La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2024 | FRANCE | N°23/00671

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 06 mars 2024, 23/00671


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°116



DU : 06 Mars 2024



N° RG 23/00671 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7UR

VTD

Arrêt rendu le six Mars deux mille vingt quatre



Sur APPEL d'une ordonnance rendue le 21 mars 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay (N°RG 21/00420)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Vi

rginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller



En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :



BTP PREV...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°116

DU : 06 Mars 2024

N° RG 23/00671 - N° Portalis DBVU-V-B7H-F7UR

VTD

Arrêt rendu le six Mars deux mille vingt quatre

Sur APPEL d'une ordonnance rendue le 21 mars 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay (N°RG 21/00420)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

BTP PREVOYANCE

Institution de prévoyance régie par le Code la Sécurité sociale, SIREN 784 621 468

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jacques SOULIER de l'ASSOCIATION SOULIER - DAUPHIN, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANTE

ET :

Mme [S] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Edwina GUSTIN, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C63113-2023-000406 du 23/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

M. [Y] [E]

[Adresse 6]

[Adresse 5]

Représentant : Me Isabelle LABARTHE LENHOF de la SELARL ISABELLE LABARTHE-LENHOF AVOCAT, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

INTIMÉS

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 18 Janvier 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 06 Mars 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre du 5 juin 2014, l'institution de prévoyance du bâtiment et des travaux public BTP Prévoyance a accordé à Mme [S] [H] et M.[Y] [E] un prêt d'un montant de 15 000 euros.

Ces derniers ayant cessé de rembourser les échéances du prêt, BTP Prévoyance les a mis en demeure de régler les sommes dues par lettre recommandée du 10 avril 2019.

La déchéance du terme du prêt a été prononcée le 11 mai 2019.

Le 28 août 2019, BTP Prévoyance a déposé une requête en injonction de payer.

Une ordonnance portant injonction de payer la somme de 12 064,44 euros a été rendue le 5 novembre 2019.

Cette ordonnance a été signifiée le 3 décembre 2019.

Mme [S] [H] a formé opposition à son encontre le 13 décembre 2019.

BTP Prévoyance n'ayant pas constitué avocat, la présidente du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a, suivant ordonnance du 7 février 2020, constaté l'extinction de l'instance.

Par acte d'huissier du 10 juin 2021, BTP Prévoyance a saisi le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay afin d'obtenir la condamnation de Mme [S] [H] au paiement de la somme totale de 11 918,92 euros.

Par acte du 1er mars 2022, Mme [H] a fait assigner M. [Y] [E] en intervention forcée afin d'être garantie.

Une ordonnance de jonction des deux procédures est intervenue le 29 mars 2022.

Par ordonnance du 21 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a :

- déclaré irrecevable car prescrite l'action introduite par BTP Prévoyance ;

- condamné BTP Prévoyance à verser à Mme [S] [H] une somme de 2 000 euros et à M. [Y] [E] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné BTP Prévoyance aux dépens.

Le juge de la mise en état a considéré que la déchéance du terme du prêt litigieux était intervenue le 11 mai 2019 ; qu'en conséquence le délai pour agir de BTP Prévoyance expirait le 11 mai 2021. Il a jugé que le dépôt de la requête en injonction de payer n'avait pas d'effet interruptif de prescription, l'ordonnance portant injonction de payer ayant été déclarée non avenue par ordonnance du 7 février 2020 constatant l'extinction de l'instance. Il a enfin considéré que les dispositions de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, relatives aux délais de procédure en période d'urgence sanitaire, ne trouvaient pas à s'appliquer.

BTP Prévoyance a relevé appel de cette décision suivant déclaration du 19 avril 2023.

Aux termes de conclusions déposées et notifiées le 29 mai 2023, l'appelante demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance ;

- constater que sa créance n'est pas prescrite ;

- lui allouer le bénéfice de son exploit introductif d'instance ;

- condamner Mme [H] à lui verser la somme principale de 11 918,92 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance portant injonction de payer du 5 novembre 2019 valant mise en demeure ;

- condamner Mme [H] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

- statuer ce que de droit sur l'appel en garantie de Mme [H] à l'encontre de M. [E] ;

- condamner Mme [H] et M. [E] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Elle fait valoir que l'ordonnance du 25 mars 2020 avait vocation à s'appliquer pendant la période d'urgence sanitaire qui s'est achevée le 31 juillet 2022.

Elle ajoute qu'en application des dispositions de l'article 2241 du code civil, une demande en justice, et a fortiori une requête en injonction de payer, interrompt le délai de prescription ; que l'extinction de l'instance constatée le 7 février 2020 n'a pas entraîné l'extinction de l'action ; que la prescription ayant été interrompue le 28 août 2019, l'action n'était pas prescrite à la date de l'assignation délivrée le 10 juin 2021 à Mme [H].

Enfin, elle soutient que la prescription a été interrompue par un versement effectué par M. [Y] [E] le 12 septembre 2019, ce versement caractérisant une reconnaissance non équivoque de la dette.

Aux termes de conclusions déposées et notifiées le 19 juin 2023, Mme [S] [H] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance, l'action introduite par BTP Prévoyance étant irrecevable car prescrite au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, L.218-2 du code de la consommation;

- condamner BTP Prévoyance à lui payer la somme de 4 000 euros au titre du code de procédure civile, et aux entiers dépens ;.

- subsidiairement, renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire pour l'examen au fond des prétentions.

- à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 331 et suivants du code de procédure civile, 1103 et suivants du code civil, recevoir son appel en intervention forcée et garantie contre M. [E] ;

- dire que ce dernier sera tenu de la relever et garantir de toutes les condamnations en principal, intérêts, frais et autres qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de BTP Prévoyance;

- condamner M. [E] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de conclusions déposées et notifiées le 15 juin 2023, M. [Y] [E] demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 2243 du code civil, et L.218-2 du code de la consommation, de :

- confirmer l'ordonnance critiquée ;

- dire et juger que l'action principale introduite par BTP Prévoyance à l'encontre de Mme [H] le 10 juin 2021 est prescrite ;

- dire et juger irrecevable l'action introduite le 1er mars 2022 par Mme [H] à son encontre ;

- dire et juger également en tant que de besoin que toute demande en paiement de la BTP Prévoyance à son égard au titre du prêt n°0166887.7 du 5 juin 2014 est prescrite;

- subsidiairement lui accorder de larges délais de paiement ;

- en tout état de cause, condamner la BTP Prévoyance à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.

Par arrêt avant dire droit du 13 décembre 2023, la cour a :

- révoqué l'ordonnance de clôture et ordonné la réouverture des débats ;

- invité le conseil de Mme [H] à justifier de la notification de ses conclusions entre avocats et de leur dépôt à la cour avant la clôture de la procédure, et invité les parties à formuler leurs observations sur cette fin de non-recevoir ;

- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 18 janvier 2024 ;

- réservé les demandes des parties ainsi que les dépens.

Le conseil de Mme [H] a justifié de la notification de ses conclusions et pièces par voie électronique aux autres parties et à la cour.

Une nouvelle ordonnance de clôture est intervenue le 18 janvier 2024, et l'affaire a été mise en délibéré au 6 mars 2024.

Il est renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

MOTIFS :

L'article L.137-1 ancien devenu l'article L.218-2 du code de la consommation énonce que l'action des professionnels, pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.

En l'espèce, BTP Prévoyance reconnaît que les dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation sont applicables au prêt qu'elle a octroyé à Mme [H] et M. [E], et soutient que la déchéance du terme étant intervenue le 11 mai 2019, la date de prescription de sa créance se situe au 11 mai 2021.

L'article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il résulte de ces dispositions qu'une requête en injonction de payer n'est pas une demande en justice, mais la signification de l'ordonnance portant injonction de payer constitue une telle demande.

BTP Prévoyance a déposé une requête en injonction de payer le 28 août 2019, a obtenu une ordonnance portant injonction de payer le 5 novembre 2019 qui a été signifiée aux emprunteurs le 3 décembre 2019.

Selon l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

L'article 2243 prévoit que l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

Lorsque l'instance sur opposition à une ordonnance portant injonction de payer est déclarée éteinte en application de l'article 1419 du code de procédure civile, faute pour le créancier d'avoir constitué avocat dans le délai requis, l'interruption de la prescription résultant de la signification de l'ordonnance portant injonction de payer est non avenue (Cass. Civ. 2ème 19 novembre 2020, n°19-20.238 P).

En l'espèce, par ordonnance du 7 février 2020, le président du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a constaté l'extinction de l'instance en raison de la non constitution du créancier BTP Prévoyance, suite à l'opposition formée par Mme [S] [H] contre l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 5 novembre 2019, et a dit que l'ordonnance d'injonction de payer était non avenue.

La procédure d'injonction de payer n'a donc pas interrompu le cours de la prescription biennale.

BTP Prévoyance invoque au surplus l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, sans autre précision, pour conclure que : 'il semble que cette ordonnance a vocation à s'appliquer pendant la période d'urgence sanitaire', que 'l'état d'urgence sanitaire s'est achevé le 31 juillet 2022", et que 'il semble que ce soit cette dernière date qui doit être prise en considération en dépit de la mauvaise rédaction de l'ordonnance du 25 mars 2020"'.

Or, l'article 1er de l'ordonnance sus-visée énonce : ' les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus'.

En l'espèce, le délai de prescription de l'action en paiement de BTP Prévoyance contre Mme [H] n'expirait pas durant la période située entre le 12 mars et 23 juin 2020, mais de l'aveu même de l'appelante, le 11 mai 2021. BTP Prévoyance invoque donc en vain ces dispositions.

Devant la cour, elle se prévaut par ailleurs d'un paiement intervenu le 12 septembre 2019 par virement effectué par M. [E] d'un montant de 559,70 euros, qui aurait selon elle, interrompu le délai de prescription.

L'article 2240 du code civil prévoit en effet que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Afin de rapporter la preuve de ce paiement, l'appelante verse une pièce n°11 intitulée dans son borderau 'justificatif du règlement en date du 12 septembre 2019".

Ce document est toutefois insuffisant à établir une telle preuve : ce document 'édition relevés de comptes AFP 120" mentionne une série d'opérations intervenues le 11 septembre 2019 sur 6 pages concernant divers clients. Il ne s'agit pas d'un relevé bancaire, et la cour ignore son auteur.

Le virement de 559,70 euros invoqué qui aurait été effectué par M. [E] n'est corroboré par aucune autre pièce. Son montant ne correspond pas à celui des mensualités (68,98 euros) et il n'apparaît dans aucun décompte de la créance de BTP Prévoyance puisqu'il n'en est pas produit. L'appelante ne peut donc se prévaloir d'une reconnaissance par les débiteurs de son droit.

L'ordonnance sera ainsi confirmée en ce qu'il a déclarée irrecevable BTP Prévoyance en ses demandes pour cause de prescription de son action en paiement.

Succombant à l'instance, BTP Prévoyance sera condamnée aux dépens d'appel et à payer aux intimés une somme de 1 400 euros à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme l'ordonnance ;

Condamne l'institution de prévoyance du bâtiment et des travaux public BTP Prévoyance à payer à Mme [S] [H] et M. [Y] [E] une somme de 1 400 euros à chacun sur le sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'institution de prévoyance du bâtiment et des travaux public BTP Prévoyance aux dépens d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00671
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;23.00671 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award