COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 05 Avril 2023
N° RG 21/01647 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FUT2
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Arrêt rendu le cinq Avril deux mille vingt trois
Sur APPEL d'une décision rendue le 07 juin 2021 par le Tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 19/00680)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [T] [H]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentant : la SELARL AUVERJURIS, avocats au barreau de MONTLUCON
APPELANTE
ET :
La COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS sous le nom commercial CEGC (venant aux droits de la SACCEF suite à la fusion du 07/11/2008)
SA immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 382 506 079 00062
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : la SCP HUGUET-BARGE-CAISERMAN-FUZET, avocats au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMÉE
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 02 Février 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUBLED-VACHERON, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré initialement fixé au 29 Mars 2023 puis prorogé au 05 Avril 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 05 Avril 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant offre de prêt immobilier du 7 août 2008 acceptée le 19 août 2008, la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin a consenti à Mme [T] [H] un prêt relais in fine habitat N°P0007454312(200805875701) d'un montant de 50.000 euros, garanti par la SACEFF devenue la Compagnie européenne de garanties et cautions (CGEC).
Mme [H] n'ayant pas régulièrement honoré les échéances de son prêt, la Compagnie européenne de garanties et cautions a réglé à la Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limousin, le 14 février 2019, la somme de 25 899,50 euros contre délivrance d'une quittance subrogative datée du 18 février 2019.
Suivant ordonnance rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cusset le 27 mai 2019, la Compagnie européenne de garanties et cautions a inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier appartenant à Mme [H], situé à [Adresse 5] », cadastré section [Cadastre 4], avant de saisir au fond le tribunal de grande instance de Cusset afin d'obtenir paiement de sa créance.
Par jugement du 7 juin 2021, le tribunal judiciaire de Cusset a :
-condamné Mme [T] [H] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions (RCS de Nanterre Siren 382 506 079) la somme vingt-sept mille huit cent quarante-cinq euros et seize centimes (27 845,16 euros) avec intérêts au taux de 5,50 % à compter du 19 mars 2019 et jusqu'à parfait paiement du prix correspondant à':
-Vingt-cinq mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf euros cinquante centimes (25 899,50 €) au titre de la quittance subrogative en date du 19 février 2019';
-Mille neuf cent quarante-cinq euros et soixante-six centimes (1 945,66 €) conformément au décompte en date du 13 décembre 2018, outre intérêts au taux contractuel de 5,50 % à compter du 19 mars 2019 et jusqu'à parfait paiement';
-débouté Mme [H] de toutes ses demandes principales';
-débouté Mme [H] de sa demande de condamnation de la Compagnie européenne de garanties et cautions au titre de la procédure abusive';
-condamné Mme [H] à payer à la Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de deux milles euros (2 000,00 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
-débouté Madame [T] [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
-condamné Madame [T] [H] aux entiers dépens y compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et définitive ;
-débouté Madame [T] [H] de sa demande au titre des dépens.
Le tribunal a considéré que la procédure était régulière ; que la décision du juge de l'exécution suspendant les obligations du débiteur en cas de licenciement, par application des dispositions de l'article L314-20 du code de la consommation ne pouvait produire ses effets que pour le futur ; qu'elle ne pouvait remettre en cause les effets de la déchéance du terme survenue le 15 septembre 2018 et qu'elle était en outre inopposable à la Compagnie européenne de garanties et cautions(CEGC).
Suivant déclaration du 21 juillet 2021, Mme [H] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions notifiées et déposées électroniquement le 23 novembre 2022, elle demande à la cour :
de réformer le jugement rendu le 7 juin 2019 par le tribunal judiciaire de Cusset dans toutes ces dispositions,
Statuant à nouveau, de constater que la CEGC est'privée de tout recours à son encontre ;
'- de débouter la CEGC de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,'
'- de condamner la CEGC à lui payer'la somme de 4 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre 5 000,00 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'aux entiers dépens.'
Mme [H] proteste de sa bonne foi et affirme avoir mobilisé toute son épargne pour honorer ce prêt. Elle soutient que la CGEC peut se voir opposer par subrogation, les exceptions dont elle bénéficie en vertu de l'ordonnance du 26 mars 2019.
Elle reproche au premier juge d'avoir fait une application restrictive des dispositions de l'article L315-20 du code de la consommation et assure que la déchéance du terme ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de cet article.
Elle indique par ailleurs, que c'est à tort que le premier juge a considéré que la déchéance du terme était intervenue le 16 septembre 2018 puisque la dernière échéance du prêt était fixée à cette date. Elle soutient qu'aux termes du contrat, la déchéance du terme intervient après le défaut de paiement de sommes exigibles 15 jours après une mise en demeure ; qu'en l'espèce, la déchéance du terme n'a été effective qu'au 13 février 2019 et qu'en conséquence, la procédure initiée devant le président du tribunal d'instance est antérieure à la déchéance du terme.
Elle ajoute que la déchéance du terme a été prononcée de façon irrégulière.
Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées électroniquement le 19 janvier 2023, la CGEC demande à la cour :
-de faire droit à l'ensemble de ses demandes ;
-de débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence :
-de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Cusset le 7 juin 2021 ;
En tout état de cause :
-de condamner Mme [H] à lui payer la somme de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens dans lesquels seront compris les frais d'inscription d'hypothèque provisoire et définitive prises pour garantir la créance.
Elle souligne à titre liminaire, que le prêt en garantie duquel elle est intervenue n'est pas celui dont parle Mme [H] dans ses écritures, mais un prêt de 50.000 euros.
Elle répond à Mme [H] que l'inscription d'hypothèque provisoire prise en garantie de sa créance a été régulièrement signifiée.
S'agissant de l'ordonnance du 26 mars 2019 dont Mme [H] entend se prévaloir, la CGEC fait valoir qu'elle n'était pas partie à cette procédure et que la décision lui est donc inopposable puisqu'elle ne gouverne que les rapports entre le prêteur de deniers et le débiteur principal.
S'agissant de la déchéance du terme, elle soutient qu'il n'était pas nécessaire de la prononcer puisqu'au 15 septembre 2018 le prêt était arrivé à son terme. La demande suspension des obligations au titre du prêt relais in fine ayant été faite suivant assignation du 7 février 2019, elle assure qu'elle était sans objet puisque le terme était acquis et ajoute que l'ordonnance ne lui est pas opposable ; qu'elle est intervenue de surcroît postérieurement à la délivrance de la quittance subrogative.
Au visa de l'article 2313 du code civil, elle s'interroge sur le mécanisme qui permettrait à Mme [H], débitrice principale, de lui opposer (en sa qualité de caution) sur le fondement d'un article régissant les rapports entre prêteur et caution, une exception purement personnelle (à la débitrice).
Elle fait valoir que les obstacles affectant seulement le droit de poursuite contre le débiteur principal sont sans effet sur le droit de poursuite du créancier contre la caution, ce qui explique que la renonciation par le créancier de son droit d'agir contre le débiteur n'emporte pas « extinction de l'obligation principale ni du recours de la caution contre ce débiteur ». (Cass. com., 22 mai 2007, no 06-12.196) . Elle ajoute que toute suspension, moratoire, ou délai de grâce bénéficiant au débiteur principal, ne peuvent être opposés par la caution au créancier, en ce qu'ils sont personnels au débiteur.
Concernant la perte de recours de la caution, elle fait valoir que pour que la demande de la débitrice principale soit recevable, celle-ci doit justifier de la réunion de trois conditions cumulatives : prouver que la caution a payé sans être préalablement poursuivie par le prêteur ; sans avoir averti le débiteur principal et détenir au moment du paiement des moyens permettant de faire déclarer la dette éteinte, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2023.
Motivation :
-Sur la validité du recours et l'absence d'exigibilité de la créance :
Mme [H] a souscrit un prêt de 50 000 euros remboursable en 120 mensualités arrivant à terme le 15 septembre 2018. S'agissant d'un prêt in fine, elle a réglé mensuellement les intérêts le capital étant remboursable en une fois à la fin du crédit.
La déchéance du terme prévue à l'article 18 du contrat intitulé « exigibilité anticipée-déchéance du terme » est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme. L'obligation devient alors immédiatement exigible en cas de non-respect des échéances du prêt.
En l'espèce, l'assurance vie souscrite par Mme [H] n'a pas suffi à couvrir le montant de la dernière échéance au terme du contrat de prêt. Le contrat étant arrivé à terme, aucune exigibilité anticipée n'avait lieu d'être et partant, aucune déchéance du terme n'avait à être prononcée.
L'intégralité des sommes dues au titre du prêt de 50.000 euros était donc exigible au 15 septembre 2018.
En application des dispositions de l'article 2309 du code civil, la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2018, la Caisse d'épargne a mis en demeure la débitrice de régler la somme de 25.906,35 euros correspondant à l'échéance impayée du 15 septembre 2018.
A défaut de règlement de cette somme par la débitrice principale, la Caisse d'épargne s'est tournée vers la caution qui, par courrier du 14 février 2019, a donné son accord de prise en charge et confirmé le règlement de la somme de 25.899.50 euros. Une quittance subrogative de ce montant a été établie le 18 février 2019 au bénéfice de la CGEC.
Cette dernière est donc légitime à s'adresser à la débitrice principale dans le cadre de son recours subrogatoire.
Pour résister à la demande qui lui est présentée, Mme [H] oppose à la CGEC les effets de l'ordonnance du 26 mars 2019.
Sur les effets de l'ordonnance du 26 mars 2019 :
Par ordonnance de référé du 26 mars 2019, le président du tribunal d'instance de Cusset a fait droit à la demande de suspension des obligations de paiement de Mme [H] envers la Caisse d'épargne et de prévoyance concernant deux prêts et notamment le prêt in fine habitat de 50.000 euros.
Cette ordonnance a été signifiée à la Caisse d'épargne et de prévoyance le 23 avril 2019. Elle est définitive. Tout débat portant sur sa validité est sans objet. Il convient en revanche de dire si cette décision est opposable à la CGEC, aujourd'hui subrogée dans les droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance suivant quittance subrogative du 18 février 2019 et si elle produit ses effets dans les rapports entre la caution et le débiteur.
Mme [H] soutient au visa de l'article 2313 du code civil que la CGEC peut se voir opposer par subrogation les exceptions dont elle bénéficie de par l'ordonnance et prétend que l'exception soulevée est inhérente à la dette.
L'article 2313 concerne les exceptions que la caution peut opposer au créancier et ne s'applique pas dans les rapports unissant la caution au débiteur principal. Cet article ne peut être utilement invoqué par Mme [H] qui entend opposer à la CGEC la suspension des obligations qu'elle avait à l'égard du créancier principal.
La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur. En application de l'article 1346-5 le débiteur peut opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il peut également lui opposer des exceptions nées de son rapport avec le subrogeant avant que la subrogation ne lui soit devenue opposable ; telles que l'octroi d'un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes.
La suspension de l'obligation de paiement n'est pas une exception inhérente à la dette au sens de l'article 1346-5 du code civil mais une exception inhérente à la personne du débiteur.
La CGEC a avisé Mme [H] de cette subrogation par courrier recommandé reçu le 26 mars 2019 soit le jour où l'ordonnance a été rendue. Il n'est donc pas établi que l'exception dont elle entend faire application soit née avant que la subrogation ne lui soit devenue opposable.
Par ailleurs l'établissement d'une quittance subrogative permettant d'établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d'exercer son recours personnel. Les dispositions de l'article 1346-5 du code de procédure civile ne sont pas opposables dans le cadre d'un recours personnel de la caution.
En l'espèce la CGEC vise tout à la fois les articles 2305 et 2306 qui ouvrent à la caution qui a payé le créancier deux recours, l'un personnel, l'autre subrogatoire dont peut se prévaloir la caution, simultanément au cours d'une même instance.
Il s'ensuit que Mme [H] n'est pas fondée à opposer à la CGEC les exceptions tirées de l'ordonnance du 26 mars 2019.
Au regard de ces éléments, le jugement sera confirmé par substitution partielle de motifs.
-Sur les autres demandes :
L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constituent un droit, et ne dégénèrent en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
Mme [H] succombant en ses demandes, le caractère abusif des demandes de la CGEC n'est pas établi.
Mme [H] succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens dans lesquels seront compris les frais d'inscription d'hypothèque provisoire et définitive prises pour garantir la créance.
Il serait inéquitable de laisser à la CGEC la charge de ses frais de défense.
Mme [H] sera condamnée à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions par substitution partielle de motifs ;
Condamne Mme [T] [H] à verser à la Compagnie européenne de garantie et cautions la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [H] aux dépens qui comprendront les frais d'inscription d'hypothèque provisoire et définitive prises pour garantir la créance.
Le greffier, La présidente,