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07/09/2022 | FRANCE | N°21/00389

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 07 septembre 2022, 21/00389


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale











ARRET N°



DU : 07 Septembre 2022



N° RG 21/00389 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRMU

VTD

Arrêt rendu le sept Septembre deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une décision rendue le 20 août 2020 par le Tribunal judiciaire du PUY EN VELAY (RG n° 18/00164)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virg

inie DUFAYET, Conseiller



En présence de : Mme Céline DHOME, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Christine VIAL, Greffier lors du prononcé



ENTRE :



M. [H] [V]

né le [...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 07 Septembre 2022

N° RG 21/00389 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FRMU

VTD

Arrêt rendu le sept Septembre deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 20 août 2020 par le Tribunal judiciaire du PUY EN VELAY (RG n° 18/00164)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Céline DHOME, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Christine VIAL, Greffier lors du prononcé

ENTRE :

M. [H] [V]

né le [Date naissance 1] 1959, immatriculé à la CPAM de la Sarthe sous le n° 1 59 05 59 606 060 /04

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : la SELARL OGMA, avocats au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANT

ET :

M. [B] [C]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe DAUPHIN de l'ASSOCIATION SOULIER - DAUPHIN, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

Compagnie d'assurance GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 5]

[Localité 6]

agissant ès qualités d'assureur de M. [B] [C] (contrat n° 2014/673502)

Représentant : Me Philippe DAUPHIN de l'ASSOCIATION SOULIER - DAUPHIN, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

INTIMÉS

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 12 Mai 2022, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 07 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, pour le Président empêché, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 17 juillet 2014, M. [H] [V] a été victime d'un accident de la circulation : alors qu'il courait, accompagné d'un ami coureur cycliste, il a été fauché par l'arrière, par la faneuse attelée sur un tracteur conduit par M. [B] [C], assuré auprès de la compagnie Groupama, et a été projeté dans un talus.

Il a été admis en clinique où le docteur [R], chirurgien orthopédique, a constaté les blessures suivantes :

- traumatisme lombaire avec contusion lombaire ;

- traumatisme de l'hémitorax gauche ;

- dermabrasions pré-rotuliennes droite et gauche ;

- dermabrasions transversales approximatives 10 cm lombaire ;

- fracture du P3 non déplacée du 4ème doigt de la main gauche.

Le médecin a évalué son incapacité de travail à 45 jours.

M. [V] a saisi le juge des référés par actes des 22, 26 juillet et 8 août 2016 d'une demande d'expertise médicale, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 17 octobre 2016.

L'expert judiciaire, le docteur [I], a déposé son rapport le 27 mai 2017.

Par acte d'huissier du 17 janvier 2018, M. [V] a fait assigner M. [C] et son assureur la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Sarthe devant le tribunal de grande instance du Puy-en-Velay afin d'obtenir la reconnaissance de responsabilité de M. [C] et l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 20 août 2020, le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a :

- déclaré M. [C] entièrement responsable du préjudice subi par M. [V] ;

- constaté l'intervention volontaire de la compagnie d'assurance MAIF et de la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN) ;

- condamné M. [C] in solidum avec la compagnie d'assurance Groupama à payer les sommes suivantes à M. [V] :

frais divers : 735 euros ;

déficit fonctionnel temporaire : 510 euros ;

souffrances endurées : 3 000 euros ;

déficit fonctionnel permanent : 1 160 euros ;

préjudice d'agrément : 1 500 euros ;

- condamné M. [C] in solidum avec la compagnie d'assurance Groupama à payer à la compagnie MAIF la somme de 1 430,11 euros ;

- condamné M. [C] in solidum avec la compagnie d'assurance Groupama à payer à la MGEN la somme de 117,58 euros ;

- condamné M. [C] in solidum avec la compagnie d'assurance Groupama à payer à M. [V] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [C] in solidum avec la compagnie d'assurance Groupama aux dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise ;

- dit le jugement commun à la CPAM de la Sarthe ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 16 février 2021, M. [H] [V] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice d'agrément à la somme de 1 500 euros et en ce qu'il a l'a débouté de sa demande au titre de l'indemnisation de son préjudice économique, ces deux postes n'étant pas soumis au recours des tiers payeurs.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées en date du 21 mars 2022, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement, et au visa de la loi du 5 juillet 1985, statuant à nouveau de :

- condamner M. [C] in solidum avec Groupama Rhône-Alpes Auvergne à payer à M. [V] :

10 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ;

11 370 euros au titre de la perte de chance de son préjudice économique ;

- condamner M. [C] in solidum avec Groupama Rhône-Alpes Auvergne à payer à M. [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Sur le préjudice d'agrément, il fait valoir qu'il justifie avoir pratiqué une activité sportive nécessitant un entraînement particulièrement exigeant, le trail, et il précise avoir été opéré d'un cancer à la gorge traité par radiothérapie. Dans le cadre de la rémission de sa maladie, il s'est donné un défi à lui-même de parvenir à ce projet sportif. Il ne prétend pas avoir pu être classé dans les premiers des différentes courses auxquelles il a participé, mais il avait l'ambition de les terminer. Il dit produire le résumé de ses parcours d'entraînement issu de sa montre Garmin entre 2011 et 2014. Il relève que l'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément, compte tenu de la quasi impossibilité pour lui de revenir à un niveau lui permettant de participer à l'ultratrail du Mont-Blanc ou, plus modestement à tout autre trail ou ultra-trail. A l'heure actuelle, il lui est possible de parcourir de très faibles distances, autour de 10 km sur des surfaces planes.

Sur le préjudice économique, il expose qu'au moment de l'accident, il avait projeté de rénover un appartement familial acquis le 2 janvier 2014 en vue de préparer son retour en France. Les plans d'aménagement de l'appartement avaient été établis par un architecte, mais il devait se charger lui-même de l'exécution d'une partie des travaux fort de formations professionnelles diplômantes acquises dans le bâtiment. L'accident a créé une perte de chance de pouvoir réaliser lui-même les travaux, et cette perte de chance est quantifiable puisqu'elle correspond aux travaux réalisés par un artisan.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées en date du 30 mars 2022, la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne et M. [B] [C] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le préjudice d'agrément de M. [V] à la somme de 1 500 euros et débouté M. [V] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice économique ;

- condamner M. [V] à payer à la concluante la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [V] aux dépens.

Ils rappellent au préalable que l'expert judiciaire a retenu un déficit fonctionnel permanent de 2 % : à ce jour, M. [V] a repris le trail et le préjudice invoqué est davantage un préjudice de désagrément. Ils contestent par ailleurs que la victime pratiquait une activité de trail de 'haut niveau' au vu du nombre de courses réalisées et des performances de l'intéressé. Les relevés de la montre ne prouvent rien, et la demande présentée est totalement disproportionnée.

Sur le préjudice économique, ils relèvent que partie de la rénovation envisagée l'aurait été dans le cadre d'une activité de bricolage, et que la perte de possibilité d'avoir une telle activité est indemnisée dans le cadre du préjudice d'agrément. Or, la seule composante du préjudice d'agrément retenue par l'expert est la réduction de ses capacités dans le domaine de la course.

Ils ajoutent qu'avec un déficit fonctionnel permanent de 2 % et au vu des conséquences médico-légales, rien n'empêchait M. [V] de réaliser la partie des travaux de restauration de l'appartement. En outre, l'appelant ne produit aucune facture de la réalisation effective de ces travaux.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera constaté que la cour est uniquement saisie d'un appel sur les postes de préjudice suivants : préjudice d'agrément et préjudice économique.

- sur le préjudice d'agrément

Il vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive, ou de loisirs. Il concerne ainsi les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l'accident. Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités.

L'expert judiciaire a conclu s'agissant de ce poste de préjudice, qu'il y avait lieu d'admettre l'existence d'un préjudice d'agrément permanent correspondant à la réduction des capacités de M. [V] dans le domaine de la course. Il admet que celui-ci n'a pas pu reprendre le trail et la course au niveau où il pratiquait cette activité sportive avant l'accident. Il indique que M. [V] a dû interrompre l'entraînement de trail du fait de l'accident et qu'au moment de l'expertise, il avait repris la course sur des parcours d'environ 10 km.

M. [V] justifie de sa participation à trois trails : en 2011 le tour du Pied Moutet (18 km), en 2012 le trail des lacs (28 km) et en 2013 le 'Tahoe Rim Trail' (50 km aux Etats-Unis). Il s'est classé dans les deux derniers. Il justifie également de son inscription le 11 juin 2014 au trail du Montcalm (la Saintelyon de 72 km) qui devait se dérouler quelques jours après l'accident. Il projetait de participer selon ses explications, à l'ultratrail du Mont-Blanc au cours de l'année 2015.

M. [V] expose s'être donné un défi à lui-même de parvenir à ce projet sportif dans le cadre de la rémission de son cancer du larynx, qu'il s'agissait pour lui d'un réel projet de vie chargé de sens après sa lutte contre la maladie (situation de santé que l'intéressé a justifié).

L'expert estime qu'après sa consolidation, M. [V] a pu reprendre cette activité, mais à un niveau plus faible, précision faite que l'intéressé était âgé de 55 ans.

Le tribunal a considéré que l'offre de Groupama d'une indemnisation par la somme de 1 500 euros devait être jugée satisfactoire.

Toutefois, la cour estime qu'au vu des circonstances particulières, le préjudice de M. [V] doit être évalué à 3 000 euros.

- Sur le préjudice économique

M. [V] sollicite la somme de 11 370 euros au titre de la perte de chance de son préjudice économique, précision faite que la demande portait sur la somme de 7 815 euros en première instance et qu'elle a été rejetée.

Il explique avoir dû faire monter le parquet dans l'appartement, ce qu'il aurait pu faire sans l'accident (180 euros) ; qu'il a fait déposer les sols et poser le parquet fourni par ses soins (4 898,30 euros) ; qu'il a fait déposer les cloisons et rénover les plafonds (1 258,40 euros) ; qu'il a fait réaliser la peinture des chambres (9 906,22 euros), soit un total de '16 242,92 euros assortie d'un pourcentage de perte de chance à hauteur de 30 %, soit la somme de 11 370 euros'. Selon lui, la perte de chance correspond aux travaux réalisés par un artisan.

Le tribunal a justement énoncé que constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

M. [V] justifie être propriétaire d'un bien sis à [Localité 7], notamment aux termes d'un acte notarié du 2 janvier 2014. Il justifie également qu'il avait un projet de rénovation de ce bien immobilier.

Néanmoins, la simple production de devis ne peut suffire à établir que M. [V] s'est trouvé dans l'incapacité de réaliser les travaux de rénovation qu'il avait prévu de faire lui-même, et qui ont été réalisés par des artisans. Si tel était le cas, M. [V] présenterait des factures.

La seule facture produite aux débats est en date du 2 août 2014, elle émane d'une société de transports et est relative à la 'manutention d'une palette'. A défaut de plus de précision, cette dépense ne peut être rattachée de façon certaine au préjudice invoqué.

Il n'est en outre nullement justifié par M. [V] que les travaux en question devaient être réalisés pendant la période où son déficit fonctionnel temporaire a été le plus important, sachant qu'après consolidation, il n'a été retenu qu'un déficit fonctionnel permanent de 2 %, avec des séquelles qui ne justifient pas une impossibilité de faire de tels travaux.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande d'indemnisation.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [V] obtenant partiellement gain de cause en appel, il y a lieu de mettre les dépens d'appel à la charge des intimés. Ces dernies seront en outre condamnés in solidum à une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme dans la limite de sa saisine, le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [H] [V] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice économique ;

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [B] [C] et la compagnie d'assurances Groupama à payer à M. [H] [V] la somme de 1 500 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant :

Condamne in solidum M. [B] [C] et la compagnie d'assurances Groupama à payer à M. [H] [V] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

Condamne in solidum M. [B] [C] et la compagnie d'assurances Groupama à payer à M. [H] [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [B] [C] et la compagnie d'assurances Groupama aux dépens d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00389
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;21.00389 ?
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