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05/04/2023 | FRANCE | N°21/01947

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 05 avril 2023, 21/01947


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°



DU : 05 Avril 2023



N° RG 21/01947 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FVP2

VTD

Arrêt rendu le cinq Avril deux mille vingt trois



Sur APPEL d'une décision rendue le 06 juillet 2021 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 20/01863 ch1 cab2)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL

-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :



Mme [V] [U]

[Adresse 2]

[Loc...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 05 Avril 2023

N° RG 21/01947 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FVP2

VTD

Arrêt rendu le cinq Avril deux mille vingt trois

Sur APPEL d'une décision rendue le 06 juillet 2021 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 20/01863 ch1 cab2)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [V] [U]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société MUTUELLE ASSURANCE INSTITUTEUR FRANCE (MAIF)

Société d'assurance mutuelles : SIRET n° 775 709 702 01646

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentant : la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTES

ET :

M. [H] [K]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

La sociétéL'EQUITE COMPAGNIE D'ASSURANCES ET DE REASSURANCES CONTRE LES RISQUES DE TOUTE NATURE, ès qualités d'assureur de M. [K]

SA immatriculée au RCS de Paris sous le n° 572 084 697 00067

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société ALLIANZ I.A.R.D.

SA immatriculée au R.C.S de Nanterre sous le n° 542 110 291 04757

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentants : la SCP VIGNANCOUR DISCHAMP ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL PERRIER & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (plaidant)

La société AXA FRANCE IARD

SA immaticulée au RCS de Nanterre sous le n° 722 057 460 01971

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentants : la SELARL AUVERJURIS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL LEGI RHONE ALPES, avocats au barreau de LYON (plaidant)

INTIMÉES

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 08 Février 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON et Madame THEUIL-DIF, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 05 Avril 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 mars 2012, aux environs de 20 heures, un accident mettant en cause quatre véhicules s'est produit sur l'autoroute A 71 dans le sens [Localité 12]/[Localité 9], à hauteur de la bretelle d'accès du Brézet, sur une portion de voie dont la vitesse est limitée à 110 km/h.

Une première collision a eu lieu entre un véhicule Peugeot 508 assuré auprès de Allianz conduit par M. [T] [I] à bord duquel se trouvait comme passagère son épouse, [Y] [Z] épouse [I], et un véhicule Peugeot 207 assuré auprès de la MAIF, conduit par Mme [V] [U] : le véhicule conduit par M. [I] a percuté l'arrière gauche du véhicule de Mme [U] qui se trouvait devant lui.

Sous l'effet du choc, le véhicule 207 de Mme [U] a été projeté sur la glissière de sécurité sur le côté droit de la chaussée où il s'est immobilisé sur le flanc. Le véhicule 508 de M. [I] s'est quant à lui immobilisé au travers de la chaussée après avoir effectué un demi-tour. M. et Mme [I] sont sortis de leur véhicule dont les airbags s'étaient déclenchés.

Une seconde collision est alors intervenue : M. [H] [K] qui circulait à bord d'un véhicule Peugeot 407 assuré auprès de l'Equité, a percuté l'arrière droit du véhicule Peugeot 508 de M. [I] immobilisé au milieu de sa voie de circulation. Le véhicule Peugeot 508 a de nouveau pivoté et a propulsé M. [I] sur le côté droit de la chaussée, tandis que [Y] [I] a été projetée sur le côté gauche.

Un véhicule Nissan conduit par M. [F] [O] assuré auprès d'AXA est alors survenu. Se déportant sur la voie de gauche, il a pu éviter les deux véhicules, mais a heurté [Y] [I] qui se trouvait dans ce couloir de circulation.

A la suite de cette succession d'accidents, [Y] [I] est décédée des suites d'un polytraumatisme osseux et viscéral. Mme [U] a été blessée, tout comme M. [I].

Une instruction a été ouverte.

M. [I] a notamment fait l'objet de poursuites devant le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand pour blessures involontaires sur la personne de Mme [U], pour homicide involontaire sur la personne de [Y] [I] par violation manifeste d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, et pour défaut de maîtrise.

Par jugement du 5 mars 2015, le tribunal correctionnel a :

sur l'action publique :

- renvoyé M. [I] des fins de la poursuite concernant le délit d'homicide involontaire sur la personne de [Y] [I], ainsi que concernant la contravention de défaut de maîtrise à l'égard de MM. [H] [K] et [F] [O] ;

- déclaré M. [I] coupable de blessures involontaires ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à trois mois sur la personne de Mme [U], avec la circonstance que les faits ont été commis en état de récidive légale ;

- prononcé à titre de peine principale une suspension de permis de conduire pendant six mois ;

- condamné M. [I] au paiement d'une amende de 200 euros pour les faits de conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances ;

sur l'action civile :

- déclaré recevables les constitutions de parties civiles de Mme [N] [Z] épouse [E], Mme [L] [Z] , Mme [A] [Z], M. [R] [Z], de M. [F] [O], et de M. [H] [K] ;

- débouté les parties civiles de leurs demandes.

Par acte d'huissier du 31mars 2016, les frère et soeurs de [Y] [I], Mme [N] [Z] épouse [E], Mme [L] [Z] , Mme [A] [Z] et M. [R] [Z] ont fait assigner la SA AXA France Iard et M. [F] [O] devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fin de voir indemniser leurs préjudice d'affection.

Par actes d'huissier des 13, 18 et 26 octobre 2016, la SA AXA France Iard a appelé en cause et en garantie l'ensemble des conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident et les compagnies d'assurance concernées.

Ces deux instances n'ont pas été jointes.

Par jugement du 21 février 2019, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a :

- dit n'y avoir lieu à jonction avec la procédure d'appel en cause et en garantie ;

- condamné in solidum M. [O] et la SA AXA France Iard à payer à chaque frère et soeurs de [Y] [Z] épouse [I] une somme de 9 000 euros, soit 36 000 euros ;

- dit que ces sommes produiraient intérêts au double du taux d'intérêt légal pour la période comprise entre le 9 octobre 2015 et le 25 octobre 2016 ;

- dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiraient intérêts ;

- débouté M. [O] de sa demande en garantie ;

- débouté M. [O] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. [O] et la SA AXA France Iard à payer aux consorts [Z] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné in solidum M. [O] et la SA AXA France Iard aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

- condamné in solidum la SA Allianz Iard, Mme [V] [U], la MAIF, M. [H] [K] et la SA l'Equité à verser à la SA AXA France Iard la somme de 27 000 euros ;

- condamné in solidum Mme [V] [U], la MAIF, M. [H] [K] et la SA l'Equité à garantir la SA Allianz Iard à hauteur de 9 000 euros ;

- condamné in solidum la SA Allianz Iard, la MAIF et la SA l'Equité aux dépens qui seraient recouvrés directement par Me Peltier ;

- condamné in solidum la SA Allianz Iard, la MAIF et la SA l'Equité à verser à la SA AXA France Iard la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a énoncé :

- que les quatre véhicules s'étaient percutés successivement et dans un laps de temps court, ce qui caractérisait un accident complexe et unique ;

- que les véhicules de Mme [U] et de M. [K] avaient pris part à l'accident et concouru au dommage des consorts [Z] ; qu'ils étaient impliqués dans l'accident, à l'instar de l'automobile conduite par M. [O] ;

- que M. [I] avait commis une faute non exclusive ayant concouru au dommage et qu'il devait être déclaré responsable du quart des préjudices d'affection subis par les consorts [Z] ;

- qu'aucune faute de conduite ne pouvait être reprochée à Mme [U], M. [K] et M. [O] ;

- qu'en l'absence de faute des trois conducteurs, ceux-ci étaient tenus de réparer à parts égales le reliquat du préjudice des consorts [Z], soit 75 % du dommage ;

- que la subrogation ne pouvait porter que sur le dommage des subrogeants, et non sur des dépenses liées à une procédure judiciaire et que la SA AXA ne pouvait prétendre au recouvrement de la part indemnitaire pesant sur son propre assuré, M. [O].

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 15 septembre 2021, Mme [V] [U] et la SFM MAIF ont interjeté appel du jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 2 mai 2022, les appelantes demandent à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de l'article R.413-19 du code de la route, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :

- dire que Mme [U] n'est pas responsable des préjudices subis par les frère et soeurs de [Y] [I], victimes par ricochet ;

- les mettre hors de cause ;

- débouter la SA AXA France Iard et la SA Allianz Iard de leur appel incident ;

- débouter la SA AXA France Iard de l'ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre comme étant irrecevables et en tout cas non fondées ;

- débouter la SA Allianz Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et en tout cas non fondées ;

- condamner la SA AXA France Iard à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la SA AXA France Iard et la SA Allianz Iard de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SA AXA France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Treins Poulet Vian & Associés.

Elles soutiennent qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le rôle de Mme [U] et le décès de [Y] [I] ; qu'il ressort du dossier que l'accident provoqué par le véhicule Nissan conduit par M. [O], est incontestablement distinct de l'accident subi par Mme [U]. Elles rappellent que l'expert a confirmé que Mme [U] circulait bien sur la voie de droite de l'autoroute et que c'est son véhicule qui a été percuté par celui de M. [I] et non l'inverse.

Elles estiment qu'en application des articles 1240 et 1346 du code civil, l'assureur de M. [I] est tenu d'indemniser seul les ayant-droits de [Y] [I], la faute de conduite du conducteur fautif privant son assureur de tout recours contre les co-impliqués non fautifs.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 02 mai 2022, la SA AXA France Iard demande à la cour, au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, des articles 1240 et 1346 du code civil, de :

- dire les appels de Mme [U], de la MAIF, de M. [K] et de la SA l'Equité mal fondés ;

- dire la SA Allianz Iard mal fondée en son appel incident ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la SA Allianz Iard, Mme [V] [U], la MAIF, M. [H] [K] et la SA l'Equité à lui verser la somme de 27 000 euros ;

- y ajoutant :

- condamner in solidum la SA Allianz Iard, Mme [V] [U], la MAIF, M. [H] [K] et la SA l'Equité à lui verser la somme de 1 350 euros ;

- condamner in solidum la SA Allianz Iard, Mme [V] [U], la MAIF, M. [H] [K] et la SA l'Equité, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la SA Allianz Iard, Mme [V] [U], la MAIF, M. [H] [K] et la SA l'Equité, ou l'une à défaut de l'autre, aux entiers dépens, distraits au profit de Me V. Peltier (Auverjuris), avocat sur son affirmation de droit.

Elle soutient que l'accident est constitué de trois collisions successives survenues dans un laps de temps très bref ; que les quatre véhicules sont impliqués dans un accident complexe de la circulation ; que tous les conducteurs et leurs assureurs sont tenus de réparer in solidum les conséquences dommageables envers les victimes, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une faute quelconque à leur encontre.

Elle ajoute que la répartition de la dette s'effectue entre les différents co-impliqués en proportion des fautes respectives en cas de pluralité de conducteurs fautifs, et à parts égales en l'absence de faute prouvée ; que M. [I] est le principal responsable de l'accident, il circulait à une vitesse plus élevée que le véhicule qui le précédait (132 km/h contre 78 km/h). Elle estime disposer d'une action récursoire totale à l'encontre de l'assureur de M. [I], la SA Allianz Iard.

Elle considère par ailleurs que Mme [U] circulait à une vitesse insuffisante sur l'autoroute et M. [K] à une vitesse excessive eu égard aux circonstances ; qu'il existe un lien de causalité entre le rôle de Mme [U] et le décès de [Y] [I]. Aussi, elle fait valoir qu'indépendamment de la faute prépondérante de M. [I], la répartition de la dette se fera en proportion des fautes respectives de Mme [U] et de M. [K].

Elle soutient toutefois qu'aucune faute ne pourra être retenue à l'encontre de son assuré, M. [O] : de nuit, sur une autoroute non éclairée, il n'avait aucune possibilité de voir le corps allongé sur la chaussée de [Y] [I] et de pouvoir l'éviter.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 9 mai 2022, la SA Allianz Iard demande à la cour, au visa des articles 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, des articles 1382 et 1251 du code civil, de :

- accueillir son appel incident partiel comme étant recevable et bien fondé et réformer le jugement ;

dans l'hypothèse où la cour ferait droit à l'argumentation présentée par les compagnies l'Equité et la MAIF et leurs assurés, et retiendrait que chacune des collisions constitue un accident autonome :

- juger que M. [I] n'est pas responsable des préjudices subis par [Y] [I] ;

- rejeter, par conséquent, toute demande dirigée à son encontre comme étant injustifiée et non fondée ;

dans l'hypothèse où la cour retiendrait que la succession des trois collisions intervenues entre les véhicules concernés est constitutive d'un unique accident complexe :

- juger que l'ensemble des conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident en cause ont commis des fautes de conduite à l'origine dudit accident et donc, du décès de [Y] [I] ;

- condamner, par conséquent, la SA AXA France Iard ès qualités d'assureur de M. [O], Mme [U] et son assureur la MAIF, et M. [K] et son assureur l'Equité, à la relever et garantir par parts égales entre elles des condamnations prononcées à son encontre ;

- débouter la SA AXA France Iard de sa demande tendant à être relevée et garantie de la condamnation prononcée à son encontre au visa des articles L.211-9 alinéa 1 et L.211-13 du code des assurances ;

- rejeter toute demande plus ample ou contraire comme étant injustifiée et non fondée ;

en toute hypothèse :

- condamner la SA AXA France Iard, ou qui mieux le devra, au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP [W] Associés, agissant par le ministère de Me [D] [W] - de Barruel, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir notamment que l'interprétation des points de choc et zones de déformation par M. [B], expert judiciaire, apparaît discutable et dépourvue de caractère probant. Elle a procédé à l'étude du comportement de chacun des conducteurs indépendamment des conclusions du rapport d'expertise et conclut que des fautes de conduite peuvent être retenues à l'encontre de l'ensemble des conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 9 février 2022, M. [H] [K] et la compagnie d'assurances l'Equité demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident ;

- y faisant droit :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau :

- prononcer leur mise hors de cause ;

- débouter la SA AXA France Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et en tout cas non fondées, dirigées à leur encontre ;

- débouter la SA Allianz Iard de l'ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre comme étant irrecevables et en tout cas non fondées ;

- condamner la SA AXA France Iard à leur payer et porter la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SA AXA France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Collet - de Rocquigny - Chantelot - Brodiez & Associés.

Invoquant la condamnation pénale de M. [I], ils soutiennent qu'il est établi que l'intéressé n'était pas maître de son véhicule et ne respectait pas les distances de sécurité, cause exclusive de l'accident.

Ils ajoutent que quelle que soit la vitesse à laquelle roulait M. [K], il ne pouvait éviter le véhicule qui le précédait qui venait de s'immobiliser sur les voies ; que le décès de [Y] [I] est dû à un troisième accident impliquant le véhicule de M. [O]. Ils estiment que M. [K] n'a commis aucune faute de conduite. Ils considèrent qu'il s'agit de deux accidents successifs justifiant la mise hors de cause de M. [K], celui-ci n'étant pas impliqué dans l'accident survenu.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 novembre 2022.

MOTIFS

- En présence d'un accident complexe unique, caractérisé par des collisions en chaîne, distinct de la pluralité de collisions indépendantes, le véhicule est considéré comme impliqué dès lors qu'il est intervenu dans l'accident global, alors même qu'il n'a eu aucun rôle dans l'accident spécifique ayant donné lieu au dommage de la victime.

La jurisprudence a abandonné la distinction entre l'implication dans l'accident et l'implication dans le dommage.

Au contraire, en présence de collisions indépendantes les unes des autres, l'implication du véhicule n'est retenue que si la collision à laquelle il a pris part a été une condition nécessaire de l'accident ayant causé le dommage.

La définition de l'accident complexe est donc d'importance. Si l'unité de lieu est une condition indispensable de l'accident complexe, l'unité de temps, ou même la simple proximité temporelle ne peuvent constituer que des indices de l'accident complexe qui dépend des relations existant entre les différents événements. En effet, l'accident complexe suppose qu'il existe un enchaînement causal entre les collisions successives. Une succession de collisions n'est considérée comme formant un accident unique et global que si chaque collision a joué un rôle dans la réalisation de la collision suivante.

Les critères de l'accident complexe, outre l'unité de lieu, sont donc l'unité de temps et 'l'enchaînement continu' des collisions successives.

En l'espèce, le déroulement des faits tel qu'il ressort des pièces versées aux débats (notamment des procès-verbaux dressés par les gendarmes, du rapport d'expertise et du jugement prononcé par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand du 5 mars 2015) laisse apparaître que le choc initial a été celui du véhicule de M. [I] (Peugeot 508) contre l'arrière gauche de celui de Mme [U] (Peugeot 207) qui circulait dans le même sens ; M. [I] ayant aperçu trop tard la voiture de Mme [U], a tenté une manoeuvre d'évitement par la gauche, mais trop tard, et son véhicule Peugeot 508, après avoir violemment percuté l'arrière gauche de celui de Mme [U], s'est immobilisé en travers de la chaussée ; M. et Mme [I] sont alors sortis de la voiture.

Un troisième véhicule, une Peugeot 407 conduite par M. [K], est survenu, son conducteur n'a pu éviter la Peugeot 508 de M. et Mme [I], qu'il a percutée violemment par l'arrière droit, provoquant une rotation de ce dernier véhicule, qui dans son mouvement a heurté et projeté M. [I] vers la droite de la chaussée, et Mme [I] vers la gauche de la chaussée.

Enfin, un quatrième véhicule, une Nissan Note conduite par M. [O], a évité les trois véhicules présents sur la chaussée, mais non pas Mme [I], que M. [O] n'a pas vue ; il l'a violemment heurtée, a roulé sur elle et l'a traînée sur environ 50 mètres avant de s'immobiliser.

Ainsi, l'accident est constitué de trois collisions successives survenues dans un laps de temps très bref. Les quatre véhicules sont impliqués dans un accident complexe de la circulation, dès lors que chacun d'eux a joué un rôle dans la réalisation du dommage tel qu'il en est résulté. En l'absence de l'un quelconque des véhicules, Mme [I] ne se serait pas trouvée sur la chaussée et/ou n'aurait pas été percutée. Les collisions successives étant intervenues dans un enchaînement continu, il convient de retenir la globalité des trois sinistres comme consécutifs d'un seul et unique accident.

- Par ailleurs, il est constant que la SA Axa, assureur du véhicule Nissan Note conduit par M. [O], a payé la créance indemnitaire des consorts [Z]. Par jugement du 21 février 2019, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a condamné M. [O] et son assureur Axa à payer à chacun des frères et soeurs de la victime une somme de 9 000 euros au titre de leur préjudice moral, soit un total de 36 000 euros, le tribunal ayant retenu que l'implication indiscutable du véhicule de M. [O] dans le décès accidentel de [Y] [Z] épouse [I] avait fait naître à la charge de ce conducteur et de son assureur une obligation d'indemnisation des victimes indirectes.

La SA Axa est donc subrogée dans les droits des consorts [Z].

- Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation et condamné à réparer les dommages causés à un tiers ne peut exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des anciens articles 1382 et 1251 du code civil. (Cass. Civ. 2ème, 14 janvier 1998, n°95-18.617).

Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués, la charge définitive de l'indemnisation est répartie de la manière suivante :

en l'absence de faute des coauteurs, l'indemnisation pèse en définitive sur eux par parts viriles. Si l'un seulement des coauteurs indemnise la victime au titre de l'obligation à la dette, ce dernier dispose d'un recours en contribution contre chacun des autres coauteurs non fautifs à proportion de leur nombre. Par ailleurs, les coauteurs ne sont pas tenus in solidum dans leur propre rapport.

Si chacun d'eux a commis une faute, le poids de la réparation est réparti entre eux compte tenu exclusivement de la gravité des fautes respectives (Cass. Civ. 2ème, 13/01/2011, n°09-11.196). Comme précédemment, le conducteur solvens ne peut répéter contre les autres coauteurs que les parts et portions de chacun d'eux. Le coauteur fautif solvens qui néglige de recourir contre l'un de ses coauteurs, ou qui se heurte à son insolvabilité, ne pourra réclamer aux autres plus que leurs propres parts, sans pouvoir se répartir avec eux la perte occasionnée par la défaillance du coauteur non attrait ou insolvable.

Lorsque le conducteur solvens n'a pas commis de faute, il peut se retourner, pour le tout, contre un autre conducteur impliqué dès lors que celui-ci est fautif. Comme précédemment, lorsque le conducteur solvens non fautif exerce son recours non contre un, mais contre plusieurs co-impliqués fautifs, le partage de la dette s'opère entre ces derniers à proportion de leurs fautes respectives, sans que l'un d'eux puisse être tenu au-delà de sa propre dette, les coauteurs n'étant pas solidaires entre eux au stade de la contribution à la dette.

Enfin, si le conducteur solvens a commis une faute, il ne peut exercer aucune action récursoire contre un autre conducteur impliqué qui n'aurait pas commis de faute.

Le choc initial a été provoqué par la vitesse excessive du véhicule de M. [I], à savoir 132,18 km/h selon l'expertise, la vitesse ayant été relevée par l'expert sur le calculateur du boîtier de l'airbag, alors que la vitesse était limitée à 110 km/h et que l'accident a eu lieu à la nuit tombante, hors agglomération et sans éclairage public.

Parallèlement la vitesse de la voiture de Mme [U], à savoir 78 km/h selon l'expertise, n'était pas fautive au regard des dispositions de l'article R.413-19 du code de la route qui interdisent aux conducteurs de circuler sans raison valable à une vitesse anormalement réduite, et notamment à moins de 80 km/h sur la voie de gauche d'une autoroute. Il a été établi que le véhicule de Mme [U] se trouvait sur la voie de droite, et roulait à une vitesse certes peu élevée pour une voie rapide, mais sans être anormale sur la section de route où s'est produit le premier choc, à savoir à hauteur d'une bretelle d'accès (celle du Brézet), donc en un lieu où des véhicules peuvent s'insérer par la droite en provenance de la voie d'accès, et où il est normal que ceux circulant sur la voie rapide modèrent leur allure.

M. [I] ayant aperçu trop tard la voiture de Mme [U], a tenté une manoeuvre d'évitement par la gauche, mais trop tardive, son véhicule a violemment percuté l'arrière gauche de celui de Mme [U], et s'est immobilisé en travers de la chaussée.

La SA Allianz, assureur de M. [I] soutient que Mme [U] a voulu se déporter sur sa gauche à l'approche de la bretelle d'accès afin de laisser la possibilité aux véhicules se trouvant sur ladite bretelle de s'engager sur l'autoroute, et qu'elle est entrée en collision avec le véhicule de M. [I] qui circulait sur la voie de gauche tel qu'il l'a déclaré dès sa première audition par les services de gendarmerie. Elle ajoute en outre que cette hypothèse permet d'expliquer les déclarations de M. [I], à savoir qu'il a été percuté par un autre véhicule, en l'occurrence celui de Mme [U].

Toutefois, l'expert a précisément répondu sur ce point en page 37 de son rapport :

'Cet angle de choc de droite à gauche est techniquement indiscutable vu les déformations.

Si la 508 était arrivée de la file de gauche et avait percuté la 207 de gauche à droite, [...], la 207 aurait pivoté de la gauche vers la droite, et la 508 serait partie du côté de la bretelle d'autoroute, alors qu'il s'agit de l'inverse, la 207 est bien allée vers la droite, traversant la bretelle d'autoroute et la 508 ayant mis un grand coup de volant au dernier moment, la 207 a effectué une embardée vers la gauche, puis une tête à queue qui a laissé des traces de ripage, constatées par la gendarmerie'.

Le troisième véhicule conduit par M. [K] n'a pu éviter le véhicule Peugeot 508 qu'il a percuté violemment par l'arrière droit, provoquant une rotation de ce dernier véhicule, qui dans son mouvement a heurté et projeté M. [I] à droite de la chaussée et Mme [I] à gauche de la chaussée.

Or, la vitesse de la voiture de M. [K] était elle-même, selon l'estimation de l'expert, au vu de l'état des épaves, au moins égale à celle de la voiture de M. et Mme [I]. En effet, l'expert explique précisément en page 35 de son rapport :

'Concernant ensuite la 407 SW, aucune lecture n'a pu être effectuée sur le boîtier d'airbags. Par contre, nous pouvons pour notre part affirmer que la vitesse de ce véhicule était au moins égale à celle de la 508. En effet, non seulement les déformations avant sont plus importantes que sur la 508, mais de plus, ces déformations ont été amorties par l'absorption faite sur l'arrière de la 508, dont le train arrière a été désolidarisé du véhicule.'

Outre que cette vitesse excessive constitue une faute de conduite, il sera observé que ce dépassement de vitesse de 20 km/h implique une distance plus importante pour s'arrêter : ainsi un véhicule roulant à 110 Km/h a besoin de 122 mètres pour se stopper, alors que celui qui roule à 130 km/h nécessite 169 mètres.

Enfin, le quatrième véhicule conduit par M. [O], a évité les trois véhicules présents sur la chaussée, mais non pas Mme [I] que M. [O] n'avait pas vue.

Aucune information n'est donnée sur la vitesse de ce véhicule.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne peut se déduire de ce seul choc que M. [O] a adopté une attitude imprudente, son véhicule étant arrivé sur les lieux d'un accident complexe impliquant une grande confusion et une incertitude quant à l'attitude à adopter. La SA Allianz ne peut sérieusement soutenir que si M. [O] avait été attentif et avait anticipé son arrivée sur les lieux, il aurait disposé du passage lui permettant de poursuivre sa route sans percuter aucun des véhicules et sans qu'il soit nécessaire qu'il se déporte totalement sur la voie de gauche où se trouvait Mme [I].

Les éléments de fait ainsi établis permettent à la cour de constater que l'enchaînement des trois collisions qui a provoqué le décès de Mme [I] a pour causes premières la vitesse excessive et le manque de vigilance de M. [I] qui ne lui ont pas permis d'apercevoir en temps voulu le véhicule de Mme [U] qui circulait devant lui. Ces fautes ont concouru au décès avec d'autres causes subséquentes : la survenue de deux autres véhicules dont celui de M. [K] qui circulait lui aussi, de manière certaine, à une vitesse excessive.

La SA Axa qui exerce son action récursoire apporte ainsi la preuve que deux véhicules impliqués ont commis des fautes, ceux de M. [I] et de M. [K], mais échoue à établir une faute de la part de Mme [U].

Parallèlement, il n'est pas démontré l'existence d'une faute de la part de M. [O] assuré par la SA Axa.

Lorsque le conducteur solvens non fautif exerce son recours contre plusieurs co-impliqués fautifs, le partage de la dette s'opère entre ces derniers à proportion de leurs fautes respectives, sans que l'un d'eux puisse être tenu au-delà de sa propre dette.

La cour considère que la SA Axa peut exercer un recours contre l'assureur de M. [I], la SA Allianz, à hauteur de 70 % et un recours contre M. [K] et son assureur, la compagnie L'Equité, à hauteur de 30 %, au vu des fautes respectives de ces deux conducteurs.

Il sera toutefois précisé qu'il n'y a lieu à condamnation de la SA Allianz et de la compagnie L'Equité (et de M. [K]) à relever et garantir la SA Axa de la sanction prononcée à son encontre au titre du doublement des intérêts sur la période du 9 octobre 2015 au 25 octobre 2016, la sanction ayant été prononcée au visa de l'article L.211-9 du code des assurances, la SA Axa ayant été rendue destinataire d'une demande d'indemnisation présentée le 9 juillet 2015 et n'ayant pas justifié avoir présenté une offre d'indemnité.

Le jugement déféré sera ainsi infirmé.

- Succombant à l'instance, la SA Allianz, la compagnie d'assurance l'Equité et M. [H] [K] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

La distraction des dépens sera ordonnée au profit de Me Peltier de la SELARL Auverjuris, avocat.

Néanmoins, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure .

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau :

Déboute la SA Axa France Iard de ses demandes à l'encontre de Mme [V] [U] et de la société SFM Maif ;

Condamne la SA Allianz Iard assureur de M. [T] [I], à relever et garantir la SA Axa France Iard des condamnations résultant du jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 21 février 2019 (RG n°16/01739) à hauteur de 70 % ;

Condamne M. [H] [K] et la compagnie d'assurances L'Equité à relever et garantir la SA Axa France Iard des condamnations résultant du jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 21 février 2019 (RG n°16/01739) à hauteur de 30 % ;

Dit que la sanction prononcée par ce même jugement, au visa de l'article L.211-9 du code des assurances, à l'encontre de la SA Axa France Iard au titre du doublement des intérêts sur la période du 9 octobre 2015 au 25 octobre, est exclue du recours en garantie ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;

Condamne in solidum la SA Allianz Iard, M. [H] [K] et la compagnie d'assurances L'Equité aux dépens de première instance et d'appel ;

Ordonne la distraction des dépens au profit de Me Peltier de la SELARL Auverjuris, avocat.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01947
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.01947 ?
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