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02/11/2022 | FRANCE | N°21/00270

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 02 novembre 2022, 21/00270


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°



DU : 02 Novembre 2022



N° RG 21/00270 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRC6

FK

Arrêt rendu le deux Novembre deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une décision rendue le 20 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de MONTLUCON



COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé



ENTRE :



M. [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représen...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 02 Novembre 2022

N° RG 21/00270 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRC6

FK

Arrêt rendu le deux Novembre deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 20 novembre 2020 par le Tribunal de commerce de MONTLUCON

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [O] [W]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Patrick THEROND-LAPEYRE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)

La société dénommée 'CADNUM SARL'

SARL à associé uniqueimmatriculée au RCS de Montluçon sous le n° 420 813 958 00022

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Me Patrick THEROND-LAPEYRE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (plaidant)

APPELANTS

ET :

Mme [K] [X] épouse [L]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Joseph ROUDILLON, avocat au barreau de MONTLUCON

M. [Y] [L]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Joseph ROUDILLON, avocat au barreau de MONTLUCON

La société USIROMA

SARL immatriculée au RCS de Montluçon sous le n° 533 488 805 00029

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Joseph ROUDILLON, avocat au barreau de MONTLUCON

INTIMÉS

DEBATS : A l'audience publique du 07 Septembre 2022 Monsieur KHEITMI a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 02 Novembre 2022.

ARRET :

Prononcé publiquement le 02 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

La SARL CADNUM, créée en 1998, a pour objet l'étude et la réalisation d'outillages destinés à l'industrie, entre autres l'industrie aéronautique. Elle est gérée depuis sa création par M. [O] [W].

Celui-ci a décidé en 2011, avec deux salariés de la SARL CADNUM M. [Y] [L], et Mme [K] [X] épouse [L], de fonder une autre société, ayant le même objet que la SARL CADNUM, mais avec la mise en 'uvre d'une technique nouvelle, comportant l'utilisation d'un robot d'usinage au lieu de l'usinage traditionnel, dans le but de réduire les charges de structure et les frais fixes. Cette nouvelle société, la SARL USIROMA, a été créée en juin 2011, le capital de 5 000 euros était réparti entre M. [L] (51% des parts), M. [W] (33 %) et Mme [L] (16%). La gérance était assurée par M. [L].

Les objectifs de la nouvelle entreprise, et la collaboration entre les deux sociétés étaient fixés dans un plan d'affaires, document daté du 24 mars 2011qui prévoyait notamment que dans « un premier temps, un partenariat avec [la société] CADNUM » permettrait à la société USIROMA « de se faire connaître auprès des donneurs d'ordre et d'autres outilleurs », qu'à terme la nouvelle société prospecterait sur de nouveaux marchés et réaliserait ses ventes en direct à ses clients, que la société CADNUM resterait toutefois « un partenaire privilégié », et continuerait de promouvoir la nouvelle société. M. [W] était en charge de la partie commerciale de l'activité d'USIROMA, Mme [L] assurant le secrétariat et la comptabilité.

Après les premières années d'activité, un conflit s'est élevé entre les associés, notamment sur l'affectation des bénéfices. M. et Mme [L], qui avaient conservé dans le même temps leur emploi salarié au sein de la SARL CADNUM (M. [L] comme chef de production, Mme [L] comme secrétaire comptable), ont démissionné de ces fonctions salariées au cours de l'année 2014. Les parties ont envisagé une cession par M. [W] de ses parts sociales à M. ou à Mme [L], mais ne sont pas parvenues à un accord sur le prix de cession, de sorte que M. [W] est resté associé.

Le 26 mars 2018, M. [W] et la société CADNUM ont fait assigner, devant le tribunal de commerce de Montluçon, la société USIROMA et M. et Mme [L], en demandant qu'ils soient condamnés solidairement à payer à la société CADNUM une somme de 120 000 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice que les défendeurs lui auraient causé par des actes de concurrence déloyale. M. [W] demandait en outre au tribunal d'ordonner la cession de ses parts sociales à M. ou à Mme [L], pour un prix de 36 000 euros.

La société CADNUM fondait sa demande de dommages et intérêts sur des détournements de sa clientèle, effectués selon elle par la société USIROMA et par M. et Mme [L].

Le tribunal de commerce, statuant sur ces demandes initiales et sur diverses demandes incidentes formées par les parties, a suivant un jugement contradictoire du 20 novembre 2020 débouté la société CADNUM et M. [W] de toutes leurs demandes, et les a condamnés à payer à la société USIROMA la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts. Il a en outre condamné les demandeurs à payer à la société USIROMA une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et 1 000 euros chacun à M. et Mme [L], en application du même article.

M. [W] et la société CADNUM, suivant une déclaration reçue au greffe de la cour le 3 février 2021, ont interjeté appel de ce jugement, dans toutes ses dispositions.

Les appelants concluent à la réformation du jugement, et réitèrent leur demande en paiement d'une somme de 120 000 euros à la société CADNUM, en réparation du préjudice qu'elle déclare avoir subi par suite de faits de concurrence déloyale, et de détournements de commandes.

Ils reprochent à M. et Mme [L] d'avoir développé l'activité de la société USIROMA en se limitant pour l'essentiel à des commandes passées par d'anciens clients de la société CADNUM, dans un esprit de captation, sans rechercher à étendre l'outil industriel de cette société, comme il avait pourtant été convenu entre les trois associés, et comme le prévoit l'objet de la société USIROMA (« l'activité d'usinage robotisé ») : celle-ci se bornant à une activité d'usinage classique. Les appelants précisent que la société USIROMA a tiré profit des informations confidentielles que lui avait données la société CADNUM, en particulier celles de commandes d'usinage traditionnel adressées à celle-ci, pour les détourner systématiquement vers elle-même, de sorte que la trésorerie de la société CADNUM s'est trouvée en péril, au cours des années 2015 et 2016. Les appelants exposent que M. [W], associé minoritaire, n'a aucune prise sur les décisions prises par les deux autres associés.

M. [W], déclarant d'autre part exercer l'action ut singuli, demande que M. [L] soit condamné à payer à la société USIROMA une somme de 100 000 euros de dommages et intérêts, « pour perte de chance de développer le projet industriel initialement défini entre les parties » ; il demande à titre personnel la condamnation de M. [L] à lui payer 10 000 euros en réparation de son « préjudice personnel, entrepreneurial et d'image », et de son préjudice moral.

Il déclare enfin renoncer à sa demande de cession forcée de ses parts dans la société USIROMA.

La société USIROMA et M. et Mme [L] concluent à la confirmation du jugement. Ils relatent les circonstances dans lesquelles a été créée la société USIROMA, et les dissensions apparues entre les associés, après que M. et Mme [L] ont opté, pour les deux exercices arrêtés en 2012 et en 2013, en faveur d'un réinvestissement des bénéfices dans la société, alors que M. [W] avait voté pour une répartition immédiate de ces bénéfices entre les associés. Ils exposent que les désaccords persistants ont conduits M et Mme [L] à démissionner de leur emploi salarié au service de la société CADNUM, que cette société a alors résilié une sous-location qu'elle avait consentie à la société USIROMA sur un logement, et leur a retiré l'assistance commerciale que leur apportait M. [W].

Les intimés font valoir que leur adversaires ne reprochent à M. et Mme [L] aucune faute personnelle, détachable des fonctions qu'ils exercent pour la nouvelle société, de sorte qu'ils doivent être mis hors de cause. Ils contestent tout acte de concurrence déloyale de la société USIROMA, exposant que celle-ci était expressément autorisée par le plan d'affaires de 2011 à bénéficier dans un premier temps de la notoriété et du carnet d'adresses de la société CADNUM, pour obtenir les commandes que celle-ci n'était pas en mesure d'honorer.

M. [L] soulève d'autre part la prescription de l'action ut singuli, et conclut subsidiairement à son rejet, au motif qu'il a tenté en 2011, en collaboration avec M. [W], de faire l'acquisition d'un robot d'usinage auprès d'un fabricant de Faverges, mais que les essais se sont révélés décevants, de sorte qu'ils ont décidé ensemble que la société CADNUM donnerait en location à la société USIROMA un centre d'usinage, solution qui a été mise en 'uvre plusieurs mois à partir de septembre 2011, jusqu'à ce que la société USIROMA fasse l'acquisition de son propre centre d'usinage avec berceau 5 axes, acquisition faite, elle aussi, avec l'accord de M. [W]. M. [L] affirme qu'il n'a donc pas manqué à son obligation de poursuivre la réalisation de l'objet social, qui comportait l'utilisation d'un usinage robotisé.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mai 2022.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions, déposées au greffe le 3 mai et le 21 juillet 2021.

Motifs de la décision :

En droit : une entreprise doit réparation, par application de l'ancien article 1382 du code civil devenu l'article 1240 du même code, du préjudice qu'elle cause à une autre entreprise par des actes de concurrence déloyale, celle-ci étant caractérisée entre autres par le bénéfice que retire la première, sans supporter les frais correspondants, des informations, des connaissances et des relations commerciales détenues par la seconde (Cass. Com. 13 mars 2007, pourvoi n° 05 - 16 881).

Il incombe à l'entreprise qui se déclare victime d'actes de concurrence déloyale d'en rapporter la preuve.

Les appelants reprochent à la société USIROMA et à M. et Mme [L] d'avoir détourné à leur profit les clients de la société CADNUM, en concurrence directe avec celle-ci, alors que la société nouvellement créée avait vocation à développer son activité dans le domaine de la fabrication de pièces au moyen de machines d'usinage robotisé. Ils produisent en ce sens un procès-verbal de constat dressé le 7 décembre 2017 par Me [R] [I] huissier de justice à [Localité 4], qui sur la demande de la société CADNUM a procédé à l'examen de l'ordinateur utilisé par Mme [L], dans l'exercice de sa fonction de secrétaire comptable salariée de cette dernière société.

Il ressort de ce constat que Mme [L], pendant la période écoulée du 27 décembre 2011 au 26 janvier 2015, a envoyé à diverses entreprises, par le canal d'une messagerie dénommée Thunderbird, des courriels au nom et à l'en-tête de la société USIROMA, destinés notamment à l'envoi d'informations, de devis ou de factures à des entreprises clientes, et à des demandes de paiement (pièce n° 26 de M. [W] et de la société CADNUM).

Les intimés reconnaissent que la société USIROMA, faisant usage de l'ordinateur de la société CADNUM, a développé initialement sa clientèle au moyen de carnet d'adresses ou fichier clients de cette société ; ils font valoir cependant, d'une part, que M. [W] avait, « dès l'origine », autorisé M. [L] à utiliser l'ordinateur portable de la société CADNUM, fait non contesté par les appelants. Ils exposent ensuite, à bon droit, que le plan d'affaires du 24 mars 2011 les autorisait à démarcher initialement les clients ou partenaires de la société CADNUM : ce document, dont aucune des parties ne conteste la valeur contractuelle, énonçait en effet : « En un premier temps, un partenariat privilégié avec CADNUM nous permettra de [nous] faire connaître auprès des donneurs d'ordres et des autres outilleurs. Une fois cette étape franchie, nous attaquerons les marchés des pièces mécaniques puis des prototypes [...]M. [W], gérant de la société CADNUM, sera en charge de la partie commerciale d'USIROMA. Sa connaissance des marchés aéronautique, automobile et ferroviaire ainsi que son portefeuille clients lui permettront de garantir une charge de travail suffisante pour garantir la pérennité de l'entreprise »  (pages 6 et 10 du plan d'affaires). En un premier temps, USIROMA bénéficiera de la notoriété et du carnet d'adresses de CADNUM pour communiquer efficacement sur son activité, et prospecter sur les marchés aéronautique, automobile et mécanique. Rapidement, la diversité de ses produits lui permettra de prospecter sur des nouveaux marchés et de nouveaux secteurs d'activité. / A terme, USIROMA réalisera ses ventes en direct à ses clients » (page 22 du même document).

Le plan d'affaires prévoyait d'autre part que dans un premier temps la société CADNUM serait le client et partenaire principal de la société USIROMA, à laquelle elle s'engageait à sous-traiter de l'usinage pour un montant de 3 000 euros par mois, de nouveaux clients devant être trouvés au terme des six premiers mois (page 25). Une augmentation notable de l'activité était espérée pendant l'année 2013, et 2014 devait être une année de réflexion (même page du plan d'affaires).

Il en ressort que les deux sociétés devaient 'uvrer en étroite collaboration, puisque le gérant de la société CADNUM était chargé de l'activité commerciale de la société USIROMA, et que le « carnet d'adresses » de celle-là devait être exploité par celle-ci, travaillant en sous-traitance de la première ; il en résulte que la société USIROMA, tout comme M. et Mme [L] agissant en qualité de gérant et d'associés de celle-ci, étaient en droit, conformément à l'accord des parties, d'avoir des relations directes avec les clients et les autres partenaires de la société CADNUM.

Les appelants font valoir ensuite que la société USIROMA n'a pas rempli l'objet social pour lequel elle avait été créée, puisqu'elle a omis de se doter d'un robot d'usinage, alors que l'utilisation d'un tel robot constituait un objectif prévu dans le plan d'affaires comme dans les statuts, en vue de compléter l'activité déployée par la société CADNUM, dans le champ de l'usinage traditionnel.

Le plan d'affaires énonçait en effet, en page 5, que les fondateurs de la société USIROMA avaient pour premier objectif d'utiliser « un procédé de fabrication créant une réelle rupture technologique », et qu'un robot d'usinage répondait parfaitement à cet objectif ; un calendrier inséré en page 29 du même document prévoyait la commande du robot en mars 2011, et le financement de cette acquisition au moyen d'un crédit-bail sur 60 mois, pour un coût estimé à 130 000 euros (page 30). Les statuts de la société USIROMA énonçaient dans le même sens que cette société avait « pour objet l'activité d'usinage robotisé pour diverses entreprises ».

Cependant M. [W] et la société CADNUM ne contestent pas les affirmations de la société USIROMA et de M. et Mme [L], selon lesquelles MM. [W] et [L] se sont déplacés ensemble dans les locaux de l'entreprise Staubli à Faverges (entreprise citée sur le plan d'affaires en page 32 comme un fournisseur potentiel) pour faire un essai d'usinage, mais que celui-ci s'est révélé décevant, de sorte que le dirigeant de la société USIROMA a décidé, « en parfaite concertation avec M. [W] », de ne pas faire l'acquisition du robot présenté par cette entreprise. La société USIROMA a fait le choix d'une solution de remplacement : l'utilisation d'un centre d'usinage Cincinnati, solution à laquelle la société CADNUM a apporté son concours, puisqu'elle a fourni ce matériel à la société USIROMA, dans les termes d'un contrat de location établi entre les deux sociétés le 30 septembre 2011 (pièce n° 2 de la société CADNUM et de M. [W]).

Il n'apparaît pas d'ailleurs que M. [W] ou la société CADNUM aient critiqué, à un quelconque moment, l'utilisation de ce centre d'usinage, ou plus généralement l'absence de mise en 'uvre d'un robot d'usinage par la société USIROMA : M. [W] n'a pas évoqué ce point dans les lettres qu'il a envoyées en octobre 2014 à cette dernière société, puis à M. [L] en 2016 et en 2017 ; ce n'est que lors d'une assemblée générale du 7 juillet 2017 que M. [W] s'est opposé à deux résolutions prévoyant l'acquisition d'un nouveau centre d'usinage par le moyen d'un crédit-bail.

Il en résulte que l'absence de robot d'usinage au sein de la société USIROMA, acceptée par M. [W] et par la société CADNUM qui a fourni en septembre 2011 un centre d'usinage, n'a pas non plus constitué un acte de concurrence déloyale, ou qui aurait concouru à une concurrence déloyale : c'est de leur commun accord que les deux sociétés ont renoncé, pendant les années 2011 à 2014, à l'acquisition par USIROMA d'un robot d'usinage tel que prévu par le plan d'affaires et par les statuts. La solution de remplacement décidée en 2011, dont la nécessité technique n'est pas contestée faute d'existence sur le marché de robot d'usinage efficace, permettait aux deux sociétés de collaborer de manière complémentaire, conformément à ce même plan d'affaires.

Selon le témoignage écrit de M. [Z] [F], ancien salarié de la société CADNUM, celle-ci a décidé, en avril 2014, de sous-traiter à la société USIROMA une commande que la société CADNUM n'était pas en mesure d'honorer elle-même, faute de machine suffisamment précise : ce témoignage confirme la complémentarité entre les deux entreprises, et l'utilité spécifique du matériel utilisé par la société USIROMA, matériel qui, bien que n'étant pas un robot d'usinage, lui permettait d'effectuer des opérations que la société CADNUM ne pouvait réaliser elle-même (pièce n° 9 produite par les intimés).

M. [W] et la société CADNUM ne citent d'ailleurs aucun client que la société USIROMA ou M. et Mme [L] auraient détourné de manière déloyale, pour une commande d'usinage traditionnel que la société CADNUM pouvait honorer par ses propres moyens ; ils ne rapportent non plus aucune preuve des difficultés économiques dans lesquelles la société appelante se serait trouvée en 2015 et en 2016, par l'effet de ces détournements prétendus.

Le gérant de la société CADNUM a d'autre part, dans une lettre du 22 octobre 2014, reproché à la société USIROMA d'avoir utilisé, pour sa propre publicité commerciale, des photographies tirées de la base de données de la société CADNUM (pièce n° 6 des appelants) ; cette utilisation, à laquelle la société USIROMA a d'ailleurs mis un terme immédiatement, ne peut cependant être considérée comme un acte de concurrence déloyale, puisque les deux sociétés agissaient alors de concert, y compris sur le plan commercial par la personne de M. [W].

Aucun acte de concurrence déloyale n'est établi à l'encontre de la société USIROMA, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée pour ce motif par la société CADNUM.

C'est encore à bon droit que le tribunal a rejeté l'action ut singuli de M. [W] : celui-ci, qui déclare exercer, en sa qualité d'associé de la société USIROMA, l'action ouverte dans l'intérêt de cette société par l'article 1843-5 du code civil, recherche la responsabilité du gérant M. [L], en réparation du préjudice qu'il aurait causé à la société, pour s'être abstenu de développer son activité conformément à l'objet social, avec l'utilisation d'un robot d'usinage. Cependant, comme déjà énoncé, aucune faute n'apparaît établie de ce chef, puisque la solution de remplacement consistant à utiliser un centre d'usinage a été prise sans opposition des trois associés, et n'apparaît pas avoir porté préjudice à la société, dès lors que le robot d'usinage proposé par l'entreprise Staubli ne donnait pas satisfaction ; l'absence d'utilisation d'un tel robot, bien que contraire à l'objet social, ne saurait dès lors engager la responsabilité du dirigeant social envers la société.

M. [W] ne justifie d'ailleurs, en son nom propre, d'aucun préjudice qui résulterait des prétendues fautes qu'il reproche à M. [L], le jugement sera encore confirmé, en ce qu'il a rejeté sa demande personnelle de dommages et intérêts.

La société USIROMA conclut à la confirmation du jugement, en ce qu'il a condamné solidairement les appelants à lui verser 5 000 euros de dommages et intérêts. Ils font état de la soustraction par M. [W] de l'ordinateur mis à disposition de Mme [L], soustraction effectuée le 7 décembre 2017 pour le constat d'huissier, ainsi que des tentatives de déstabilisation ou des indélicatesses commises par le gérant de la société CADNUM : mise en place d'une caméra pour surveiller les activités de la société USIROMA, et détournement de marchandises destinées à la société USIROMA mais livrées par erreur à la société CADNUM.

Cependant aucun élément de preuve n'est apporté sur l'utilisation d'une caméra, et les deux autres griefs ne sont étayés que par l'attestation de M. [C] [U], ancien salarié de la société CADNUM, qui se limite à faire état de l'envoi d'un carton de marchandises destiné à la société USIROMA, reçu par la société CADNUM qui ne l'aurait pas restitué, et du « vol de l'ordinateur portable de M. [L] », commis en juillet 2014 par M. [W], qui aurait restitué cet ordinateur après que les gendarmes se soient déplacés sur les lieux (pièce n° 5 des intimés). L'ordinateur en cause n'est pas, selon les appelants, celui qui a fait l'objet du constat d'huissier du 7 décembre 2017, un ordinateur fixe selon eux, et pour lequel aucune soustraction n'est avérée ; celle de l'ordinateur portable de M. [L] en juillet 2014 n'a donné lieu a priori à aucune plainte, et a été suivie de sa restitution ; enfin, aucun élément d'appréciation n'est apporté sur la consistance et la valeur des marchandises que la société CADNUM aurait reçues et indûment conservées, à une date non précisée, de sorte que le préjudice qui en serait résulté ne peut être évalué. La demande de dommages et intérêts de la société USIROMA n'apparaît pas fondée et doit être rejetée ; le jugement sera réformé sur ce point.

Chacune des parties obtenant satisfaction en certaines de ses demandes, il convient de laisser à chacune la charge des dépens qu'elle a exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS :

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition des parties au greffe ;

Infirme le jugement déféré, en ce qu'il a condamné solidairement M. [W] et la société CADNUM à payer à la société USIROMA une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et rejette la demande formée de ce chef ;

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés en appel ;

Rejette le surplus des demandes.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00270
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;21.00270 ?
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