floa de sa demande de capitalisation annuelle des intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne Mme [Z] [I] aux dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article R.444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
Le Greffier La Présidente