COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 05 Juin 2024
N° RG 22/01494 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F3HH
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Arrêt rendu le cinq Juin deux mille vingt quatre
Sur APPEL d'une décision rendue le 07 juin 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-ferrand (N°22/00171)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Anne-Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A. FLOA anciennement dénommée BANQUE DU GROUPE CASINO
immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 434 130 423
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRANDet Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE
APPELANTE
ET :
M. [X] [N]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Non représenté, assigné à étude
INTIMÉ
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 07 Mars 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 05 juin 2024, après prorogé du délibéré prévu initialement le 15 mai 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par offre de prêt du 6 juin 2019, la société Banque du groupe Casino devenue Floa, a proposé à M. [X] [N] un crédit renouvelable d'un montant maximum de 6.000 euros.
Par acte du 10 mars 2022, la SA Floa a fait assigner M. [X] [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire (JCP) de Clermont-Ferrand afin d'obtenir le paiement de la somme de 7.775,58 euros, outre intérêts au taux contractuel, suite à des incidents de paiement survenus dans le remboursement du crédit.
Par jugement du 07 juin 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :
-débouté la SA Floa de l'ensemble de ses demandes,
-condamné la SA Floa au paiement des entiers dépens de l'instance
Il a considéré que le procédé utilisé ne garantissait pas la fiabilité de la signature imputée à M. [N].
Par déclaration du 15 juillet 2022, enregistrée le 20 juillet 2022, la SA Floa a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 04 octobre 2022, la SA Floa demande à la cour:
-d'infirmer le jugement du 7 juin 2022
En conséquence et statuant de nouveau :
-de condamner M. [N] à lui payer les sommes suivantes arrêtées au 31 janvier 2022:
Capital restant dû'''''''.6.328,23 euros
Intérêts''''''''''''..543,65 euros
Assurance'''''''''''397,44 euros
Indemnité légale''''''''.506,26 euros
TOTAL 7.775,58 euros
Outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement.
-d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
-de condamner M. [N] à lui payer et porter la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-de condamner M. [N] aux entiers dépens,
-d'ordonner que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R. 444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
-que la preuve de la réalité de l'engagement est rapportée :
- la signature électronique mise en 'uvre par l'intermédiaire de DocuSign est une signature électronique qualifiée, dont la fiabilité est présumée,
- si le caractère qualifié de la signature devait être écarté, elle rapporte des éléments extrinsèques permettant de prouver la fiabilité de la signature (fichier de preuve et documents précontractuels),
M. [X] [N] n'a pas constitué.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.
MOTIVATION :
I. Sur la demande de remboursement de la SA Floa
Selon l'article 1353 du code civil, " celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ".
L'article 1359 du code civil dispose que " l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique ".
Les règles de preuve applicables aux offres de crédit acceptées électroniquement sont régies par les textes suivants :
En application de l'article 1174 du code civil, lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367.
L'article 1366 du code civil dispose que " l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ".
L'article 1367 du code civil dispose que " lorsque la signature est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'état ".
L'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique énonce que " la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en 'uvre une signature électronique qualifiée ". Cette signature se définit comme " étant une signature avancée, conforme à l'article 26 du règlement UE n° 910/2014 du 23 juillet 2014 et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifiée répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ".
Suivant le règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE et plus spécifiquement l'article 26 :
" Une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes :
a/être liée au signataire de manière univoque;
b/permettre d'identifier le signataire
c/avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif; et
d/être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ".
Une signature électronique qualifiée est une signature électronique avancée conforme au règlement européen sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché en date du 23 juillet 2014. La présomption de fiabilité attachée à la signature électronique sécurisée ne s'applique que si la preuve de cette signature qualifiée est rapportée.
En l'espèce, la SA Floa fait valoir que la signature électronique est qualifiée car elle a été créée par la société DocuSign, prestataire de services de certification électronique.
Toutefois le bénéfice de la présomption de fiabilité résulte du cumul de trois éléments : une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement " (UE) n° 910/201 et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement .
La société Floa produit l'offre de contrat de " crédit renouvelable " émise le 6 juin 2019 au nom de M. [X] [N], né le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 10], dont l'adresse est [Adresse 2], d'un montant de maximum de 6.000 euros. Le document mentionne en dernière page " contrat signé électroniquement ". Il porte un n° de dossier : 1680505.
La simple mention " contrat signé électroniquement " ne permet pas de rattacher la signature au contrat de crédit, en l'absence d'autres indications et garanties sur son identité. La signature dont elle se prévaut est donc une signature électronique simple. Il en résulte que cette signature ne bénéficie pas d'une présomption de fiabilité et que celui qui entend s'en prévaloir doit rapporter la preuve de cette fiabilité.
Aux termes de l'article 1367 précité, cette preuve est rapportée dès lors que :
-l'identité du signataire a pu être vérifiée,
-la fiabilité du processus de signature électronique est démontrée.
Afin de prouver la fiabilité de la signature électronique de M. [N], la SA Floa présente un fichier de preuve Protect&Sign par lequel la société DocuSign, en sa qualité de prestataire de service de certification électronique, atteste du consentement de M. [N] qui a apposé sa signature électronique :
" [X] [N] ([Courriel 8]) a signé le 6 juin 2019 17 :41 :21 CEST-référence de la transaction associée [XXXXXXXXXX04] "
" Document finalisé le 6 juin 2019 17 :41 :21 CEST suite à la signature effectuée par le signataire dénommé [X] [N] "
" Document finalisé le 11 juin 2019 07 :03 :43 CEST sans ajout de signature ".
Il est notamment relaté que le signataire s'est authentifié sur la page de consentement en saisissant le code qui lui a été transmis automatiquement par le service Protect&Sign par sms au numéro de téléphone [XXXXXXXX01] et que ce service a vérifié l'égalité entre le code saisi par l'utilisateur et le code transmis.
Par ailleurs, figure en dernière page du fichier de preuve le numéro du dossier du contrat de prêt : 1680505, permettant ainsi de rattacher le contrat au fichier de preuve.
La banque produit en outre les documents qui lui ont été remis par le signataire du crédit litigieux, à savoir :
-une copie de la carte nationale d'identité au nom de M. [X] [N], comportant les mêmes informations que celles notées au contrat de crédit et dans le fichier de preuves,
-un bulletin de paie d'avril 2019 au nom de M. [X] [N]
-un relevé d'identité bancaire au nom de M. [X] [N]
Tous ces éléments corroborant l'identité de l'emprunteur et l'adresse de son domicile.
Il ressort de ces divers éléments que l'identité du signataire peut être vérifiée qu'il est démontré que le processus de signature électronique est fiable, de telle sorte que la signature peut être considérée comme fiable.
La SA Floa présente par ailleurs les autres pièces suivantes : les documents contractuels établis en juin 2019, la notice d'assurance, la preuve de la consultation du FICP, la fiche de dialogue, la FIPEN, la lettre d'informations annuelles, la lettre de mise en demeure du 3 juillet 2021, la lettre de notification de la déchéance du terme du 25 octobre 2021 ainsi que le détail des impayés et le décompte de créance.
Il convient d'ajouter que M. [N] a commencé à régler les échéances du contrat de crédit litigieux selon l'historique de comptes produit par la SA Floa, ce qui permet de renforcer la conviction de la cour selon laquelle le contrat a été valablement conclu par M. [N]. Le détail des échéances impayées du 19 novembre 2021 mentionne que le premier impayé a eu lieu le 31 janvier 2021 alors même que la première échéance était due au 30 juin 2019.
En conséquence, la preuve de la réalité de l'engagement de M. [N] est donc largement rapportée par la SA Floa.
La SA Floa ayant rapporté la preuve de la réalité de l'engagement et les manquements contractuels imputables à M. [X], à savoir le règlement des échéances mensuelles, la cour entrera en voie de condamnation s'agissant de M. [N].
Au vu des éléments produits, la créance s'établit comme suit:
-capital restant dû au 25 octobre 2021: 5 778.27euros
-échéances en retard : 1 240.20 euros
-intérêts courus arrêtés au 25 octobre 2021 :57.77 euros
-assurance 32.98 euros
-frais (indemnité légale) : 506,26
Soit une somme de 7.615.48 outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 9,423% à compter de la mise en demeure (25 octobre 2021) sur le capital restant dû et jusqu'à parfait paiement.
M. [N] sera condamné au paiement de ces sommes, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté la SA Floa de sa demande à ce titre.
II. Sur la capitalisation des intérêts :
L'article 1343-2 du code civil prévoit que " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ".
La capitalisation des intérêts générant pour l'emprunteur un surcoût prohibé par les dispositions de l'article L. 312-30 du code de la consommation, la demande de la banque à ce titre sera rejetée.
III . Sur les autres demandes :
M. [N] sera condamné aux dépens. Il sera également condamné à verser à la société Floa la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe de la cour ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [X] [N] à verser à la SA Floa, anciennement dénommée Banque du groupe Casino, la somme de 7.615.48 outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 9,423% à compter de la mise en demeure (25 octobre 2021) sur le capital restant dû et jusqu'à parfait paiement.
Déboute la SA Floa de sa demande de capitalisation des intérêts ;
Condamne M. [X] [N] à verser à la SA Floa la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [X] [N] aux dépens.
Le Greffier La Présidente