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28/06/2023 | FRANCE | N°21/01693

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 28 juin 2023, 21/01693


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale













ARRET N°279



DU : 28 Juin 2023



N° RG 21/01693 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUYE

VTD

Arrêt rendu le vingt huit juin deux mille vingt trois



Sur APPEL d'une décision rendue le 09 juillet 2021 par le Tribunal judicaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 19/01734)



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie TH

EUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors ...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°279

DU : 28 Juin 2023

N° RG 21/01693 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUYE

VTD

Arrêt rendu le vingt huit juin deux mille vingt trois

Sur APPEL d'une décision rendue le 09 juillet 2021 par le Tribunal judicaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 19/01734)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé

ENTRE :

La société GCC

SAS à associé unique immatriculée au RCS de Versailles sous le n° 407 794 551 00231

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège de la société

dont le siège social est [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentants : Me Nathalie DOS ANJOS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL JUGE FIALAIRE AVOCATS, avocats au barreau de LYON (plaidant)

APPELANTE

ET :

La société dénommée 'SOCIETE DES BASALTES DU CENTRE'

SAS immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand s le n° 399 354 901 00049 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège de la société

dont le siège est [Adresse 2]

[Adresse 2]

La société dénommée 'SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS' sous le sigle S.M.A.B.T.P.

Société d'assurances mutuelles immatriculée au RCS de Paris sous le n° 775 684 764 02155 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège de la société

dont le siège social est [Adresse 3]

[Adresse 3]

les 2 intimées représentées par la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉES

DEBATS : A l'audience publique du 05 Avril 2023 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 07 Juin 2023 délibéré prorogé au 28 juin 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 28 Juin 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SAS GCC a été titulaire du lot gros oeuvre dans le cadre de la conception d'une école de musique, de danse et de théâtre à [Localité 6], sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de [Localité 6].

Elle a confié à la SAS Société des Basaltes du Centre (SBC) la fourniture et la livraison du béton pour la réalisation d'une partie des ouvrages, suivant commande en date du 19 juin 2017.

La SAS GCC soutenant avoir rencontré des difficultés avec le béton qui lui avait été livré, a fait intervenir un bureau d'études et un laboratoire, puis a fait réaliser une expertise amiable. Cette situation a conduit la SAS GCC à procéder à la destruction d'une partie du plancher haut du premier étage et de renforcer la dalle de compression du plancher haut du premier étage.

Par courriel du 4 octobre 2018, la SAS GCC a transmis à la SAS SBC le rapport de l'expert amiable et son mémoire de frais occasionnés en raison des défauts affectant le béton, à hauteur de 211 351,38 euros HT.

Par actes d'huissier des 20 et 25 mars 2019, la SAS GCC a fait assigner la SAS SBC et son assureur, la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand afin de voir engager la responsabilité contractuelle de l'entreprise à titre principal, et la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés à titre subsidiaire.

Parallèlement, la SAS SBC a déposé une demande en injonction de payer pour obtenir paiement des sommes restant dues au titre de ses factures, et a obtenu gain de cause par ordonnance du 23 avril 2019 du président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand. La SAS GCC a formé opposition. Par jugement du 4 novembre 2019, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a constaté l'existence d'une exception de litispendance et s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand.

Le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures le 11 mai 2021.

Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a:

- débouté la SAS GCC de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la SAS GCC à verser à la SAS SBC la somme de 12 704,82 euros au titre des factures impayées ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la SAS GCC à payer à la SAS SBC la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS GCC aux dépens.

Le tribunal a relevé que l'ensemble des analyses et études produites par la demanderesse avait été réalisé après la mise en oeuvre du béton ; que les rapports d'essai de résistance à la compression suite aux contrôles établis par la société LD Contrôles en 2017 sur le béton livré révélaient que le béton était conforme à celui commandé C25/30 ; qu'en présence d'éléments contradictoires et faute d'expertise judiciaire, la preuve de la non-conformité du béton n'était pas rapportée ; que pour les mêmes raisons, la preuve du vice caché n'était pas rapportée non plus.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 26 juillet 2021, la SAS GCC a interjeté appel du jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2023, l'appelante demande à la cour, au visa de l'article 1353, 1231-1 et 1641 du code civil, 1604 et 1615 du code civil, 542 et 954 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à verser à la SAS SBC et à la SMABTP la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- rejeter comme irrecevables et en tout cas injustifiées les demandes de condamnation de la SAS SBC à hauteur de 13 261,14 euros ;

- subsidiairement, limiter le montant des condamnations prononcées au profit de la SAS SBC à la somme de 556,32 euros ;

- en cas de condamnation, ordonner la compensation des créances ;

- rejeter les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

- et statuant nouveau :

- condamner solidairement la SAS SBC et son assureur à lui payer la somme de 216 923,34 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 février 2019 ;

- condamner la SAS SBC et la SMABTP à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sollicite à titre principal la condamnation de la SAS SBC au titre de la méconnaissance de ses obligations contractuelles. Elle soutient rapporter la preuve de la défaillance du béton, ne fondant pas ses demandes exclusivement sur le rapport d'expertise amiable de M. [P], mais également à partir des analyses d'Alpha BTP ou de Cidéco, et s'agissant des conséquences du défaut de résistance, à partir des comptes rendus de chantier et d'échanges des différents intervenants à la construction (maître d'oeuvre, bureau d'études structures ou bureau de contrôle). Elle précise que le béton fait l'objet en cours de chantier, de plusieurs vérifications : à la sortie d'usine, complétées par les essais de résistance à la compression réalisés une fois que le béton est coulé.

Elle fait valoir que le contrat se réfère expressément à l'extrait du CCTP du lot n°3 gros oeuvre qui lui a été confié, lequel indique que les bétons livrés prêts à l'emploi devront être conformes à la norme NF EN 206-1. La SAS SBC s'est engagée à livrer du béton prêt à l'emploi conforme à la norme NF EN 206-1, et pour les livraisons contestées, de classe C25/30. Or, il ressort des analyses confiées à des laboratoires indépendants dans le cadre de plusieurs campagnes d'investigations, à savoir Alpha BTP et le laboratoire Cidéco et également de l'expertise amiable que les essais à la compression ne sont pas concluants et la classe de résistance non atteinte pour certains ouvrages. Ce défaut de résistance à la compression est dû à un défaut de formulation du béton dès l'origine, et est imputable exclusivement à la SAS SBC.

Elle soutient que la décision de démolir et reconstruire les ouvrages litigieux résulte d'une décision concertée en cours de travaux par le maître d'oeuvre assisté de son bureau d'études structures et validée par le bureau de contrôle Qualiconsult.

A titre subsidiaire, elle invoque la garantie des vices cachés : n'étant pas un professionnel du béton, elle ne pouvait déceler le défaut affectant les caractéristiques intrinsèques du béton livré. Ce n'est que lors des tests de résistance à J + 28 jours, conformément aux dispositions de la norme AFNOR qu'elle a pris connaissance que le béton n'atteignait pas la classe de résistance attendue.

A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que la SAS SBC, professionnel du béton, a manqué à son devoir de conseil au visa des articles 1604 et 1615 du code civil, d'une part en livrant un béton à la formulation défectueuse n'ayant pas la résistance attendue et non adapté au site en raison des contraintes spécifiques des ouvrages à édifier, et d'autre part en n'apportant aucune réponse à son cocontractant à la question du risque de démolition, risque qui a par la suite été confirmé par le bureau d'études structure et le bureau de contrôle.

Elle sollicite une somme de 216 923,34 euros se décomposant de la manière suivante :

31 756 euros de carottage et d'investigations ;

115 339,01 euros pour les reprises (déconstruction et reconstruction) ;

40 760,60 euros pour l'immobilisation du matériel ;

29 067,73 euros de frais généraux.

Enfin, elle fait valoir que les demandes reconventionnelles de la SAS SBC qui sollicite un montant de condamnation différent de celui retenu par les premiers juges en complément d'une demande de confirmation, sont irrecevables. Sur le fond, elle soulève l'absence de fondement contractuel pour les sommes exigées au titre des frais de recouvrement ou des pénalités de retard.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 20 janvier 2023, la SAS Société des Basaltes du Centre (SBC) et la Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) demandent à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1641 du code civil, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

Y ajoutant,

- condamner la SAS GCC à lui payer en principal la somme de 13 261,14 euros et dire que la dite somme sera assortie des pénalités contractuelles de retard à compter du 7 mai 2019, date de signification de l'ordonnance portant injonction de payer ;

- condamner la SAS GCC en cause d'appel à leur payer une indemnité de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS GCC aux dépens d'instance et d'appel, étant précisé que lesdits dépens comprendront ceux de la procédure d'injonction de payer, tels qu'énumérés et arrêtés dans le jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 4 novembre 2020.

Elle fait valoir que l'essentiel de la demande de la SAS GCC est basé sur un rapport d'expertise non contradictoire, établi par ses soins et commandé à son expert.

Elle considère que la SAS GCC ne peut pas prétendre que le béton livré n'est pas conforme dès lors que :

- les essais effectués par un laboratoire en sortie de centre démontrent que le béton est conforme pour la même période de références ;

- les analyses et essais présentés par la SAS GCC ne correspondent pas à une méthodologie sérieuse ;

- les analyses et les études versées par GCC écartent une donnée fondamentale qui est la condition de mise en oeuvre du béton.

Elle ajoute que la décision de démolition et reconstruction des ouvrages appartient à la seule SAS GCC et n'était pas valable, même à supposer que le béton n'ait pas eu lors de sa livraison, les caractéristiques requises, ce qui n'est pas démontré. Elle fait valoir

en outre que la SAS GCC ne prouve pas que le CCTP devait s'appliquer à elle, qu'elle lui avait communiqué et donné des éléments relatifs aux conditions de mise en oeuvre de son béton et des exigences de celui-ci dans l'ouvrage construit.

Sur la garantie des vices cachés, elle fait valoir que l'acheteur du béton est un professionnel, qu'il pèse sur lui une présomption de connaissance du produit qui lui est livré ; que les obligations en matière de réalisation d'ouvrages de maçonnerie lui imposaient des vérifications qu'elle n'a pas mises en oeuvre et dont elle ne justifie pas l'existence dans le cadre de la procédure.

Sur le fondement infiniment subsidiaire, elle expose que la Cour de cassation rappelle systématiquement que le vendeur n'est pas tenu par l'obligation de conseil et d'information lorsque l'acheteur est un professionnel dont la compétence lui donne les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du produit ou du matériel commandé ou livré.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023.

MOTIFS

I- Sur la demande principale de dommages et intérêts de la SAS GCC

- sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la SAS SBC

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit en raison de l'inexécution de l'obligation, soit en raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Par ailleurs, selon l'article 1153 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, la SAS GCC titulaire du lot n°03 gros oeuvre dans le cadre de la construction d'une école de musique, de danse et de théâtre à [Localité 6], sous la maîtrise d'ouvrage de la commune de [Localité 6], a confié à la SAS SBC la fourniture et la livraison du béton pour la réalisation d'une partie des ouvrages, suivant commande en date du 19 juin 2017.

Il ressort du bon de commande et de ses annexes que l'objet de la commande était : 'fourniture et livraison de béton prêt à l'emploi', avec la précision que 'les bétons utilisés pour ce chantier pourront être fabriqués sur place ou livrés prêt à l'emploi, dans ce cas ils seront conformes à la norme NF EN 206-1".

La SAS GCC soutient qu'il ressort des analyses confiées à des laboratoires indépendants dans le cadre de plusieurs campagnes d'investigations, à savoir Alpha BTP et le laboratoire CIDECO, mais également de l'expertise contradictoire de M. [P], que les essais à la compression n'ont pas été concluants et la classe de résistance non atteinte pour certains ouvrages (V04.1 et D1.1) ; que ce défaut de résistance à la compression est dû à un défaut de formulation du béton dès l'origine, et est imputable exclusivement à la SAS SBC ; qu'elle apporte la preuve par plusieurs éléments probants et concordants de la défaillance du béton et de la faute de SBC.

Selon la SAS GCC, c'est la défaillance de la formulation initiale du béton qui est la cause des défauts de résistance constatés, les résultats obtenus sont tellement faibles qu'ils ne peuvent s'expliquer par un défaut de mise en oeuvre comme le prétend la SAS SBC sans justificatif.

Elle produit à l'appui de son affirmation :

- le rapport de la société Alpha BTP du 21 mars 2018 (pièce n°23) à qui la SAS GCC a commandé une campagne d'essais de carottes et d'analyses : il mentionne les résultats de séries de mesures au scléromètre effectuées le 19 mars 2018 sur différents éléments en béton, les valeurs obtenues ont été répertoriées dans des tableaux, avec reprise des valeurs mesurées lors de la première intervention le 4 décembre 2017 ; il est précisé que les mesures se sont améliorées d'environ 3.25 MPa de manière générale ;

- le rapport d'étude de la société CIDECO du 17 avril 2018 (pièce n°9), société de droit privé dont l'actionnaire unique est l'Université [4], à qui la SAS GCC a commandé une campagne de prélèvements carottés, dont les conclusions sont les suivantes :

'Les essais de compression sur les carottes montrent que la qualité du béton est globalement conforme aux exigences de la norme NF EN 13791, à l'exception de l'extrémité du voile V04 (i.e. zone V04.1) et de la dalle D1.1.

Pour le béton C25/30, la résistance moyenne est de 23,2 MPa, ce qui est l'équivalent à un essai sur éprouvette béton de 27,3 MPa. L'écart-type observé est de 4,5 MPa, correspondant à un coefficient de variation de 19 % (valeur attendue pour les carottes de béton in-situ, conformément aux indications de la norme NF EN 12504-1).

Pour le béton C30/37, la résistance moyenne est de 31,3 MPa, ce qui est l'équivalent à un essai sur éprouvette de 36,9 MPa. L'écart-type observé est de 2,7 MPa, correspondant à un coefficient de variation de 8,6 %.

Les corrélations des résultats des essais de compression avec ceux du CND par scléromètre sont globalement bonnes, sauf pour les voiles V04 et V2.2.

En complément de cette étude, il serait utile de prendre en compte la descente de charges sans l'identification des risques associés aux éléments de la construction, selon les préconisations de l'Eurocode 0" ;

A la suite de ce rapport d'étude, l'expert amiable M. [D] [P] mandaté par la SAS GCC a recensé dans une note du 17 avril 2018 les résultats de CIDECO et indiqué que les éléments notés 'OK' pouvaient être conservés, les valeurs individuelles in situ étant toutes supérieures à 17,85 MPa et supérieures à 22,1 MPa (C30/37) pour les ouvrages V2.2, V2.5 et V2.6 ; que par contre pour les ouvrages D1.1 (plancher) et V04.1 (mur), certaines valeurs individuelles étaient inférieures à 17,85 MPa, les ouvrages ne pouvaient pas être conservés en l'état (pièce n°26).

- la note technique en date du 23 juillet 2018 de l' expert amiable, M. [P], (pièce n°14) réalisée suite à une réunion sur le site de la centrale à béton le 4 mai 2018 : il est mentionné que l'avis est donné en tenant compte des bons de livraison, des bons de fabrication (pesées), des courbes wattmétriques, des rapports d'essais finaux de résistance à la compression, des fiches de mesure des teneurs en eau des granulats (sable et gravillons), du plan d'assurance qualité de la centrale à béton de [Localité 5]. Sa conclusion est la suivante :

'Les rapport Eau Efficace / Liants équivalents élevés à la fabrication à la suite d'une dérive systématique de la variation d'eau (201/m3), d'une dérive sur la vraie valeur de l'hygrométrie des gravillons, sont à l'origine des faiblesses des résistances à la compression constatées sur les ouvrages.

Pour s'en convaincre, il conviendra de réaliser des prélèvements carottés et de réaliser des essais physico-chimiques permettant de :

$gt; déterminer la masse volumétrique et la porosité (recommandations AFREM)

$gt; évaluer le dosage en ciment par la moyenne des deux méthodes de la silice soluble et les inerties (recommandations GranDuBé),

$gt; évaluer le rapport Eau Efficace / Liant équivalent,

et de comparer les résultats avec le tableau des fabrications.'

Néanmoins, ainsi que le soutient la SAS SBC, sa prestation consistait exclusivement en une livraison de matière dont la qualité découle également de la qualité de sa mise en oeuvre.

Or, elle verse aux débats de son côté deux éléments :

- tout d'abord, les rapports d'essai de résistance à la compression sur la période de livraison de béton incriminée, réalisés par l'agence LD Contrôles, laboratoire indépendant de la SAS SBC, concluant à des résistances à la compression conformes à la classe C25/30 ;

- ensuite, une note technique rédigée le 4 août 2019 par M. [S] [Y], CPA Experts (ingénieur ETP-IAE, professeur de béton armé à l'Ecole des Travaux Publics).

Cette note comporte une première partie critiquant les conclusions du rapport Sigma Béton que l'appelante n'a pas toutefois repris dans ses conclusions pour établir sa démonstration.

Néanmoins, M. [S] [Y] indique , s'agissant de la résistance à la compression du béton que tous les résultats d'essais de la résistance réalisés dans le cadre de son contrôle de fabrication pour le compte de la SAS SBC, par le laboratoire indépendant et certifié LD Bétons, pour la période des livraisons incriminées par la SAS GCC, conduisent à des résistances à la compression conformes à celles de la classe C25/30 ; que les essais réalisés par la SAS SBC sont indépendants de la mise en oeuvre tandis que ceux sur lesquels s'appuient la SAS GCC sont dépendants d'une part de la mise en oeuvre, d'autre part des aléas relatifs à la réalisation de carottages dans une structure réalisée.

Par ailleurs, M. [Y] ajoute que s'agissant d'un béton à propriété spécifié au sens de la norme NF EN 206-1, la SAS GCC a commandé à la SAS SBC des performances, et non une composition.

Il poursuit en exposant que la SAS GCC n'apporte aucun document traçant les essais de résistance à la compression ou de consistance qu'elle se devait de réaliser au fur et à mesure de l'avancement du chantier et qui montrerait l'insuffisance de résistance à la compression alléguée.

De plus, il considère que la SAS GCC n'apporte pas plus d'élément sur la résistance à la compression du béton qui était effectivement nécessaire pour la justification de la capacité résistante des ouvrages en béton armé qu'elle a choisi de démolir et reconstruire.

Il écrit notamment :

'Cependant, pour aller au bout du raisonnement, nous partons dans la suite de cette note de l'hypothèse d'un défaut de résistance à la compression du béton dans l'ouvrage qui serait dû à un excès d'eau (hypothèse GCC), ceci qu'elle qu'en soit l'origine.

Supposons que le béton ait été effectivement affecté d'un excès d'eau conduisant à un rapport E/C entre 0,63 et 0,70 au lieu de 0,6 que permet la classe d'exposition visée.

Comment en aurait été affectée sa résistance à la compression '

On peut approcher la perte de résistance à la compression qui en résulte, toutes choses égales par ailleurs, soit par l'application de la formule de Féret [...], soit par l'utilisation d'abaques [...].

Dans le premier cas, la baisse de résistance est proportionnée à la variation de la quantité (C/E-0,5), laquelle varie de 1,17 à 0,92 pour un passage de E/C de 0,6 à 0,7, soit une baisse de résistance dans un rapport valant (1,17-0,92)/1,17 = 0,21 = 21 %.

Dans un second temps, on obtient un passage de 25 MPa à 20 MPa, soit une baisse de résistance de 20 % (influence relativement faible dans les gammes de faible résistance).

[...] On peut estimer qu'un béton C25/30 qui serait affecté d'un surdosage en eau pour un rapport E/C valant 0,7 au lieu de 0,6 (quelle qu'en soit l'origine) aurait une fois durci une résistance caractéristique à la compression de 20 MPa au lieu de 25 MPa.

A supposer même que l'ouvrage ait été dimensionné sans aucune réserve de sécurité par rapport à l'application des coefficients usuels, le simple fait qu'il s'agisse d'un ouvrage déjà construit (dont on connaît la géométrie, dont on pouvait connaître la position précise des armatures et la résistance du béton) permettait à niveau de sécurité égal, de vérifier la capacité résistance de l'ouvrage avec des coefficients de sécurité moindre, absorbant 20 % de déficit de résistance à la compression du béton (qui plus est quant il s'agit de dalle et de voile, et pas de poutre ou de poteau).

On peut donc légitimement s'interroger sur le raisonnement qui a amené GCC à démolir puis reconstruire le voile et le plancher incriminés, sauf à ce que la raison soit autre que le déficit de résistance allégué.'

La SAS SBS relève à juste titre que tous les 'examens' versés par la SAS GCC à l'appui de sa position selon laquelle la défaillance de la formulation initiale du béton est la cause des défauts de résistance constatés, portent sur un produit après mise en oeuvre.

Aussi, en présence de rapports d'essais effectués par un laboratoire en sortie de centrale démontrant que le béton était conforme à la marchandise commandée pour la période de référence, de rapports et notes techniques produits par l'appelante réalisés sur un produit après mise en oeuvre, d'une décision de démolition sur laquelle la note de M. [Y] permet d'avoir des doutes quant à sa raison réelle, mais surtout en l'absence d'expertise judiciaire qui aurait permis aux parties de débattre utilement sur un plan technique, sachant que l'ouvrage construit avec le béton litigieux est aujourd'hui détruit, le tribunal a pu légitimement conclure être en présence d'éléments contradictoires et considérer que la preuve de la non conformité du béton n'était pas rapportée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS GCC de sa demande de dommages et intérêts fondée sur un manquement contractuel au visa de l'article 1231-1 du code civil.

- subsidiairement sur le fondement de la garantie des vices cachés

Sur le fondement subsidiaire, à savoir la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil, la SAS GCC soutient qu'elle ne pouvait déceler le défaut affectant les caractéristiques intrinsèques du béton livré ; que ce n'est que lors des tests de résistance qui s'effectuent à J + 28 jours qu'elle a pris connaissance que le béton n'atteignait pas la classe de résistance attendue ; que le béton présentant un vice de fabrication ne lui permettant pas d'atteindre la classe de résistance attendue était affecté d'un vice caché.

Néanmoins, la charge de la preuve de l'existence d'un vice, préexistant à la vente, caché, et qui rend la chose impropre à son usage repose sur la SAS GCC.

L'ouvrage détruit est un ouvrage réalisé par la SAS GCC : il a été énoncé ci-dessus que la preuve de la non conformité du béton n'était pas rapportée par l'appelante. Le tribunal a donc logiquement énoncé que pour les mêmes raisons, la preuve du vice caché n'était pas rapportée.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

- infiniment subsidiairement sur le fondement de l'obligation de conseil

Devant la cour, la SAS GCC se prévaut, au visa des articles 1604 et 1615 du code civil, d'une obligation du vendeur professionnel de renseignement à l'égard de son client : le fournisseur de béton est tenu de livrer un béton conforme à la commande, que ce soit du point de vue de sa formulation que son adaptation au site.

Elle se prévaut ainsi de décisions de jurisprudence ayant considéré :

- que relevait de la responsabilité du fournisseur de béton, tenu en sa qualité de spécialiste d'une obligation de conseil, le fait de livrer un béton au dosage non satisfaisant au regard du rapport eau/ciment ;

- que la formulation incorrecte du béton livré tant en ce qui concerne sa formulation et son adaptation au site, caractérise un manquement à son obligation de conseil du fournisseur de béton à l'égard de l'entreprise.

Aussi, elle estime que la SAS SBC, professionnelle du béton, a manqué à son devoir de conseil, d'une part en livrant un béton à la formulation défectueuse, n'ayant pas la résistance attendue et non adapté au site en raison des contraintes spécifiques des ouvrages à édifier, et d'autre part, en ne lui apportant aucune réponse à la question du risque de démolition, risque qui a été confirmé par le bureau d'étude structure et le bureau de contrôle.

En matière de contrat de vente, la jurisprudence a imposé l'obligation d'information et de conseil au vendeur comme une suite, un accessoire, de l'obligation de délivrance.

Le vendeur professionnel n'est pas tenu d'une simple obligation d'information, mais d'une obligation de conseil. A ce titre, il doit orienter l'acheteur professionnel ou profane dans sa décision d'acheter ou de ne pas acheter et dans le choix de la chose achetée.

L'acheteur a de son côté un devoir de se renseigner. L'intensité de ce devoir varie en fonction de sa qualité, sa compétence ou encore de la diffusion des techniques. Le client a également un devoir de collaboration ; il doit être actif et exposer correctement ses besoins spécifiques. L'obligation de conseil du vendeur ou du fabricant à l'égard de l'acheteur professionnel n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés.

L'acquéreur professionnel qui contracte en dehors de son domaine de spécialité est assimilé à un client profane, mais lorsque, à raison de sa profession, il est censé détenir des connaissances sur le caractère inapproprié de la chose à l'usage auquel il la destinait, ou sur la manière dont il convient d'utiliser celle-ci, l'obligation de conseil du vendeur cesse ou est allégée.

Or, ainsi que le soutient la SAS SBC, la SAS GCC est une société spécialisée en réalisation d'ouvrage béton : elle disposait, en sa qualité de professionnelle, de tous les moyens pour apprécier le béton livré et se devait d'en tester la qualité par la réalisation d'éprouvettes, dans le cadre d'un auto-contrôle en application du DTU 21. L'appelante sera déboutée de ses demandes sur ce fondement.

II- Sur la demande reconventionnelle de la SAS GCC en paiement des factures

La SAS GCC sollicite le paiement de factures restées impayées, et réclame à ce titre un montant de 13 261,14 euros incluant des pénalités de retard et une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros par facture impayée (5 x 40 euros).

Le tribunal a fait droit à la demande à hauteur de 12 704,82 euros, déduction faite des pénalités et indemnités forfaitaires appliquées qui n'étaient selon lui, pas justifiées.

La SAS GCC fait valoir que si les conclusions d'intimé entendent formuler des prétentions, elles doivent solliciter l'infirmation du jugement ; que les conclusions de la SAS SBC ne comportent aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement et donc ne constituent pas un appel incident valable ; que les demandes reconventionnelles de la SAS SBC qui sollicitent un montant de condamnation différent de celui retenu par les premiers juges en complément d'une demande de confirmation, sont irrecevables et encourent le rejet.

La SAS SBC a en effet sollicité dans ses conclusions de 'confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel', et dans un second temps de 'condamner la société GCC à payer à la société les Basaltes du Centre en principal, la somme de 13 261,14 € et dire que ladite somme sera assortie des pénalités contractuelles de retard à compter du 7 mai 2019, date de signification de l'ordonnance portant injonction de payer'.

A défaut de demander l'infirmation du jugement, sa demande visant à obtenir un montant plus élevé que celui obtenu en première instance en raison du rejet des prétentions au titre des pénalités et indemnités forfaitaires, est irrecevable.

III- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement à l'instance, la SAS GCC sera condamnée aux dépens d'appel, et à payer à la SAS SBC et son assureur la SMABTP, une somme globale de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Déclare irrecevable la demande de condamnation de la SAS Société des Basaltes du Centre à hauteur de 13 261,14 euros ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la SAS GCC à payer à la SAS Société des Basaltes du Centre et son assureur la compagnie d'assurance Société Mutuelle d'Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics la somme totale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel;

Condamne la SAS GCC aux dépens d'appel.

Le greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01693
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.01693 ?
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