La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2023 | FRANCE | N°20/01930

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 18 janvier 2023, 20/01930


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale











ARRET N°

DU : 18 Janvier 2023



N° RG 20/01930 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQJU

ADV

Arrêt rendu le dix huit Janvier deux mille vingt trois



Sur APPEL d'une décision rendue le 10 décembre 2020 par le Tribunal commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2019 007069)



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, C

onseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Pauline LACROZE, Greffier, lors des de l'appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors du...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 18 Janvier 2023

N° RG 20/01930 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQJU

ADV

Arrêt rendu le dix huit Janvier deux mille vingt trois

Sur APPEL d'une décision rendue le 10 décembre 2020 par le Tribunal commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2019 007069)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Pauline LACROZE, Greffier, lors des de l'appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé

ENTRE :

La société dénommée 'EURL [K] [G] T.P.

SARL immatriculée au RCS de Rodez sous le n° 483 677 993 00030

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Frédéric HASTRON, avocat au barreau de MONTPELLIER (plaidant)

APPELANTE

ET :

La société CARROSSERIE MANGOT

SAS à associé unique immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 529 224 123 00024

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société CMA SAINT AFFRIQUE - CENTRE MOTOCULTURE AVEYRONNAIS

SARL à associé unique immatriculée au RCS de Rodez sous le n° 505 011 577 00028

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : la SCP VIGNANCOUR ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉES

La société AREAS DOMMAGES

Société d'Assurances Mutuelles immatriculée au RCS de Paris sous le n° 775 670 466 00017

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTERVENANTE FORCEE

DEBATS : A l'audience publique du 16 Novembre 2022 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 18 Janvier 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 18 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L'EURL [K] [G] TP réalise habituellement des travaux d'élagage. Afin de se conformer aux exigences techniques décrites dans les appels d'offres publics, elle a commandé à la SAS Carrosserie Mangot une remorque, une grue et une benne assemblées sur la remorque avec un broyeur fourni par ses soins.

La SAS Carrosserie Mangot a livré la remorque assemblée au siège de l'EURL [K] [G] TP le 28 octobre 2016. Le tracteur New Holland, sur lequel la remorque assemblée était attelée, a subi une première panne le 26 décembre 2016 nécessitant le remplacement du damper du volant moteur. Ces travaux ont été réalisés par la société CMA Saint Affrique- Centre de motoculture aveyronnaise (CMA) pour un montant de 3. 291,58 €. Le damper a rompu de nouveau le 27 avril 2017 générant des réparations réalisées par la société CMA pour un montant de 2.806,18€ TTC.

L'EURL [K] [G] TP a mandaté le cabinet BCA Expertise pour expertise de la remorque. Celui-ci a considéré que la société Carrosserie Mangot avait commis une faute dans la conception de la machine.

La SAS Carrosserie Mangot a pris en charge les réparations finalisées le 4 juillet 2017. Le 25 juillet 2017, le palier intermédiaire a cédé à nouveau provoquant une immobilisation pendant quatre jours, la réparation a été effectuée et prise en charge par la SAS Carrosserie Mangot. Le 6 octobre 2017, le damper a rompu encore une fois. L'EURL [K] [G] TP a mandaté alors Monsieur [B] [V], expert, afin de pouvoir disposer d'un avis technique permettant de proposer une solution de reprise efficace et pérenne. Le 11 janvier 2018, la société CMA a procédé au remplacement du damper défectueux pour un montant de 3. 547,70 € TTC.

Le cabinet d'expertise a communiqué son rapport le 22 janvier 2018, confirmant les défauts de compatibilité de l'installation avec le tracteur.

Par acte au 13 février 2018, l'EURL [K] [G] TP a fait assigner en référé la SAS Carrosserie Mangot afin qu'une mesure d'expertise soit ordonnée. La société Areas Dommages, assureur de la SAS Carrosserie Mangot a de son côté fait assigner la SARL CMA afin de lui rendre commune et opposable la mesure d'expertise à venir. Par ordonnance de référé du 10 avril 2018, il a été fait droit à la demande d'expertise.

M. [C], expert a déposé son rapport le 22 février 2019.

Par actes d'huissier en date du 24 juillet 2019 et du 2 août 2019, l'EURL [K] [G] TP a fait assigner la SAS Carrosserie Mangot et la SARL CMA Saint Afrique devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, considérant que la SAS Carrosserie Mangot a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle pour :

-non-respect du délai contractuel de livraison,

-non-respect de l'obligation pré contractuelle d'information,

-inexécution contractuelle de la prestation de services,

-manquement à son devoir de conseil lors de l'étude.

Elle reproche par ailleurs à la société CMA de ne pas avoir recherché l'origine de l'incident ni procédé aux vérifications adéquates et d'avoir effectué, à plusieurs reprises, une réparation inutile en se limitant au changement d'une pièce détériorée, ne permettant pas d'atteindre le résultat inhérent à ses prestations de réparation.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a :

-débouté l'EURL [K] [G] TP de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SAS Carrosserie Mangot,

-débouté la SAS Carrosserie Mangot de sa demande en paiement d'une indemnité de 1 € pour procédure abusive à l'encontre de l'EURL [K] [G] TP,

-condamné l'EURL [K] [G] TP à payer et porter à la SAS Carrosserie Mangot la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SARL Centre Motoculture Aveyronnais ' CMA Saint Affrique à payer et porter à l'EURL [K] [G] TP la somme de 6. 353, 88 € correspondant aux factures du 31 mai 2017 pour un montant de 2. 80618 € et du 11 janvier 2018 pour un montant de 3. 547, 70 €,

-considéré qu'il n'y a pas lieu de condamner la SARL CMA Saint Affrique aux frais liés aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

-condamné l'EURL [K] [G] TP aux dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à 84, 48€ TVA incluse.

Le tribunal a considéré que si la SAS Carrosserie Mangot avait connaissance des caractéristiques du tracteur avant les travaux, il n'était pas démontré qu'elle était informée de la manière dont serait utilisé le matériel assemblé ; qu'en conséquence, elle n'avait commis aucune faute engageant sa responsabilité contractuelle. Le tribunal a par ailleurs considéré que la SARL CMA avait failli dans l'exercice de sa prestation de réparation en procédant à quatre reprises au changement des dampers, sans s'interroger sur l'origine de la rupture de cette pièce, dont le changement est habituellement rare.

Selon déclaration d'appel du 23 décembre 2010, l'EURL [K] [G] TP a interjeté appel de ce jugement.

Selon un appel provoqué en date du 8 avril 2021, la SAS Carrosserie Mangot a appelé dans la cause la société Areas Dommages.

Par conclusions d'incident du 2 juillet 2021, Areas Dommages a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de soulever l'irrecevabilité de l'appel provoqué.

Par ordonnance du 28 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes d'Areas Dommages et a ordonné la jonction de l'instance. (N° 21/929 avec le N° 20/1930)

Par conclusions déposées et notifiées le 21 septembre 2022, l'EURL [K] [G] TP demande à la cour, à titre principal :

-de réformer le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 10 décembre 2020,

-de dire que le manque de puissance du tracteur New Holland T6 155 a pour conséquence directe une importante restriction d'usage de la remorque vendue et assemblée par la SAS Carrosserie Mangot,

-de dire que la SAS Carrosserie Mangot avait eu connaissance préalablement à la communication de l'offre du 18 novembre 2015 des caractéristiques du tracteur ainsi que de l'utilisation de la future remorque assemblée par le tracteur New Holland T6 155 appartenant à l'EURL [K] [G] TP,

-de dire que la SAS Carrosserie Mangot, en sa qualité de professionnel spécialisé, aurait dû s'interroger sur la compatibilité des puissances entre celle de la remorque assemblée et du tracteur New Holland T6 155,

-de dire que la SAS Carrosserie Mangot ayant été préalablement informée des caractéristiques du tracteur, aurait dû adapter la remorque en fonction de la puissance offerte par le tracteur,

-de déclarer la SAS Carrosserie Mangot responsable de ne pas avoir délivré une information déterminante à l'EURL [K] [G] TP avant l'acceptation de son offre de vente et de prestation de services,

-de déclarer la SAS Carrosserie Mangot responsable tant à l'égard du non-respect de son devoir de conseil que de son obligation de résultat dans la délivrance d'une remorque assemblée fonctionnant avec le tracteur New Holland T6 155,

-de déclarer la SAS Centre Motoculture Aveyronnais responsable d'avoir effectué à plusieurs reprises des réparations en se limitant au changement d'une pièce détériorée sans recherche l'origine de l'incident, ni procéder à aucune vérification adéquate empêchant d'atteindre le résultat inhérent à ses prestations de réparation,

-de condamner in solidum la SAS Carrosserie Mangot, Areas Dommages et SARL Centre Motoculture Aveyronnais à lui payer la somme de 56.544, 10 € en réparation du préjudice consécutif à l'immobilisation de la remorque et du tracteur New Holland T6 155 ainsi qu'au coût des réparations.

A titre subsidiaire :

-d'ordonner une contre-expertise à tel expert qu'il plaira à la Cour d'appel de désigner compte tenu du rapport d'expertise du 17 mars 2021 de Monsieur [W] [J], expert judiciaire près la Cour d'appel de Limoges.

En tout état de cause :

-de condamner in solidum la SAS Carrosserie Mangot, Areas Dommages et la SARL Centre Motoculture Aveyronnais au paiement de 8. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-de condamner in solidum la SAS Carrosserie Mangot, Areas Dommages et la SARL Centre Motoculture Aveyronnais aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise et de référé des ordonnances du 18 avril 2018 et du 9 octobre 2018,

-de condamner in solidum la SAS Carrosserie Mangot, Areas Dommages et la SARL Centre Motoculture Aveyronnais au paiement de la somme de 1.680 € correspondant à la facture d'honoraire de l'expert [W] [J] du 17 mars 2021.

L'EURL [K] [G] TP reproche à la SAS Carrosserie Mangot de ne pas avoir respecté le délai contractuel de livraison fixé à 8 semaines et de l'avoir ainsi placée dans l'impossibilité de satisfaire la demande de ses clients qui se sont alors tournés vers des entreprises concurrentes.

Elle rappelle que suivant l'expert, la cause de l'ensemble des désordres constatés tient dans le manque de puissance du tracteur ; qu'en application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, la SAS Carrosserie Mangot avait l'obligation de se renseigner sur les besoins de son client et de l'informer sur l'aptitude du produit proposé à l'utilisation qui était prévue. Elle considère, que la SAS Carrosserie Mangot aurait dû effectuer un minimum de recherches pour disposer de la fiche technique du tracteur dont elle lui avait donné les références afin de connaître la puissance que cette machine pourrait développer, la comptabilité du tracteur et de la remorque étant déterminante pour la bonne utilisation de l'ensemble. Elle assure qu'elle n'aurait pas accepté le devis si elle avait été informée que la puissance de son tracteur ne lui permettrait pas d'utiliser dans des conditions normales la remorque et ainsi d'atteindre l'objectif d'optimisation des prestations d'élagage qu'elle s'était fixées.

Elle insiste sur le fait que le contenu du contrat de vente et de prestations de services ne se limitait pas à la fourniture et l'assemblage d'éléments sur une remorque mais s'étendait à son utilisation effective.

Elle rappelle qu'elle n'est pas un professionnel de même spécialité que la SAS Carrosserie Mangot et que son manque de compétence technique ne lui permettait pas d'apprécier la problématique de puissance demandée par la remorque. Elle fait donc grief à la SAS Carrosserie Mangot d'avoir failli à son devoir de conseil. Elle assure que les manquements de la SAS Carrosserie Mangot lui causent un préjudice lié au coût des réparations, à la location d'un broyeur de substitution n'ayant pas permis de travailler avec la même rentabilité et à des frais de sous-traitance de 56.544,10 euros.

Par conclusions déposées et notifiées au 19 octobre 2022, la SARL CMA Sainte Afrique demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1231-3 du code civil, de la jurisprudence versée aux débats et du rapport d'expertise judiciaire de M. [T] [C] :

-de confirmer le jugement rendu le 10 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand en ce qu'il a débouté l'EURL [K] [G] TP de sa demande de condamnation présentée à son encontre à hauteur de la somme de 50.190, 22 €,

-d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'EURL [K] [G] TP la somme de 6. 353,88€ correspondant aux factures de réparation du 31 mai 207 et du 11 janvier 2018.

A titre infiniment subsidiaire :

-de condamner la société Carrosserie Mangot à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

-de débouter la société Areas Dommages de sa demande d'appel en garantie et dire n'y avoir lieu à quelconque garantie de sa part,

-de condamner l'EURL [K] [G] TP ou tout autre succombant à lui payer la somme de 6.000€ au titre des frais exposés en référé, durant les opérations d'expertise, en première instance et en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-de condamner l'EURL [K] [G] TP ou tout autre succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel, en en ceux compris des instances en référé les ayant précédées et les frais d'expertise,

-de dire que la SCP Vignancour Associés bénéficiera de cette condamnation sur son affirmation de droit, pour ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

La SARL CMA Saint-Affrique-Centre Motoculture Aveyronnais rappelle que l'expert n'a pas retenu sa responsabilité dans les dysfonctionnements et les dommages constatés ; que l'obligation de résultat qui pèse sur le garagiste ne peut porter que sur les prestations qu'il a effectuées et leurs conséquences sur l'état du véhicule.

Elle fait valoir que son obligation de résultat ne portait que sur le véhicule qui lui était confié ; qu'elle a toujours restitué celui-ci en bon état de fonctionnement; que les réparations effectuées étaient toujours nécessaires et qu'il ne peut lui être reproché une faute dans l'exécution de la réparation ou dans son diagnostic. Elle ajoute avoir alerté son client sur le fait que les désordres pouvaient trouver leur origine dans des éléments extérieurs à son intervention.

La société CMA soutient qu'il n'existe aucun lien de causalité direct entre les désordres et son intervention puisque les opérations d'expertise ont permis de démontrer que ceux-ci sont imputables au manque de puissance du tracteur dont elle ignorait les spécificités techniques, seules connues de l'EURL [K] [G] TP et de la SAS Carrosserie Mangot. Elle ajoute que les dommages allégués par l'EURL étaient imprévisibles ; qu'ils ne sont pas la conséquence directe d'un manquement à ses obligations contractuelles et que l'EURL a concouru à ce préjudice en participant à la conception de la machine.

Par conclusions déposées et notifiées le 29 septembre 2022 la SAS Carrosserie Mangot demande à la cour :

-de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et dire et juger qu'aucune preuve n'est rapportée par l'EURL [K] [G] TP d'une demande spécifique d'adaptation de son matériel à un tracteur qui aurait une autre puissance que celle avancée et effective de 155 chevaux,

-de juger qu'elle a parfaitement rempli ses obligations de constructeur en assemblant des outils choisis, commandés par la société [G] sur une remorque de sa fabrication dont la qualité et l'efficacité et l'utilisation n'ont jamais été remises en cause,

-de dire que la compagnie Areas Dommages sera tenue de la garantir intégralement en principal intérêts et frais dans l'hypothèse impossible où une condamnation serait mise à sa charge,

-de débouter en conséquence l'EURL [K] [G] TP de toutes ses demandes et de la condamner au paiement d'une indemnité de 1€ pour procédure abusive outre 5.000€ en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SAS Carrosserie Mangot affirme avoir parfaitement rempli sa mission sur la base du seul cahier des charges : construire une remorque sur laquelle devait être fixée un broyeur, une benne et une grue, sachant que l'EURL [K] [G] TP a toujours annoncé que le tracteur qu'elle possédait et avec lequel elle envisageait d'atteler la remorque avait une puissance de 155 cv.

Elle ajoute qu'elle n'est pas mécanicienne ni spécialiste de la cinétique et n'a pas à se substituer à son client pour déterminer à sa place la cohérence de fonctionnement entre un tracteur qu'elle n'a jamais vu et des matériels qui ne sont pas les siens et qu'elle n'a pas préconisés. Elle estime que l'appel en garantie purement formel de la société CMA contre la SAS Carrosserie Mangot ne repose sur aucune argumentation technique ou juridique alors que les parties n'ont aucun lien de droit.

Par conclusions déposées le 21 juillet 2022, la société AREAS Dommages sollicite la confirmation du jugement.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter sa garantie à la prise en charge de la première facture de remplacement du damper, à savoir la facture n°645731 du 31 mars 2017 d'un montant de 2.742,98 € HT soit 3.291,58 € TTC.

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour d'appel viendrait à retenir la responsabilité de la SAS Carrosserie Mangot et à retenir en partie sa garantie :

-de dire qu'elle est fondée à opposer la franchise de 10% du montant des dommages avec un minimum d'une fois l'indice du prix de la construction, conformément à l'article 13 des conditions générales,

-de dire que la société CMA sera tenue de la garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

-de débouter les autres parties de toute demande contraire,

-de condamner in solidum la société [K] [G] TP et la société CMA à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'il résulte du rapport d'expertise que la SAS Carrosserie Mangot a parfaitement honoré sa mission aucun défaut n'ayant été relevé sur la remorque qu'elle a fabriquée. Il n'appartenait pas à la société Mangot de s'intéresser à la puissance du tracteur ou à sa comptabilité.

La société Areas Dommages fait observer que M. [G] a systématiquement refusé les propositions de la SAS Mangot alors que l'installation d'un système à poulies aurait permis de résoudre les problèmes. Elle fait par ailleurs observer que M. [G] s'est souvent contredit :

-en affirmant ne pas avoir fait usage du tracteur entre les réunions d'expertise après avoir affirmé l'inverse à l'expert,

-en prétendant avoir loué un broyeur alors que ce n'est pas le cas,

-en communiquant à la société Mangot une puissance erronée s'agissant du tracteur.

S'agissant de sa garantie, elle fait observer que les travaux réalisés au cas d'espèce n'entrent pas dans le cadre des activités garanties puisqu'il n'y a pas eu d'activité de montage de grue ou de benne sur camion et qu'il existe une clause d'exclusion pour les engins de chantier et agricoles. En outre, suivant les dispositions de l'article 46B des conditions générales, ne sont garantis que les dommages matériels et immatériels consécutifs subis par les véhicules vendus ou sur lesquels l'assuré a exécuté des travaux.

Si la responsabilité de son assuré était retenue elle considère que sa condamnation devrait se limiter au remplacement du premier damper, les autres réparations devant être laissées à la charge de la société CMA Sainte Afrique.

Si sa garantie était mobilisée elle entend opposer la franchise mentionnée à l'article 13 des conditions générales.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet de leurs demandes et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 octobre 2022.

La SAS Carrosserie Mangot a déposé de nouvelles écritures le 9 novembre 2022, postérieurement à l'ordonnance de clôture. Elles sont donc écartées des débats.

Motivation :

-Sur la responsabilité contractuelle de la SAS Carrosserie Mangot :

L'EURL [K] [G] TP a accepté l'offre présentée le 18 novembre 2015 par la SAS Carrosserie Mangot pour la fourniture d'une grue Epsilon Off Road C60F86, d'une remorque agricole 12T et d'une benne vidage latérale, avec montage de ces éléments et du broyeur fourni par l'EURL [K] [G] TP sur la remorque moyennant la somme de 78.000 euros HT.

. Sur le retard de livraison

L'EURL [K] [G] TP déplore le non-respect des délais contractuels de livraison. Il n'en tire cependant aucune conséquence et n'allègue ni ne démontre l'existence d'un préjudice imputable à ce retard. Ce moyen sera donc écarté.

. Sur l'origine des désordres et les solutions permettant d'y remédier :

Il résulte très clairement du rapport d'expertise que les désordres, à savoir les remplacements des dampers et l'usure des cannelures au niveau de la sortie du broyeur sont uniquement dûs à un manque de puissance du tracteur. Le déficit du tracteur qui ne développe que 113cv en statique (qui est le mode d'utilisation adopté par M. [G] lorsqu'il travaille) provoque des à-coups du broyeur et la destruction des cannelures en fin de chaîne du damper. Les pannes successives liées à la casse des dampers sont sans lien avec l'angle de la transmission.

L'expert précise que pour remédier à ces désordres, il faut changer la roue libre vissée pour un coût de 1.000 euros pour permettre à l'ensemble de fonctionner derrière un tracteur ayant la puissance nécessaire pour une utilisation normale en statique.

Il ajoute que M. [G] a acquis un nouveau tracteur de 200 cv permettant cet usage.

La seconde possibilité pour une utilisation de l'ensemble derrière le tracteur New Holland est de monter suivant la proposition de M. Mangot une transmission par poulie et courroie à la place de la transmission par cardans.

L'expertise ayant permis de déterminer les causes des désordres, il n'est pas utile d'ordonner une contre-expertise.

. Sur la responsabilité de la société Carrosserie Mangot :

L'assemblage livré par la société Carrosserie Mangot est sans défaut intrinsèque, les pannes récurrentes étant liées à un manque de puissance du tracteur.

Selon l'expert cette puissance est suffisante lorsque M. [G] broie des branches de très faible diamètre mais ne permet pas au broyeur de fonctionner correctement lorsque le tracteur est sollicité pour des branches de plus gros diamètre. Le broyeur émet alors des à-coups dus à un manque de puissance, les cannelures à la sortie du broyeur et celles de la roue libre sont sollicitées, déformées et c'est l'emmanchement au niveau des cannelures qui n'est plus conforme qui provoque des vibrations et la casse des dampers.

La société Carrosserie Mangot devait fournir un matériel correspondant à l'usage auquel il était destiné. A cette fin, elle a obtenu de M. [G] la communication des caractéristiques du tracteur (sa marque, son modèle, sa largeur) celles de la pompe hydraulique et les dimensions du caisson à charger (mail du 26 octobre 2015). La société Carrosserie Mangot n'est cependant pas allée plus avant dans ses investigations pour conseiller au mieux son client, notamment pour s'assurer que la puissance développée par le tracteur permettrait d'utiliser le matériel installé (broyeur et grue forestière) alors qu'elle a sollicité du client la transmission d'informations concernant les caractéristiques du tracteur.

Il apparaît que la société Carrosserie Mangot ignorait jusqu'à l'expertise, que le tracteur ne développait que 113 cv en statistique, M. [G] étant dans le même état d'ignorance. Elle n'a donc effectué sur ce point aucune vérification.

Il appartenait à la société Carrosserie Mangot à laquelle M. [G] s'est adressé pour avoir un matériel plus performant, en acceptant d'investir la somme de 78.000 euros, de conseiller utilement ce dernier afin que l'ensemble fonctionne et corresponde à l'usage effectif auquel il était destiné.

La cause des désordres énoncée par l'expert, démontre que la société Carrosserie Mangot a failli à son obligation de conseil.

Les pannes successives ont donné lieu aux interventions suivantes :

-31 mars 2017 remise en état de la transmission pour un montant de 3.291,58 euros,

-31 mai 2017 remise en état de la transmission pour un montant de 2.806,18 euros,

-25 juillet 2017, le palier intermédiaire a cassé. La société carrosserie Mangot est intervenue et a effectué la réparation,

-6 octobre 2017, nouvelle rupture de damper.

Suite à ces constats la société Carrosserie Mangot a proposé de modifier le système par un renvoi à courroie. L'expert a jugé cette proposition pertinente mais elle n'a pas été acceptée par M. [G].

Il résulte de ces éléments que le manquement de la société Carrosserie Mangot a contribué au préjudice subi par M. [G].

Le jugement sera réformé sur ce point.

. Sur la responsabilité de la société CMA :

La société CMA est intervenue à trois reprises sur le véhicule étant précisé qu'entre le 26 décembre 2016 et le 22 janvier 2018, deux expertises amiables ont été diligentées à l'initiative de l'EURL [K] [G] TP :la première a été confiée au cabinet BCA expertise qui a mis en cause les angles de transmission, la seconde a été confiée à M. [V].

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les réparations effectuées par CMA étaient vaines puisqu'un nouveau damper était installé avec des transmissions dont les cannelures étaient hors d'usage : le problème se reproduisait automatiquement.

Ainsi que le rappelle M. [J] (expert mandaté par l'EURL [K] [G] TP), le damper est un amortisseur de torsion destiné à réduire les vibrations et les à-coups.

La société CMA s'est contentée de réparer le damper à chaque panne, sans s'interroger à partir de la seconde panne sur l'origine de ces incidents répétés alors que le damper est une pièce qui est rarement changée. Sa rupture fréquente pouvait raisonnablement permettre à la société CMA de penser que cette pièce était trop sollicitée et dès lors de s'interroger sur l'usage du tracteur. La société CMA affirme avoir alerté son client de ce que les désordres pouvaient trouver leur origine dans des éléments extérieurs à son champ d'intervention. Elle se fonde en cela sur une note technique de M. [H] expert de la compagnie AXA, son assureur, qui ne constitue pas une preuve de ce qu'elle avance, dans la mesure où M. [H] n'explique pas quand ni comment cet avertissement aurait été délivré et semble reproduire les propos de la société CMA.

Si les pannes successives ne relèvent pas de la défaillance des pièces changées, leur répétition procède d'un mauvais diagnostic et d'un manque de conseil de la société CMA. Le jugement sera confirmé sur ce point.

-Sur le préjudice de l'EURL [K] [G] TP

Le préjudice de l'EURL TP [G] se caractérise par les 4 factures de réparation du tracteur :

-Facture CMA N°645731 du 31 mars 2017 : 3.291,58 euros TTC,

-Facture CMA N°647078 du 31 mai 2017 : 2.806,18 euros TTC,

-Facture CMA N°339962 du 11 janvier 2018 : 3.547,70 euros TTC,

-Facture HMS N°FA00009997du 12 janvier 2018 : 2.418,24 euros TTC.

L'EURL TP [G] a par ailleurs loué un broyeur :

-du 1er février 2018 au 28 février 2018 et du 1er mars 2018 au 30 mars 2018 pour la somme de 4.000 euros par mois, soit 8.000 euros auprès de M. [I],

-en mai et juin 2018 auprès de la société DFA Equipements pour la somme de 12.000 euros TTC (facture N°/1805/100031) et en juillet et août 2018 pour la somme de 12.000 euros TTC (facture N°1/1808/100004).

L'EURL [K] [G] TP fait également état d'une facture de sous-traitance pour des travaux de déchiquetage de bois aux mois d'avril et mai 2018. Il convient toutefois d'observer qu'à ces dates la société Carrosserie Mangot avait proposé de prendre en charge une intervention d'un coût de 10.000 euros qui aurait permis de résoudre les difficultés rencontrées. Par ailleurs, L'EURL [K] [G] TP louait un broyeur au mois de mai. Il n'est donc pas établi que le recours à la sous-traitance soit en lien avec le présent litige.

Enfin, la société L'EURL [K] [G] TP disposait d'un broyeur en bon état de marche et le coût de son montage sur essieu pour le rendre roulant aurait été sans commune mesure avec les sommes qu'elle réclame aujourd'hui.

En conséquence, le préjudice indemnisable de l'EURL se limite au montant des réparations effectuées sur le tracteur soit à la somme de 12.063,70 euros. Les sociétés CMA et Carrosserie Mangot seront condamnées in solidum à verser cette somme à l'EURL TP [G].

-Sur les appels en garantie :

La société CMA demande à être relevée et garantie par la société Carrosserie Mangot des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

Il ne peut être reproché à la société CMA d'avoir effectué la première réparation et si elle a manqué à son obligation de conseil la seconde fois, il n'en demeure pas moins que la réparation effectuée était nécessaire et liée au manquement de la société Carrosserie Mangot à son obligation de conseil. Ainsi la société CMA sera relevée et garantie des condamnations prononcées à son encontre dans la limite de la somme de 6.097,76 euros correspondant aux factures N°645731 du 31 mars 2017 et N°647078 du 31 mai 2017.

La société Carrosserie Mangot sollicite pour sa part la garantie de son assureur, la société Areas Dommages.

Il résulte des conditions particulières du contrat d'assurance N°05403334P01 que le risque assuré porte sur l'activité de montages de grue et bennes sur camion, le contrat spécifiant même la marque et le type de camion concernés. Il est par ailleurs indiqué que l'activité ne porte pas sur des engins de chantier ni sur des engins agricoles. L'assemblage commandé concernant un engin agricole et pas un camion, la garantie de la société Areas Dommages ne peut être mobilisée.

-Sur les autres demandes :

La société CMA, la société Carrosserie Mangot succombant en leurs demandes seront condamnées aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'EURL [K] [G] TP ses frais de défense en appel. La société CMA et la société Carrosserie Mangot seront condamnées in solidum à lui verser la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la facture de M. [J], expert, entrant dans les sommes indemnisables sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Areas Dommages, de la société CMA et de la société Carrosserie Mangot leurs frais de défense.

Par ces motifs :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Ecarte des débats les conclusions notifiées le 9 novembre 2022 par la SAS Carrosserie Mangot.

Infirme le jugement sauf :

-en ce qu'il a débouté la SAS Carrosserie Mangot de sa demande en paiement d'une indemnité de 1 euro pour procédure abusive à l'encontre de l'EURL [K] [G] TP ;

Statuant à nouveau ;

Condamne in solidum la SARL CMA Saint Affrique 'Centre Motoculture Aveyronnais et la SAS Carrosserie Mangot à verser à l'EURL [K] [G] TP la somme de 12.063,70 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la SAS Carrosserie Mangot à relever et garantir la SARL CMA Saint Affrique 'Centre Motoculture Aveyronnais de cette condamnation à concurrence de 6.097,76 euros correspondant aux factures N°645731 du 31 mars 2017 et N°647078 du 31 mai 2017.

Y ajoutant,

Déboute la SAS Carrosserie Mangot de la demande en garantie présentée à l'encontre de la société Areas Dommages ;

Condamne in solidum la SARL CMA Saint Affrique 'Centre Motoculture Aveyronnais et la SAS Carrosserie Mangot à verser à l'EURL [K] [G] TP la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Areas Dommages de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SARL CMA Saint Affrique 'Centre Motoculture Aveyronnais et la SAS Carrosserie Mangot aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et de référé des ordonnances du 18 avril 2018 et du 9 octobre 2018.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/01930
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;20.01930 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award