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02/11/2022 | FRANCE | N°21/00685

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 02 novembre 2022, 21/00685


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°



DU : 02 Novembre 2022



N° RG 21/00685 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FSDL

VTD

Arrêt rendu le deux Novembre deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une décision rendue le 15 février 2021 par le Tribunal judiciaire de Cusset (RG n° 19/00895)



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente

Mme Virginie THEUIL-DIF, Con

seiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :



Mme [R] [B] épouse [E]

[Adresse 4]
...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 02 Novembre 2022

N° RG 21/00685 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FSDL

VTD

Arrêt rendu le deux Novembre deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 15 février 2021 par le Tribunal judiciaire de Cusset (RG n° 19/00895)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

Mme [R] [B] épouse [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine BAUDON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

M. [W] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine BAUDON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTS

ET :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES,

Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable immatriculée au RCS de LYON sous le n° 605 520 071 02384

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentants : Me Anthony MAYMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL DE BELVAL, avocats au barreau de LYON (plaidant)

La société BPCE VIE

SA immatriculée au RCS de Paris sous le n° 349 004 341 00088

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SCP LEMONNIER- DELION- GAYMARD - RISPAL, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

La société BPCE PREVOYANCE

SA immatriculée au RCS de Paris sous le n° 352 259 717 00051

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SCP LEMONNIER- DELION- GAYMARD - RISPAL, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMÉES

DEBATS : A l'audience publique du 07 Septembre 2022 Madame [P] a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 02 Novembre 2022.

ARRET :

Prononcé publiquement le 02 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 30 mars 2008, M. [W] [E] et Mme [R] [B] épouse [E] ont accepté une offre de prêt immobilier de la Banque Populaire du Massif Central devenue la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes (la Banque Populaire), d'un montant de 365 000 euros remboursable en 300 mensualités de 2 251,62 euros assurances comprises, prêt destiné à l'acquisition de leur résidence principale.

Ils ont adhéré au contrat d'assurance collective n°0701souscrit par la Banque Populaire auprès de la compagnie Assurances Banque Populaire Vie et la compagnie Assurances Banque Populaire Prévoyance, devenues BPCE Vie et BPCE Prévoyance, au taux de 0,63 %.

L'adhésion de M. [W] [E] pour les risques de décès PTIA IT, ABP était prévu à hauteur de 50 % du montant du prêt, et l'adhésion de Mme [I] à hauteur de 100 %.

Mme [I] a été placée en arrêt de travail le 21 décembre 2012.

Les échéances du prêt ont été prises en charge à 100 % à l'expiration du délai de carence de trois mois par les compagnies d'assurance.

Conformément aux dispositions contractuelles, les sociétés BPCE Vie et BPCE Prévoyance ont organisé une expertise de contrôle qu'elles ont confié au docteur [L] [H]. L'expert a retenu une consolidation au 8 janvier 2019 avec un taux fonctionnel de 33 % et un taux professionnel de 100 %.

Par courrier du 4 février 2019, la SAS CBP, gestionnaire délégataire du contrat n°0701, a informé Mme [I] qu'au vu du rapport médical, son degré d'invalidité était inférieur à 66 %, ce qui entraînait la cessation du versement des prestations à compter du 8 janvier 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 18 mars 2019, M. [E] et Mme [I] ont contesté le refus de l'assureur de prendre en charge les échéances du prêt immobilier.

Suivant ordonnance sur requête du 18 mars 2019, le juge d'instance de Clermont-Ferrand a suspendu pendant 24 mois les obligations des époux [E] à l'égard de la Banque Populaire au titre dudit crédit immobilier.

Par actes d'huissier des 16 et 19 juillet 2019, M. [W] [E] et Mme [R] [B] épouse [E] ont fait assigner La Banque Populaire et la SA Assurances Banque Populaire Vie devant le tribunal de grande instance de Cusset pour obtenir :

- à titre principal, le règlement des prestations dues en vertu du contrat de la SA Assurances Banque Populaire Vie ;

- subsidiairement, la condamnation de la Banque Populaire à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier causé par son manquement au devoir d'information et de conseil.

Par jugement du 15 février 2021, le tribunal judiciaire de Cusset a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :

- donné acte à la SA BPCE Vie, anciennement SA Assurances Banque Populaire Vie (ABP Vie) de sa nouvelle dénomination ;

- constaté l'intervention volontaire de la SA BPCE Prévoyance et l'a déclarée recevable ;

- constaté l'absence de caractère abusif de la clause n°13 du contrat d'assurance groupe souscrit par M. et Mme [E] ;

- constaté l'absence de faute de la Banque Populaire dans son obligation d'information et de conseil ;

- débouté les époux [E] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné les époux [E] à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2.000 euros à la SA BPCE Prévoyance et le somme de 5.000 euros à la Banque Populaire ;

- condamné les époux [E] aux dépens.

M. [W] [E] et Mme [R] [B] épouse [E] ont interjeté appel du jugement, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 2 mars 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 16 mai 2022, les appelants demandent à la cour, au visa des articles 1103 et 1231-1 du code civil, L.212-1 et L.211-1 du code de la consommation, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :

à titre principal :

-juger que les clauses portant sur les modalités de calcul du taux contractuel d'incapacité ne sont pas claires et sont abusives ;

- en conséquence, juger que lesdites clauses sont réputées non écrites ;

- condamner la SA BPCE Vie à leur régler les prestations dues en vertu du contrat, sur la base des échéances découlant du fonctionnement normal du contrat de prêt, soit 2.245,52 euros par mois à compter du 8 janvier 2019, et ce, jusqu'à l'expiration du contrat de prêt immobilier ;

à titre subsidiaire :

- juger que la Banque Populaire n'a pas respecté son devoir d'information à leur égard ;

- condamner la Banque Populaire à leur payer la somme de 257.730,21 euros, en réparation de leur perte de chance ;

en tout état de cause :

- condamner solidairement la Banque Populaire et la SA BPCE Vie à payer à Mme [E] une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, et à M. [E] la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner solidairement la Banque Populaire et la SA BPCE Vie à leur payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Ils critiquent les clauses contenues dans le paragraphe 13 du contrat d'assurance, portant sur la garantie incapacité de travail, et plus particulièrement le tableau à double entrée. Le taux d'incapacité est déterminé en fonction du taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle, or aucune définition de l'incapacité fonctionnelle n'est fournie. Par ailleurs, il n'existe aucun mode de calcul des pourcentages contenus dans le tableau à double entrée existant dans la notice fournie par l'assureur.

A titre subsidiaire, ils entendent poursuivre la responsabilité de la banque pour défaut de conseil, faisant valoir que l'organisme de crédit qui propose à son client, d'adhérer au contrat d'assurance-groupe, doit l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur et non se contenter de lui remettre une notice.

Ils soutiennent que cette obligation bénéficie à tous les emprunteurs, même avertis et font valoir qu'en dépit de leur profession, ils n'étaient pas en mesure d'appréhender la subtilité du tableau à double entrée ou encore la définition du taux d'incapacité.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 27 juillet 2021, la SA BPCE Vie et la SA BPCE Prévoyance demandent à la cour, :

à titre principal, au visa de l'article 1103 du code civil, anciennement numéroté 1134, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] et Mme [I] de l'intégralité de leurs demandes dirigée contre les SA BPCE Vie et BPCE Prévoyance ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [E] et Mme [I] à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 000 euros à la SA BPCE Prévoyance ;

à titre subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation, au visa de l'article 1103 du code civil, de :

- dire que l'indemnisation interviendra dans le respect des dispositions contractuelles applicables, en particulier l'article 13 de la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°0701 afférent à la « Garantie Incapacité de Travail » dont les époux [E] sollicitent le bénéfice ;

- dire qu'il sera notamment tenu compte de la clause de « Limitation des prestations à la diminution de la rémunération » ;

- vu l'article 10 de la notice d'information, dire et juger que l'indemnisation sera servie entre les mains de l'organisme préteur, la Banque Populaire, bénéficiaire contractuel de la garantie ;

en tout état de cause, de :

- débouter M. [E] et Mme [I] de toutes demandes de dommages et intérêts;

- condamner solidairement M. [E] et Mme [I] à leur verser, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens et faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Lexavoue [Localité 10] [Localité 7] prise en la personne de Me [M].

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 mai 2022, la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur au moment de la conclusion de l'offre de prêt immobilier en date du 17 mars 2008, les articles L.132-1 et L.312-9 du code de la consommation, dans leur version en vigueur au moment de la conclusion de l'offre de prêt immobilier en date du 17 mars 2008, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a notamment décidé de :

constater l'absence de caractère abusif de la clause n°13 du contrat d'assurance groupe souscrit par les époux [E] ;

constater l'absence de faute dans son obligation d'information et de conseil ;

débouter les époux [E] de l'ensemble de leurs demandes ;

condamner les époux [E] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner les époux [E] aux entiers dépens ;

débouter les époux [E] du surplus de leurs demandes ;

ordonner l'exécution provisoire du jugement ;

- en tout état de cause, :

constater que l'offre de prêt immobilier contenant la notice d'assurance a été valablement acceptée et signée par M. [E] et Mme [I], et ce en toute connaissance de cause ;

constater que Maître [F], notaire à [Localité 9], a certifié et attesté que les signatures apposés étaient celles des emprunteurs ;

dire et juger que le contrat de prêt immobilier est valable ;

dire et juger que la clause de calcul de fixation du taux d'incapacité du contrat d'assurance n'est pas abusive ;

dire et juger qu'elle a respecté l'ensemble de ses obligations professionnelles ;

constater que Mme [I], dont la garantie a été mise en oeuvre, était assurée à hauteur de 100 % pour le risque lié à l'invalidité faisant que la réalisation du risque était entièrement couverte ;

dire et juger que les époux [E] ne rapportent à aucun moment la preuve qu'un autre contrat aurait été susceptible de couvrir le préjudice qu'ils invoquent ;

dire et juger que le contrat d'assurance de groupe était parfaitement adapté à la situation des époux [E] ;

dire et juger que les époux [E] n'ont subi aucun préjudice lié à une perte de chance ou un quelconque préjudice moral pouvant émaner de la Banque Populaire ;

- En conséquence :

dire et juger que sa responsabilité ne peut pas être engagée dans la mesure où elle n'a commis aucune faute ;

débouter les époux [E] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions à son égard ;

condamner les époux [E] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la première instance ainsi que tous les entiers dépens.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022.

MOTIFS

- Sur la demande en nullité des clauses portant sur les modalités de calcul du taux contractuel d'incapacité de travail

L'article L.132-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur à la date de souscription du contrat, énonce que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Par ailleurs, l'article L.133-2 ancien du code de la consommation prévoit que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. Elles s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel.

En l'espèce, les époux [E] soutiennent qu'il n'est fourni dans la notice d'assurance, aucune définition de l'incapacité fonctionnelle, sauf à indiquer qu'elle est appréciée en se référant au barème d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun. Ils estiment que cette clause n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible.

Par ailleurs, ils observent qu'il n'existe aucun mode de calcul des pourcentages contenus dans le tableau à double entrée existant dans la notice : les pourcentages ne correspondent pas aux calculs mathématiques, et qu'ainsi, les modalités de calcul du taux d'incapacité sont laissées à l'appréciation de l'assureur pour éviter la prise en charge du sinistre.

Ainsi, ils demandent en application des dispositions précitées, de juger non écrites les clauses contenues dans le paragraphe 13 de la notice d'assurance et de condamner l'assureur à régler les prestations dues en vertu du contrat.

L'adhésion au contrat d'assurance groupe n'est pas contestée par les appelants et ils ont en outre paraphé l'ensemble des pages de la notice d'assurance.

Le paragraphe 13 de la notice d'assurance relatif à la garantie 'Incapacité de Travail' définit tout d'abord ce qu'est l'incapacité de travail : 'Vous êtes en incapacité de travail lorsque suite à une maladie ou à un accident survenant avant votre 65ème anniversaire, vous êtes contraint d'interrompre totalement votre activité professionnelle sur prescription médicale, et si votre état de santé interdit l'exercice de toute activité professionnelle.'

Il est ensuite précisé : 'A la date de consolidation de votre état de santé, et au plus tard trois ans après le début de votre incapacité de travail, le médecin conseil de l'assureur fixe votre taux d'incapacité sur la base du tableau ci-après. Ce taux est déterminé en fonction de vos taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle.

Votre taux d'incapacité fonctionnelle :

Ce taux est apprécié en dehors de toute considération professionnelle. Il tient compte uniquement de la diminution de votre capacité physique ou mentale, suite à votre accident ou à votre maladie, par référence au barème d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun (édition du concours médical la plus récente au jour de l'expertise).

Votre taux d'incapacité professionnelle :

Ce taux est apprécié en fonction du degré ou de la nature de votre incapacité par rapport à votre profession. Il tient compte de votre capacité à l'exercer antérieurement à la maladie ou à l'accident, des conditions d'exercice normales de votre profession et de vos possibilités d'exercice restantes, sans considération des possibilités de reclassement dans une profession différente.'

TAUX D'INCAPACITÉ DU CONTRAT D'ASSURANCE

Taux

d'incapacité

fonctionnelle

Taux d'incapacité professionnelle

60

70

80

90

100

30

48 %

53 %

58 %

62 %

67 %

40

52 %

58 %

64 %

69 %

74 %

50

56 %

63 %

68 %

74 %

79 %

60

60 %

66 %

73 %

79 %

84 %

70

63 %

70 %

77 %

83 %

89 %

80

66 %

73 %

80 %

87 %

93 %

90

69 %

76 %

83 %

90 %

97 %

100

71 %

79 %

86 %

93 %

100 %

Si le taux d'incapacité fixé sur la base de ce tableau est égal ou supérieur à 66 %, les prestations de l'assureur sont maintenues. Si le taux d'incapacité fixé sur la base de ce tableau est inférieur à 66 %, aucune prestation n'est due par l'assureur.'

Le médecin expert, le docteur [L] [H], a retenu une consolidation au 8 janvier 2019 pour Mme [I], avec un taux d'incapacité fonctionnelle de 33 % et un taux d'incapacité professionnelle de 100 %.

Par courrier du 4 février 2019, la SAS CBP, gestionnaire délégataire du contrat n°0701, a informé l'intéressée qu'au vu du rapport médical, son degré d'invalidité était inférieur à 66 %, ce qui entraînait la cessation du versement des prestations à compter du 8 janvier 2019.

Le tableau à double entrée figurant dans la notice débute pour chaque taux d'incapacité (fonctionnelle et professionnelle), par le taux minimum, lequel conjugué à l'autre permet le versement des prestations si le taux d'incapacité ainsi déterminé est supérieur ou égal à 66 %. Or, pour le taux d'incapacité fonctionnelle, le tableau commence avec un taux de 60 % . Aussi, le taux fonctionnel retenu par l'expert, qui n'a pas été contesté par les appelants, place à lui seul Mme [I] sous le seuil ouvrant droit à garantie.

Le tableau ne suscite aucune difficulté d'interprétation : une simple lecture permet de constater qu'aucune indemnisation ne peut intervenir si le taux d'incapacité fonctionnelle est inférieur à 60 % comme c'est le cas en l'espèce.

La clause stipule que la mise en oeuvre de la garantie incapacité de travail suppose un taux d'incapacité de 66 %, calculée en fonction du taux d'incapacité professionnelle combiné au taux d'incapacité fonctionnelle, ainsi qu'il résulte du tableau à double entrée dont la simple lecture permet de comprendre qu'aucune garantie n'est due lorsque l'un quelconque des taux à combiner est inférieur à un certain seuil, de sorte qu'étant rédigée de façon claire et compréhensible, sans laisser place au doute, elle ne peut être interprétée (Cass. Civ. 1ère, 19 juin 2019, n°18-10.136)

La clause qui définit l'objet principal du contrat et qui est rédigée de façon claire et compréhensible, ne peut donner lieu à une appréciation de son caractère abusif.

Il ne saurait être reproché à l'assureur de ne pas préciser la formule de calcul du taux d'incapacité de travail dès lors que le tableau se suffit à lui-même pour déterminer si le taux contractuel d'incapacité est atteint. De même, dès lors qu'en deça du seuil de 66 %, la garantie n'est pas mobilisable, il n'y avait pas lieu de faire figurer dans le tableau à double entrée des taux qui, combinés, ne permettent en aucun cas d'atteindre le seuil de 66 %.

S'agissant de l'incapacité fonctionnelle, le contrat la définit : son taux est apprécié en dehors de toute considération professionnelle, il tient compte uniquement de la diminution de la capacité physique ou mentale de l'assuré, suite à son accident ou sa maladie, et ce, par référence à au barème d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun (édition du concours médical la plus récente au jour de l'expertise).

Les seuils de déclenchement de la garantie ne sont pas fixés de manière unilatérale par l'assureur dès lors qu'ils se réfèrent, en particulier pour l'incapacité fonctionnelle à un barème et une règle qui sont des éléments objectifs et qui sont déterminés par le biais d'une expertise, étant souligné qu'en cas de désaccord, il existe une procédure permettant de désigner un autre médecin (paragraphe 14 de la notice).

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a énoncé que les dispositions du contrat d'assurance groupe relatives à la prise en charge de la garantie incapacité de travail, portent sur l'objet du contrat, qu'elles sont rédigées de manière claire et compréhensible (elles n'ont pas à être interprétées), et qu'elles ne créent aucun déséquilibre au profit de l'assureur, elles ne peuvent constituer des clauses abusives réputées non écrites.

- Sur la demande visant à engager la responsabilité de la banque pour manquement au devoir d'information

Il résulte de l'article 1147 ancien du code civil que le banquier qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation (Cass. Ass. Plén., 2 mars 2007, n°06-15.267).

La connaissance par le client des stipulations du contrat d'assurance de groupe auquel il a adhéré ne peut dispenser le banquier de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts par ces stipulations, fussent-elles claires et précises, à sa situation personnelle d'emprunteur, le banquier souscripteur d'une assurance de groupe est tenu envers les adhérents d'une obligation d'information et de conseil qui ne s'achève pas avec la remise de la notice.

Le devoir d'information du prêteur en matière d'assurance bénéficie à tous les emprunteurs, fussent-ils avertis, et s'impose indépendamment de tout risque d'endettement excessif, la souscription d'une assurance destinée à garantir le remboursement d'un prêt n'étant pas déterminée par le niveau d'endettement de l'emprunteur mais par la perspective d'un risque dont la couverture apparaît opportune lors de la souscription du prêt (Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 2015, n°14-18.854)

A défaut de respecter son obligation d'information, la banque fait perdre une chance à l'emprunteur de souscrire une assurance mieux adaptée à sa situation personnelle.

Il se déduit du principe sus-visé que toute perte de chance ouvre droit à réparation sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé (Cass. Civ.2ème 17 juin 2021, n°19-24.467).

En l'espèce, les époux [E], qui étaient certes tous les deux avocats, devaient être éclairés par la Banque Populaire sur l'adéquation des risques couverts à leur situation personnelle d'emprunteurs, et ce, malgré la remise de la notice qui n'est pas contestée et ses stipulations claires et précises, comme cela a été retenu ci-dessus.

Le prêt immobilier de 365 000 euros amortissable sur 25 ans a été souscrit en 2008, alors que Mme [I] était âgée de 41 ans et M. [E] de 42 ans. Ils ne rencontraient pas de problèmes de santé particuliers à ce moment-là.

Mme [I] a été assurée à hauteur de 100 % pour les risques de décès, PTIA, IT et ABP, et M. [E] à hauteur de 50 % pour ces mêmes risques.

Mme [I] avait, quelques mois auparavant, acquis des parts d'associé au sein de la SELARL Pôle Avocats à [Localité 8] au moyen d'un prêt pour exercer son activité d'avocat. Son mari allait exercer quelques mois plus tard en s'installant seul. Ils étaient tous les deux en période de développement de leur activité professionnelle.

La Banque Populaire expose que la garantie ne pouvait être supérieure et a abouti à la prise en charge intégrale des échéances du prêt dès l'arrêt de travail de Mme [I]. Elle considère que la perspective d'un risque, celui d'invalidité, a été prise intégralement en compte, elle a été parfaitement couverte par la banque, l'assureur ayant pris en charge les échéances entre 2012 et 2019.

Les époux [E] soutiennent que le barème croisé dans le contrat groupe proposé par la banque, avec la pondération retenue visant à minimiser les effets d'une incapacité professionnelle totale, n'était pas adapté à leur situation personnelle d'emprunteurs, alors même que tout le montage financier reposait sur le maintien de la situation professionnelle de Mme [I]. Ce qui est reproché à la banque, c'est de les avoir empêchés d'avoir eu la possibilité de contracter un contrat d'assurance plus adapté, même si finalement ils ne l'ont pas fait.

Le choix des pourcentages de couverture concernant chaque époux démontre que la poursuite de l'activité professionnelle de Mme [I] était déterminante dans le remboursement du prêt, et ce d'autant que M. [E] n'exerçait pas encore son métier.

Il appartenait à la banque d'attirer l'attention de ses clients sur le taux minimum d'incapacité fonctionnelle prévu au contrat, à savoir 60 %, pour pouvoir bénéficier de la couverture incapacité de travail, et notamment dans l'hypothèse d'une incapacité professionnelle de 100 %.

Les époux [E], ont ainsi perdu une chance de souscrire une assurance mieux adaptée à leur situation personnelle.

Toutefois, contrairement à ce que soutient la Banque Populaire, ces derniers n'ont pas à démontrer que, mieux informés et conseillés par la banque, ils auraient souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé, à savoir une garantie incapacité de travail déterminée avec un taux d'incapacité fonctionnelle minimum moins important.

Cette perte de chance sera évaluée à 30 %. La banque sera ainsi condamnée à leur verser à titre de dommages et intérêts, la somme de 77 340 euros, correspondant à 30 % du solde du prêt.

En outre, au regard de la précarité de l'état de santé de Mme [I] et des conséquences du refus de prise en charge du prêt, il sera retenu un préjudice moral à son égard que la cour évalue à 3 000 euros. Cette même demande sera rejetée toutefois s'agissant de M. [E].

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant à l'instance, la Banque Populaire sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel dont la distraction sera ordonnée au profit de la SELARL Lexavoué [Localité 10] [Localité 7] prise en la personne de Me [M].

Elle sera en outre condamnée à payer à M. et Mme [E] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande néanmoins de rejeter la demande au titre des frais irrépétibles formée par les SA BPCE Vie et BPCE Prévoyance à l'encontre des appelants.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de caractère abusif de la clause n°13 du contrat d'assurance groupe souscrit M. [W] [E] et Mme [R] [B] épouse [E] et les a déboutés de leurs demandes à l'encontre de la SA BPCE Vie et de la SA BPCE Prévoyance ;

Infirme le surplus des dispositions du jugement ;

Statuant à nouveau :

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à M. [W] [E] et Mme [R] [B] épouse [E] à titre de perte de chance, la somme de 77 340 euros de dommages et intérêts au titre du solde du prêt ;

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à Mme [R] [B] épouse [E] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Déboute M. [W] [E] de sa demande au titre du préjudice moral ;

Déboute M. [W] [E] et Mme [R] [B] épouse [E] du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à M. [W] [E] et Mme [R] [B] épouse [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA BPCE Vie et la SA BPCE Prévoyance de leur demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes aux dépens de première instance et d'appel ;

Ordonne la distraction des dépens au profit de la SELARL Lexavoué [Localité 10] [Localité 7] prise en la personne de Me [M].

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00685
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;21.00685 ?
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