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20/03/2024 | FRANCE | N°22/02332

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 20 mars 2024, 22/02332


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°151



DU : 20 Mars 2024



N° RG 22/02332 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F5ST

ADV

Arrêt rendu le vingt Mars deux mille vingt quatre



Sur APPEL d'une ordonnance rendue le 02 février 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (RG n°19/04389), d'un jugement rendu le 27 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (RG n°19/04389) corrigé par jugement

rectificatif du 03 octobre 2022 rendu par ce même tribunal (RG n°22/03188)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de c...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°151

DU : 20 Mars 2024

N° RG 22/02332 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F5ST

ADV

Arrêt rendu le vingt Mars deux mille vingt quatre

Sur APPEL d'une ordonnance rendue le 02 février 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (RG n°19/04389), d'un jugement rendu le 27 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (RG n°19/04389) corrigé par jugement rectificatif du 03 octobre 2022 rendu par ce même tribunal (RG n°22/03188)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [R] [Y]

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentants : Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et Me Fabrice PILLONEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

APPELANT

ET :

M. [N] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentants : Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et Me Fabrice PILLONEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

FONDS COMMUN DE TITRISATION 'HUGO CREANCES IV',

ayant pour société de gestion la société EQUITIS GESTION SAS, société par actions simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 9], immatriculée sous le numéro B 431 252 121 RCS PARIS, représenté par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, Société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 334 537 206, ayant son siège social à [Localité 11] ' [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Venant aux droits de la BNP PARIBAS en vertu d'un bordereau de cession de créances, conforme aux dispositions du Code monétaire et Financier, en date du 15 décembre 2016

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentants : Me Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et Me Marc VACHER de la SELARL THEMA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Janvier 2024, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame DUBLED-VACHERON et Madame THEUIL-DIF, rapporteurs.

ARRET :

Prononcé publiquement le 20 Mars 2024, après prorogé du délibéré initialement prévu le 06 mars 202 puis le 13 mars 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par, Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du 25 avril 2012, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a condamné M. [R] [Y], en qualité de caution solidaire de la société Axe Consult, à payer à la BNP Paribas :

- la somme de 23.877,31 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,38 % à compter du 7 juin 2011, dans la limite de la somme de 11.500 euros, montant de son engagement de caution, au titre du prêt n° 606295-92 ;

- la somme de 29.846,84 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,38 % à compter du 7 juin 2011, dans la limite de la somme de 14.375 euros, montant de son engagement de caution au titre du prêt n° 606294-95.

Cette décision a été confirmée par arrêt du 30 janvier 2014 signifié à M. [Y] le 8 septembre 2015. Il est définitif.

La BNP Paribas a cédé, le 15 décembre 2016, en vertu d'un bordereau de cession de créances , au Fonds Commun de Titrisation dénommé Hugo Créances IV( ci-après FCT) dont la société de gestion était alors la société GTI Asset Management, les créances qu'elle détenait à l'encontre de la société Axe Consult, notamment au titre des prêts n° 606295-92 et 606294-95, et leurs accessoires dont les engagements de caution de M. [R] [Y].

Par courrier recommandé AR en date du 10 avril 2017, ce dernier a été informé, en sa qualité de caution solidaire de la société Axe Consult, de la cession de créances intervenue et de l'entité en charge du recouvrement. Il a également été informé de ce que la société Equitis Gestion confiait à la société MCS Associés le recouvrement desdites créances.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 27 juin 2017, M. [R] [Y] a également été informé qu'il restait devoir en qualité de caution de la société Axe Consult, les sommes de 11.500 euros et de 15.120,63 euros.

Les accusés de réception de ces deux lettres recommandées sont revenus avec la mention « non réclamé ».

M. [R] [Y] n'a effectué ni règlement, ni proposition de règlement.

En 1999, M. [R] [Y] a constitué la SCI Elsaada, immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le numéro 423 122 62. Cette société est propriétaire de deux biens immobiliers situés à [Localité 6], cadastrés section EO [Cadastre 3], lot n° 224 et Section NS [Cadastre 5], acquis en 1999 et 2003.

Le 15 janvier 2014, il a cédé les 25 parts sociales qu'il détenait à M. [N] [Y], au prix de 15,24 euros chacune, soit un prix total de 381 euros. Cette cession a été publiée au greffe du tribunal de commerce de Saint Etienne le 30 décembre 2014, soit postérieurement à l'arrêt du 30 janvier 2014.

Considérant que cette cession de parts a eu pour effet de réduire le gage du créancier sur le patrimoine de M. [R] [Y] et qu'en opérant de la sorte ce dernier s'est volontairement appauvri, le fonds commun de titrisation a, par exploits des 26 septembre et 4 novembre 2019, attrait M. [N] [Y] et M. [R] [Y] devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin de faire déclarer inopposable l'acte de cession de parts sociales intervenu le 15 janvier 2014.

M. [R] [Y] n'a pas constitué avocat.

M. [N] [Y] a quant à lui formé un incident devant le juge de la mise état aux fins de voir prononcer la nullité de l'assignation, l'incompétence du tribunal et l'irrecevabilité de l'action et des demandes du fonds. Il a été débouté de l'intégralité de ses demandes par ordonnance du 2 février 2021.

Par jugement au fond en date du 27 juin 2022, rectifié par jugement du 3 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

- déclaré inopposable au Fonds Commun De Titrisation Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion, et représenté par son recouvreur la société MCS et associes, l'acte de cession de parts en date du 15 janvier 2014 entre M. [N] [Y] et M. [R] [Y] ;

- débouté Monsieur [N] [Y] de toutes ses demandes ;

- condamné solidairement M. [N] [Y] et M. [R] [Y] à payer au FCT Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion, et représenté par son recouvreur la société MCS et associés, la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par déclaration d'appel en date du 16 décembre 2022, M. [R] [Y] a interjeté appel total de l'ordonnance et des jugements susvisés. M. [N] [Y] a constitué avocat et formé appel incident aux côtés de son frère par voie de conclusions.

Par conclusions notifiées le 15 juin 2023 MM. [Y] demandent à la cour de :

« Juger » que l'appel incident formé par M. [N] [Y] est valablement formulé et que la cour en est saisie.

-Réformer et/ou Infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 02 Février 2021 ;

Prononcer l'inexistence ou la nullité de l'assignation délivrée le 4 novembre 2019 à M. [R] [Y] ;

Prononcer l'annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 2 février 2021, du jugement du 27 juin 2022 et du jugement du 3 octobre 2022 à l'égard de toutes les parties ;

Subsidiairement,

-de se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Saint-Etienne et de renvoyer les parties devant cette juridiction ;

Plus subsidiairement,

De réformer et/ou infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Clermont Ferrand du 27 juin 2022, le jugement rectificatif du 3 octobre 2022 ;

Prononcer l'irrecevabilité à raison de la prescription, de l'action et des demandes du Fonds Commun De Titrisation "Hugo Créances IV" représenté par Equitis Gestion SAS

Et à défaut,

- Débouter le Fonds Commun De Titrisation "Hugo Créances Iv" représenté par Equitis Gestion SAS représenté par son recouvreur la société MCS et associes de toutes ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire,

- Sommer et faire injonction Fonds Commun De Titrisation "Hugo Créances Iv" représenté par Equitis Gestion SAS représenté par son recouvreur la société MCS et associes de produire au débat le prix et les frais de la cession de créance intervenue,

- Surseoir à statuer sur les demandes, jusqu'à trois mois après la date de transmission du prix et des frais de la cession de créance intervenue, de sorte que M. [N] [Y] puisse, le cas échéant, exercer dans ce délai son action en retrait litigieux.

En tout état de cause,

- Condamner le Fonds Commun De Titrisation "Hugo Créances Iv" représenté par Equitis Gestion SAS représenté par son recouvreur la société MCS et associes à payer :

- à M. [N] [Y] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- à M. [R] [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner Fonds Commun De Titrisation "Hugo Créances Iv" représenté par Equitis Gestion SAS représenté par son recouvreur la société MCS et associes aux entiers dépens de l'Instance, en ce compris les sommes prévues par les articles R444-3 et ses annexes, et A444-31 du Code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ajoutées en sus aux sommes auxquelles ils seront condamnés et laissées entièrement à leur charge, distraits au profit de Me ARSAC de la SCP Henri Arsac, Avocat, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »

Par écritures d'intimé en date du 11 septembre 2023, le FCT Hugo Créances IV, ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion et représenté par son recouvreur la société MCS et associes demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 2 février 2021 ainsi que le jugement entrepris rendu le 27 juin 2022, tel que rectifié par jugement du 3 octobre 2022, par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, notamment en ce qu'ils ont :

- Déclarer M. [R] [Y] irrecevable en sa demande tenant au caractère non avenu du jugement du 25 avril 2012 ;

-Déclarer M. [N] [Y] irrecevable en ses demandes de nullité et/ou inexistence de l'assignation délivrée à M. [R] [Y] et des actes de procédure subséquents ;

- Déclarer qu'elle n'est pas valablement saisie de la demande d'injonction de produire aux débats le prix et les frais de la cession de créance intervenue et de surseoir à statuer sur les demandes jusqu'à trois mois après la date de transmission de ces éléments en l'absence d'effet dévolutif d'un appel ;

- Déclarer subsidiairement M. [N] [Y] irrecevable en sa demande d'injonction de produire aux débats le prix et les frais de la cession de créance intervenue et de surseoir à statuer sur les demandes jusqu'à trois mois après la date de transmission de ces éléments, de sorte qu'il puisse, le cas échéant, exercer son action en retrait litigieux.

En toute hypothèse,

- Débouter MM. [Y] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions et les condamner in solidum à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet de leurs demandes et moyens. L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.

Motivation :

Sur la forme,

A- Sur la nullité de l'assignation et la nullité des décisions subséquentes :

MM [Y], soulèvent, au visa des dispositions des articles 14 à 16 du code de procédure civile la nullité de l'assignation et soutiennent que le principe du contradictoire a été bafoué dès lors que l'assignation délivrée à M. [R] [Y] le 4 novembre 2019 à une adresse qui n'était pas la sienne. Ils s'inscrivent en faux à l'égard des déclarations de l'huissier de justice et soutiennent que M. [R] [Y] n'a jamais été contacté à cette époque sur son téléphone portable par l'huissier mandaté pour délivrer l'assignation.

Ils ajoutent :

- que la dernière adresse connue de M. [Y] n'était pas celle du [Adresse 1], mais le 6 cours [W] [H] à [Localité 6] comme le montre l'accusé réception du pli recommandé adressé le 10 juillet 2019 par GTI Asser Management ;

-que l'assignation n'a pas été délivrée à la SCI El Saada.

-qu'en revanche les décisions déférées ont toutes été signifiées au 6 cours [W] [H].

Les appelants soutiennent enfin que ces nullités devraient bénéficier à M. [N] [Y], l'annulation de la procédure à l'encontre du cédant devant bénéficier au cessionnaire.

Sur ce :

*S'agissant de l'assignation :

Aux termes du dispositif de leurs écritures, MM [Y] demandent à la cour de prononcer l'inexistence ou la nullité de l'assignation délivrée le 4 novembre 2019. Il convient en premier lieu de souligner qu'il n'appartient pas à la cour de choisir entre les demandes qui lui sont faites. La demande est ainsi dépourvue de précision. Elle l'est d'autant plus que MM [Y], répondant aux arguments du Fonds commun de titrisation qui rappelle à juste titre que la notion d'inexistence n'est pas retenue en procédure civile, balaient cet argument d'un revers de phrase en indiquant que « la notion d'inexistence est un débat doctrinaire ancien qui n'a que peu d'intérêt juridique au cas d'espèce. »

Considérant que les appelants admettent qu'il est sans intérêt de se pencher sur la notion d'inexistence et qu'en tout hypothèse la demande tendant à voir prononcer " l'inexistence " de l'assignation ne repose sur aucun fondement valablement développé dans les conclusions, la cour ne répondra donc pas sur la question de l'inexistence de l'assignation.

Concernant la nullité de l'assignation, le tribunal a déclaré cette demande irrecevable dès lors qu'elle n'avait pas été soulevée devant le juge de la mise en état, qui a compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédures, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance.

Les règles relatives à la signification des actes de justice sont prévues aux articles 651 et suivants du code de procédure civile.

L'article 114 du code de procédure civile prévoit que " la nullité d'un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à condition qu'elle soit expressément prévue par la loi et qu'un grief ne soit caractérisé ". La demande de nullité de l'assignation doit être analysée comme une exception de nullité pour vice de forme. Les nullités pour vice de fond sont limitativement énumérées par l'article 117 du code de procédure civile et l'article 693 du même code prévoit en ce sens que les dispositions de l'article 659 du même code doivent être respectées, sous peine de nullité.

Par conséquent, le non-respect de cette règle est sanctionné par une nullité de l'acte en question, à condition de rapporter la preuve d'un grief.

Cependant, aux termes de l'article 789 du code de procédure civile " lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ".

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré cette demande irrecevable.

*S'agissant des demandes additionnelles :

Les appelants invoquent également l'irrecevabilité des demandes modificatives et additionnelles du fonds commun de titrisation Hugo Créances IV ces modifications portant sur le changement de l'organe de représentation. Cette demande présentée comme un moyen nouveau au soutien de la nullité de l'assignation ( II- A-3- " irrecevabilité des demandes incidentes ") constitue en réalité une demande nouvelle au sens de l'article 954 du code de procédure civile dès lors que la sanction de l'irrégularité dénoncée, n'est pas la nullité de l'acte d'assignation.

En outre et surabondamment, l'information donnée sur le remplacement de la société GTI Asset Management par la société Equitis Gestion SAS ayant pour recouvreur la société MCS et associés ne s'analyse pas comme une demande additionnelle au sens de l'article 65 du code de procédure civile.

B) Sur la compétence :

Les consorts [Y] font valoir que la juridiction saisie est incompétente, au profit du tribunal judiciaire de Saint-Etienne puisqu'ils résident tous deux en cette ville.

L'article 42 du code de procédure civile dispose que " la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux ".

En 1ère instance, le demandeur était le FCT Hugo Créances IV tandis que les défendeurs étaient M. [N] [Y] et M. [R] [Y].

Le demandeur était donc en droit de saisir la juridiction du lieu où demeure l'un des défendeurs.

M. [R] [Y], conteste avoir été domicilié à [Localité 10] ainsi que cela est indiqué sur les différentes décisions critiquées.

Cependant, il résulte des pièces produites par le FCT (que les courriers adressés le 10 avril 2017 et le 11 avril 2017 à M. [R] [Y] sont au " [Adresse 1] ", sont revenus avec la mention " pli avisé et non réclamé " permettant d'attester de la réalité de l'adresse de M. [Y].

Dès lors, au moment où il a introduit l'action auprès d'une des deux juridictions compétentes, le FCT pouvait légitimement considérer que M. [Y] résidait sur le ressort du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand. Le fait que l'assignation ait été délivrée selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile n'a pas d'influence sur la compétence du tribunal.

En outre, la cour observe que le procès-verbal de l'huissier qui fait foi jusqu'à inscription de faux, signale le refus de M. [R] [Y] de communiquer son adresse actuelle et que à hauteur de cour, M. [Y] s'abstient de produire tout document permettant d'établir sa domiciliation à [Localité 6] avant la délivrance de l'acte introductif d'instance.

L'ordonnance critiquée sera confirmée sur ce point.

B) Sur la prescription :

Les consorts [Y] soutiennent que le FCT n'a pas valablement engagé son action dans les cinq ans de la cession de parts sociales ou du moins de la publication de cette cession.

L'article 122 du code de procédure civile dispose que " constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ".

L'article 2224 du code civil prévoit que " les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

L'action paulienne, qui vise à rendre inopposable à un créancier l'acte fait par l'un de ses débiteurs en fraude de ses droits, est une action de nature personnelle soumise à l'article 2224 du code civil, courant à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer (3ème chambre civile, 8 décembre 2021, n° 20-18.342).

S'agissant d'une cession de parts sociales, il résulte de l'art. 1865 que la publication de l'acte de cession de parts sociales au registre du commerce et des sociétés est destinée à assurer l'opposabilité de l'acte aux tiers.

Il ressort des éléments versés aux débats que :

-la cession de parts a été publiée au greffe du tribunal de commerce de Saint Etienne le 30 décembre 2014, qui a rendu l'acte opposable aux tiers

-le délai de prescription a commencé à courir à le 30 décembre 2014 pour 5 ans (jusqu'au 30 décembre 2019) ;

-Les actes d'assignation des consorts [Y] sont datés des 26 septembre et 4 novembre 2019 soit dans le délai imparti.

Par conséquent, l'ordonnance sera confirmée sur ce point et l'action intentée par le FCT est jugée recevable.

B) Sur le titre exécutoire :

Les consorts [Y] prétendent que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Etienne le 25 avril 2012 est un jugement réputé contradictoire et qu'il n'a pas été notifié dans les six mois de son prononcé, rendant cette décision non avenue et donc le FCT dépourvu de créance.

L'article 478 du code de procédure civile prévoit que " le jugement rendu par défaut ou réputé non contradictoire est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date ".

En application de cet article, seule la partie qui n'a pas comparu ni été citée à personne peut demander à ce que soit constaté le caractère non avenu du jugement (Cass. Civ. 2ème, 17 mai 2018, n° 17-17.409).

En l'espèce, il apparaît dans le jugement que M. [R] [Y] était représenté en première instance (pièce 1 FCT). Il est noté que le jugement est réputé contradictoire à l'égard de M. [L] [E] qui était partie défaillante tandis que M. [Y] était présent et représenté à l'audience.

Par conséquent, il ne peut se prévaloir de l'article 478 du code de procédure civile.

En outre, M. [R] [Y] a interjeté appel du jugement du 25 avril 2012 qui a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 30 janvier 2014, signifié le 15 décembre 2016.

L'arrêt se substituant au jugement, il convient de relever d'une part qu'il a fait l'objet d'une signification et d'autre part, que la voie de recours suspensive d'exécution (appel) a été exercée et écoulée.

Dès lors le FCT bénéficie d'un titre exécutoire.

II. Sur le fond :

A) Sur l'action paulienne :

Le FCT soutient qu'en cédant ses parts sociales M. [R] [Y] a commis une fraude au préjudice de son créancier.

Les consorts [Y] soutiennent quant à eux que la fraude paulienne n'est pas démontrée, faute de rapporter la preuve que la valeur des parts cédées ne correspondrait pas au prix de vente ainsi que celle de la collusion frauduleuse.

L'article 2284 du code civil dispose que " quiconque s'est engagé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ".

L'article 2285 du code civil prévoit quant à lui que " les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers ".

L'article 1341-2 du code civil dispose que " le créancier peut agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude ".

Il appartient donc au FCT d'établir la réunion des conditions suivantes :

- un acte qui a pour conséquence d'appauvrir le débiteur au détriment de son créancier;

- un élément intentionnel, qui caractérise la fraude ;

- l'insolvabilité, au moins apparente, du débiteur

L'acte d'appauvrissement se comprend comme un acte qui dépouille le patrimoine du débiteur d'un bien sans contrepartie ou avec une contrepartie insuffisante.

En l'espèce, la SCI Elsaada a été constituée entre M. [R] [Y], Mme [T] [V] et leurs trois enfants. Mme [T] et les enfants détiennent 25 parts sur 50 et M. [R] [Y] en possédait 25. Il a cédé ses parts sociales soient la moitié des parts de la SCI à M. [N] [Y] pour un prix global de 381 euros.

Or, les parts sociales cédées avaient nécessairement une valeur réelle supérieure à celles vendues puisque deux immeubles composent cette société civile immobilière : un immeuble affecté à l'usage de bureaux, acquis pour une somme de 395.000 francs le 9 juillet 1999 et une maison d'habitation acquise au 1er juillet 2003 au prix de 190.561 euros.

Par conséquent, la cession de parts sociales constitue un acte d'appauvrissement.

L'élément intentionnel de l'action paulienne ne suppose pas que le débiteur ait agi dans l'intention de nuire à son créancier ; il suffit qu'il ait eu conscience de lui nuire.

La fraude résulte de la seule connaissance que le débiteur et son cocontractant à titre onéreux ont du préjudice causé au créancier par l'acte litigieux (Cass. Civ. 1ère, 29 mai 1985, n° 83-17.329).

En l'espèce, suite à sa condamnation le 15 janvier 2012, la banque était en droit de recouvrir sa créance et ce sur les biens du débiteur au besoin. La cession de parts sociales est intervenue le 15 janvier 2014. Le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne condamnant M. [R] [Y] en qualité de caution de la société AXE Consult a été rendu le 25 avril 2012 et a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Lyon le 30 janvier 2014. La cession de parts a été publié le 30 décembre 2014, soit postérieurement à cet arrêt.

Il est donc incontestable que la créance existait à la date de la cession de parts sociales, effectué le 15 janvier 2014.

M. [R] [Y] savait, après avoir été condamné en qualité de caution d'une société à verser des sommes à la BNP Paribas, qu'en vendant la moitié des parts sociales de sa SCI à un prix dérisoire, il allait causer un préjudice à son créancier qui se heurterait à son insolvabilité.

La complicité de M. [N] [Y] est établie au regard de son lien de parenté avec M. [R] [Y] et du fait qu'il ne pouvait ignorer que le prix qu'il offrait en retour de l'acquisition était purement symbolique dès lors qu'il ne représente même pas 1% de la valeur du patrimoine, comme relevé à juste titre par les juges de première instance.

Le moyen soulevé par les consorts [Y] selon lequel que la BNP Paribas disposait d'un titre exécutoire qu'elle n'a pas jugé utile de faire signifier ou le fait qu'elle n'ait pas fait procéder à la saisie des parts sociales est inopérant puisqu'il n'est pas en lui-même de nature à faire échec à l'action paulienne.

Se faisant, M. [R] [Y] qui ne conteste pas la validité de son engagement de caution mais se trouve depuis 9 ans dans l'impossibilité d'honorer ses engagements se trouve dans un état d'insolvabilité apparente qu'il a aggravé en tentant de soustraire son patrimoine immobilier.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à l'action paulienne.

B) Sur l'action en retrait litigieux :

L'article 1699 du code civil dispose que " celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite ".

L'article 1700 du code civil dispose que " la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit ".

Les consorts [Y] font valoir que M. [N] [Y] dispose d'une action en retrait litigieux.

Le FCT soulève l'irrecevabilité de cette demande.

M. [N] [Y] a été débouté de cette demande par le tribunal judiciaire de Clermont Ferrand dont il n'a pas formé appel principal ni appel incident dans le délai de l'article 909, les conclusions notifiées le 15 mars 2023, le désignant comme intimé. Son appel incident est irrecevable.

Cependant, aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, " l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ".

Or l'appelant, M. [R] [Y] a relevé appel de la décision notamment sur le chef de jugement qui suit :

" débouté M. [N] [Y] de toutes ses demandes ".

L'action dirigée contre MM [Y] étant indivisible, il apparaît que l'effet dévolutif a opéré et que la prétention est recevable.

Sur le fond, le FCT fait valoir que M. [N] [Y] n'a pas la qualité pour exercer ce retrait litigieux qui n'appartient qu'au débiteur cédé, la société Axe Consult. Elle oppose également ce moyen à M. [R] [Y] (Il en résulte que M. [R] [Y] uniquement débiteur ès-qualités de caution de la société Axe consult ne pourrait pas être recevable à une demande en retrait litigieux.)

M. [N] [Y] indique venir aux droits de son frère.

Il résulte des articles 1699 et 1700 du code civil précités que la cession de la créance principale, comprenant aussi, par application de l'article 1692 du code civil, ses accessoires, emporte au profit du cédant la cession de la créance sur la caution et que si celle-ci a contesté le droit invoqué contre elle, il est ainsi devenu litigieux, et elle peut exercer le droit au retrait (Cass. Com., 12 juillet 2016, n°14-26.174)

Ainsi la caution peut exercer le retrait litigieux si un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé avant la cession et qu'au cours de l'instance, la caution a contesté ce droit au fond en tant que défendeur.

Toutefois, en l'espèce, la cession de créances portant sur les créances détenues par la société BNP Paribas à l'encontre de la société Axe Consult notamment au titre des prêts N° 606295-92 et 606294-95 et leurs accessoires (dont les engagements de caution de M. [R] [Y]) est intervenue le 15 décembre 2016, soit postérieurement au jugement rendu le 25 avril 2012 par le tribunal de commerce de St Etienne condamnant M. [R] [Y] en qualité de caution de la société Axe Consult et postérieurement à l'arrêt confirmatif rendu le 30 janvier 2014 par la cour d'appel de Lyon.

Dès lors, à la date de la cession le droit cédé n'était plus litigieux puisqu'il n'existait plus d'instance en cours et que le litige a été définitivement tranché.

La demande des appelants sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

III- Sur les autres demandes :

MM [Y] succombant en leurs demandes seront condamnés aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé ses frais de défense. MM [Y] seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, l'arrêt étant mis à disposition des parties au greffe de la cour ;

Ajoutant aux décisions critiquées :

Déclare recevable les demandes " additionnelles " du fonds commun de titrisation Hugo Créances IV ;

Déclare irrecevable l'appel incident de M. [N] [Y] mais se déclare saisie de la demande en retrait litigieux ;

Confirme en toutes leurs dispositions l'ordonnance rendue le 2 février 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont Ferrand et le jugement rendu le 27 juin 2022 (corrigé par jugement rectificatif du 3 octobre 2022) rendu par ce même tribunal ;

Condamne in solidum M. [R] [Y] et M. [N] [Y] à verser au Fonds commun de titrisation Hugo Créances IV ayant pour société de gestion la société Equitis Gestion, représenté par son recouvreur la société MCS et Associés la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne in solidum M. [R] [Y] et M. [N] [Y] aux dépens.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/02332
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;22.02332 ?
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