La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2022 | FRANCE | N°20/01774

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 21 septembre 2022, 20/01774


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale















ARRET N°



DU : 21 Septembre 2022



N° RG 20/01774 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FP5Q

VTD

Arrêt rendu le vingt et un Septembre deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une décision rendue le 13 novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de MONTLUCON (RG n° 19/00550)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Consei

ller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller



En présence de : Mme Stéphanie LASNIER, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé



ENTRE :



La s...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 21 Septembre 2022

N° RG 20/01774 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FP5Q

VTD

Arrêt rendu le vingt et un Septembre deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 13 novembre 2020 par le Tribunal judiciaire de MONTLUCON (RG n° 19/00550)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Stéphanie LASNIER, Greffier, lors de l'appel des causes et Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé

ENTRE :

La société ECO-CASSE

SAS à associé unique immatriculée au RCS de Strasbourg sous le n° 638 501 528 0027

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentants : Me Joseph ROUDILLON, avocat au barreau de MONTLUCON (postulant) et Me Laurence WURTH, avocat au barreau de COLMAR (plaidant)

APPELANTE

ET :

Mme [C] [W] épouse [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SCP Xavier HERMAN - Francis ROBIN (plaidant)

M. [X] [S]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Non représenté, assigné à étude

La société DEJOUX

SAS immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 312 913 866 00033

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentant : la SCP SOUTHON BERNARD ET AMET-DUSSAP ANNE, avocats au barreau de MONTLUCON

INTIMÉS

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 25 Mai 2022, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame CHALBOS et Madame THEUIL-DIF, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 21 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 mars 2016, Mme [C] [W] épouse [R] a connu des désordres mécaniques sur son véhicule Renault Scenic mis en circulation le 7 septembre 2005. Elle a confié son véhicule à M. [X] [S], exerçant sous l'enseigne Garage Bretonnie pour réparation. Celui-ci a préconisé le remplacement du moteur.

Suivant facture du 9 avril 2016, Mme [R] a acquis auprès de la SAS Dejoux un moteur d'occasion aux fins de remplacement de celui définitivement hors d'usage, pour un montant de 1 400 euros TTC.

Le 21 avril 2016, le garage Bretonnie a procédé au montage du nouveau moteur et du nouveau turbocompresseur, avec remplacement du kit de distribution, de l'embrayage, de la pompe à eau, de l'huile moteur et des filtres à huile et à air. Cette intervention a été facturée à Mme [R] à hauteur de 1 654,26 euros TTC.

Après avoir parcouru 14 km, le garagiste a constaté que le moteur s'emballait et a dû le faire caler pour l'arrêter.

Selon lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 6 mai 2016, Mme [R] a mis en demeure la SAS Dejoux de remplacer le moteur ou de le rembourser.

Mme [R] a fait réaliser une expertise amiable par l'expert M. [V]. La SAS Dejoux était présente et assistée de son expert M. [P]. Le premier a conclu à un défaut du moteur, le second a considéré que le turbocompresseur ne présentait aucun jeu anormal de fonctionnement de l'axe et que l'emballement du moteur ne pouvait être que consécutif à une présence d'huile dans le circuit d'admission avant la route par le garage.

Par acte d'huissier du 19 janvier 2017, Mme [R] a saisi le juge des référés à l'encontre de la SAS Dejoux pour obtenir une expertise judiciaire. Il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 22 mars 2017.

Suite au dépôt du pré-rapport de l'expert M. [O], la SAS Dejoux a attrait dans la cause la SAS Eco Casse, son vendeur, et cette dernière a appelé dans la cause M. [S] exerçant sous l'enseigne Garage Bretonnie, par assignation du 16 novembre 2017.

Par ordonnance du 20 décembre 2017, le juge des référés a étendu les opérations d'expertise sus-mentionnées à la SAS Eco Casse et à M. [S].

L'expert a déposé son rapport le 25 mai 2018.

Par acte d'huissier du 6 février 2019, Mme [R] a saisi le juge des référés pour obtenir une indemnisation provisionnelle de ses préjudices.

Par ordonnance du 25 mai 2019, les demandes ont été rejetées en raison de l'existence de contestations sérieuses sur la responsabilité de la SAS Dejoux, dans son principe et son quantum.

Par acte d'huissier du 2 juillet 2019, Mme [R] a fait assigner la SAS Dejoux devant le tribunal de grande instance de Montluçon aux fins de voir condamner celle-ci à l'indemniser de ses préjudices.

Suivant assignations d'appel en cause du 30 juillet 2019, la SAS Dejoux a appelé en intervention forcée la SAS Eco Casse et M. [S].

Par jugement contradictoire du 13 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Montluçon a :

- condamné la SAS Dejoux, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, à payer à Mme [R] les sommes de :

4 200 euros TTC correspondant aux travaux de remise en état de son véhicule ;

1 806,30 euros TTC en remboursement des frais d'expertise amiable de M. [V] ;

2 640 euros arrêtée au 6 février 2019 sauf à parfaire, sur la base de 80 euros TTC par mois au titre de son préjudice de jouissance ;

11 046 euros TTC sauf à parfaire au titre des frais de gardiennage ;

1 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- condamné la SAS Eco Casse à garantir la SAS Dejoux de l'ensemble des condamnations ci-dessus prononcées contre cette dernière ;

- rejeté les demandes en garantie et d'une manière générale toutes les demandes, fins et prétentions portées à l'encontre de M. [S] exploitant sous l'enseigne Garage Bretonnie ;

- condamné la SAS Dejoux à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Dejoux à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- condamné in solidum et chacune par moitié dans leur recours entre elles les SAS Dejoux et SAS Eco Casse aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 2 décembre 2020, la SAS Eco Casse a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 juillet 2021, l'appelante demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la SAS Eco Casse recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

- et statuant à nouveau, débouter la SAS Dejoux de son appel en garantie à l'encontre de la SAS Eco Casse ;

- à titre principal, débouter la SAS Dejoux de l'intégralité de ses fins et conclusions ;

- subsidiairement, réduire à de plus justes proportions les montants d'indemnisation mis en compte par Mme [R] ;

- à titre infiniment subsidiaire, condamner la SAS Dejoux à garantie la SAS Eco Casse de toutes condamnations éventuelles à intervenir à son encontre ;

- condamner la SAS Dejoux à payer à la SAS Eco Casse un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux frais et dépens de la procédure ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir [sic].

Elle estime que la SAS Dejoux ne justifie pas que ce sont le moteur et le turbo acquis auprès d'elle qui auraient été revendus à Mme [R], la SAS Dejoux exerçant la même activité professionnelle qu'elle. L'expert ne s'est pas prononcé sur l'origine des pièces, et il est permis de soulever de nouveaux arguments à l'appui de sa défense à n'importe quel moment de la procédure. Elle conteste les attestations versées par la SAS Dejoux qui émanent de ses préposés.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 mai 2021, Mme [C] [W] épouse [R] demande à la cour, de :

- à titre principal, vu les articles 1641 et suivants du code civil, constater que le moteur vendu par la SAS Dejoux était affecté d'un vice caché lors de sa vente à Mme [R] ;

- confirmer par conséquent le jugement en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant, condamner la SAS Dejoux et la SAS Eco Casse à payer à Mme [R] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens ;

- à titre subsidiaire, vu les articles L.211-4, L.211-7, L.211-9 et suivants du code de la consommation, condamner la SAS Dejoux à payer à Mme [R] les sommes de :

4 200 euros TTC à titre de dommages et intérêts correspondant aux travaux de remise en état évalués par l'expert, avec astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

1 806,30 euros TTC en remboursement des frais d'expertise amiable de M. [V] ;

80 euros par mois, depuis le 17 avril 2016 jusqu'à la décision à intervenir, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi, soit 2 640 euros à la date du 6 février 2019 ;

11 046 euros facturés par le Garage Bretonnie au titre des frais de gardiennage ;

1 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS Dejoux aux dépens de l'instance de référé, de l'instance au fond, des frais d'expertise judiciaire ;

- à titre très subsidiaire, condamner in solidum la SAS Dejoux et M. [X] [S] aux mêmes sommes.

Elle expose notamment avoir acheté un moteur d'occasion défectueux, étant précisé que les défauts étaient existants au moment de la vente comme le confirme l'expert judiciaire. Le Garage Bretonnie n'a fait qu'installer un moteur fourni par Mme [R] et acheté auprès de la SAS Dejoux. Elle ne pouvait sérieusement engager la responsabilité du garagiste car le vice était une cause étrangère présentant les caractéristiques de la force majeure.

Elle précise s'agissant des frais de gardiennage qu'elle n'avait aucune solution alternative.

Dans ses dernières conclusions déposées le 29 juillet 2021, la SAS Dejoux demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1382 anciens, 1603 et suivants, 1641 et suivants du code civil, de :

- dire l'appel incident de la SAS Dejoux recevable et bien fondé ;

- à titre principal, infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- ordonner la mise hors de cause de la SAS Dejoux ;

- dire Mme [R] et M. [S] irrecevables, en tout cas mal fondés ;

- les débouter de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- à titre subsidiaire, dire la SAS Eco Casse irrecevable, en tout cas mal fondée ;

- la débouter ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Eco Casse à garantir la SAS Dejoux de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- y ajoutant, condamner M. [S] à payer à la SAS Dejoux une indemnité équivalente aux condamnations qui seraient prononcées à son encontre par la décision à intervenir;

- en tout état de cause, condamner la SAS Eco Casse ou toute partie succombante à payer à la SAS Dejoux la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de Me Southon, avocat.

Elle conteste l'existence d'un lien de causalité direct et immédiat entre la vente du moteur par la SAS Dejoux et les préjudices allégués par Mme [R]. Le garagiste tenu d'une obligation de résultat et d'un devoir de conseil, ne s'est pas assuré de l'état de bon fonctionnement du turbocompresseur, préalablement à son installation sur le véhicule de Mme [R]. Il aurait dû être d'autant plus vigilant que son intervention portait sur des réparations importantes avec des pièces d'occasion. La force majeure ne peut nullement être invoquée.

En outre, elle conteste les préjudices invoquées par Mme [R].

Sur la garantie de la SAS Eco Casse, elle fait valoir que celle-ci n'a jamais contesté durant les opérations d'expertise que le turbocompresseur litigieux était celui qu'elle lui avait vendu ; cette attitude a conduit l'expert à considérer ce fait comme indéniable et établi ; qu'ainsi, la SAS Eco Casse a adopté une position procédurale déloyale, dans le but de l'induire en erreur quant à son argumentation au mépris du principe selon lequel, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. Toutefois, pour clore le débat, elle verse des attestations de trois de ses salariés qui confirment que la SAS Dejoux ne disposait d'aucun stock de moteur et de turbocompresseur pour Renault Scenic, ce qui justifiait la commande auprès de la SAS Eco Casse, et que le turbocompresseur a été réceptionné et immédiatement livré au garage avec le moteur.

Elle rappelle que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve de faits juridiques.

Enfin, elle invoque la responsabilité délictuelle de M. [S] à raison de son manquement à son devoir de conseil, qui était tenu d'une obligation particulière de vigilance vis-à-vis de ces pièces d'occasion. Elle ajoute qu'il aurait pu raisonnablement se convaincre du mauvais état de fonctionnement du moteur par un simple contrôle visuel.

M. [X] [S], exerçant sous l'enseigne Garage Bretonnie, à qui la SAS Eco Casse a signifié la déclaration d'appel le 21 janvier 2021 (à étude) et ses conclusions le 10 mars 2021 (article 659 du code de procédure civile), n'a pas constitué avocat,

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022.

MOTIFS

- Sur les demandes de Mme [R] formées à l'encontre de la SAS Dejoux

Mme [R] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que le moteur d'occasion vendu par la SAS Dejoux était affecté d'un vice caché, et qu'en tant que professionnelle, elle était réputée l'avoir connu.

Or, la SAS Dejoux demande de réformer le jugement en ce qu'il a 'retenu la responsabilité de la SAS Dejoux' en raison de l'absence de causalité directe et immédiate entre la vente du moteur par la SAS Dejoux et le dommage allégué par Mme [R], compte tenu de l'intervention de M. [S] sur le véhicule, qui en qualité de garagiste professionnel, tenu d'une obligation de résultat et d'un devoir de conseil, ne s'est pas assuré de l'état de bon fonctionnement du turbocompresseur préalablement à son installation sur le véhicule de Mme [R].

Néanmoins, il est établi que :

- Mme [R] a acquis auprès de la SAS Dejoux un moteur d'occasion au prix de 1 400 euros selon facture du 9 avril 2016 ;

- le garage Bretonnie par l'intermédiaire de M. [S], a procédé à la dépose de l'ancien moteur, puis à la pose du moteur d'occasion sus-mentionné, outre divers autres travaux, selon facture du 21 avril 2016, pour un montant de 1 654,26 euros.

Après la réalisation des travaux, M. [S] a procédé à un essai routier et a constaté, après avoir parcouru 14 km, un emballement du moteur l'obligeant à caler pour l'arrêter.

L'expert judiciaire a indiqué que le turbocompresseur avait été refait en dehors des règles de l'art, trois parties différentes de turbo ayant été assemblées pour n'en faire qu'un ; que le problème de ce moteur était dû tout d'abord à une usure interne du moteur, l'huile était remontée par le recyclage, ce qui avait alimenté le moteur, accentué par l'usure du turbocompresseur, le moteur s'était auto-alimenté.

La cause des désordres était due à la combinaison de deux phénomènes : l'usure interne du moteur provoquant des remontées d'huile et un turbo qui avait été sommairement remonté en adaptant diverses pièces qui ne pouvaient pas fonctionner ensemble.

Il a conclu que le véhicule était impropre à l'usage auquel il était destiné puisque le remplacement du moteur était de nouveau nécessaire, le véhicule était inapte à la circulation.

L'expert a exposé que les désordres étaient survenus après le montage du moteur par le garage Bretonnie sur le véhicule Renault Scénic ; que les désordres concernant l'usure interne du moteur pré-existaient à l'acquisition du moteur par Mme [R] auprès de la SAS Dejoux, et pré-existaient à l'acquisition du moteur par la SAS Dejoux auprès de la SAS Eco Casse ; que les problèmes du turbo avaient été causés par l'adaptation d'un turbo compresseur remonté en dehors des règles de l'art, en assemblant des pièces de diverses provenances ; que les désordres étaient donc présents sur le moteur lorsqu'il avait été installé par le garage Bretonnie.

En outre, il a clairement énoncé que le garagiste ne pouvait pas voir les désordres sans démontrer le turbo ou le moteur, et qu'il avait installé le moteur dans les règles de l'art. Il a précisé que M. [S] avait uniquement à faire les contrôles avant le montage du moteur sur le véhicule, à savoir les filtres, la distribution, l'huile et le liquide de refroidissement ; que tous ces travaux avaient été réalisés et n'étaient pas la cause des désordres constatés. Il a ajouté que le garagiste avait en outre essayé le véhicule correctement avant la livraison à Mme [R]. En réponse à un dire du conseil de la SAS Dejoux, il a exposé que lorsque le turbocompresseur avait été livré, il était impossible au garage Bretonnie d'avoir connaissance des désordres dans démontrer le turbo. La turbine, à savoir l'axe et les ailettes étaient neufs et montés sur un corps et une flasque de turbo anciens ; le turbo n'avait pas été utilisé avant que M. [S] mette le moteur en route, qu'il ne pouvait pas à ce moment là présenter de jeu et que ce n'était qu'après 14 km d'essai réalisés que l'axe du turbo qui n'avait pas été équilibré lors de l'adaptation de diverses pièces, avait pris du jeu, causé par le balourd, visible au niveau de l'axe lors de son démontage fait au cours de la 3ème réunion d'expertise. Il a conclu qu'il était impossible à un garagiste de procéder au démontage complet d'un turbo compresseur avant de le monter sur un moteur, alors que les pièces avaient été livrées par des professionnels, à savoir la SAS Dejoux et la SAS Eco Casse.

Le tribunal a justement déduit de ces conclusions expertales que le moteur d'occasion vendu par la SAS Dejoux directement à Mme [R], était affecté d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, et qu'en tant que professionnelle, elle était réputée avoir connu le vice.

Les désordres affectant le véhicule de Mme [R] sont dus à ce vice caché affectant le moteur que le garagiste ne pouvait pas déceler, et nullement à l'intervention du garagiste.

L'expert a évalué à 3 500 euros HT le montant des travaux de remise en état du véhicule, soit 4 200 euros TTC. Ce poste de préjudice n'est pas contesté.

Mme [R] a en outre sollicité l'indemnisation d'autres postes de préjudices.

Elle sollicite en premier lieu des frais de gardiennage que le garage Bretonnie lui a facturés du 21 avril 2016 jusqu'à la date de l'assignation, pour un montant de 11 046 euros TTC.

Le tribunal a estimé sur ce point que le délai de gardiennage était directement du fait des défendeurs qui avaient fait obstruction à toute solution amiable du litige, en dépit des conclusions de l'expert amiable, en soutenant de manière invraisemblable qu'il s'agissait d'une erreur de montage du garage Bretonnie ; que Mme [R] avait été contrainte de conserver à disposition, notamment aux fins d'expertise judiciaire, le véhicule objet du litige, ce qui expliquait l'ampleur de ces frais qui seraient à régler jusqu'à la solution finale du litige.

La cour adopte ce raisonnement, mais limitera l'indemnisation à la date de la dernière réunion d'expertise judiciaire, soit le 8 mars 2018. Le préjudice sera ainsi indemnisé à hauteur de : 7 086 euros (1 134 euros du 21/04/2016 au 27/10/2016 facture du 27 octobre 2016 + 5 952 euros du 28/10/2016 au 8/03/2018 seconde facture).

La somme octroyée au titre du préjudice de jouissance arbitrée à hauteur de 80 euros par mois et arrêtée au 6 février 2019, sera confirmée. Il n'y a toutefois pas lieu à parfaire cette somme, sauf à aboutir à une indemnisation disproportionnée.

Le jugement sera toutefois infirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un préjudice moral, celui-ci n'étant pas caractérisé.

Enfin, s'agissant des frais d'expertise amiable à hauteur de 1 806,30 euros TTC, ceux-ci seront pris en compte, mais au titre des frais irrépétibles.

- Sur le recours en garantie de la SAS Dejoux à l'encontre de la SAS Eco Casse

La SAS Eco Casse reconnaît avoir vendu à la SAS Dejoux un moteur et un turbo selon facture du 26 mars 2016 pour un montant de 1 170 euros TTC, mais estime que la SAS Dejoux ne justifie nullement que ce sont le moteur et le turbo acquis auprès d'elle qui ont été revendus à Mme [R] : aucun lien ne peut être fait entre le moteur et le turbo livrés par la SAS Eco Casse et le moteur complet vendu à Mme [R]. Elle relève que l'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur l'origine des pièces et que les attestations produites par les salariés de la SAS Dejoux ne sont pas objectives, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même.

L'expert judiciaire ne s'est pas prononcé sur l'origine des pièces dans la mesure où la question ne lui a pas été posée. Un représentant de la SAS Eco Casse était présent lors de la troisième réunion d'expertise, M. [H] expert RC, et ce dernier a seulement déclaré à cette occasion (page 21 du rapport) : 'Nous avons bien vendu un moteur + le turbo à la SAS Dejoux, pour un montant de 1 170 euros. A ce jour, je n'ai vu ni le véhicule, ni le moteur'.

L'expert n'ayant pas recueilli de contestation quant à l'origine des pièces examinées, a indiqué en page 26 de son rapport :

'Concernant la SAS Eco Casse, ils ont livré à la SAS Dejoux un moteur et un turbo compresseur. Ce type de moteur provient de véhicules accidentés. Dans la majorité des cas, les récupérateurs autos ne connaissent pas l'antériorité et l'entretien du moteur qu'ils vendent. Afin de livrer le moteur avec le turbocompresseur, il a été procédé avant la vente à une pseudo remise en état du turbo avec l'adaptation de différentes pièces provenant de différents turbos compresseurs, le turbo n'a pas été rééquilibré, la pression n'a pas été vérifiée [...].'

Il n'a été formé aucun dire par la SAS Eco Casse.

Par ailleurs, il sera rappelé qu'en application de l'article 1315 ancien du code civil, devenu l'article 1353, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve de faits juridiques (Cass. Civ. 2ème, 6 mars 2014, n°13-14.295).

La SAS Dejoux est en droit de verser aux débats des attestations de ses salariés pour établir le fait juridique que le moteur vendu à Mme [R] est celui qu'elle a acquis auprès de la SAS Eco Casse.

Il résulte des attestations de trois salariés de la SAS Dejoux que le moteur et le turbocompresseur reçus de la SAS Eco Casse ont été livrés quelques jours après au garage Bretonnie dans leur emballage d'origine par la SAS Dejoux. Il est en outre précisé que la SAS Dejoux ne disposait pas de ce type de moteur en stock, que c'est la raison pour laquelle la SAS Dejoux a procédé à une recherche auprès de ses 'confrères' pour satisfaire sa cliente, qu'elle a retenu le moteur proposé par la SAS Eco Casse de Gerstheim en raison de son faible kilométrage et qu'elle a passé commande de celui-ci (pièces n°14 à 17).

Au vu des dates d'acquisition du moteur et du turbocompresseur auprès de la SAS Eco Casse et de revente par la SAS Dejoux à Mme [R], des attestations des salariés, et de l'absence de toute contestation sur l'origine des pièces par la SAS Eco Casse au cours des opérations d'expertise judiciaire, il existe ainsi un faisceau d'indices permettant de conclure que les pièces litigieuses sont bien celles qui ont été commercialisées par la SAS Eco Casse.

Ainsi, le tribunal a, à juste titre, estimé que la SAS Eco Casse devrait garantir la SAS Dejoux de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle.

- Sur le recours en garantie de la SAS Dejoux à l'encontre de M. [S]

Au vu de l'absence totale de manquements de M. [S] dans la réalisation des travaux effectués sur le véhicule de Mme [R], tel que cela a été développé ci-dessus, la SAS Dejoux sera déboutée de sa demande en garantie formée à l'encontre du garagiste.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant principalement à l'instance, la SAS Eco Casse et la SAS Dejoux seront condamnées in solidum et chacune par moitié entre elles aux dépens d'appel.

La SAS Dejoux sera condamnée à verser à Mme [R] une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, condamnation pour laquelle la SAS Eco Casse devra sa garantie.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la SAS Dejoux à payer à Mme [C] [W] épouse [R] :

la somme de 4 200 euros TTC correspondant aux travaux de remise en état de son véhicule ;

la somme de 2 640 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

- condamné la SAS Eco Casse à garantir la SAS Dejoux de l'ensemble des condamnations prononcées contre cette dernière ;

- rejeté les demandes en garantie et d'une manière générale toutes les demandes, fins et prétentions portées à l'encontre de M. [X] [S] exploitant sous l'enseigne Garage Bretonnie ;

- condamné la SAS Dejoux à payer à Mme [C] [W] épouse [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Dejoux à payer à M. [X] [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum et chacune par moitié dans leur recours entre elles les SAS Dejoux et SAS Ecocasse aux dépens, en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

Infirme le surplus des dispositions du jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS Dejoux à payer à Mme [C] [W] épouse [R] la somme de 7 086 euros au titre des frais de gardiennage ;

Déboute Mme [C] [W] épouse [R] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Condamne la SAS Dejoux à payer à Mme [C] [W] épouse [R] la somme de 1806,30 euros en remboursement des frais d'expertise amiable de M. [V] au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SAS Dejoux à payer à Mme [C] [W] épouse [R] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum et chacune par moitié dans leur recours entre elles les SAS Dejoux et SAS Ecocasse aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/01774
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;20.01774 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award