COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
JOUR FIXE
ARRET N°
DU : 08 Février 2023
N° RG 22/01708 - N° Portalis DBVU-V-B7G-F32P
VTD
Arrêt rendu le huit Février deux mille vingt trois
Sur APPEL d'une ORDONNANCE rendue le 10 Juin 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 21/01777)
Procédure à jour fixe : ordonnance sur requête rendue le 13 septembre 2022 par Mme DUBLED-VACHERON, présidente de chambre, par délégation de Mme la première présidente de la cour d'appel de Riom et assignation à jour fixe adressée au greffe par la communication électronique le 27 septembre 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Monsieur Christophe VIVET, Président de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La société TRAVAUX ET MAINTENANCE FERROVIAIRE
SAS immatriculée au RCS de Blois sous le n° 798 299 707 00017
Les Alcools, RD - 976
[Localité 4]
Représentant : la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [L] [D]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentant : la SELARL AUVERJURIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Notif parties
La société SNCF RESEAU
SA immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 412 280 737 20375
[Adresse 2]
[Localité 9]
venant aux droits de L'EPIC SNCF RESEAU et représentant l'établissement SNCF INFRAPOLE LANGUEDOC ROUSSILLON
Représentant : la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
La société TRAVAUX PUBLICS SICILIA MANUEL sous l'enseigne TPSM
SAS immatriculée au RCS de Béziers sous le n° 429 425 671 00030
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Clémence POINAS-FREYDEFONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
[Adresse 5]
[Localité 6]
Non représentée, assignée à personne morale (personne habilitée)
INTIMÉS
DEBATS : A l'audience publique du 14 Décembre 2022 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 08 Février 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 08 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 13 mai 2015, M. [L] [D], agent de sécurité du personnel de la société Securail est intervenu sur un chantier à [Localité 10] au profit de la SNCF, maître d'ouvrage.
Sont intervenues sur ce chantier les sociétés suivantes :
-la SA SNCF en qualité de maître de l'ouvrage, de maître d''uvre et de coordinateur SPS,
-la SAS Travaux et Maintenance Ferroviaire (TMF), spécialisée dans les opérations de pose, d'entretien et de renouvellement de voies ferrées, en qualité de sous-traitant de la SARL Travaux Publics Sicilia Manuel (TPSM),
-la société Sécurail.
Le curage, confié à la SARL TPSM en qualité de titulaire de ce marché de travaux, devait initialement être réalisé manuellement mais les circonstances ont conduit la SARL TPSM à faire appel à une entreprise sous-traitante, la SAS TMF, afin que le curage puisse être réalisé mécaniquement avec une pelle rail-route.
M. [D] a été blessé après avoir été percuté par la pelle rail-route, man'uvrée par M. [S], salarié de la SAS TMF.
Par acte du 9 juin 2020, M. [D] a fait assigner la SAS TMF et la CPAM du Puy-de-Dôme devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins de voir juger que la SAS TMF est responsable de l'accident dont il a été victime le 13 mai 2015. Il a également sollicité que soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire et qu'il lui soit alloué la somme de 20 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices.
Par actes des 27 juillet, 2 et 3 août 2021, la SAS TMF a appelé en cause la société Sécurail en sa qualité d'employeur de M. [D], la SARL TPSM en sa qualité de titulaire du marché et la SA SNCF Infrapôle Languedoc-Roussillon en sa qualité de maître de l'ouvrage et de maître d''uvre d'exécution.
Par ordonnance du 12 octobre 2021, l'appel en cause a été joint avec le dossier principal.
Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance de la SAS TMF à l'égard de la société Sécurail.
Par conclusions d'incident du 17 janvier 2022, la SA SNCF Réseau représentant la SA SNCF Infrapôle Languedoc-Roussillon a soulevé l'incompétence matérielle du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand pour statuer sur l'action engagée par la SAS TMF à son encontre, soutenant que le litige relèverait de la compétence du juge administratif.
Par conclusions du 11 avril 2022, la SARL TPSM s'est jointe à l'argumentation soutenue par la SA SNCF Réseau.
Par ordonnance en date du 10 juin 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :
-fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la SA SNCF Réseau et par la SARL TPSM ;
-dit que le tribunal judiciaire est incompétent au profit du tribunal administratif pour statuer sur l'action engagée par la SAS TMF à l'encontre de la SA SNCF Réseau et de la SARL TPSM ;
- renvoyé la SAS TMF à mieux se pourvoir s'agissant de cette action ;
-condamné la SAS TMF à verser à la SARL TPSM et à la SA SNCF Réseau la somme de 800 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens de l'incident.
Il a énoncé que M. [D] recherchait la responsabilité délictuelle de la SA SNCF Réseau dans le cadre de l'accident qu'il avait subi ; que bien que le dommage ne concernait pas l'ouvrage lui-même mais un tiers au marché initial de travaux, la SA TMF a reconnu elle-même que le litige portait sur l'organisation du chantier et le personnel que la SA SNCF Réseau avait mis en place sur ce chantier pour assurer son bon fonctionnement ; qu'au moment de l'accident, M. [D] se trouvait sur la voie ferrée derrière la pelle rail-route man'uvrée par M. [S], de sorte qu'il y aurait lieu d'examiner les conditions d'exécution des travaux afin de statuer sur la responsabilité des différentes parties au litige ; que seule la juridiction administrative était matériellement compétente pour statuer sur l'action engagée par la SAS TMF à l'encontre de la SA SNCF Réseau et de la SARL TPSM.
Selon déclaration en date du 24 août 2022, la SAS TMF a interjeté appel de l'ordonnance.
Suite à la requête déposée le 24 août 2022, la présidente de la troisième chambre agissant sur délégation de la Première Présidente de la cour d'appel de Riom a, par ordonnance du 13 septembre 2022, autorisé la SAS TMF à faire délivrer une assignation à jour fixe pour l'audience du 14 décembre 2022 devant la troisième chambre civile de la cour d'appel de Riom pour statuer sur les mérites de l'appel.
Par actes d'huissier des 16, 20 et 21 septembre 2022, la SAS TMF a fait assigner M. [L] [D], la CPAM du Puy-de-Dôme, la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM à jour fixe devant la chambre désignée par l'ordonnance précitée.
Par conclusions déposées et notifiées le 8 décembre 2022, la SAS Travaux et Maintenance Ferroviaire (TMF) demande à la cour, au visa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 :
$gt; à titre liminaire, de :
débouter les parties de leurs demandes visant à voir juger irrecevable et caduc son appel ;
débouter M. [D] et toute autre partie de leur demande visant à voir juger irrecevables ses demandes ;
$gt; à titre principal, de :
infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;
déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire compétentes pour connaître de l'entier litige ;
débouter en conséquence la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
$gt; à titre subsidiaire, de :
réformer l'ordonnance en ce qu'elle a limité l'incompétence du tribunal judiciaire à l'action engagée par la SAS TMF à l'encontre de la SA SNCF Réseau et de la SARL TPSM ;
réformer l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée au paiement des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour statuer sur l'entier litige, aussi bien concernant l'action engagée par M. [D] à l'encontre de la SAS TMF que l'action engagée par cette dernière à l'encontre de la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM ;
$gt; en tout état de cause, de :
condamner in solidum M. [L] [D], la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner in solidum M. [L] [D], la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM aux entiers d'appel et de l'incident de première instance.
Elle soutient notamment que :
soit le dommage trouve sa cause déterminante dans l'action de la pelle rail-route et il convient alors de faire application pour l'entier litige de la loi du 31 décembre 1957 qui donne compétence aux juridictions de l'ordre judiciaire ;
soit s'il s'agit d'un dommage de travaux publics mettant en cause l'organisation d'un chantier de marché public, et dans ces conditions l'entier litige relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif.
Par conclusions déposées et notifiées le 6 décembre 2022, la SA SNCF Réseau demande à la cour, au visa des articles 33, 83, 84 et 122 du code de procédure civile :
$gt; à titre principal, de :
déclarer irrecevable l'appel formé par la SAS TMF ;
à tout le moins, prononcer la caducité de la déclaration d'appel interjeté par la SAS TMF ;
$gt; à titre subsidiaire, de :
confirmer l'ordonnance du 20 juin 2022 en toutes ses dispositions ;
rejeter toute demande plus ample ou contraire ;
condamner la SAS TMF à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et de l'incident.
Par conclusions déposées et notifiées le 2 décembre 2022, M. [L] [D] demande à la cour, au visa des articles 83, 84, 85 et 912 du code de procédure civile, l'article 1 de la loi n°57-1424 du 31 décembre 1957, de :
juger irrecevable la déclaration d'appel formé par la SAS TMF ;
subsidiairement, confirmer la décision dont appel ;
en tout état de cause, condamner la SAS TMF à lui payer une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 12 décembre 2022, la SARL Travaux Publics Sicilia Manuel (TPSM) demande à la cour :
$gt; à titre principal, de :
prononcer la caducité de la déclaration d'appel régularisée le 24 août 2022 par la SAS TMF ;
la déclarer irrecevable en son appel ;
$gt; à titre subsidiaire, sur le fond, de :
dire mal fondé l'appel interjeté par la SAS TMF ;
en conséquence, débouter la SAS TMF en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance ;
y ajoutant, condamner la SAS TMF à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'instance.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet de leurs demandes et moyens.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel
Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.
L'article 84 énonce que le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.
En cas d'appel, l'appelant doit à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.
En l'espèce, l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand du 10 juin 2022 a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à la SAS TMF le 13 juin 2022.
Cette dernière a interjeté appel de l'ordonnance le 21 juin 2022 enregistré sous le n°RG 22-01296.
Par ordonnance du 24 novembre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Riom a prononcé la caducité de cette déclaration d'appel.
Toutefois, la SAS TMF a, selon déclaration en date du 24 août 2022, interjeté une seconde fois appel de cette décision.
Suite à la requête déposée le 24 août 2022, la présidente de la troisième chambre agissant sur délégation de la Première Présidente de la cour d'appel de Riom a, par ordonnance du 13 septembre 2022, autorisé la SAS TMF à faire délivrer une assignation à jour fixe pour l'audience du 14 décembre 2022.
Et par actes des 16 et 21 septembre 2022, la SAS TMF a fait assigner M. [D], la CPAM du Puy-de-Dôme, la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM à jour fixe devant la chambre désignée par l'ordonnance précitée.
M. [D], la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM demandent de déclarer ce second appel irrecevable ou de prononcer la caducité de la déclaration d'appel, car étant intervenu au-delà du délai de quinze jours suivant la notification de l'ordonnance.
Néanmoins, l'article 680 du code de procédure civile prévoit que la notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé. L'article 693 précise que ce qui est prescrit notamment par l'article 680, est observé à peine de nullité.
La SAS TMF établit que l'ordonnance ne mentionnait ni le délai d'appel, ni les modalités selon lesquelles le recours pouvait être exercé ; qu'en outre aucun courrier du greffe n'accompagnait l'ordonnance notifiée. Dans ces circonstances, le délai d'appel prévu par l'article 84 du code de procédure civile n'a jamais commencé à courir, et l'appel diligenté le 24 août 2022 est recevable.
De surcroît, la SAS TMF a respecté les dispositions de l'article 84 du code de procédure civile en sollicitant du premier président de la cour l'autorisation d'assigner à jour fixe et en assignant les intimés.
Si M. [D] a pu soulever dans la partie discussion de ses conclusions, l'irrecevabilité des demandes présentées par la SAS TMF devant la cour au visa de l'article 564 du code de procédure civile, cette demande n'est toutefois pas reprise dans le dispositif rédigé en ces termes :
« Vu les articles 83, 84, 85 et 912 du code de procédure civile, l'article 1 de la loi n°57-1424 du 31 décembre 1957 ;
Juger irrecevable la déclaration d'appel formée par la société TRAVAUX ET MAINTENANCE FERROVIAIRE,
Subsidiairement, confirmer la décision dont appel,
En tout état de cause, condamner la société TRAVAUX ET MAINTENANCE FERROVIAIRE à payer et payer à Monsieur [L] [D] une indemnité de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la même aux entiers dépens. »
Or, selon l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Elle n'est donc pas saisie d'une demande aux fins de voir déclarer irrecevables les demandes de la SAS TMF.
Sur la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif
La loi no57-1424 du 31 décembre 1957 dispose dans son article 1er : « Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque. Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions. La présente disposition ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public ».
Ainsi, cette loi attribue une compétence générale aux juridictions judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages occasionnés par tout véhicule et dirigées contre une personne morale de droit public. Cette conception extensive s'accompagne cependant d'un certain nombre d'exceptions, justifiées par la volonté même d'assurer l'unité du contentieux.
Ainsi, le Conseil d'État a estimé que si, par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, l'article 1er de la loi du 3& décembre 1957 attribue compétence aux tribunaux de l'ordre judiciaire « pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque », cette disposition ne déroge aux principes résultant des lois des 16-24 août 1790 et 28 pluviôse, an VIII, qu'en ce qui concerne les actions en responsabilité extra-contractuelle (CE 11 janv. 1978, Cie Union et le Phénix espagnol, Lebon 6, concl. Genevois, CJEG 1978. 67, note Sablière). Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal des conflits (12 févr. 2001, Cne de Courdimanche c/ Agent judiciaire du Trésor, req. no 3243 Bull. T. confl., no 4 ; 17 déc. 2001, Sté des autoroutes Paris-Rhin-Rhône c/ Mme [F] et autres, ibid., no 26). En vertu de cette jurisprudence, la juridiction administrative demeure donc compétente lorsque le dommage causé par un véhicule provoque la mise en jeu d'une responsabilité liée à l'exécution d'un contrat administratif.
L'appelante et M. [D] soutiennent que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 a vocation à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où M. [D] a été blessé par le véhicule manipulé par M. [S] ; que ce type d'engin ayant blessé M. [D], une pelle rail-route est considéré comme un véhicule justifiant l'application de cette loi ; que l'accident a trouvé sa cause déterminante dans l'action du véhicule manipulé par M. [S], et non dans l'exécution de l'opération de travaux publics dans son ensemble.
M. [L] [D], agent de sécurité du personnel de la société Sécurail, est intervenu sur un chantier situé à [Adresse 11], au profit de la SNCF, maître d'ouvrage, dans le cadre du curage des fossés de la ligne Bordeaux-Sète et de la ligne Tarascon-Sète. Le curage confié à la SARL TPSM en qualité de titulaire de ce marché de travaux devait initialement être réalisé manuellement, mais les circonstances ont conduit la SARL TPSM à faire appel à une entreprise sous-traitante, la SAS TMF, afin que le curage puisse être réalisé mécaniquement avec une pelle rail-route.
Les opérations à l'origine de l'accident du 13 mai 2015 dont a été victime M. [L] [D], relèvent de l'exécution d'un chantier de travaux publics comme le démontre l'acte spécial de sous-traitance entre l'EPIC SNCF agissant à l'époque pour le compte de Réseau Ferré de France et la SARL TPSM.
M. [D] a exposé dans ses conclusions les circonstances de l'accident dans les termes suivants :
« M. [D] dont la tâche était de procéder aux annonces à l'ensemble des salariés pour permettre une coordination sécurisée de leurs interventions, arrêtait la pelle et signalait à l'ensemble des ouvriers présents la fin du chantier.
L'annonce d'une fin de chantier n'intervient pas seule. En ce sens que M. [D] arrête la pelle, indique la fin du chantier à l'ensemble des personnes présentes, et donne à l'ensemble des personnes présentes les instructions à suivre pour la fin de chantier.
Ce n'est qu'ensuite que le pelliste, comme l'ensemble des intervenants, après signal donné en ce sens, peut se mettre en configuration de départ.
Toutefois, en violation des règles, M. [S] « pelliste », sans avoir reçu de consignes en ce sens, reculait son engin afin de dégager le bras d'un poteau caténaire et permettre sa rotation pour sa remise dans l'axe de la voie avant d'entamer son départ.
A l'occasion de ce recul, la pelle rail-route percutait M. [D] qui voyait son pied pris sous la roue de la pelle. »
Par ailleurs, la SAS TMF, dans son appel en garantie, a fait valoir :
« L'absence de guidage et de coordination entre l'agent [R] SNCF et M. [S], conducteur de la pelle rail-route, est identifié comme une cause déterminante de l'accident.
Enfin, le Plan Général de Coordination (PGC en matière de sécurité et de protection de la santé du chantier prévoit la nécessité de l'existence de Consignes de Sécurité Ferroviaire (CSF) précisant notamment les conditions d'annonce de circulation au personnel et les conditions d'utilisation des engins. ['] Le CSF a pour objet de fixer les règles de sécurité à mettre en 'uvre pour assurer la sécurité des travailleurs vis-à-vis du risque ferroviaire. [']. Un tel document aurait dû être élaboré dès qu'il a été envisagé sur le chantier l'utilisation d'un engin mécanique. Or, ce document n'existe pas, à tout le moins n'a pas été communiqué à la SAS TMF par son cocontractant la SARL TPSM.
Force est de constater que des manquements ont été commis par la SNCF en sa qualité de maître d''uvre d'exécution en matière de sécurité du chantier et par l'intermédiaire de son agent [R]. Sa responsabilité est donc engagée au titre de l'accident dont a été victime M. [D] ».
La SAS TMF entend ainsi obtenir la garantie des parties qu'elle a appelées en cause en raison d'une mauvaise organisation des travaux et d'un défaut de sécurité du chantier qui leur seraient imputables, en qualité de maître d''uvre d'exécution pour la SA SNCF Réseau, et en qualité de titulaire du marché pour la SARL TPSM.
Dès lors que l'action est fondée sur les conditions défectueuses d'organisation et d'exécution du chantier de travaux publics, la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige, et ce même en présence d'un dommage causé par un véhicule.
Il est également question de l'organisation du chantier et du respect des règles dans le recours initié par M. [D] à l'encontre de la SAS TMF.
Ainsi que le soutient cette dernière, si le tribunal judiciaire est incompétent pour statuer sur les appels en garantie qu'elle a formés en raison du fait que le litige porte sur l'organisation d'un chantier de travaux publics, il l'est tout autant pour statuer sur les demandes de M. [D] à son encontre.
Dans ces circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordonnance en qu'elle a :
-fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la SA SNCF Réseau et par la SARL TPS ;
-dit que le tribunal judiciaire était incompétent au profit du tribunal administratif pour statuer sur l'action engagée par la SA TMF à l'encontre de la SA SNCF Réseau et de la SARL TPSM.
Toutefois, infirmant le surplus de l'ordonnance et y ajoutant, la cour déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour statuer sur l'entier litige, aussi bien concernant l'action engagée par M. [L] [D] à l'encontre de la SAS TMF que l'action engagée par la SAS TMF à l'encontre de la SA SNCF Réseau et la SARL TPSM, et renvoie M. [L] [D] et la SAS TMF à mieux se pourvoir.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Succombant à l'instance, M. [D] supportera les dépens de première instance et d'appel.
Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe de la cour ;
Déclare recevable l'appel interjeté par la SAS Travaux et Maintenance Ferroviaire le 24 août 2022 ;
Confirme l'ordonnance en qu'elle a :
-fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la SA SNCF Réseau et par la SARL Travaux Publics Sicilia Manuel ;
-dit que le tribunal judiciaire était incompétent au profit du tribunal administratif pour statuer sur l'action engagée par la SAS Travaux et Maintenance Ferroviaire à l'encontre de la SA SNCF Réseau et de la SARL Travaux Publics Sicilia Manuel ;
Infirme le surplus des dispositions de l'ordonnance déférée ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour statuer sur l'entier litige, aussi bien concernant l'action engagée par M. [L] [D] à l'encontre de la SAS Travaux et Maintenance Ferroviaire, que l'action engagée par la SAS Travaux et Maintenance Ferroviaire à l'encontre de la SA SNCF Réseau et la SARL Travaux Publics Sicilia Manuel ;
Renvoie M. [L] [D] et la SAS Travaux et Maintenance Ferroviaire à mieux se pourvoir ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [L] [D] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, ²La présidente,