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15/05/2024 | FRANCE | N°23/00383

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 15 mai 2024, 23/00383


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale













ARRET N°213



DU : 15 Mai 2024



N° RG 23/00383 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F63J

VTD

Arrêt rendu le quinze Mai deux mille vingt quatre



Sur APPEL d'une décision rendue le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire du PUY EN VELAY N°RG 16/01182



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, C

onseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :



GROUPAMA RHÔNE ALPES...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°213

DU : 15 Mai 2024

N° RG 23/00383 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F63J

VTD

Arrêt rendu le quinze Mai deux mille vingt quatre

Sur APPEL d'une décision rendue le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire du PUY EN VELAY N°RG 16/01182

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

GROUPAMA RHÔNE ALPES AUVERGNE

société d'assurances mutuelles agricoles, régie par le code des assurances, Siren N°779 838 366

[Adresse 3]

[Localité 4]

et

S.A.S. ETS. P. FAVIER

immatriculée au RCS du Puy-en-Velay sous le numéro 333 554 293

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

et Me Emily THELLYERE de la SCP SARDIN ET THELLYERE (ST AVOCATS), avocat au barreau de LYON

APPELANTS

ET :

M. [O] [L]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentant : Me Karine PAYS de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

S.A. PACIFICA (ès qualités d'assureur de M. [O] [L])

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 352 358 865

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentants : Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LX RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et MeThibaut DE BERNON de la SELARL ALAGY BRET ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 21 février 2024 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 10 avril 2024.

ARRET :

Prononcé publiquement le 15 mai 2024, après prorogé du délibéré initialement prévu le 10 avril 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Ets P. Favier est spécialisée dans la vente et la location de matériels agricoles. Elle participe depuis plusieurs années à des foires durant lesquelles elle expose ses matériels agricoles.

En vue de l'exposition à la foire agricole annuelle de la commune de [Localité 2] devant se tenir le dimanche 9 novembre 2014, deux tracteurs lui appartenant, assurés par la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne (Groupama), ont été remis à M. [O] [L], en vue d'être stationnés dans la cour de son exploitation. M. [L] est par ailleurs locataire de M. [Z] [K], propriétaire des lieux.

Le 9 novembre 2014, le tracteur de marque Fendt conduit par M. [P] [S] a percuté un mur de l'exploitation agricole de M. [L], mur qui s'est alors écroulé sur M. [B] [X] qui a subi un grave dommage corporel.

La SAS les Ets P. Favier, propriétaire du véhicule, a quant à elle subi un dommage matériel.

M. [K], propriétaire du mur écroulé, a été victime d'un dommage matériel.

Le tribunal correctionnel du Puy-en-Velay a, par jugement du 10 février 2015, déclaré M. [P] [S] coupable de blessures involontaires avec incapacité de travail supérieure à 3 mois commises par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique en récidive.

Sur le plan civil, il a reçu la constitution de partie civile de M. [X] et a dit qu'il convenait de déclarer M. [P] [S] responsable du préjudice subi par celui-ci.

Le sinistre provoqué par le tracteur a été pris en charge par Groupama au titre de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Par acte d'huissier du 22 novembre 2016, Groupama et la SAS Ets P. Favier ont fait assigner devant le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, M. [P] [E] et M. [O] [L] afin de les voir déclarer responsables de l'accident survenu le 9 novembre 2014 et condamner à supporter l'intégralité des conséquences indemnitaires de l'accident.

M. [L] a effectué une déclaration de sinistre auprès de la SA Pacifica au titre de la garantie assurance habitation - responsabilité civile. Cette dernière est intervenue volontairement à l'instance sous toutes réserves et garantie.

Au dernier état de ses écritures, Groupama a sollicité le paiement de la somme de 637 407,41 euros au titre des sommes versées aux victimes de l'accident de circulation, à savoir :

- 299 299 euros au titre des indemnités réglées à M. [B] [X] ;

- 9 000 euros au titre des indemnités réglées à Mme [U] [R], son épouse;

- 10 000 euros au titre des indemnités réglées à MM. [J] et [N] [X], ses enfants ;

- 8 000 euros au titre des indemnités réglées à M. [G] et Mme [Y] [X], ses parents;

- 301 808,36 euros au titre de la créance de la MSA ;

- 5 007,05 euros au titre des dommages au tracteur de la SAS Ets P. Favier ;

- 4 293 euros au titre des dommages immobiliers de M. [K].

Pour sa part, la SAS Ets P. Favier a sollicité le paiement de la somme de 10 601,31 euros en réparation d'un préjudice non pris en charge par son assureur (franchise 601,31 euros et préjudice d'immobilisation du tracteur 10 000 euros).

Par jugement du 8 novembre 2022, le tribunal judicaire du Puy-en-Velay a :

- jugé recevable l'intervention volontaire de la SA Pacifica ;

- jugé irrecevables les conclusions déposées par la SA Pacifica le 1er septembre 2022 et par Groupama le 2 septembre 2022 ;

- jugé M. [P] [S] responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 9 novembre 2014 ;

- condamné M. [P] [S] à payer la somme totale de 628 107,36 euros à Groupama au titre de sa quittance subrogative en lien avec les préjudices subis par M. [B] [X], outre intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- jugé irrecevables les demandes présentées par Groupama tendant à voir condamner M. [O] [L] et la SA Pacifica au paiement des conséquences dommageables du sinistre subi par M. [B] [X], compte tenu de l'autorité de la chose jugée ;

- jugé recevables les demandes présentées par Groupama tendant à voir condamner M. [O] [L] et la SA Pacifica au paiement des conséquences dommageables en lien avec les préjudices matériels subis par M. [Z] [K] et la SAS Ets P. Favier ;

- jugé M. [O] [L] responsable des conséquences dommageables en lien avec les préjudices matériels subis par M. [Z] [K] et la SAS Ets P. Favier consécutivement à l'accident du 9 novembre 2014 ;

- rejeté les demandes dirigées à l'encontre de la SA Pacifica au titre des conséquences dommageables en lien avec les préjudices matériels subis par M. [Z] [K] et la SAS Ets P. Favier consécutivement à l'accident du 9 novembre 2014 ;

- condamné in solidum M. [P] [S] et M. [O] [L] à payer la somme de 601,31 euros à la SAS Ets P. Favier au titre de la franchise contractuelle, outre intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné in solidum M. [P] [S] et M. [O] [L] à payer la somme de 5 007,05 euros à Groupama au titre des dommages au tracteur, outre intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné in solidum M. [P] [S] et M. [O] [L] à payer la somme de 4 293 euros à Groupama au titre des dommages immobiliers subis par M. [Z] [K], outre intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- rejeté la demande formée au titre de l'immobilisation du tracteur ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'ancien article 1154 du code civil ;

- condamné M. [P] [S] aux entiers dépens de l'instance avec paiement direct au profit de la SELARL Bonnet Eymard Navarro Teyssier pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

- condamné M. [P] [S] à payer la somme globale de 5 000 euros à la SAS Ets P. Favier et à Groupama au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [O] [L] à payer la somme globale de 1 000 euros à la SAS les Ets P. Favier et à Groupama au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande formée par la SA Pacifica au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a énoncé :

- que M. [P] [S], sous l'emprise de l'alcool, conduisait le tracteur appartenant à la SAS Ets P. Favier qui est à l'origine des préjudices subis par M. [B] [X]; que M. [S] a admis avoir conduit le tracteur sans autorisation de son propriétaire; que M. [L] a admis qu'il n'avait aucune autorisation de conduire les tracteurs stationnés sur son exploitation ; que la conduite du tracteur a donc été obtenue contre le gré de la SAS Ets P. Favier ; que son assureur, Groupama, remplit donc les conditions de l'article L.211-1 alinéa 3 du code des assurances et peut exercer son recours subrogatoire contre M. [P] [S] ;

- que l'autorité de la chose jugée au pénal s'imposait au juge civil, elle s'attachait à ce qui a été définitivement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale ; que le tribunal correctionnel a déclaré M. [S] responsable du préjudice subi par M. [X] ; qu'aucune autre personne n'a été poursuivie pour ces faits ; qu'aucun partage de responsabilité n'a été envisagé par le juge pénal ; que les demandes présentées par Groupama tendant à voir condamner M. [L] au paiement des conséquences dommageables du sinistre subi par M. [B] [X], sous couvert de manquements contractuels qui lui auraient causé un dommage par ricochet, sont irrecevables ;

- qu'il existait néanmoins un contrat de dépôt entre M. [O] [L] et la SAS Ets P. Favier au sens de l'article 1915 du code civil ; qu'en sa qualité de dépositaire, il avait pour obligation principale de s'assurer que personne ne pouvait utiliser le tracteur et que personne ne devait avoir accès aux clés de celui-ci ; qu'il n'a pas fait preuve de la prudence minimale qu'un déposant était en droit d'attendre et a commis une faute contractuelle ;

- que s'agissant de la garantie de Pacifica, les conditions générales du contrat devaient trouver à s'appliquer, l'assuré, M. [L] ayant reconnu en avoir pris connaissance; que la garantie n'était pas mobilisable puisque le contrat n'assurait que les risques en lien avec la responsabilité civile privée et non pas professionnelle, et qu'il excluait toute garantie pour des dommages consécutifs à l'utilisation d'un véhicule terrestre à moteur.

La SAS Ets P. Favier et la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne ont interjeté appel du jugement uniquement à l'encontre de M. [O] [L] et de la SA Pacifica, en ce qu'il a :

- jugé irrecevables les demandes présentées par Groupama tendant à voir condamner M. [L] et Pacifica au paiement des conséquences dommageables du sinistre subi par M. [B] [X] compte tenu de l'autorité de la chose jugée, en ce compris les préjudices des victimes indirectes et la créance de l'organisme social ;

- jugé que la garantie de Pacifica n'était pas mobilisable, rejetant les demandes dirigées à l'encontre de la SA Pacifica au titre des conséquences dommageables en lien avec les préjudices matériels subis par M. [Z] [K] et la SAS Ets P. Favier consécutivement à l'accident du 9 novembre 2014 ;

- rejeté la demande de la SAS Ets P. Favier formée au titre de l'immobilisation du tracteur et de son préjudice économique ;

- rejeté leurs demandes dirigées à l'encontre de la SA Pacifica au titre des conséquences dommageables en lien avec les préjudices matériels subis par M. [K] et la SAS Ets P. Favier consécutivement à l'accident du 9 novembre 2014 ;

- rejeté leurs demandes tendant à voir déclarer M. [L] responsable de l'accident du 9 novembre 2014 et le voir condamner à payer, in solidum avec son assureur Pacifica la somme de 637 407,41 euros à Groupama au titre des sommes réglées suite à l'accident, outre 10 601,31 euros en réparation du préjudice de la SAS Ets P. Favier ;

- rejeté leur demande formée à l'encontre de la SA Pacifica au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [P] [S] a également interjeté appel de ce jugement contre toutes les autres parties, mais son appel a été déclaré irrecevable.

Par conclusions déposées et notifiées le 8 février 2024, les appelantes demandent à la cour, au visa des articles 1250 et 1251-3° devenus 1346 et 1346-1 du code civil, des articles L.211-1 alinéa 3 et L.121-12 du code des assurances, de l'article 5 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, des articles 1382 et 1383 devenus 1240 et 1241 du code civil, des articles 1927 et suivants du code civil, de:

- infirmer le jugement dans les limites fixées par l'acte d'appel ;

- statuant à nouveau :

- déclarer recevables et fondées leurs demandes ;

- condamner in solidum M. [L] et Pacifica à payer à Groupama la somme de 637 407,41 euros au titre de l'ensemble des sommes réglées à la suite de l'accident;

- condamner in solidum M. [L] et Pacifica à payer aux Ets P.Favier la somme de 10 601,31 euros en réparation de leurs préjudices ;

- condamner Pacifica à leur payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, ainsi qu'aux dépens de première instance ;

- débouter M. [L] et Pacifica de toute demande, défense, exception et fin à leur encontre ;

- y ajoutant,

- condamner in solidum M. [L] et Pacifica à leur payer la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner M. [L] et Pacifica in solidum aux entiers dépens de l'instance d'appel, distraits au profit de Me Sophie Lacquit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et notifiées le 15 janvier 2024, M. [O] [L] demande à la cour de :

- juger les sociétés Groupama et Ets P. Favier mal fondées en leur appel ;

- juger recevable l'intervention volontaire de la société Pacifica ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reconnu l'existence d'un contrat de dépôt conclu entre lui la SAS Entreprise Favier ;

- débouter les sociétés Groupama et SAS Entreprise Favier de l'ensemble de leurs demandes formulées à son encontre ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé irrecevables les demandes présentées par Groupama tendant à le voir condamner ainsi que Pacifica, au paiement des conséquences dommageables du sinistre subi par M. [B] [X] compte tenu de l'autorité de la chose jugée en ce compris les préjudices des victimes indirectes et de l'organisme social ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a jugé responsable des conséquences dommageables en lien avec les préjudices matériels subis par M. [Z] [K] et la SAS Ets P.Favier consécutivement à l'accident du 9 novembre 2014 ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné in solidum avec M. [P] [S] à payer à la société Ets P.Favier la somme de 601,31euros au titre de la franchise contractuelle ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné in solidum avec M. [P] [S] à payer à Groupama la somme de 4 293 euros au titre des dommages immobiliers subis par M. [Z] [K] ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- juger irrecevables et mal fondées les demandes présentées par les sociétés Groupama et Ets P. Favier et les débouter de l'ensemble de leurs demandes formées à son encontre ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un contrat de dépôt conclu entre lui et la société Ets P. Favier ;

- juger qu'il n'a commis aucune faute tant au regard de l'existence d'un contrat de dépôt qu'au regard des dispositions de l'article 1383 du code civil ;

- condamner Groupama et la société Ets P. Favier au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel ;

- à titre subsidiaire, juger que la société Pacifica lui doit sa garantie et la condamner à le relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;

- condamner la société Pacifica au paiement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées et notifiées le 29 janvier 2024, la SA Pacifica demande à la cour, au visa des articles 4 du code de procédure pénale, 122 du code de procédure civile, L.211-1 du code des assurances, 1134 ancien et applicable à la cause du code civil, de :

- juger recevable et bien fondée son intervention volontaire ;

- infirmer partiellement le jugement dont appel sur les chefs de jugement critiqués en ce qu'il a:

$gt; jugé recevables les demandes présentées par la société Groupama tendant à la voir condamner avec M. [O] [L] au paiement des conséquences dommageables en lien avec les préjudices matériels subis par M. [Z] [K] et la SAS Entreprise Favier;

$gt; jugé M. [O] [L] responsable des conséquences dommageables en lien avec les

préjudices matériels subis par M. [Z] [K] et la SAS Entreprise Favier consécutivement à l'accident du 9 novembre 2014 ;

$gt; condamné in solidum M. [P] [S] et M. [O] [L] à payer la somme de 601,31euros à la SAS Entreprise Favier au titre de la franchise contractuelle, outre intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;

$gt; condamné in solidum M.[P] [S] et M.[O] [L] à payer la somme de 5 007,50 euros à Groupama au titre des dommages au tracteur, outre intérêts au taux légal à compter du jugement ;

$gt; condamné in solidum M. [P] [S] et M. [O] [L] à payer la somme de 4 293 euros à Groupama au titre des dommages immobiliers subis par M. [Z] [K], outre intérêts au taux légal à compter du jugement ;

$gt; ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'ancien article 1154 du code civil ;

$gt; condamné M. [O] [L] à payer la somme globale de 1 000 euros à la SAS Entreprise Favier et Groupama au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

$gt; rejeté sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- statuant à nouveau ;

- à titre principal, reformant en cela ledit jugement ;

- juger irrecevables, non fondées, ni justifiées, les demandes formées par Groupama s'estimant subrogée dans les droits de M. [X], des membres de sa famille, de la société Favier et de M. [K] dès lors que son recours subrogatoire ne peut s'exercer que sur le fondement l'article L.211-1 du code des assurances, dont les conditions ne sont pas réunies ;

- juger irrecevables, non fondées, ni justifiées, les demandes formées par la société Favier dès lors qu'en application de l'article 5 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, le propriétaire du véhicule dispose d'un recours contre le conducteur et non contre un tiers qui a accepté l'entreposage du véhicule, et qu'en outre le préjudice allégué n'est pas prouvé ;

- juger l'absence de toute faute commise par M. [L] dans la survenance de l'accident de circulation du 9 novembre 2014 et l'absence de responsabilité de M. [L] dans l'indemnisation des préjudices en résultant causés à M. [X], aux membres de sa famille, à la société Favier ou à M. [K] ;

- juger Groupama irrecevable et mal fondée en toute demande à son encontre concernant le préjudice corporel de M. [X] pour cause d'autorité de la chose jugée du jugement pénal du tribunal correctionnel du Puy-en-Velay du 10 février 2015 ayant condamné pénalement et civilement M. [P] [S] pour le préjudice corporel causé à M. [X] ;

- à titre subsidiaire, confirmant en cela ledit jugement :

- juger que le sinistre est soumis à la loi du 5 juillet 1985 relative à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation qui n'est pas garanti par le contrat « Assurance Habitation » souscrit par M. [L] ;

- juger que le contrat « Assurance Habitation » souscrit par M. [L] n'a pas vocation à s'appliquer comme ne correspondant pas aux situations prises en charge au titre de la garantie « responsabilité civile vie privée » ;

- à titre encore plus subsidiaire, la déclarer hors de cause compte tenu des exclusions de garantie pour « les dommages causés aux biens, objets ou animaux appartenant à l'assuré ou dont il a la garde » et « les dommages consécutifs à l'utilisation d'un véhicule terrestre à moteur » prévu par le contrat « Assurance Habitation » souscrit par M. [L] ;

- en toute hypothèse, débouter toute partie de toute demande, défense, exception et fin à son encontre ;

- condamner Groupama et la SAS Favier ou tout défendeur succombant à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Groupama et la SAS Favier ou tout défendeur succombant aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SELARL Lexavoué Riom Clermont et de Me Barbara Gutton, avocat, sur son affirmation de droit.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2024.

MOTIFS :

- Sur l'irrecevabilité des demandes de Groupama et de la SAS Ets P. Favier fondée sur l'autorité de chose jugée du jugement pénal

L'article 4 du code de procédure pénale dispose que l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue à l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.

Toutefois, il est sursis à statuer au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.

La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé.

En l'espèce, les intimés soutiennent que la déclaration de culpabilité pénale et de responsabilité civile de M. [P] [S] par le juge pénal dans un jugement définitif a autorité de la chose jugée à l'égard de tous et s'impose au juge civil ; qu'au vu du jugement du 10 février 2015 du tribunal correctionnel du Puy-en-Velay, c'est à M. [P] [S] qu'incombe la responsabilité du préjudice subi par M. [B] [X]; qu'ainsi toute partie est irrecevable et mal fondée en toute demande concernant le préjudice corporel de M. [X] ou toute conséquence de l'accident de circulation à leur encontre.

Le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay, dans son jugement du 8 novembre 2022, a retenu cette analyse en énonçant que la juridiction pénale avait déclaré M. [P] [S] responsable du préjudice subi par M. [B] [X] ; qu'aucune autre personne n'avait été poursuivie pour ces faits ; qu'aucune partage de responsabilité n'avait été envisagé par le juge pénal ce qui impliquait que M. [S] avait été considéré entièrement responsable des conséquences civiles du délit qu'il avait commis ; que les demandes présentées par Groupama tendant à voir condamner M. [O] [L] au paiement des conséquences dommageables du sinistre subi par M. [X] étaient irrecevables.

Néanmoins, l'article 1351 du code civil devenu article 1355 du code civil dispose que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil en ce qui concerne les faits constatés qui constituent le soutien nécessaire de la condamnation pénale. En revanche, les dispositions civiles d'un jugement pénal n'ont pas plus d'autorité sur le juge civil que n'en n'ont les autres décisions civiles émanant du juge civil. La condamnation pénale de l'auteur d'une infraction n'empêche pas de rechercher la responsabilité d'un tiers devant la juridiction compétente dès lors que ce tiers a commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage.

Pour retenir la culpabilité de M. [P] [S] du chef de blessures involontaires, le juge pénal a constaté que celui-ci avait eu un comportement fautif de sorte que le juge civil ne pouvait pas juger que M. [S] n'avait commis aucune faute sans méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal.

En revanche, le jugement pénal intervenu à l'encontre de M. [S] n'empêche pas Groupama de rechercher la responsabilité distincte de M. [O] [L] devant le juge civil.

En outre, le tribunal correctionnel a énoncé : 'Dit qu'il convient de déclarer [P] [S] responsable du préjudice subi par [B] [X]'. Ces dispositions ne concernent que les demandes présentées par M. [X], partie civile, dans le cadre de l'instance pénale à l'encontre de M. [P] [S], prévenu.

La règle de la relativité de la chose jugée prévue par l'article 1351 du code civil doit s'appliquer.

Le tribunal correctionnel n'a pas statué sur le recours de Groupama à l'encontre de M. [L]. Ni Groupama, ni M. [L] n'étaient parties à la procédure pénale.

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré 'irrecevables les demandes de Groupama tendant à voir condamner M. [O] [L] et la SA Pacifica au paiement des conséquences dommageables du sinistre subi par M. [B] [X] compte tenu de l'autorité de la chose jugée'.

- Sur l'irrecevabilité du recours subrogatoire de Groupama fondée sur les dispositions de l'article L.211-1 du code des assurances

Selon l'article L.211-1 du code des assurances, toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Pour l'application du présent article, on entend par "véhicule" tout véhicule terrestre à moteur, c'est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée.(...)

Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l'exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l'automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance. Toutefois, en cas de vol d'un véhicule, ces contrats ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, coauteurs ou complices du vol.

L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.

Les intimés soutiennent que ce recours subrogatoire est une exception au principe selon lequel l'assureur ne peut former de recours contre son propre assuré, lequel est le propriétaire du véhicule ; que ce recours est autorisé contre un tiers au contrat d'assurance lorsque la garde ou la conduite du véhicule assuré a été obtenue par lui contre le gré dudit propriétaire. Ils ajoutent qu'au visa de cet article, la Cour de cassation a jugé irrecevable un recours formé par un assureur

d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans l'accident à l'encontre de l'organisatrice défaillante du tournage du film sur le fondement de la faute, tournage lors duquel a eu lieu l'accident (Civ. 2ème 5 novembre 2020, 19-17.062, Publié au bulletin) ; qu'ainsi l'assureur qui entend exercer un recours subrogatoire contre la personne responsable de l'accident (gardien ou conducteur du véhicule terrestre à moteur impliqué dans l'accident de la circulation dont il est l'assureur) ne peut agir que sur le fondement de l'article L.211-1 alinéa 3 du code des assurances, à l'exclusion du droit commun, pour obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de cet accident. Ils estiment donc que Groupama ne peut former un recours subrogatoire à l'encontre de M. [L] et de son assureur que sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-1 alinéa 3 du code des assurances ; qu'il appartient à Groupama de prouver que M. [L] serait une personne responsable de l'accident et que la garde ou la conduite du véhicule par M. [L] aurait été obtenue contre le gré de la société Favier, son propriétaire, ce que Groupama ne fait pas.

Cette irrecevabilité n'avait pas été soulevée devant le premier juge.

L'article L.211-1 alinéas 2 et 3 du code des assurances limite le recours subrogatoire de l'assureur à l'encontre des personnes conductrices ou gardiennes de véhicules terrestres à moteur dont il est tenu légalement de garantir la responsabilité, au seul cas où le véhicule assuré a été obtenu contre la volonté de son propriétaire.

Il en résulte que l'assureur qui entend exercer un recours contre le conducteur ou le gardien d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation, afin d'obtenir le remboursement des indemnités allouées aux victimes de l'accident ne peut agir que sur le fondement de ce texte, à l'exclusion de l'article L. 121-12 du code des assurances et du droit commun.

Au regard de ces principes, il convient d'apprécier si M. [O] [L] avait la qualité de conducteur ou de gardien du véhicule impliqué dans l'accident du 9 novembre 2014. Le gardien est celui qui a les pouvoirs de contrôle, de direction et d'usage sur le véhicule.

Or, M. [L] est un tiers, le tracteur ne lui pas été prêté mais remis, sans contrepartie, pour stationnement d'une durée déterminée sur son exploitation, sans qu'il puisse l'utiliser dans son intérêt personnel. Il n'était pas gardien au sens de l'article 1242 alinéa 1 du code civil. Au moment de l'accident, c'est M. [S] qui était aux commandes du tracteur.

Groupama a indemnisé les victimes sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 du fait de l'implication du tracteur dans l'accident. Toutefois, elle peut exercer un recours contre les tiers dont la responsabilité est susceptible d'être engagée dans l'accident et leurs assureurs, sur le fondement du droit commun.

Groupama bénéficie ainsi tant de la subrogation légale de droit commun de l'article 1251 3° du code civil devenu l'article 1346, que de la subrogation légale du code des assurances régie par l'article L.121-12 du code des assurances.

Groupama a versé aux débats sa police d'assurance; elle a indemnisé les victimes de l'accident en application de la garantie responsabilité civile de son contrat d'assurance automobile, et son assuré, la SAS Ets P. Favier, en application de la garantie dommages aux véhicules.

Les intimés ne contestent pas que Groupama a justifié de l'intégralité des paiements à la victime directe, aux victimes indirectes et à la MSA, organisme social.

Elle bénéficie en outre de la subrogation conventionnelle prévue par l'article 1250 du code civil, devenu l'article 1346-1. Les quittances subrogatives régularisées par les victimes ont été versées aux débats, sauf pour l'organisme social. Il est par ailleurs justifié des règlements intervenus dans un délai concomitant de la signature des quittances.

Les demandes de Groupama formées à l'encontre de M. [L] sont ainsi recevables sur le fondement du droit commun.

- Sur la responsabilité de M. [O] [L]

Les appelantes soutiennent que M. [O] [L] a accepté de recevoir la chose (le tracteur) à titre de dépôt ;

- qu'il s'agissait d'une pratique habituelle entre les Ets P. Favier et M. [L] afin d'assurer la sécurité d'engins agricoles onéreux avant et après l'exposition à la foire, qu'il devait être tenu compte de l'usage entre les parties qui s'inscrivait dans le cadre des usages du milieu agricole de sorte qu'un écrit n'est pas nécessaire ;

- que les tracteurs ont été déposés chez lui en sa présence et fermés à clé ; que les clés lui ont été remises par l'un des préposés des Ets P. Favier et qu'il devait les conserver pendant toute la durée du dépôt ; qu'il ne s'agissait pas d'une simple mise à disposition des bâtiments laquelle n'aurait pas nécessité la remise des clefs ;

- que M. [L] savait qu'il devait conserver les tracteurs sur son exploitation, ne devait en aucun cas les utiliser, ni les prêter ; qu'il avait une parfaite connaissance de la valeur des engins agricoles concernés pour être lui-même agriculteur et propriétaire de matériels agricoles.

Elles estiment que l'acte de complaisance est à écarter alors que l'on se situe dans une pratique qui a lieu tous les ans et dont les modalités sont connues de tous avec remise en main propre des clefs des véhicules ; qu'un contrat de dépôt s'est formé entre les parties du fait des usages entre eux et de la remise des tracteurs le 7 novembre 2014 sur l'exploitation à M. [L] en sa présence.

Elles ajoutent que l'utilisation des tracteurs était limitée aux nécessités de l'exposition à la foire ; que le dépôt des engins sur son exploitation ne l'autorisait en aucune façon à effectuer des essais ou à laisser des tiers les essayer ; que M. [L] aurait dû veiller à ce que le véhicule soit fermé et ne puisse être utilisé. Elles font valoir que M. [L] devait restituer le tracteur Fendt dans l'état dans lequel il lui avait été remis. Or, ce tracteur a été endommagé par l'accident du 9 novembre 2014 alors que M. [P] [S], après avoir consommé de l'alcool, était en train de l'essayer dans la cour de l'exploitation ; que M. [L] a manqué à ses obligations de conservation de la chose en dépôt.

A titre subsidiaire, si l'existence d'un contrat de dépôt n'était pas retenue ou s'il était estimé que M. [L] n'avait pas manqué à ses obligations résultant de ce contrat, Groupama estime être bien fondée à soutenir que l'imprudence et la négligence de M. [L] sont constitutives d'une faute délictuelle en elle-même présentant un lien de causalité direct avec les dommages causés.

Sur ce,

Le 7 novembre 2014, deux tracteurs ont été livrés au domicile de M. [L] par la SAS Ets P. Favier. Le 9 novembre 2014 matin, sur demande de cette dernière, M. [L] a transporté les tracteurs sur le site de la foire agricole, tracteurs qui ont été pris en charge par la SAS Ets P. Favier.

Puis, le 9 novembre 2014, après la foire, les véhicules ont été ramenés par la SAS Ets P. Favier au domicile de M. [L].

Il est établi sans contestation sur ce point que s'agissant de la période du 7 au 9 novembre au matin, les clés avaient bien été remises à M. [L] puisque celui-ci s'est chargé de conduire les tracteurs sur le site de la foire agricole.

Néanmoins, lors du retour des tracteurs dont le transport a été effectué par les salariés de la SAS Ets P. Favier, il n'est pas établi avec certitude que les clés ont été remises à M. [L].

La question de la remise des clés a été posée à plusieurs reprises par les gendarmes dans le cadre de l'enquête pénale. Dans sa première audition, M. [L] a déclaré qu'il ne savait pas où se trouvaient les clés après le retour des tracteurs après la foire, que les salariés ne les lui avaient pas données ; que d'habitude, ils les mettaient derrière les sièges des tracteurs, reconnaissant néanmoins que le vendredi 7 novembre, il avait dit aux salariés de mettre les clés près du tank, dans une pièce près de la stabulation.

Ré-interrogé le lendemain, M. [L] a déclaré ne plus se souvenir, mais les gendarmes lui ont précisé que M. [V] (salarié de la SAS Ets. P. Favier) avait déclaré lui avoir remis les deux clés en main propre. M. [L] a alors déclaré : 'c'est un gars de parole donc je le crois. A ce moment là je sortais du tank après avoir raclé la stabulation, il a dû me les tendre mais je ne m'en souviens pas (...) J'ai dû les poser dans la pièce où je me trouvais, donc sur le meuble près du tank...'.

La victime directe M. [X] a été interrogée sur la question de savoir qui avait récupéré les clés avant l'accident. Celui-ci a déclaré n'en avoir aucune idée, qu'il croyait qu'ils étaient montés ensemble dans la cabine (lui-même et les consorts [S]), qu'il lui semblait que le cousin d'[P] [S] avait eu l'idée de venir voir le Fendt et qu'il avait les clés.

M. [P] [S] a déclaré ne pas savoir où se trouvaient les clés, que c'était M. [B] [X] qui était monté le premier dans la cabine.

Quant à M. [A] [S], il a indiqué penser que les clés étaient sur le contact.

Il existe ainsi une véritable incertitude quant à la remise des clés du tracteur litigieux à M. [L] par les préposés de la SAS Ets P. Favier lors de leur retour de la foire agricole. Le seul fait de stationner les tracteurs sur les lieux de l'exploitation de M. [L] ne suffit pas à caractériser la remise des tracteurs et donc d'un contrat de dépôt au moment du retour de la foire.

En outre, M. [L] n'a donné aucune autorisation aux trois protagonistes ([A] et [P] [S], et [B] [X]) pour essayer le tracteur ; il ne leur a pas fourni les clés et il est établi qu'il n'était pas informé des agissements de ceux-ci dans la mesure où il était en train de traire ses vaches. Il n'a pas assisté au démarrage du tracteur, ni aux manoeuvres des différentes conducteurs, précision faite qu'il n'avait reçu aucune consigne particulière de la SAS Ets. P. Favier.

Au surplus, même dans l'hypothèse où l'existence d'un contrat de dépôt serait reconnue, M. [L] n'a commis aucun manquement contractuel au vu des circonstances de l'accident telles que relatées ci-dessus. Selon l'article 1933 du code civil, le dépositaire n'est tenu de rendre la chose déposée que dans l'état où elle se trouve au moment de la restitution ; les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait, sont à la charge du déposant. Le dépositaire est tenu d'une obligation de moyens, et il lui appartient en cas de détérioration de la chose déposée, de prouver qu'il y est étranger, en établissant qu'il a donné à cette chose les mêmes soins qu'il aurait apportés à la garde de choses lui appartenant.

Il est établi que M. [L] est totalement étranger à ces détériorations, précision faite qu'aucune contrepartie n'avait été prévue en échange du stationnement des tracteurs et qu'un éventuel manquement du dépositaire s'apprécie dans ces circonstances avec moins de rigueur que si cela avait été le cas (article 1928 du code civil).

Aucune négligence ne peut non plus être reprochée à M. [L] sur le fondement de l'article 1383 ancien du code civil. Le tracteur a été ramené de la foire par les préposés de la SAS Ets. P. Favier, et il existe un doute sérieux quant à la remise des clés par les préposés de la société à M. [L] à cette occasion. En outre, M. [L] n'a jamais donné son autorisation aux consorts [S] et [X] pour l'utilisation du tracteur, l'initiative de le prendre émanant uniquement de ceux-ci, tous étant majeurs et ayant conduit le tracteur à tour de rôle. Il n'est pas non plus établi que M. [L] avait connaissance des agissements des consorts [S] et [X] au moment des faits.

Dans ces conditions, les appelantes ne rapportent pas la preuve que les conditions pour voir engager la responsabilité de M. [L] sont réunies et elles seront déboutées au fond de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre.

Compte tenu de la solution du litige, les demandes des appelantes tendant à voir condamner la SA Pacifica in solidum avec M. [L], en application de la garantie responsabilité civile du contrat d'assurance habitation, sont sans objet.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et de la SAS Ets. P. Favier seront condamnées in solidum aux dépens d'appel. La distraction des dépens d'appel sera ordonnée au profit de Me Barbara Gutton, avocat.

Par ailleurs, la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et de la SAS Ets. P. Favier seront condamnées in solidum à payer au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à M. [O] [L] la somme de 3 000 euros et à la SA Pacifica la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme dans la limite de sa saisine, le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes de la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et de la SAS Ets. P. Favier ;

Déboute la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et de la SAS Ets. P. Favier de toutes leurs demandes formées à l'encontre de M. [O] [L] et de la SA Pacifica;

Condamne in solidum la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et de la SAS Ets. P. Favier à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, à :

- M. [O] [L] la somme de 3 000 euros ;

- la SA Pacifica la somme de 3 000 euros ;

Condamne in solidum la société Groupama Rhône-Alpes Auvergne et de la SAS Ets. P. Favier aux dépens d'appel ;

Ordonne la distraction des dépens d'appel au profit de Me Barbara Gutton, avocat.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00383
Date de la décision : 15/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-15;23.00383 ?
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