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07/12/2022 | FRANCE | N°21/00314

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 07 décembre 2022, 21/00314


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°



DU : 07 Décembre 2022



N° RG 21/00314 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRGU

ADV

Arrêt rendu le sept Décembre deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une décision rendue le 16 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 20/02208 ch1 cab2)



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre>
Monsieur Christophe VIVET, Président de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :

...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 07 Décembre 2022

N° RG 21/00314 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRGU

ADV

Arrêt rendu le sept Décembre deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 16 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 20/02208 ch1 cab2)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Monsieur Christophe VIVET, Président de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La société CHARTOIRE JEAN LOUIS ET FILS

SARL à associé unique immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 414 621 235 00012

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

M. [O] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : la SCP HABILES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Eric DE CAUMONT, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMÉ

DEBATS : A l'audience publique du 12 Octobre 2022 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 07 Décembre 2022.

ARRET :

Prononcé publiquement le 07 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 2 avril 2016, Monsieur [D] [B] a cédé à M. [O] [G] un véhicule de marque HUMMER, modèle H3, immatriculé sous le numéro [Immatriculation 4], comptabilisant 116.560 kilomètres, pour un montant de 24.500,00 euros TTC.

Le 24 avril 2017, ce véhicule est tombé en panne. Il a été transféré au sein du garage automobile EURL Chartoire Jean-Louis et fils situé à [Localité 2].

Suivant devis de réparation d'un montant de 14.698,97 euros TTC, accepté par M.[G], et moyennant le versement d'un acompte de 7.349,00 euros TTC, le garage automobile Chartoire a pris en charge la réparation du véhicule comprenant notamment l'achat et la pose d'un bloc moteur neuf.

L'EURL Chartoire Jean-Louis et fils a commandé cette pièce automobile auprès du garage FC Motors situé à [Localité 5] (91) et sur la suggestion de cet établissement, a conduit le véhicule à [Localité 5] pour qu'il soit procédé sur place à la pose et à la réfection du bloc moteur usager, l'obtention d'une pièce neuve s'avérant impossible.

Le 25 mai 2018, après réparation, l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils a repris le véhicule pour le ramener à [Localité 2]. Au cours de ce trajet le véhicule a pris feu.

Une expertise amiable a été diligentée le 18 juillet 2018 au sein du garage Chartoire, à l'issue de laquelle l'expert a considéré que le véhicule n'était économiquement et techniquement pas réparable.

Faisant grief à l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils d'avoir sous-traité les travaux sans son accord, M. [G] a adressé un premier courrier au garagiste qui s'est engagé à contacter son assureur.

N'obtenant pas de réponse, M. [G] s'est adressé à son conseil qui, par LRAR du 26 mars 2019 a mis en demeure l'EURL de verser à son client la somme de 24.500 euros correspondant au prix du véhicule détruit et la somme de 6.790 euros au titre du préjudice de jouissance.

La compagnie MMA ayant décliné sa garantie, M. [G] a saisi le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins d'être indemnisé de son préjudice.

Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a condamné l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils à payer à Monsieur [O] [G] les sommes suivantes :

- 23.275 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice matériel ;

- 5.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral ;

- 7.349 euros en remboursement de l'acompte versé au titre de la réparation ;

- 10.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance.

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des dépens.

Le tribunal a considéré que le garagiste était tenu d'une obligation de résultat et qu'il restait entièrement responsable à l'égard de son client sauf à exercer, le cas échéant, un recours contre son sous-traitant.

L'EURL Chartoire Jean-Louis et fils a interjeté appel de cette décision par déclaration du 9 février 2021 enregistrée le 11 février 2021.

Par conclusions notifiées le 11 mai 2021, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement,

- réduire dans de notables proportions les sommes allouées à M.[G],

- débouter Monsieur [G] de sa demande formulée à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et préjudice de jouissance,

- condamner Monsieur [G] aux entiers dépens.

Elle fait valoir :

- que le véhicule a immanquablement subi une décote et ne peut être évalué à la somme de 23.275 euros ;

- que la nature du litige ne justifie pas l'indemnisation d'un préjudice moral ;

- que le montant retenu pour la privation de jouissance est excessif.

Aux termes de ses conclusions N°2, M. [G] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 16 décembre 2020,

A titre reconventionnel :

- de constater le caractère abusif de l'appel formé par la société SARL Chartoire Jean-Louis et fils et de la condamner à lui payer la somme de 6.000,00 euros en réparation du préjudice subi par elle du fait de cet appel abusif,

- de condamner la SARL Chartoire Jean-Louis et fils à lui payer la somme de 7.440,40 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule, montant à réévaluer à la date de l'arrêt,

En tout état de cause :

- de condamner la SARL Chartoire Jean-Louis et fils au paiement de la somme de 6.300,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens.

M. [G] rappelle qu'il a contracté avec le garage Chartoire un contrat d'entreprise ainsi qu'un contrat de dépôt accessoire au contrat d'entreprise. Il fait grief au garagiste d'avoir conduit le véhicule pour réparation à plusieurs centaines de kilomètres sans avoir sollicité son accord préalable, et d'avoir envisagé une réparation du moteur alors que la commande portait sur le remplacement du bloc moteur défectueux.

Il estime que le garage a failli à son obligation de conservation et de restitution du bien et qu'il doit, en sa qualité de dépositaire, répondre de la destruction totale de ce bien.

Il ajoute que les conditions de la force majeure n'étant pas réunies, la SARL Chartoire Jean-Louis et fils ne peut être exonérée de sa responsabilité la faute du sous-traitant ne pouvant lui être opposée.

S'agissant de son préjudice, il fait valoir que l'obligation de résultat emporte présomption d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022.

Motivation :

I-Sur la responsabilité contractuelle de l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils :

Le dépôt nécessaire est celui qui a été forcé par quelque accident, tel qu'un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou un autre évènement imprévu.

Il n'est pas contesté que le véhicule HUMMER dont M. [G] est propriétaire, a été remorqué suite à une panne, et confié le 24 avril 2017 à l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils pour réparation.

Le 15 septembre 2017, le garage a établi un devis estimatif des travaux (N° DR0003142) d'un montant de 14.698,97 euros pour :

- recherche panne sur moteur

- repose culasse, moteur pour remplacement

- réglage GPL

Ce devis a été accepté par M. [G] qui a réglé un premier acompte de 7.349 euros TTC encaissé le 27 septembre 2017.

Le dépôt du véhicule et l'acceptation du garagiste de prendre en charge les réparations ont mis à la charge de ce dernier une obligation de garde qui exclut la possibilité pour le dépositaire d'user de la chose. L'article 1930 du code civil dispose à cet effet, que le dépositaire ne peut se servir de la chose déposée sans la permission expresse ou présumée du déposant. Ce contrat de dépôt est accessoire au contrat d'entreprise liant le garagiste au propriétaire du véhicule qui lui est confié.

Par ailleurs, le dépositaire a l'obligation de restituer la chose remise en l'état à l'issue du contrat.

En l'espèce, il appartenait à l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils de restituer le véhicule HUMMER après réparation en parfait état de marche.

Ainsi, en sortant le véhicule du garage pour se rendre à [Localité 5] (91), sans autorisation du propriétaire pour ce déplacement et pour qu'une prestation différente de celle prévue au devis soit effectuée, l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils, qui avait l'obligation de restituer le véhicule en état de marche après réparation, a failli à ses obligations contractuelles. Par ailleurs, elle est responsable à l'égard du propriétaire du véhicule qu'elle devait restituer indemne de dommages à l'issue des travaux, sans pouvoir s'exonérer de sa responsabilité en invoquant une éventuelle faute de son sous-traitant.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils à l'égard de M.[G].

II-Sur l'indemnisation du préjudice :

-Sur le préjudice matériel :

L'EURL Chartoire Jean-Louis et fils conteste l'évaluation du préjudice matériel considérant que le véhicule a « immanquablement » subi une décote. Elle ne formule cependant aucune proposition.

M.[G] a acquis le véhicule HUMMER le 4 avril 2016. Il s'agissait alors d'un véhicule d'occasion mis en circulation le 24 mars 2009. Il n'est pas contesté que ce véhicule a été acquis pour une somme de 24.500 euros et qu'il comptabilisait 123 000 km au jour de l'accident. A la date du dernier contrôle technique, soit le 10 novembre 2015, ce véhicule avait parcouru 109 692 kms. Il avait donc peu roulé avant le sinistre.

Au regard de l'ancienneté du véhicule et du kilométrage indiqué, ainsi qu'en référence à une décote moyenne de 5% après 6 ans et plus d'ancienneté, il convient d'indemniser le préjudice lié à la perte du véhicule par une somme de 23.275 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.

-Sur le remboursement de l'acompte :

L'EURL Chartoire Jean-Louis et fils ne querelle pas le montant de l'indemnité allouée à M. [G] en remboursement de l'acompte versé. Il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

-Sur la perte de jouissance :

S'agissant du préjudice de jouissance invoqué par M. [G], il convient de retenir que le véhicule a été confié le 24 avril 2017 au garage et a été irrémédiablement endommagé dans un incendie le 25 mai 2018.

Ainsi M. [G] a été privé de la jouissance de son véhicule depuis le 24 avril 2017. Toutefois, au regard du kilométrage du véhicule, il apparaît que ce véhicule n'était pas destiné à un usage quotidien. M.[G] ne prétend d'ailleurs pas avoir eu besoin de louer un véhicule de remplacement.

En considération de ces éléments et sur la période considérée par le tribunal, il sera alloué une somme de 5.600 euros en réparation de ce préjudice.

-sur le préjudice moral :

Le tribunal a alloué à M.[G] une somme de 5.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral, considérant les circonstances dans lesquelles ce dernier a appris la disparition de son véhicule.

En l'espèce, Monsieur [G] ne rapporte pas la preuve du préjudice moral qu'il allègue, l'investissement émotionnel lié à la possession de ce véhicule et l'impact psychique lié à la disparition de celui-ci n'étant pas justifié. L'indemnisation qui lui sera allouée permettra de surcroit à M.[G] de concrétiser à nouveau son rêve de posséder un Hummer.

Il s'ensuit que cette demande n'est pas justifiée. Le jugement sera réformé sur ce point.

-Sur la demande présentée au titre des frais de gardiennage :

Par courrier du 26 avril 2021 la société Green Casse Auto Pièces a mis en demeure M. [G] de récupérer son véhicule, sous peine de se voir facturer des frais de gardiennage de 15 euros HT/jour. Il est indiqué qu'une somme de 80 euros HT sera facturée au titre des frais de mise à disposition.

Il sera fait droit à la demande de M.[G] dans la limite de cette somme. Il n'est en effet pas justifié du paiement effectif de frais de gardiennage. Par ailleurs, la facturation éventuelle de ces frais ne procède pas directement de l'accident mais du fait que M. [G] n'aurait pas repris possession de son véhicule comme il y était invité.

IV-Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le fait de ne pas avoir comparu en première instance et d'interjeter appel de la décision ne caractérise pas un abus de droit. M. [G] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

V-Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'EURL Chartoire Jean-Louis et fils succombant essentiellement en ses demandes sera condamnée aux dépens d'appel. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [G] les frais exposés pour sa défense.

L'EURL Chartoire Jean-Louis et fils sera condamnée à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement déféré dans ses dispositions soumises à la cour, sauf en qu'il a condamné l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils à verser à M. [O] [G] une somme de 23.275 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel ainsi qu'une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il l'a condamné aux dépens de première instance ;

Statuant à nouveau ;

Condamne l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils à verser à M. [O] [G] :

-une somme de 5.600 euros au titre de son préjudice de jouissance.

Déboute M. [O] [G] des demandes présentées au titre du préjudice moral.

Y ajoutant,

Condamne l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils à verser à M. [O] [G] une somme de 80 euros HT outre TVA applicable au titre des frais de mise à disposition facturés par la société Green Casse Auto Pièces ;

Condamne l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils à verser à M. [O] [G] une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne l'EURL Chartoire Jean-Louis et fils aux dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00314
Date de la décision : 07/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-07;21.00314 ?
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