COUR D'APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU :21 septembre 2022
N° RG 20/01670 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FPVN
ALC
Arrêt rendu le vingt un Septembre deux mille vingt deux
Sur APPEL d'une décision rendue le 01 octobre 2020 par le Tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2019/011215)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Mme Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Stéphanie LASNIER, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Christine VIAL, Greffier, lors du prononcé
ENTRE :
La société AEROPORTS DE [Localité 7]
SA à Directoire et Conseil de Surveillance immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 493 425 136 00022
Aéroport de [10]
[Localité 8]
Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(postulant) et Me Anne-Florence RADUCAULT de BIRD & BIRD AARPI, avocats au barreau de LYON (plaidant)
APPELANTE
ET :
M. [Y] [F]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL PIOTRAUT GINE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS (plaidant)
Société ENHANCE AERO ITALY
[Adresse 14]
[Localité 3] (Italie)
Non représentée, assignée conformément aux dispositions de l'article 4§3 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.
SELARL [E] prise en la personne de Maître [Z] [E]
immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° 509 413 555 00020
[Adresse 1]
[Localité 5]
agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ENHANCE AERO GROUP, SAS à associé unique immatriculée au RCS de Paris sous le n° 529 298 697 00028 dont le siège social est sis [Adresse 12], désignée à ses fonctions par jugement déclaratif de liquidation judiciaire du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND en date du 2 octobre 2018.
Représentant : la SELARL POLE AVOCATS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
SELARL [B] [T] représentée par Me [B] [T]
immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 843 481 714 00031
[Adresse 4]
[Localité 7]
agissant ès qualités de de mandataire liquidateur de la société BUSINESS AND COMMUTER AIRCRAFT, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de LYON en date du 27 février 2019
Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et la SELARL CARNOT AVOCATS, avocats au barreau de LYON (plaidant)
INTIMÉS
DEBATS : Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 25 Mai 2022, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame CHALBOS et Madame THEUIL-DIF, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 21 septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA Aéroports de [Localité 7] bénéficie d'une concession sur le domaine aéroportuaire de [10] et [11].
La SASU Business and Commuter Aircraft, dont M. [Y] [F] était le président, exerçait une activité de réparation, modification et maintenance d'aéronefs.
Elle était une filiale de la SAS Enhance Aero Group, présidée et détenue majoritairement par M. [Y] [F], et qui contrôlait plusieurs autres filiales, dont la société de droit italien Enhance Aero Italy.
Le 30 mai 2011, la société Aéroports de [Localité 7] a consenti une convention d'occupation temporaire sur une partie de son domaine à la société Business and Commuter Aircraft, convention qui a ensuite fait l'objet d'un avenant le 1er février 2013.
À la suite d'impayés , la société Aéroports de [Localité 7] a mis en demeure, par acte d'huissier en date du 9 novembre 2015, la société Business and Commuter Aircraft de payer la somme de 414074,35 euros dans un délai de 10 jours, puis procédé à des saisies conservatoires.
La société Aéroports de [Localité 7] et la SASU Business and Commuter Aircraft ont signé le 21 décembre 2015 un protocole d'accord transactionnel ayant pour objet l'apurement du passif de la société Business and Commuter Aircraft, lequel a été homologué le 29 décembre 2015 par ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon. Ce protocole d'accord prévoyait que la SASU Business and Commuter Aircraft s'engageait à payer la somme de 33 643 euros par mois pour apurer sa dette qui s'élevait à 414 156 euros au 22 octobre 2015, la mainlevée des saisies pratiquées par la société Aéroports de [Localité 7], l'abandon des sommes concernées et une caution solidaire consentie par la société Enhance Aero Group à hauteur de 200 000 euros valable jusqu'au 21 décembre 2016.
Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 25 octobre 2016, publié le 6 novembre 2016, la SASU Business and Commuter Aircraft, qui avait cessé d'honorer les échéances prévues au protocole, a bénéficié d'une procédure de sauvegarde.
Le 22 novembre 2016, la SASU Business and Commuter Aircraft a quitté les lieux qu'elle occupait à l'aéroport de [Localité 7] pour l'aéroport de [Localité 5].
Le même jour, un état des lieux de sortie a été réalisé contradictoirement faisant ressortir des dégradations.
Le 20 décembre 2016, la société Aéroports de [Localité 7] a déclaré une créance au passif de la SASU Business and Commuter Aircraft pour la somme de 302 406,39 euros.
Le même jour, la société Aéroports de [Localité 7] a fait assigner la SAS Enhance Aero Group, en sa qualité de caution, la SASU Business and Commuter Aircraft, ainsi que son administrateur judiciaire, Maître [V], devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement définitif en date du 23 janvier 2018, le tribunal de commerce de Paris, entre autres dispositions, s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de la société Aéroports de [Localité 7] de fixer sa créance au passif de la procédure de sauvegarde de la SASU Business and Commuter Aircraft à hauteur de 270 780,83 euros et de conserver la somme de 55 271,38 euros, et a condamné en tant que de besoin la SAS Enhance Aero Group à payer à la société Aéroports de [Localité 7], au titre de son engagement de caution, la somme de 200 000 euros dont elle se reconnaissait débitrice.
Par jugement du 10 juillet 2018, la SAS Enhance Aero Group a été placée en redressement judiciaire.
Le 30 août 2018, la société Aéroports de [Localité 7] a déclaré une créance de 212399,03 euros auprès du mandataire judiciaire de la SAS Enhance Aero Group, la SELARL [E].
Par jugement du 2 octobre 2018, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a prononcé la liquidation judiciaire des sociétés Enhance Aero Group et de sa filiale Enhance Aero Technic.
Par jugement en date du 3 janvier 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SASU Business and Commuter Aircraft puis a converti la procédure en liquidation judiciaire par jugement du 27 février 2019, la SELARL [B] [T] étant désignée en qualité de liquidateur.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 2 octobre 2019, la société Aéroports de [Localité 7] a reproché à M. [Y] [F] d'avoir engagé sa responsabilité à son égard en organisant frauduleusement l'insolvabilité des sociétés Business and Commuter Aircraft et Enhance Aero Group et l'a mis en demeure de lui fournir sous quinze jours, des explications et justifications sur ces agissements, se réservant d'engager toutes poursuites civiles et pénales à son encontre et d'en informer les mandataires judiciaires chargés des liquidations pour toutes actions qu'ils envisageraient.
Par courrier du 5 novembre 2019, la société Aéroports de [Localité 7] a interpellé la SELARL [E] et Maître [B] [T] sur les poursuites à engager à l'encontre de M. [Y] [F].
Par acte en date du 7 novembre 2019, la société Aéroports de [Localité 7] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand M. [Y] [F], la société Enhance Aero Italy, la société Enhance Aero Group représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [E], la société Business and Commuter Aircraft représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [B] [T].
Elle sollicitait principalement devant le tribunal :
- la communication par M. [F], sous astreinte, de l'intégralité des relevés de comptes bancaires en France ou à l'étranger de la société Enhance Aero Group, de la société Business and Commuter Aircraft et de la société Enhance Aero Italy, pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, ainsi que certaines précisions sur la propriété de l'aéronef [Immatriculation 9],
- l'autorisation, en cas de défaillance de M. [Y] [F], de [Localité 7] de communiquer directement avec l'expert-comptable de la société Enhance Aero Group et de la société Business and Commuter Aircraft pour qu'il lui communique lesdits documents,
- l'inopposabilité à la société ADL des avances effectuées par la société Enhance Aero Group à sa filiale italienne,
- la condamnation de M. [Y] [F] au paiement d'une somme de 592 017,79 euros en raison des fautes détachables de ses fonctions qu'il a commises en sa qualité de dirigeant des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft, outre 50 000 euros en raison de la disparition de biens gagés et 10 000 euros au titre du préjudice moral,
- si son action était jugée irrecevable, la condamnation solidaire des liquidateurs judiciaires des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft à l'indemniser pour perte de chance d'agir pour faute de gestion à l'encontre de M. [F].
Par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a :
- dit la SA Aéroports de [Localité 7] recevable mais mal fondée en ses demandes dirigées à l'encontre de M. [Y] [F],
- dit la SA Aéroports de [Localité 7] irrecevable en ses demandes dirigées à l'encontre de la SASU Enhance Aero Group représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [E] prise en la personne de Maître [Z] [E] et de la SASU Business and commuter Aircraft représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [B] [T] prise en la personne de Maître [B] [T],
- débouté la SA Aéroport de [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté M. [Y] [F] de sa demande de condamnation de la SA Aéroport de [Localité 7] au titre du préjudice moral,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] à payer et porter à M. [Y] [F] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] à payer et porter à la SASU Enhance Aero Group représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [E] prise en la personne de Maître [Z] [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] à payer et porter à la SASU Business and Commuter Aircraft représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [B] [T] pris en la personne de Maître [B] [T] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] aux dépens de l'instance.
Le tribunal a retenu à cet effet :
- qu'un créancier peut agir pour faute de gestion à l'encontre d'un dirigeant et réclamer des pièces, de sorte que la SA Aéroports de [Localité 7] était recevable en ses demandes formulées à l'encontre de M. [Y] [F],
- que la SA Aéroports de [Localité 7] reconnaissait être dans l'incapacité de démontrer l'existence d'actes frauduleux comme celle de fautes que M. [Y] [F] aurait pu commettre, et qu'au regard de l'ampleur du périmètre des informations demandées, elle n'avait aucune idée précise des éléments qu'elle recherchait, ni ce qu'elle pourrait éventuellement découvrir, ces informations étant pour la plupart sans liens avec les quelques actes qu'elle évoque et les fautes de gestion de l'intéressé qu'elle allègue,
- que si l'article 145 du code de procédure civile permet de solliciter une mesure d'instruction avant tout procès sur requête ou en référé, le tribunal n'a pas vocation à permettre à l'une des parties de se constituer les preuves qui lui manquent pour justifier ses demandes,
- que la SA Aéroports de [Localité 7] paraissait confondre les faits et leur qualification et évoquait trois faits qui n'étaient pas contestées par les parties (versement d'avances en 2015 à sa filiale Enhance Aero Italy pour 975 000 euros et au propriétaire d'un bien immobilier pour une somme équivalente / l'acquisition en juillet 2017 de la société Eas pour la somme de 166 000 euros / l'éventuel transfert de propriété d'un aéronef acquis par la SASU Enhance Aero Group à sa filiale slovène Siavia),
- que ces actes de gestion étaient antérieurs au placement en redressement judiciaire de la SASU Enhance Aero Group et la SASU Business and Commuter Aircraft, de sorte que leur caractère frauduleux n'était pas démontré et que la première pouvait librement disposer de sa trésorerie et décider des investissements qu'elle souhaitait,
- que M. [Y] [F] n'était plus en capacité d'accéder aux documents comptables, du fait de son dessaisissement de la gestion des sociétés et n'avait plus qualité pour agir auprès de l'expert-comptable ou des banques des sociétés ; que la SA Aéroports de [Localité 7] n'apportait pas la preuve que M. [Y] [F] avait conservé une copie de sa comptabilité,
- que M. [Y] [F] n'avait une obligation de coopération qu'avec les organes de la procédure et n'était pas autorisé à communiquer quelque document que ce soit à un créancier particulier,
- qu'un créancier ne pouvait être autorisé à obtenir des informations soumises à confidentialité et au secret professionnel auprès de l'expert-comptable, que seul le juge commissaire pouvait obtenir conformément aux dispositions de l'article L.623-2 du code de commerce,
- que la SA Aéroports de [Localité 7] était ignorante de l'action des liquidateurs et des éléments dont ils disposaient et ne démontrait en rien une inaction de ces derniers, les procédures de liquidation des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft étant toujours en cours,
- que les liquidateurs, agissant au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers et ne rendant compte qu'au juge commissaire, au ministère public et au tribunal de la procédure collective, n'avaient pas à transmettre à un plusieurs créanciers des informations comptables, financières, bancaires ou autres sur les sociétés en cours de liquidation,
- que la SA Aéroports de [Localité 7], qui n'avait pas sollicité sa désignation en qualité de contrôleur, ne disposait d'aucun droit à obtenir les informations à la disposition des liquidateurs, que sa demande était contraire aux dispositions d'ordre public applicables aux procédures collectives et régissant le rôle du liquidateur judiciaire et était en conséquence irrecevable,
- sur l'action paulienne en inopposabilité, que les avances effectuées par la société Enhance Aero Group à sa filiale italienne, la société Enhance Aero Italy ne concernaient que ces dernières et non la société Business and Commuter Aircraft, de sorte que la décision à intervenir n'avait pas à lui être déclarée opposable,
- que, sur le fondement de l'article 1341-2 du code civil, la SA Aéroports de [Localité 7] ne démontrait ni le caractère frauduleux de cet acte de gestion, régulièrement déclaré dans les comptes de la SASU Enhance Aero Group, procédant ainsi par de simples supputations, ni en quoi ce versement prouvait une volonté de la part de M. [Y] [F] d'organiser l'insolvabilité de ladite société,
- sur l'action en responsabilité contre M. [F], que le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, qu'un créancier ne peut agir individuellement que s'il justifie d'un préjudice personnel distinct de celui de la masse des créanciers,
- que le préjudice principal de la SA Aéroports de [Localité 7] résidait dans le non-paiement de sa créance et ne pouvait constituer un préjudice distinct de celui de la collectivité des créanciers,
- que la saisie conservatoire effectuée le 4 décembre 2015 n'avait pas été convertie en saisie-attribution à la date du jugement d'ouverture de redressement judiciaire de la SASU Business and Commuter Aircraft, de sorte qu'aucun gage ne pouvait perdurer et que la SA Aéroports de [Localité 7] ne pouvait se prévaloir d'un préjudice de perte du bénéfice de biens gagés,
- que la SA Aéroports de [Localité 7], en tant que personne morale, ne démontrait ni la nature, ni le caractère indemnisable et encore moins le montant du préjudice moral qu'elle prétendait avoir subi,
- que la SA Aéroports de [Localité 7] ne justifiait pas non plus de la commission par M. [F] de fautes intentionnelles ou d'une exceptionnelle gravité incompatibles avec ses fonctions sociales,
- que la SA Aéroports de [Localité 7] ne pouvait fonder sa demande en réparation d'un préjudice moral sur des man'uvres qu'elle prétendait avoir subi de la part de M. [Y] [F] et sur l'attitude de ce dernier dans le litige contractuel qui les opposait, dans la mesure où le préjudice moral d'une personne morale susceptible d'être indemnisée concernait uniquement l'atteinte au nom, à la réputation, à l'image, à l'honneur ou celui subi par les personnes physiques qui la composait, dont son dirigeant,
- que la demande subsidiaire de la SA Aéroports de [Localité 7] quant à la condamnation solidaire des liquidateurs judiciaires ès-qualités des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft pour perte de chance d'agir sur le fondement de la faute de gestion à l'encontre de M. [Y] [F] ne pouvait aboutir, dans la mesure où la demande visait à engager la responsabilité personnelle des liquidateurs pour faute dans l'exercice du mandat judiciaire qui leur avait été confié et que la responsabilité d'un mandataire judiciaire relevait de la compétence exclusive du tribunal judiciaire,
- que la perte de chance de la SA Aéroports de [Localité 7] n'était en rien démontrée car aucune des liquidations judiciaires n'était clôturée et que les liquidateurs judiciaires avaient encore toute faculté comme le ministère public à engager des actions en sanction sur le fondement de la faute de gestion à l'encontre de M. [Y] [F],
La SA Aéroports de [Localité 7] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 19 novembre 2020.
Par ordonnance du 12 avril 2022, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la société Enhance Aero Group a débouté la société Aéroports de [Localité 7] de sa requête aux fins d'être désignée contrôleur.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2022, la société Aéroports de [Localité 7] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 1er octobre 2020, en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formulées par la société Aéroports de [Localité 7], à l'encontre de M. [Y] [F],
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 1er octobre 2020, en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande en condamnation de la société Aéroports de [Localité 7] au titre du préjudice moral,
- pour le surplus, infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 1er octobre 2020, en ce qu'il a débouté la société Aéroports de [Localité 7] de l'intégralité de ses demandes,
Et statuant à nouveau :
- juger que M. [Y] [F] et les sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft prises en la personne de leurs liquidateurs judiciaires Maîtres [E] et [T] font preuve de déloyauté procédurale s'agissant de la désignation de la société Aéroports de [Localité 7] en qualité de contrôleur, violant ainsi le principe de l'estoppel,
- juger irrecevables les demandes de M. [Y] [F] et les sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft prises en la personne de leurs liquidateurs judiciaires Maîtres [E] et [T] tenant à ce que l'action et les demandes de la société Aéroports de [Localité 7] soient déclarées irrecevables et rejetées au motif qu'elle ne revêt pas la qualité de contrôleur,
- ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour, la communication des pièces suivantes par M. [F], en sa qualité de dirigeant des sociétés Enhance Aero Technic, Enhance Aero Group, Sogafrem, Business and Commuter Aircraft et New Eas appartenant au Groupe Enhance Aero de :
- l'intégralité des relevés des comptes bancaires en France ou à l'étranger de la société Enhance Aero Group, pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018,
- l'intégralité des relevés des comptes bancaires en France ou à l'étranger de la société Business and Commuter Aircraft, pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018,
- l'intégralité des relevés des comptes bancaires en France ou à l'étranger de la société Enhance Aero Italy, pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018,
au besoin et s'il semble à M. [F] opportun de le faire en noircissant les informations, autres que :
- les virements supérieurs à 8 000 euros émis par l'une quelconque des sociétés Enhance Aero Group, Business and Commuter Aircraft et Enhance Aero Italy à destination de la société Enhance Aero Group et des filiales, Siavia, Enhance Aero Italy, Business and Commuter Aircraft, New Eas, Sogafrem et Enhance Aero Technic,
- les virements supérieurs à 3 000 euros émis par l'une d'elles à destination de M. [F] ou des membres de sa famille,
- l'ensemble des virements émis au profit de la société Enhance Aero Group et des filiales Business and Commuter Aircraft, Sogafrem, Enhance Aero Italy, Siavia, New Eas et Enhance Aero Technic ou M. [F] ou des membres de sa famille et comprenant l'un des termes suivants : 'avance', 'prêt', 'remboursement', 'acompte', 'crédit', 'débours', 'escompte', 'provision', 'remise', 'don' ou 'donation', 'imputation', 'compensation',
- enjoindre à M. [F] de répondre aux questions suivantes :
- quels fonds ont permis l'acquisition de l'aéronef [Immatriculation 9] : ceux de la société Enhance Aero Groupe ou ceux de la société Siavia '
- le transfert de propriété entre ces deux entités a-t-il été réalisé moyennant un paiement et à quelle date '
- quelle société a en réalité exploité l'aéronef [Immatriculation 9] '
- autoriser en cas de défaillance de M. [F] à communiquer ces documents sous deux mois à compter de la décision à intervenir, la société Aéroports de [Localité 7] à communiquer directement avec l'expert-comptable de la société Enhance Aero Group et de la société Business and Commuter Aircraft et autoriser ce dernier à communiquer à la société Aéroports de [Localité 7] les documents susmentionnés, sous les mêmes réserves,
- enjoindre à Me [E] et Me [T], ès-qualités de liquidateurs judiciaires respectivement des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft de communiquer les documents ci-dessus mentionnés qu'ils auraient en leur possession et à défaut en solliciter la communication auprès des établissements financiers et les experts-comptables des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et les produire dans le cadre de la présente instance,
- déclarer inopposables à la société Aéroports de [Localité 7] les avances effectuées par la société Enhance Aero Group à sa filiale italienne, la société Enhance Aero Italy,
- rendre commune et opposable la décision à intervenir à la société Business and Commuter Aircraft représentée par son liquidateur judiciaire ès qualités,
- rendre commune et opposable la décision à intervenir à la société Enhance Aero Group représentée par son liquidateur judiciaire ès qualités,
- condamner M. [F] à verser la somme de 292017,79 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2015, à la société Aéroports de [Localité 7] en raison des fautes détachables de ses fonctions qu'il a commises en sa qualité de dirigeant des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft,
- condamner M. [F] à verser la somme de 50 000 euros à la société Aéroports de [Localité 7] en raison de la disparition des biens gagés suite à la signature du protocole d'accord du 21 décembre 2015,
- condamner M. [F] à verser la somme de 10 000 euros à la société Aéroports de [Localité 7] au titre de son préjudice moral,
- rejeter l'intégralité des demandes formulées par M. [F] formulées à l'encontre de la société Aéroports de [Localité 7].
Si par extraordinaire, l'action de la société Aéroports de [Localité 7] était déclarée irrecevable, vu la carence des liquidateurs judiciaires ès-qualités des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft à engager une action en responsabilité pour faute de gestion à l'encontre de M. [F],
- condamner solidairement les liquidateurs judiciaires ès qualités des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft à indemniser la société Aéroports de [Localité 7] pour perte de chance d'agir sur le fondement de la faute de gestion à l'encontre de M. [F],
- limiter la condamnation du liquidateur judiciaire ès qualités de la société Enhance Aero Group au montant initial de la caution, à savoir 200 000 euros,
- rejeter la demande de condamnation sollicitée par la SELARL [B] [T], ès qualités, formulée à l'encontre de la société Aéroports de [Localité 7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [F] à verser à la société Aéroports de [Localité 7] la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Rahon.
Par conclusions déposées et notifiées le 4 mai 2022, M. [Y] [F] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
En conséquence,
- débouter la société ADL de l'ensemble de ses demandes,
À titre reconventionnel,
- dire et juger l'action initiée par ADL abusive,
- dire et juger que la société ADL a engagé sa responsabilité civile à l'égard de M. [Y] [F],
En conséquence,
- condamner la société ADL à verser à M. [Y] [F] une somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral subi,
- condamner la société ADL à verser à M. [Y] [F] la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société ADL aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 mars 2022, la SELARL [B] [T] demande à la cour de :
- dire et juger recevables et bien fondées les demandes de la SELARL [B] [T] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BCA,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 1er octobre 2020 en toutes ses dispositions,
- rejeter l'intégralité des demandes et contestations de la société Aéroports de [Localité 7],
- condamner la société ADL au paiement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions déposées et notifiées le 4 mai 2022, la SELARL [E] demande à la cour de :
- la recevoir en son argumentation et de la dire bien fondée,
- dire et juger la SA Aéroports de [Localité 7] irrecevable en ses demandes de communication de tout document à l'encontre de la SASU Enhance Aero Group, représentée par son liquidateur la SELARL [E],
- débouter la SA Aéroports de [Localité 7] en sa demande en responsabilité à l'encontre de Maître [Z] [E], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Enhance Aero Group,
- confirmer les dispositions du jugement rendu par le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand le 1er octobre 2020 en l'intégralité de ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner la SA Aéroports de [Localité 7] à payer et porter à la SELARL [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de la procédure.
La société Enhance Aero Italy, citée le 24 février 2021 conformément aux dispositions des articles 4§3 et 9§2 du règlement (CE) n°1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, n'a pas été touchée par la citation et n'a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée le 19 mai 2022.
MOTIFS :
Sur l'application du principe de l'estoppel :
La fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.
La société Aéroports de [Localité 7] reproche à la SELARL [E] et à M. [F] une déloyauté procédurale consistant à conclure, dans le cadre de la présente instance, à l'irrecevabilité et au rejet de ses demandes au motif qu'elle n'a pas sollicité sa désignation en qualité de contrôleur à la procédure collective de la société Enhance Aero Group et d'autre part à s'opposer, devant le juge commissaire, à sa désignation en qualité de contrôleur.
Les conditions de la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel ne sont pas réunies dès lors que les positions alléguées de contraires n'ont pas été adoptées au cours de la même instance et qu'il n'existe en outre aucune contradiction dans le fait de d'une part, constater que la société Aéroports de [Localité 7] ne dispose pas des pouvoirs d'un contrôleur faute d'avoir été désignée en cette qualité et d'autre part, faire valoir devant le juge commissaire que la demande présentée tardivement par la société Aéroports de [Localité 7] aux fins d'être désignée en qualité de contrôleur était motivée non pas par l'intérêt général de la procédure collective mais par la défense de ses intérêts particuliers dans une instance en cours.
La fin de non-recevoir sera en conséquence rejetée.
Sur la demande de production de pièces :
Il sera relevé au préalable que ne sont pas pertinentes les références faites par l'appelante aux articles 133 et 134 du code de procédure civile qui ne concernent que l'obligation pour une partie de communiquer les pièces dont elle fait elle-même état, et à l'article 943 du code de procédure civile applicable à la procédure d'appel sans représentation obligatoire.
Si les dispositions des articles 10 du code civil, 10 et 144 du code de procédure civile permettent au juge d'ordonner la production de pièces par une partie, le recours à une telle mesure n'est qu'une faculté pour le juge qui en apprécie l'opportunité et l'utilité.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et selon l'article 146 alinéa 2 du même code, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Les premiers juges ont retenu à juste titre qu'au regard de l'ampleur du périmètre des informations demandées, la société Aéroports de [Localité 7] n'avait aucune idée précise des éléments qu'elle recherchait, ni ce qu'elle pourrait éventuellement découvrir, ces informations étant pour la plupart sans liens avec les quelques actes frauduleux et les fautes de gestion allégués, et que le tribunal n'avait pas vocation à permettre à l'une des parties de se constituer les preuves qui lui manquent pour justifier ses demandes.
À l'appui de son action paulienne en inopposabilité et de son action en responsabilité contre le dirigeant pour faute de gestion, la société Aéroports de [Localité 7] invoque les faits et actes suivants :
- des avances consenties en 2015 par la société Enhance Aero Group à sa filiale Enhance Aero Italy à hauteur de 975 000 euros pour l'acquisition d'un bien immobilier.
Ainsi que le souligne la société Aéroports de [Localité 7] cette avance, non contestée par les intimés, est validée et inscrite dans les comptes sociaux publiés par Enhance Aero Group.
D'autre part, il n'est pas non plus contesté par M. [F] ou la SELARL [E] que l'acquisition immobilière envisagée n'a pas été réalisée et qu'elles n'ont pas été remboursées.
La production de l'intégralité des relevés des comptes bancaires en France ou à l'étranger des sociétés Enhance Aero Group, Business and Commuter Aircraft et Enhance Aero Italy pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018, ne présente aucune utilité pour apprécier le caractère frauduleux ou fautif de faits dont la matérialité n'est pas contestée.
- l'acquisition par la société Enhance Aero Group de la société New EAS en juillet 2017 pour le prix de 166000 euros.
Comme le grief précédent, il n'existe aucune contestation sur la réalité et le prix de cette acquisition et la société Aéroports de [Localité 7] n'établit pas la nécessité de corroborer ce grief par la production des relevés de comptes précités.
- des mouvements de fonds anormaux en rapport avec l'éventuel transfert de propriété d'un aéronef immatriculé acquis par la SASU Enhance Aero Group à sa filiale slovène Siavia.
Il est établi par M. [F] que contrairement à ce que soutient la société Aéroports de [Localité 7], l'aéronef immatriculé [Immatriculation 9] figurait bien dans les actifs de la société Enhance Aero Group, le juge commissaire ayant autorisé le liquidateur à procéder à sa vente aux enchères par ordonnance du 31 décembre 2019, de sorte que le grief articulé par l'appelante peut être écarté sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces complémentaires.
- la dissipation de matériel (biens mobiliers d'exploitation) ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire le 4 décembre 2015.
La société Aéroports de [Localité 7] n'établit pas quel apport pourrait constituer la production des relevés de comptes des sociétés Enhance Aero Group, Business and Commuter Aircraft et Enhance Aero Italy s'agissant de la démonstration de la réalité et de la pertinence de ce grief.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Aéroports de [Localité 7] de sa demande de production de pièces.
Sur l'action paulienne :
Aux termes de l'article 1341-2 du code civil, un créancier peut agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude.
Ainsi que le fait valoir la société Aéroports de [Localité 7], l'ouverture de la procédure collective du débiteur ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action paulienne par un créancier qui démontre subir un préjudice du fait d'un appauvrissement du débiteur résultant d'un acte frauduleux.
La société Aéroports de [Localité 7] demande à la cour de déclarer inopposables à son égard les avances effectuées par la société Enhance Aero Group à sa filiale italienne, la société Enhance Aero Italy.
L'annexe aux comptes annuels de la société Enhance Aero Group pour l'année 2015 versés aux débats par l'appelante comporte les précisions suivantes :
'5. Avances à Enhance Aero Italy :
La société (Enhance Aero Group) détient Enhance Aero Italy et lui a consenti des avances de trésorerie qui s'élèvent à 975677 euros à fin 2015.
Cette filiale bénéficie d'un accord pour l'acquisition d'un bien immobilier à l'aéroport de [Localité 13] et a consenti des avances pour un montant similaire au propriétaire actuel.
La société EA Italy devait acquérir ce bien et le propriétaire prolonge par un accord verbal cette possibilité d'acquisition.
L'acquisition nécessite un financement bancaire afin de finir le paiement de l'acquisition et des discussions sont en cours avec une banque qui a marqué un accord de principe pour un financement de 2,5 millions d'euros.
Les conditions formelles de l'octroi du financement par la banque ne sont pas encore achevées et une offre de prêt n'a pas encore été juridiquement établie en juin 2015.
La société EAG reste confiante dans l'aboutissement du financement et de l'acquisition du bien immobilier et par conséquent de la valeur de cette avance à EA Italy telle qu'elle est portée à l'actif des comptes.
Si le déroulement des opérations devait se dérouler défavorablement, un risque de non-valeur sur cette avance à EA Italy pourrait être supporté par EAG.'
Il ressort par ailleurs du rapport des commissaires aux comptes que la non-réalisation de certaines conditions, et notamment du financement et de l'acquisition du bien immobilier par la société EA Italy prévue pour le deuxième semestre 2016 était susceptible de compromettre la continuité d'exploitation.
Il sera relevé en premier lieu que les avances consenties à la société EA Italy par la société Enhance Aero Group s'élèvent à 975 677 euros et non pas à 1,8 millions d'euros, puisque ce n'est pas la société Enhance Aero Group qui a effectué un versement au propriétaire du bien mais la société EA Italy au moyen de l'avance précitée.
S'il ressort des mentions de l'annexe aux comptes de gestion et du rapport des commissaires aux comptes que l'avance faite par la société Enhance Aero Group à la société EA Italy constituait une opération risquée pour la société mère, il n'est pas démontré par la société Aéroports de [Localité 7] que cette opération serait constitutive d'une fraude à son égard destinée à organiser l'insolvabilité de la caution alors que :
- les avances litigieuses sont intervenues avant juin 2015 soit à une époque à laquelle la société Enhance Aero Group ne s'était pas encore engagée en qualité de caution à son égard, cet engagement n'ayant été formalisé que le 21 décembre 2015,
- l'opération a été réalisée de manière transparente,
- les motifs de la non-réalisation de l'acquisition immobilière ne sont pas connus, M. [F] affirmant que l'opération avait été stoppée du fait de la procédure de redressement judiciaire de la société Enhance Aero Group.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Aéroports de [Localité 7] de sa demande tendant à faire juger inopposables à son égard les avances effectuées par la société Enhance Aero Group à sa filiale italienne, la société Enhance Aero Italy.
Sur l'action en responsabilité contre le dirigeant :
La société Aéroports de [Localité 7] recherche la responsabilité de M. [F] en sa qualité de dirigeant des sociétés Business and Commuter Aircraft et Enhance Aero Group sur le fondement des articles 1240 du code civil, L.225-251 et L.227-8 du code de commerce.
Il résulte des textes précités que la responsabilité du dirigeant à l'égard des tiers ne peut être engagée qu'à charge pour le poursuivant de démontrer une faute du dirigeant séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement.
Il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.
Il résulte par ailleurs des dispositions des articles L.622-20, L.641-4, L.651-2, L.651-3 du code de commerce qu'un créancier n'est recevable à agir contre le dirigeant d'une société en liquidation judiciaire que s'il justifie d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par l'ensemble des créanciers.
Ne constitue pas un préjudice distinct de celui de l'ensemble des créanciers la perte de toute chance pour la société Aéroports de [Localité 7] de recouvrer les sommes qui lui sont dues par les sociétés Business and Commuter Aircraft et Enhance Aero Group.
Cette impossibilité de recouvrement résulte de l'insuffisance d'actif des sociétés débitrices, et les fautes de gestion alléguées comme étant à l'origine de cette insuffisance d'actif, à savoir les avances consenties à la filiales EA Italy, l'acquisition de la société New EAS, les flux anormaux avec la société Siavia, ne sont pas spécifiquement commises au seul préjudice de l'appelante, et le sentiment d'avoir contracté en étant trompé sur la solvabilité du groupe n'est pas propre à ce créancier.
La société Aéroports de [Localité 7] sera en conséquence déclarée irrecevable en sa demande de condamnation de M. [F] au paiement de la somme de 292 017,79 euros.
Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la société Aéroports de [Localité 7] ne justifie pas par ailleurs de la réalité et de la consistance d'un préjudice moral spécifique, distinct de son préjudice financier.
Elle sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros à ce titre.
Enfin la société Aéroports de [Localité 7] invoque un préjudice résultant de la dissipation de biens mobiliers professionnels ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire le 4 décembre 2015 à l'encontre de la société Business and Commuter Aircraft.
Ainsi que l'ont énoncé les premiers juges, la saisie conservatoire effectuée le 4 décembre 2015 n'avait pas été convertie en saisie-attribution à la date du jugement d'ouverture de redressement judiciaire de la société Business and Commuter Aircraft, compte tenu notamment d'une décision défavorable de la juridiction administrative, de sorte que qu'elle ne pouvait plus produire d'effet et que la société Aéroports de [Localité 7], qui a d'ailleurs déclaré à la procédure collective de la société Business and Commuter Aircraft une créance chirographaire sans mentionner de sûreté, ne pouvait se prévaloir d'un préjudice de perte du bénéfice de biens gagés.
Ce chef de demande sera également rejeté.
Sur la demande en dommages et intérêts contre les liquidateurs :
L'appelante demande à la cour de condamner solidairement les liquidateurs judiciaires ès qualités des sociétés Enhance Aero Group et Business and Commuter Aircraft à indemniser la société Aéroports de [Localité 7] pour perte de chance d'agir sur le fondement de la faute de gestion à l'encontre de M. [F].
Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la demande vise à engager la responsabilité personnelle des liquidateurs pour faute dans l'exercice du mandat judiciaire qui leur a été confié.
Une telle demande est irrecevable en ce qu'elle suppose la mise en cause du liquidateur à titre personnel devant le tribunal judiciaire, or la SA Aéroports de [Localité 7] a assigné devant le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, non pas les liquidateurs à titre personnel mais la société Enhance Aero Group représentée par la SELARL [E] et la société Business and Commuter Aircraft représentée par la SELARL [B] [T].
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré ces demandes irrecevables.
Sur les demandes accessoires :
M. [F] ne démontre pas que le droit pour la société Aéroports de [Localité 7] d'agir en justice et d'exercer un recours contre un jugement lui faisant grief aurait dégénéré en abus.
Il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.
Partie succombante la société Aéroports de [Localité 7] sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles d'appel comme il sera dit au dispositif.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut,
- rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Aéroports de [Localité 7] et tirée du principe de l'estoppel,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SA Aéroports de [Localité 7] recevable mais mal fondée en sa demande de communication de pièces dirigée à l'encontre de M. [F] et rejeté cette demande,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Aéroports de [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes relatives à la communication de pièces et d'informations,
- déclare la société Aéroports de [Localité 7] recevable mais mal fondée en son action paulienne, l'en déboute,
- déclare la société Aéroports de [Localité 7] irrecevable en sa demande tendant à la condamnation de M. [F] à lui verser la somme de 292 017,79 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2015,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Aéroports de [Localité 7] de ses demandes en dommages et intérêts pour préjudice moral et pour disparition de biens gagés,
- déclare la société Aéroports de [Localité 7] irrecevable en sa demande subsidiaire d'indemnisation présentée contre la SELARL [E] ès qualités de liquidateur de la société Enhance Aero Group et la SELARL [B] [T] ès qualités de liquidateur de la société Business and Commuter Aircraft,
- confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté M. [Y] [F] de sa demande de condamnation de la SA Aéroport de [Localité 7] au titre du préjudice moral,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] à payer et porter à M. [Y] [F] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] à payer et porter à la SASU Enhance Aero Group représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [E] prise en la personne de Maître [Z] [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] à payer et porter à la SASU Business and Commuter Aircraft représentée par son liquidateur judiciaire la SELARL [B] [T] pris en la personne de Maître [B] [T] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Aéroport de [Localité 7] aux dépens de l'instance,
- condamne la société Aéroports de [Localité 7] à payer à titre d'indemnité pour frais irrépétibles d'appel la somme de 2000 euros à M. [Y] [F], la somme de 2 000 euros à la SELARL [E] ès qualités et la somme de 2 000 euros à la SELARL [B] [T] ès qualités,
- condamne la société Aéroports de [Localité 7] aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,