COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 18 Janvier 2023
N° RG 21/01067 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FTCA
VTD
Arrêt rendu le dix huit Janvier deux mille vingt trois
Sur APPEL d'une décision rendue le 06 avril 2021 par le Tribunal judiciaire de MOULINS (RG n° 20/00255)
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire
En présence de : Mme Pauline LACROZE, Greffier, lors des de l'appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé
ENTRE :
GROUPEMENT AGRICOLE D'EXPLOITATION EN COMMUN AGREE CGL
GAEC immatriculé au RCS de Cusset sous le n° 820 031 763
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : la SELARL AVK ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANT
ET :
La CHAMBRE D'AGRICULTURE DE L'ALLIER
Etablissement public
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : la SCP HUGUET-BARGE-CAISERMAN-FUZET, avocats au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMÉE
DEBATS : A l'audience publique du 16 Novembre 2022 Madame THEUIL-DIF a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 18 Janvier 2023.
ARRET :
Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le GAEC CGL a sollicité le concours de la Chambre d'Agriculture de l'Allier afin d'établir par voie dématérialisée via le logiciel Telepac, les déclarations nécessaires à l'obtention des aides financières versées au titre de la Politique Agricole Commune (PAC).
Chaque année, le GAEC sollicite une aide spécifique appelée MAEC SH (mesure agro environnementale et climatique système herbe), aide conditionnée à un taux de chargement moyen de l'année, inférieur à 1,4 UGB (Unité de Gros Bétail) par hectare. Ce taux est calculé à partir de données fournies par l'Etablissement départemental de l'élevage prenant en compte le nombre moyen d'animaux par catégorie présent sur une année : 1 bovin de moins de 6 mois représente 0,4 UGB ; 1 bovin entre 6 mois et 2 ans représente 0,6 UGB et 1 bovin de plus de 2 ans ou 1 vache ayant vêlé représente 1 UGB.
Le GAEC CGL a ainsi bénéficié de cette aide pour les années 2016 et 2017.
Cependant, par deux courriers des 19 novembre 2018 et 13 février 2019, la Direction Départementale des Territoires (DDT) de l'Allier a réclamé au GAEC CGL le remboursement des sommes perçues au titre des années 2016 et 2017 pour un montant total de 11 115,26 euros en raison du non respect du critère d'éligibilité à l'aide relative aux mesures agro-environnementales et climatiques en système herbager et pastoral.
Sollicité par le GAEC CGL, le service de recouvrement des aides indues lui a accordé un échéancier sur trois ans pour rembourser cette somme.
Invoquant une erreur de la Chambre d'Agriculture de l'Allier, le GAEC CGL l'a mise en demeure d'avoir à lui payer la somme de 11 115,26 euros. Celle-ci a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur, Groupama.
Par acte d'huissier du 8 juin 2020, le GAEC CGL a fait assigner la Chambre d'Agriculture de l'Allier devant le tribunal judiciaire de Moulins aux fins de la voir condamner à lui payer une somme de 12 157,66 euros au titre des préjudices subis, se prévalant d'un manquement de celle-ci à son obligation contractuelle de résultat.
Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal a débouté le GAEC CGL de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la Chambre d'Agriculture de l'Allier la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Il a débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
Au visa de l'article 1231-1 du code civil, le tribunal a énoncé qu'eu égard à la nature des prestations réalisées par la Chambre d'Agriculture de l'Allier, les obligations mises à la charge de cette dernière ne pouvaient qu'être de moyens et non de résultat ; qu'ainsi, elle ne pouvait être responsable que des seules erreurs de calcul, de manipulation de logiciels ou d'interprétation d'informations connues qu'aurait pu commettre son agent ; que toutefois, le contrat de prestations conclu par le GAEC avec la Chambre d'Agriculture de l'Allier ne mettait pas à la charge de cette dernière une obligation de calculer le taux de chargement annuel.
Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 11 mai 2021, le GAEC CGL a interjeté appel du jugement.
Aux termes de conclusions déposées et notifiées le 22 juillet 2021, l'appelant demande à la cour, au visa des articles 1217 et suivants du code civil, de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;
- condamner en conséquence la Chambre d'Agriculture de l'Allier à lui payer une somme globale de 12 157,66 euros au titre des préjudices subis ;
- condamner la Chambre d'Agriculture de l'Allier à lui payer la somme 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il fait valoir qu'il a sollicité le concours de la Chambre d'Agriculture de l'Allier pour la réalisation et l'analyse du projet d'installation, et la télédéclaration PAC ; que celle-ci a manqué à son obligation contractuelle dans la mesure où la DDT de l'Allier devait indiquer le non-respect du critère du taux de chargement, et que ce non-respect s'explique par une erreur de calcul de la Chambre d'Agriculture qui n'a pas tenu compte de la modification des UGB en raison de l'âge des bovins. Il soutient que dans son propre courriel, la chambre d'agriculture explique ne pas avoir tenu compte de l'évolution du cheptel au cours de l'année, mais avoir arrêté son calcul à un temps T de l'année.
Il ajoute que le contrat prévoit, concernant les MAEC, la vérification des critères d'éligibilité par la Chambre d'Agriculture, vérification qui ne pouvait se faire que sur la base du cheptel du GAEC sur les années de déclaration. Il estime qu'elle n'a pas procédé à cette vérification puisqu'elle l'aurait alerté de la problématique d'un taux de chargement annuel trop élevé pour pouvoir bénéficier des aides. Il considère que la chambre d'agriculture a manqué à ses obligations puisqu'elle devait vérifier les critères d'éligibilité et tenir compte du changement d'UGB entre la date d'information du GAEC CGL à la chambre et le 15 mai de l'année N. Il ajoute que les analyses du projet d'installation et de plan d'entreprise sont aussi erronées car elles se basaient en partie sur l'obtention des aides précitées. Il sollicite ainsi la somme de 11 115,26 euros au titre du remboursement des aides PAC et celle de 1 042,40 euros au titre du remboursement de la facture émise.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 août 2021, la Chambre d'Agriculture de l'Allier demande à la cour, au visa de l'article 1231-1 du code civil, de :
- faire droit à l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- débouter par conséquent le GAEC CGL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- condamner le GAEC CGL à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le GAEC CGL aux entiers dépens de la procédure.
Elle précise au préalable qu'au titre de sa prestation, elle saisit les informations données par l'agriculteur dans l'outil Primapac, donne à titre indicatif le récapitulatif des aides, et saisit les informations données par l'agriculteur dans Telepac. Aussi, il ne peut lui être imputé une faute alors qu'elle a purement et simplement retranscrit les données transmises par le GAEC.
Elle expose ensuite que si le chargement est un critère d'éligibilité de l'aide MAEC SH, force sera de constater qu'il n'est pas saisi dans Telepac, l'agriculteur n'ayant pas à déclarer son chargement et son effectif bovin : ce critère de chargement est uniquement vérifié le 15 mai par la DDT à partir de données d'identification bovine. Le calcul de chargement que le conseiller de la Chambre d'Agriculture a effectué à titre indicatif est une aide interne au conseil, cette donnée n'est pas contractuelle et ne figure pas dans les documents de la prestation.
Elle conteste avoir reconnu une erreur dans le courriel du 7 décembre 2018 : elle explique dans ce courrier qu'entre sa déclaration PAC et l'instruction de son dossier, soit environ 1 mois, le GAEC a augmenté son cheptel, ce qu'elle ne pouvait imaginer. Il incombait au GAEC de l'informer de cette augmentation.
De surcroît, elle estime que le GAEC CGL ne justifie d'aucun préjudice dans la mesure où la somme perçue correspond à un indu.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022.
MOTIFS
Le GAEC CGL cherche à engager la responsabilité contractuelle de la Chambre d'Agriculture de l'Allier sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, soutenant que celle-ci a commis une erreur de calcul en ne tenant pas compte de la modification des UGB en raison de l'âge des bovins. Il fait valoir qu'elle a reconnu dans un mail ne pas avoir tenu compte de l'évolution du cheptel au cours de l'année, mais avoir au contraire arrêté son calcul à un temps T. Il considère que le contrat prévoyait expressément concernant les MAEC (Mesures Agro-Environnementales Climatiques), la vérification des critères d'éligibilité par la Chambre d'Agriculture.
Il en conclut que la Chambre d'Agriculture a manqué à ses obligations puisqu'elle devait vérifier les critères d'éligibilité et tenir compte du changement d'UGB entre la date d'information du GAEC CGL à la chambre et le 15 mai de l'année N. Ainsi, elle n'aurait pas dû formuler de demandes de MAEC.
Il ajoute que les analyses du projet d'installation et de plan d'entreprise sont elles aussi erronées puisque basées sur l'obtention des aides.
Il estime que ces erreurs ont fait naître un préjudice s'élevant à :
- 11 115,26 euros au titre du remboursement des aides PAC ;
- 1 042,40 euros au titre du remboursement de la facture de la Chambre d'Agriculture.
Néanmoins, à supposer que la Chambre d'Agriculture de l'Allier ait commis un manquement à son obligation contractuelle, le GAEC CGL ne se prévaut d'aucun préjudice en lien avec la faute invoquée.
La première somme réclamée correspond aux aides MAEC SH pour les années 2016 et 2017 que le GAEC CGL a perçu indûment puisqu'il ne remplissait pas les critères liés au taux de chargement moyen de l'année inférieur à 1,4 UGB par hectare.
Il n'aurait pas dû percevoir ces aides et doit les restituer. Il appartenait à l'appelant de se prévaloir d'un préjudice causé par la faute en elle-même, à savoir les conséquences financières liées à cette restitution. Ce poste de préjudice dont il sollicitait l'indemnisation n'est pas caractérisé.
S'agissant ensuite de la facture de la Chambre d'Agriculture de l'Allier à hauteur de 1 042,40 euros en date du 13 mars 2015, elle correspond aux prestations suivantes :
- réalisation du plan d'entreprise mars 2015 ;
- analyse du projet mars 2015 ;
- 'Install'Conseil Pré Installation'.
Le GAEC CGL ne caractérise pas en quoi les prestations réalisées par la Chambre d'Agriculture au titre de ce contrat ont été mal exécutées, les prestations prévues par cette convention consistant en une étude prévisionnelle du projet d'installation et la faute reprochée consistant en une erreur de calcul dans la déclaration pour obtenir des aides en 2016 et 2017.
Dans ces circonstances, le GAEC CGL sera débouté de toutes ses demandes. Le jugement sera confirmé par motifs substitués.
Succombant à l'instance, le GAEC CGL supportera les dépens d'appel. En revanche l'équité commandé de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;
Confirme, par motifs substitués, le jugement déféré ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne le GAEC CGL aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,