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28/06/2023 | FRANCE | N°21/02105

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 28 juin 2023, 21/02105


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°284



DU : 28 Juin 2023



N° RG 21/02105 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FV4Z

ADV

Arrêt rendu le vingt huit juin deux mille vingt trois



Sur APPEL d'une décision rendue le 27 août 2021 par le Tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 15/00083)



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUI

L-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononc...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°284

DU : 28 Juin 2023

N° RG 21/02105 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FV4Z

ADV

Arrêt rendu le vingt huit juin deux mille vingt trois

Sur APPEL d'une décision rendue le 27 août 2021 par le Tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 15/00083)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé

ENTRE :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES,

Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable immatriculée au RCS de LYON sous le n° 605 520 071 02384

[Adresse 3]

[Localité 6]

venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL, Société anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° 775 633 878 000340

suite à l'opération de fusion-absorption actée aux termes d'une assemblée générale extraordinaire en date du 7 décembre 2016.

Représentant : la SCP HUGUET-BARGE-CAISERMAN-FUZET, avocats au barreau de CUSSET/VICHY

APPELANTE

ET :

Me [X] [O] membre de la SELARL MJ DE L'ALLIER

[Adresse 2]

[Localité 1]

agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ECOLE DE CARRIERES SUPERIEURES DE [Localité 12], société civile immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 379 417 546, dont le siège social est sis [Adresse 5], désigné à ces fonctions par jugement du tribunal de grande instance de CUSSET en date du 29 Juillet 2010

Représentant : la SELARL CAP AVOCATS, avocats au barreau de CUSSET/VICHY

La société MJ DE L'ALLIER représentée par Me [X] [O]

SELARL à associé unique immatriculée au RCS de MONTLUCON sous le n° 834 285 744 00019

[Adresse 2]

[Localité 1]

agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ECOLE DE CARRIERES SUPERIEURES DE [Localité 12], société civile immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 379 417 546, dont le siège social est sis [Adresse 5], désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de grande instance de CUSSET en date du 29 Juillet 2010

Représentant : la SELARL CAP AVOCATS, avocats au barreau de CUSSET/VICHY

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 15 Mars 2023 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 24 Mai 2023, prorogé au 7 juin 2023 et au 28 juin 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 28 juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société civile immobilière (SCI) NFC constituée de M. [B] [T] et de son épouse Mme [H] [T] avait pour filiales les SCI Estudio St Jean et Ecoles des Carrières Supérieures de [Localité 12] (ECS) dont M. [T] était le gérant.

Au mois de novembre 2003, la Banque Populaire du Massif Central(BPMC) a accepté de consentir plusieurs prêts pour une enveloppe globale de 5 millions d'euros destinés à financer :

-le retrait de comptes courants appartenant à M. [T] dans la société NFC à concurrence de 1 310 631 euros provenant de la société Estudio St Jean et 1 343 476 euros provenant de la société IFPC ;

-un apport en comptes courants appartenant à M. [T] de NFC dans Estudio St Jean (1 072 720 euros et 754 755 euros) et ECS (128 870 euros)

-un financement de travaux sur le local de [Localité 10] appartenant à ECS pour 389 548 euros.

Ce concours financier était donné moyennant les garanties suivantes (courrier du 26 novembre 2003) :

-une délégation de plusieurs contrats d'assurance-vie souscrits dans ses livres par M [T] et/ou son épouse d'un montant initial de 2 500 000 euros devant être porté à 3.000 000 euros ;

-la délégation de deux contrats d'assurance décès souscrits par M. [T] pour un montant global de 2 300 000 euros

-la caution solidaire et hypothécaire de la SCI Estudio St Jean sur le bien situé à [Adresse 8] avec obtention de la banque que les inscriptions prises sur ce bien n'avaient plus lieu d'être ;

-la caution solidaire et hypothécaire de la société ECS sur les biens immobiliers situés d'une part [Adresse 5] à [Localité 12] (avec obtention d'une quittance de la banque bénéficiant d'une inscription attestant que les inscriptions n'avaient plus lieu d'être) et d'autre part situé à [Localité 10].

La société NFC a ainsi contracté deux prêts auprès de la Banque Populaire du Massif Central selon acte notarié du 24 décembre 2003 :

-un prêt de 1.500.000 euros remboursable en 180 mois (en partie apuré)

-un prêt in fine de 3.500.000 euros remboursable en 180 mois (définitivement payé en 2009).

En garantie de ces prêts et suivant acte notarié reçu le 24 décembre 2003 par Maître [E], notaire associé à [Localité 11], la société ECS s'est portée caution solidaire indivisible et hypothécaire de la SCI NFC à hauteur de la somme de 2.500.000,00 € au profit de la Banque Populaire du Massif Central. Elle a également affecté et hypothéqué spécialement un immeuble sis à [Localité 12] [Adresse 13] cadastré AM n° [Cadastre 4].

M et Mme [T] se sont également portées cautions solidaires de ces prêts.

Suivant acte notarié reçu le 20 aout 2005 par Maître [I], notaire à [Localité 12], publié à la conservation des hypothèques de [Localité 9] le 14 octobre 2005 volume 2005 P n°4013 la société ECS a apporté ledit immeuble à la SCI ICS. La société ICS n'a pas fait procéder à la purge des hypothèques.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 mars 2009, la Banque Populaire du Massif Central a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure la SCI NFC, en qualité de débiteur principal, la société ECS, Monsieur [B] [T] et Madame [H] [T], en qualité de cautions, d'avoir à procéder au règlement des sommes dues soit 626.037,58 €.

Elle a par la suite, fait délivrer un commandement de payer le 31 juillet 2009 à la société NFC puis le 6 novembre 2009, un commandement de payer valant saisie à tiers détenteur, à la société ICS portant sur l'immeuble sis à [Adresse 13] et enfin, le 14 août 2009, un commandement de payer valant saisie à la société ECS.

En l'absence de règlement, la Banque Populaire du Massif Central a poursuivi l'exécution de son titre en faisant assigner à comparaître la société ICS à l'audience d'orientation du 12 mai 2010.

Par arrêt du 23 septembre 2010, la cour d'appel de céans, saisie par la SCI ICS, a confirmé le jugement d'orientation du 9 juin 2010 validant et fixant la créance de la banque à la somme de 642.832,83 euros.

Dans le même temps et suivant jugement du 28 juin 2010, le tribunal de grande instance de Cusset a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI ECS. La SELARL MJ de l'Allier prise en la personne de Me [O] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier du 28 juillet 2010, la Banque Populaire du Massif Central a déclaré sa créance au passif de la SCI ECS à titre privilégié hypothécaire.

La procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire suivant jugement du 29 juillet 2010.

Le 11 janvier 2011, la SCI ICS a également été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre. Me [W] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Ce dernier a été autorisé le 11 septembre 2012 à se substituer à la banque dans les poursuites et a poursuivi les opérations de vente sur saisie immobilière. L'immeuble sis à [Adresse 13] a été vendu lors de l'audience d'adjudication du 2 avril 2014 pour un montant de 650.000 euros.

Le 19 mai 2011, Me [O], ès-qualités de liquidateur de la société ECS a contesté le caractère privilégié de la créance de la Banque Populaire du Massif Central au motif que l'immeuble hypothéqué n'était plus la propriété de la société ECS.

Par ordonnance du 17 janvier 2012, le juge commissaire a sursis à statuer dans l'attente des procédures en cours.

Par conclusions déposées le 15 janvier 2014, la Banque Populaire du Massif Central a sollicité la réinscription de l'affaire enrôlée devant le juge commissaire pour qu'il soit statué sur la contestation de Me [O] sur le rang de sa créance. Par ordonnance du 8 juillet 2014, le juge-commissaire a débouté Maître [O] de l'intégralité de ses demandes, rejeté la contestation de créance initialement formée et fixé la créance de la Banque populaire du Massif Central à la somme de 649 172,43 euros.

Me [O] a interjeté appel de cette décision. Par arrêt du 6 mai 2015, la cour d'appel de Riom a sursis à statuer sur cette contestation de créance jusqu'à l'issue définitive de la procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Cusset, saisi par acte d'huissier du 5 janvier 2015 d'une demande tendant :

-au principal, à voir dire nul l'engagement de caution hypothécaire de la société ECS, et en conséquence à voir constater que la Banque Populaire du Massif Central ne dispose d'aucune créance ;

-à titre subsidiaire, de voir constater que la banque n'a pas mis en 'uvre les garanties dont elle bénéficiait ce qui déchargerait la caution de tout engagement ;

-à titre infiniment subsidiaire de voir constater que la société ECS n'a autorisé qu'un cautionnement hypothécaire et en conséquence de voir dire que la créance sera limitée à la part du prix qui pourrait revenir à la BPMC une fois le bien immobilier vendu et dans la limite de sa créance.

Par jugement du 27 août 2021, le tribunal judiciaire de Cusset a reçu la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes (ci-après dénommée BPAURA) venant aux droits de la Banque Populaire du Massif Central dans son intervention volontaire ; déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Me [O], déchargé en totalité la société ECS en qualité de caution en application de l'article 2314 du code civil, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la BP AURA aux dépens.

Le tribunal a considéré :

- Que le demandeur qui introduit une action en vue de solliciter la nullité d'un acte ne

peut agir que par voie d'action et non d'exception ; que l'action en nullité de la caution

hypothécaire était soumise à la prescription trentenaire ramenée à 5 ans;

- Que la créance garantie par le cautionnement de la société ECS était également

garantie par le cautionnement de la société Estudio St Jean avec engagement

hypothécaire sur un bien sis à [Localité 7], par deux délégation de contrats d'assurance

vie souscrits respectivement par M et Mme [T] ;

- Que les deux inscriptions d'hypothèque conventionnelle prises par la BPAURA ont été radiées le 25 mai 2009 et l'immeuble a été vendu aux enchères publiques le 16 juin

2011 au prix de 4 215 000 euros privant la société ECS d'action récursoire contre la

société Estudio St Jean ;

- Que la Banque Populaire n'avait pas procédé à la saisie des fonds placés auprès de

Natexis ou encore poursuivi les époux [T] sur leurs biens personnels ;

- Que la BPAURA ne justifiait donc d'aucune action ou voie d'exécution interruptive de la prescription à l'encontre des co-obligés et ne permettait pas à la société ECS d'exercer son recours ce qui justifiait la décharge de cette dernière ;

- Que le fait que la société NFC soit encore in bonis était inopérant, la possibilité de

subrogation s'appréciant aussi dans les droits, hypothèques et privilèges dont le

créancier bénéficiait au moment de l'engagement de caution.

La société BPAURA a relevé appel de cette décision par déclaration du 8 octobre 2021.

Par conclusions notifiées le 18 janvier 2013, elle demande à la cour :

- De faire droit à l'ensemble de ses demandes,

- De débouter Maître [X] [O] et la SELARL MJ de l'Allier de l'ensemble de leurs demandes,

- De débouter Maître [X] [O] de son appel incident formé par voie de

conclusions signifiées au visa des dispositions de l'article 909 du code de procédure

civile ;

- De débouter la SELARL MJ de l'Allier de son appel incident formé par voie de conclusions signifiées au visa des dispositions de l'article 909 du code de procédure

civile ;

- D'infirmer le jugement en date du 27 aout 2021 en ce qu'il a déchargé en totalité la

société ECS ès-qualités de caution en application des dispositions de l'article 2314 du

code civil et l'a condamnée aux dépens de l'instance ;

Réformant le jugement en date du 27 août 2021 :

- De débouter Maître [X] [O] ès-qualités de sa demande de décharge de

l'engagement de caution de la société ECS en ce qu'irrecevable et en tout cas infondée; - De débouter la SELARL MJ de l'Allier ès-qualités de sa demande de décharge de l'engagement de caution de la société ECS en ce qu'irrecevable et en tout cas infondée ;

En tout état de cause :

- De confirmer le jugement en date du 27 août 2021 en ce qu'il a déclaré irrecevable car

prescrite l'action en nullité du cautionnement formée par Maître [X] [O] en

qualité de liquidateur judiciaire ;

- De confirmer le jugement en date du 27 août 2021 en ce qu'il a débouté Maître [X]

[O] en qualité de liquidateur judiciaire de ses autres demandes ;

- De condamner solidairement Maître [O] et la SELARL MJ de l'Allier à lui payer

la somme de 7.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code

de procédure civile ;

- De condamner solidairement Maître [O] et la SELARL MJ de l'Allier aux entiers

dépens.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, Me [O] et la SELARL MJ de l'Allier demandent à la cour :

-de confirmer la décision rendue en ce qu'elle a déchargée la société Ecole Des Carrières

Supérieures De [Localité 12] en qualité de caution en application de l'article 2314 du code civil;

A titre subsidiaire :

- d'infirmer la décision rendue en ce qu'elle a déclaré prescrite la demande de nullité du cautionnement et en ce qu'elle les a déboutés du surplus de leurs demandes.

-de prononcer l'annulation de l'engagement de caution hypothécaire de la société Ecole Des Carrières Supérieures De [Localité 12] au profit de la Banque Populaire Du Massif Central:

- pour défaut de conformité à l'objet social de la société,

- pour dol sur le fondement de l'article 1116 du Code Civil,

- et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 1110 du Code Civil

A titre très infiniment subsidiaire, de déclarer éteinte la créance cautionnée depuis le 04/06/2008

A titre encore plus infiniment subsidiaire :

-en application de l'article 2229 du code civil, de limiter la créance de la BPAURA à la part du prix qui pourrait lui revenir une fois le bien immobilier vendu et dans la limite de sa créance

-de prononcer la déchéance des intérêts, et dire que tout paiement sera affecté en priorité sur le remboursement du capital de la créance

-d'enjoindre à la BPAURA de produire les contrats d'assurance-vie qui lui ont été délégués par M. et Mme [T], ainsi que tous éléments justifiant des actions menées pour recouvrer cette créance, et ceci sous astreinte de 100€ par jour de retard

-de condamner l'appelante à la somme de 7.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet de leurs demandes et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023.

Motivation :

I- Sur la décharge de la caution :

Suivant les dispositions de l'article 2314 du code civil, lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est

déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit.

Toute clause contraire est réputée non écrite.

La caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté.

La décharge de la caution suppose la faute exclusive du créancier.

La société BPAURA considère que la demande de décharge présentée par Me [O] ès-qualités, est irrecevable et infondée.

Elle soutient que de jurisprudence constante, les dispositions de l'article 2314 du code civil, ne s'appliquent qu'en faveur de la caution qui est poursuivie par le créancier.

Toutefois la jurisprudence sur laquelle elle s'appuie concerne le cas où une caution forme un recours en garantie contre le créancier lorsqu'elle est poursuivie par un de ses cofidéjusseurs après que celui-ci a payé. Les dispositions de l'article 2314 du code civil ne peuvent permettre un tel recours en garantie. Elles tendent à décharger la caution lorsque celle-ci, actionnée par le créancier, soutient que ce dernier lui a fait perdre des droits vidant en quelque sorte son recours subrogatoire de tout intérêt.

Il sera rappelé que la déclaration de créances équivaut à une demande en justice (Cour de cassation-Assemblée plénière du 26 janvier 2001- 99-15.153)

Dans le cas présent, la Banque Populaire du Massif Central a formé une demande en justice en déclarant sa créance dans le cadre de la procédure collective de la société ECS.

Elle a fait valoir devant le juge commissaire (pièce 18) que la nullité du cautionnement ne relevait pas de la compétence du juge commissaire. Le juge commissaire saisie d'une contestation portant sur la nullité du cautionnement et la décharge de la caution en application des dispositions de l'article 2314 du code civil a rappelé que ces demandes ne relevaient pas de sa compétence et paradoxalement écarté les moyens qu'il estimait ne pas avoir la compétence d'examiner avant de statuer sur la demande qui lui était présentée.

La cour d'appel, dans un arrêt du 6 mai 2015, a rappelé que le juge commissaire ne pouvait se prononcer sur la validité du cautionnement et la décharge et, considérant les procédures déjà en cours, sursis à statuer sur la contestation de créance.

En conséquence, et pour faire valoir les moyens de défense qu'elle oppose à la demande de fixation de créance, la SELARL MJ de l'Allier, prise en la personne de Me [O], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société ECS est recevable à exciper devant le tribunal et la cour, des dispositions de l'article 2314 du code civil pour solliciter la décharge de la société ECS de ses obligations de caution à l'égard de la société BPAURA afin de voir trancher cette contestation.

La société BPAURA se prévaut également du fait que la société NFC est in bonis ce qui laisse la faculté pleine et entière à la caution d'être subrogée dans ses droits. Toutefois la caution n'est déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation.

Il s'agit de savoir si le créancier a laissé perdre un droit préférentiel qui aurait pu lui procurer par voie de subrogation un droit de préférence ou d'un droit avantageant sa situation de créancier chirographaire et lui permette d'accroître ses chances de

remboursement.

Le fait que la société NFC soit in bonis est donc sans incidence sur la mise en 'uvre des

dispositions de l'article 2314 du code civil.

La BPAURA poursuit l'exécution de l'acte notarié du 24 décembre 2003 concernant le prêt professionnel N° 07000604 d'un montant de 1.500 000 euros. C'est à ce titre qu'elle a déclaré sa créance au passif de la société ECS (pièce 11) pour un montant de 649 172,43 euros.

Aux termes de l'acte notarié, les garanties données par le débiteur principal sont communes aux deux prêts.

Certaines de ces garanties sont (suivant les termes du contrat) appuyées d'une hypothèque.

Ainsi la société Estudio St Jean a consenti une hypothèque de second rang valant premier rang (après remboursement du créancier de premier rang) sur un bien situé à [Localité 7]. De la même façon la société ECS a consenti une hypothèque en second rang valant premier rang après remboursement du créancier de premier rang, sur un bien immobilier situé à [Localité 12] et sur un bien situé à [Localité 10]. Pour leur part, M et Mme [T], cautions, ont consentis des délégations d'assurances vie et décès.

Le liquidateur judiciaire fait observer que la BPAURA disposait d'une inscription d'hypothèque conventionnelle en garantie de ses créances pour un montant en principal de 750.000 euros et 1.750 000 euros.

Ces deux inscriptions d'hypothèques formalisées le 14 septembre 2006, correspondaient aux deux prêts garantis indistinctement par la société Estudio St Jean.

Ces deux inscriptions ont été radiées le 25 mai 2009 et l'immeuble a été vendu aux enchères publiques, sur poursuites de la société Fortis Lease, le 16 juin 2011 au prix de 4 215 000 euros.

La BPAURA indique que « pour mémoire, le prêt octroyé par Fortis Lease d'un montant de 3 600 000 euros a couvert le cautionnement solidaire, indivis et hypothécaire de la société Estudio St Jean au titre des deux prêts octroyés à la société NFC. » Elle affirme qu'elle n'avait d'autre choix que de donner mainlevée de ses inscriptions d'hypothèque.

L'analyse des pièces produites et notamment de l'acte notarié du 9 octobre 2006, établi par Me [I], notaire à [Localité 12], permet de constater que la société NFC a remboursé le prêt in fine au capital initial de 3 500 000 euros, ledit remboursement ayant été effectué d'une part par les époux [T] au moyen de la liquidation de leurs portefeuilles d'assurance vie gérés par la BPSD à hauteur de 2 800 000 euros et la somme de 1 074 658 euros par un chèque signé par Me [I] pour le compte du prêteur au bénéfice de l'emprunteur, dont le prêteur a donné quittance.

Se faisant, la BPAURA a obtenu remboursement partiel de sa créance par extinction des causes du crédit in fine de 3 500 000 euros. Pour ce faire, elle a obtenu la mobilisation des garanties des époux [T] qui ont liquidé les divers contrats d'assurances offerts en garantie de leur cautionnement et accepté de renoncer aux hypothèques conventionnelles dont elle bénéficiait, à l'engagement de caution de la société Estudio St Jean, pour ne conserver comme garanties que le cautionnement solidaire de la société ECS et la caution des époux [T].

Aux termes de l'avenant du 9 octobre 2006 auquel la société ECS n'était pas partie, la société BPAURA a par ailleurs obtenu de M. [T] une délégation de la souscription d'assurance vie en garantie du prêt référencé sous le numéro 7000604 souscrite auprès de Natexis Life le 3 octobre 2006 pour un montant initial de 700 000 euros.

En renonçant à la garantie de la société Estudio St Jean, la société BPAURA a privé la société ECS du bénéfice de division à l'égard de la société Estudio St Jean et par suite de la garantie hypothécaire offerte par cette dernière. Elle l'a également privé des délégations de contrat d'assurances vie.

Toutefois il convient d'observer que la dette de la société NFC, d'un montant global de 5.000.000 euros que la société ECS s'était solidairement engagée à garantir à concurrence de 2.500 000 euros a été partiellement soldée par l'abandon des contrats d'assurances vie souscrits par les époux [T] ainsi que par le remboursement du solde moyennant l'abandon des inscriptions hypothécaires prises sur l'immeuble de la société Estudio St Jean et sous réserve d'obtenir une garantie de substitution caractérisée par une délégation d'assurance vie de 700 000 euros.

Aux termes de l'avenant l'engagement de caution de la société ECS a été ramené de 2.500 000 euros à 1.300 000 euros.

Il apparaît par ailleurs que le prêt litigieux a fait l'objet d'un remboursement anticipé de 585 737 euros (pièce 36).

Tous ces rachats ont été opérés avant prononcé de la déchéance du terme, le décompte au 26 septembre 2019 (pièce 37) ne devant pas être confondu avec le relevé de compte (pièce 36) permettant de constater que ce prêt a été passé en contentieux le 25 mars 2009 après mise en demeure mentionnant l'acquisition de la déchéance du terme du 19 mars 2009.

Au regard de ces éléments, le caractère fautif de la perte de l'hypothèque et des délégations de créances n'est pas établi dès lors que la BPAURA a obtenu un remboursement significatif de sa créance, ramenant l'obligation de couverture de la société ECS fixée à 1 300 000 euros suivant le dernier avenant à une obligation de

626. 037,58 euros.

La BPAURA établit ainsi que le droit perdu n'a pas causé de préjudice à la caution ou un préjudice moindre que le montant de son engagement, qui si la créance n'avait pas été remboursée n'aurait pas permis de couvrir l'intégralité de la dette ce qui aurait contraint la banque à mobiliser plusieurs garanties et notamment les garanties hypothécaires dont elle disposait ne laissant plus à la société ECS de recours subrogatoire utile.

Me [O] ajoute que la BPAURA ne justifie pas avoir interrompu le délai de prescription envers les autres garants. Restent garants des engagements de la société NFC les époux [T] et la société ECS.

La BPAURA a fait délivrer un commandement de payer à la société NFC le 31 juillet 2009. Il n'est pas justifié que le commandement ait été réitéré, de sorte que cela prive la caution de la possibilité d'exercer son recours subrogatoire.

L'action subrogatoire de la caution contre le débiteur est en effet soumise à la même prescription que celle applicable à l'action du créancier contre le débiteur (Cass. com., 5 mai 2021, n° 19-14.486).

Cependant en l'espèce, le recours subrogatoire de la caution est sans intérêt puisqu'il n'y a plus de garanties spécifiques. La société ECS a conservé son recours personnel, car si le recours subrogatoire de la caution qui n'est autre que l'action du créancier lui-même est soumis au délai de prescription de celle-ci qui par hypothèse a commencé à courir dès avant le paiement fait par la caution, le recours personnel de la caution ouvre un nouveau délai de prescription courant au jour du paiement fait par elle.

En considération de l'ensemble de ces éléments, Me [O] ès-qualités ne démontre pas que les conditions de la décharge prévue à l'article 2314 du code civil sont réunies.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a déchargé la caution de ses obligations en application du texte susvisé.

II- Sur l'annulation de l'engagement de caution :

A titre subsidiaire, Me [O] ès-qualités, demande à la cour de réformer le jugement et de prononcer l'annulation de l'engagement de caution hypothécaire de la société ECS pour défaut de conformité à l'objet social de la société, pour dol et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 1110 du code civil.

La BPAURA assure que cette demande est irrecevable

Le tribunal a jugé cette demande en nullité irrecevable comme prescrite considérant que Me [O] agissait par voie d'action et non par voie d'exception.

L'action en nullité de l'acte de cautionnement est perpétuelle dès lors qu'en réponse à une action en justice introduite par un demandeur principal visant à faire exécuter le contrat le défendeur se défend par voie d'exception en soulevant la nullité de l'acte qui lui est opposé.

Le demandeur à l'exception de nullité (qui est défendeur à la demande d'exécution du cautionnement) ne peut invoquer ce moyen de défense que pour autant que la voie de la nullité de l'acte de cautionnement lui soit fermée à titre principal. En l'espèce, l'action en paiement initiée par le créancier qui sollicite l'admission de sa créance, a été engagée le 29 juillet 2010.

En application des dispositions de l'article 26 'II de la loi du 17 juin 2008, l'action en nullité du cautionnement était prescrite le 18 juin 2013.

L'appréciation de cette demande impose de rappeler le parcours procédural et les instances en cours.

Suite à la contestation de créance de la BPAURA présentée le 19 mai 2011 par Me [O] ès-qualités, le juge commissaire a dans un premier temps, sursis à statuer puis, par ordonnance du 8 juillet 2014, rejeté la contestation de créance et fixé celle-ci à la somme de 649 172,43 euros. Me [O] avait dans un premier temps contesté le caractère hypothécaire de la créance et le juge commissaire a sursis à statuer considérant que l'immeuble était saisi, qu'il semblait que sa cession soit intervenue en période suspecte et qu'elle pourrait faire l'objet d'une contestation dans le cadre de la liquidation judiciaire.

A la date du 8 juillet 2014, et après réinscription de l'affaire, Me [O] était recevable à soulever par voie d'exception la nullité du cautionnement. Le juge commissaire a statué alors même qu'il s'estimait incompétent pour répondre aux moyens de défense opposés à la demande en fixation de créance.

Par arrêt du 6 mai 2015, la cour d'appel de Riom, statuant dans les limites de sa saisine, a au visa des dispositions de l'article L624-2 du code de commerce, constaté que le juge commissaire n'avait pas compétence pour se prononcer sur un autre objet que l'existence, le montant et la nature de la créance (et plus précisément la validité du cautionnement et la décharge) et qu'il convenait donc de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Cusset.

La BPAURA sollicitant l'acceptation et la fixation de sa créance au passif de la société ECS et le juge commissaire étant incompétent pour statuer sur les moyens soulevés par la caution, celui-ci aurait dû logiquement inviter la banque à saisir le tribunal pour que soit tranché les contestations relatives à l'existence de la créance.

La saisine du tribunal restait, au cas d'espèce, le moyen pour la caution représentée par son liquidateur, pour faire valoir une exception perpétuelle de nullité, tendant à faire échec à la demande en admission de créance (et donc en paiement) de la BPAURA.

La BPAURA soutient que l'exception de nullité ne peut plus jouer puisque l'acte de cautionnement a reçu commencement d'exécution, et ce qu'elle que soit la partie qui a exécuté le contrat.

La règle de l'exception de nullité perpétuelle ne s'applique que si l'action en exécution de l'obligation litigieuse est introduite après l'expiration du délai de prescription de l'action en nullité et si le contrat n'a pas connu un commencement d'exécution.

Or l'inscription d'hypothèque constitue un commencement d'exécution (Cassation 9 mars 2017- 16-11.728).

En l'espèce, la BPMC a procédé à l'inscription d'hypothèque conventionnelle le 5 février 2004.

Il s'en suit que Me [O], ès-qualités n'est plus recevable à opposer une exception de nullité perpétuelle.

III- Sur les autres demandes :

Me [X] [O], ès qualités de liquidateur de la société civile Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12], la SELARL MJ de l'Allier représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12] succombant en leurs demandes seront condamnés aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la BPAURA l'ensemble des frais exposés par elle non compris dans les dépens.

Me [X] [O], ès qualités de liquidateur de la société civile Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12], la SELARL MJ de l'Allier représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12] seront condamnés in solidum à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant en chambre du conseil, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cusset le 27 août 2021 ;

Statuant à nouveau ;

Déclare recevable la demande présentée par Me [X] [O], ès-qualités de liquidateur de la société civile Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12], la SELARL MJ de l'Allier représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12] sur le fondement de l'article 2314 du code civil ;

Déboute Me [X] [O], ès qualité de liquidateur de la société civile Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12], la SELARL MJ de l'Allier représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12] de sa demande tendant à voir décharger la société civile immobilière ECS de son engagement de caution, en application des dispositions de l'article 2314 du code civil ;

Déclare irrecevable l'action en nullité de l'acte de cautionnement formée par voie d'exception par Me [X] [O], ès-qualités de liquidateur de la société civile Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12], la SELARL MJ de l'Allier représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12] ;

Condamne in solidum Me [X] [O], ès qualités de liquidateur de la société civile Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12], la SELARL MJ de l'Allier représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12] à verser à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum Me [X] [O], ès qualités de liquidateur de la société civile Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12], la SELARL MJ de l'Allier représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Ecole de Carrières Supérieures de [Localité 12] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/02105
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.02105 ?
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