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01/06/2022 | FRANCE | N°21/02465

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 01 juin 2022, 21/02465


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale











ARRET N°



DU : 01 Juin 2022



N° RG 21/02465 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FW36

VTD

Arrêt rendu le un Juin deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 10 novembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 21/00065)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M

. François KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK du prononcé



ENTRE :



M. [G] [J]

[Adr...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 01 Juin 2022

N° RG 21/02465 - N° Portalis DBVU-V-B7F-FW36

VTD

Arrêt rendu le un Juin deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 10 novembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de CUSSET (RG n° 21/00065)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK du prononcé

ENTRE :

M. [G] [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

M. [E] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société dénommée 'SCI LES SALINS'

Société civile immobilière immatriculée au RCS de Cusset sous le n° 515 116 762 00045

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉS

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 06 Avril 2022, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame CHALBOS et Madame THEUIL-DIF, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 01 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Rémédios GLUCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Les Salins a été constituée en 2009 entre M. [G] [J] et M. [X] [W]. Ce dernier assurait la gérance de la SCI.

M. [E] [I] a été agréé en qualité de nouvel associé lors d'une assemblée générale mixte ordinaire et extraordinaire du 15 novembre 2010 : M. [I] et M. [J] ont alors été nommés co-gérants.

M. [I] a démissionné de ses fonctions de co-gérant lors d'une AG extraordinaire du 27 juin 2014.

Dans le cadre d'une AG mixte du 16 juillet 2015, M. [J] et M. [W] ont démissionné de leurs fonctions de co-gérants au profit de M. [I], nommé seul gérant de la SCI.

Par acte de cession de parts du 18 juin 2018, M. [W] a cédé ses parts sociales à M. [I]. Une mise à jour des statuts de la SCI Les Salins a été régularisée. En l'état, le capital social de la SCI est divisé en 765 parts réparties entre M. [J] (255) et M. [I] (510).

Lors d'une AG ordinaire du 12 octobre 2018, deux résolutions ont été adoptées, l'une portant sur la vente d'un immeuble sis à [Localité 5] appartenant à la SCI, l'autre portant sur les pouvoirs conférés à M. [I] en vue de réaliser la vente immobilière.

Un compromis de vente a été régularisé le 2 novembre 2018 entre la SCI Les Salins et la société Golden Beef, et un acte de vente a été régularisé le 1er juillet 2019 par acte authentique portant réitération du compromis.

Estimant n'avoir jamais consenti, en sa qualité d'associé, à une telle vente et n'avoir jamais voté une résolution en assemblée générale habilitant la gérance à vendre, M. [G] [J] a fait assigner, par acte d'huissier des 20 et 21 mai 2021, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, M. [I] et la SCI Les Salins devant le président du tribunal judiciaire de Cusset aux fins d'obtenir leur condamnation à procéder à la communication sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours suivant l'ordonnance à intervenir, les documents suivants :

- la promesse synallagmatique de vente signée en octobre 2018 et ses annexes, du bien sis [Adresse 4] ;

- l'acte authentique de vente et ses annexes, relatifs à la vente du bien sis [Adresse 4].

En cours de procédure, M. [J] a complété ses demandes et a sollicité :

- la nullité de l'AG du 12 octobre 2018 ;

- la communication sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de quinzaine suivant l'ordonnance à intervenir, du registre original des AG de la SCI Les salins depuis 2015, comportant l'ensemble des procès-verbaux d'assemblée, les feuilles de présence ainsi que les convocations aux assemblées en LRAR.

Par ordonnance du 10 novembre 2021, le président du tribunal a :

- débouté M. [J] de sa demande d'annulation de l'AG ordinaire en toutes ses dispositions du 12 octobre 2018, de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal et de la feuille de présence afférents à ladite assemblée ;

- débouté M. [J] de sa demande de communication de documents sous astreinte ;

- condamné M. [J] au paiement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné M. [J] aux dépens.

Le président du tribunal a estimé :

- sur la demande de communication sous astreinte, que M. [J] n'avait ni sollicité une communication officielle des documents litigieux, ni demandé que soit fixée à l'ordre du jour d'une AG la question de cette communication ; que M. [J] reconnaissait avoir consulté l'ensemble des documents sociaux au siège social de la SCI le 8 janvier 2021 ; qu'il n'avait pas contesté la vente litigieuse alors qu'il avait connaissance de son existence tant lors de la réception de la copie du PV d'AG du 24 juin 2019 que lors de l'AG du 21 juillet 2020 ; qu'en outre, M. [I] et la SCI Les Salins s'étaient engagés à communiquer à M. [J] les pièces sollicitées;

- sur la demande d'annulation de l'AG du 12 octobre 2018, qu'aucun élément ne démontrait l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite ; qu'en outre, il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés, de prononcer l'annulation d'une AG d'une société dès lors qu'une telle annulation consisterait à trancher le fond.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 23 novembre 2021, M. [G] [J] a interjeté appel de l'ordonnance.

Suivant une ordonnance du 14 décembre 2021 rendue au visa des articles 904-1 et 905 du code de procédure civile, la présidente de la 3ème chambre civile et commerciale de la cour d'appel de Riom a fixé l'affaire, à bref délai, à l'audience collégiale du 6 avril 2022.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 30 décembre 2021, l'appelant demande d'infirmer l'ordonnance, et statuant à nouveau, au visa des articles 1855 du code civil, 48 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978, 145 du code de procédure civile, de :

-annuler l'AG en toutes ses dispositions du 12 octobre 2018, dire nul et de nul effet le procès-verbal et la feuille de présence afférente à cette assemblée ;

- à défaut et subsidiairement, vu le trouble manifestement illicite que cause ce document, dire que cette assemblée et les décisions qui y sont censées contenues est privée de tout effet jusqu'à ce qu'une décision de fond intervienne pour statuer définitivement sur cette assemblée ;

- condamner la SCI Les Salins et M. [I] à communiquer, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à l'issue d'une période de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir :

la promesse synallagmatique de vente et annexes, du bien sis [Adresse 4] ;

l'acte authentique de vente et annexes, relatif à la vente du bien sis [Adresse 4] ;

- ordonner une expertise judiciaire, la confier à un expert graphologue et lui donner mission de:

se faire remettre le registre original des AG de la SCI Les salins depuis 2015 comportant l'ensemble des PV d'AG, les feuilles de présence ainsi que les convocations aux assemblées en LRAR ;

dire si le PV d'AG du 12 octobre 2018 et la feuille de présence de la même date sont des documents originaux ou résultent de copie ou de montages ;

dire au moyen d'éléments de comparaison, si les paraphes qui sont présents sur ce document émanent de M. [G] [J] ;

- dire et juger l'ordonnance à intervenir opposable à la SCI Les Salins ;

- condamner M. [I] au paiement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. [J] expose avoir eu connaissance en 2019 de la vente d'un bien immobilier appartenant à la SCI sis à [Localité 5], qui était projetée par M. [I], sans qu'une décision n'ait habilité le gérant en ce sens. Il indique s'être opposé à la vente en envoyant un mail au notaire pressenti pour être chargé de la vente le 13 juin 2019, pour lui demander de surseoir.

Il soutient avoir découvert lors de la consultation des documents sociaux au siège social le 8 janvier 2021, avec l'assistance d'un expert-comptable, M. [K] [L], qu'un PV d'AG ordinaire du 12 octobre 2018 était inséré au registre, établissant qu'une AG ordinaire aurait été tenue et aurait autorisé la vente dudit bien : or, cette assemblée n'a jamais eu lieu. De graves anomalies affectent ce document, plusieurs indices permettent de conclure à la fausseté de cette pièce.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 janvier 2022, M. [E] [I] et la SCI Les Salins demandent à la cour de confirmer l'ordonnance, et au visa des articles 31, 122, 145, 559 et 835 du code de procédure civile :

sur la demande principale de M. [J], de :

- se déclarer incompétent pour statuer sur la demande de M. [J] aux fins de nullité de l'AG ordinaire de la SCI Les salins du 12 octobre 2018 ;

- débouter M. [J] de sa demande de nullité de l'AG ordinaire de la SCI Les salins du 12 octobre 2018 ;

sur les demandes subsidiaires de M. [J], de :

- déclarer irrecevable la demande de communication sous astreinte formulée par M. [J], au vu de l'engagement pris par M. [I] et de la SCI Les Salins ;

- subsidiairement, débouter M. [J] de sa demande de communication de documents sous astreinte pour défaut de motif légitime ;

- débouter M. [J] de sa demande d'expertise judiciaire graphologique ;

reconventionnellement, de :

- condamner M. [J] à payer à M. [I] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

- condamner M. [J] à payer à la SCI Les Salins une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

en toute hypothèse, de :

- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle se prévaut notamment d'un rapport de Mme [U] expert assermenté en écritures et documents près la cour d'appel de Riom, daté du 26 août 2021 qui a conclu que les deux paraphes 'TG' apposés au stylo sur les pages 1 et 2 du PV des délibérations de l'AG ordinaire du 12 octobre 2018 de la SCI Les Salins étaient vraisemblablement de la main de M. [J], censé les avoir apposés.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.

MOTIFS

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il résulte de ces dispositions que l'annulation des délibérations de l'assemblée des actionnaires d'une société, qui n'est ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état, n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés (Cass. Com. 29 septembre 2009, n°08-19.937).

Ainsi, la demande de M. [J] aux fins de voir annuler l'assemblée générale du 12 octobre 2018 et de dire nul et de nul effet le procès-verbal et la feuille afférents à cette assemblée, est irrecevable devant le juge des référés.

Il convient d'examiner la demande subsidiaire de M. [J] visant à voir 'dire que cette assemblée générale et les décisions qui y sont contenues sont privées de tout effet jusqu'à ce qu'une décision de fond intervienne pour statuer définitivement sur cette assemblée'. Le juge des référés peut en effet, pour faire cesser un trouble manifestement illicite, suspendre les effets d'une délibération d'une assemblée générale (AG) d'une société.

M. [J] soutient que l'AG du 12 octobre 2018 au cours de laquelle la vente du bien immobilier de [Localité 5] aurait été autorisée et M. [I] habilité à procéder à la signature de la vente, n'existe pas et qu'elle ne s'est jamais tenue. Il invoque les indices suivants à l'appui de son affirmation : la question de la vente n'a pas été abordée lors de l'AG du 24 juin 2019 ; il n'a pas reçu de convocation à l'AG du 12 octobre 2018 ; le procès-verbal du 12 octobre 2018 n'est pas signé contrairement aux autres procès-verbaux et les paraphes qui y figurent sont un montage. L'expert-comptable qui l'a accompagné consulter les documents sociaux au siège de la société, a constaté que les paraphes présents sur ce PV ne présentaient aucune ressemblance avec ceux de l'intéressé figurant sur d'autres PV. Enfin, il s'agit d'une AG ordinaire alors que selon les statuts, une AG extraordinaire était nécessaire.

M. [J] se prévaut d'un courrier électronique qu'il a adressé au notaire chargé de la vente litigieuse en date du 13 juin 2019, rédigé en ces termes :

'Comme indiqué ce jour au téléphone je vous demande de bien vouloir surseoir à la vente d'un bâtiment sis à St-Junien appartenant à la SCI Les Salins dont je suis actionnaire à hauteur de 35 %.

En effet, mon associé M. P. [I] m'a fait signer en 2018 une promesse de vente au profit de la société Golden Beef avec une date butoir au 15/12/2018. J'apprends cette semaine qu'une vente doit intervenir demain 14 juin sans que j'en sois à nouveau informé. Compte tenu du changement de date, soit 6 mois après la date butoir, le gérant aurait dû m'informer de ce changement et à nouveau me demander mon accord, je m'oppose à cette vente en l'état.'

Cette pièce produite par M. [J] lui-même démontre que ce dernier n'a pas pris connaissance en 2019 de la vente de l'immeuble de [Localité 5], et en outre qu'il avait consenti en sa qualité d'associé à cette vente en 2018.

En outre, il résulte des procès-verbaux des assemblées générales ordinaires des 24 juin 2019 et 21 juillet 2020 produits par M. [I], approuvant les comptes de la SCI Les Salins, qu'à l'unanimité, quitus de sa gérance a été donné à M. [I] au titre des exercices clos au 31 décembre 2018 et 31 décembre 2019, exercice au cours duquel un bénéfice de 202 755,56 euros a été réalisé grâce à la vente de l'immeuble objet du litige. Par ailleurs, M. [J] n'a pas contesté ladite vente alors que celui-ci avait connaissance de son existence, tant lors de la réception de la copie du procès-verbal d'AG du 24 juin 2019 que lors de l'AG du 21 juillet 2020.

Le simple fait que le procès-verbal du 12 octobre 2018 soit paraphé et non signé, alors même que la feuille de présence est signée, ne peut suffire à caractériser un trouble manifestement illicite.

Les intimés produisent en outre aux débats un courrier électronique en date du 12 octobre 2018 adressé par le conseil de la SCI Les Salins à M. [I], gérant, dans lequel étaient joints la feuille de présence à l'AG et le procès-verbal de l'AG du 12 octobre 2018 à compléter.

M. [J] conteste être l'auteur des paraphes figurant sur le procès-verbal d'AG (sans pour autant contester sa signature figurant sur la feuille de présence à l'AG du 12 octobre 2018) et s'appuie en cela sur les écrits de son expert-comptable, M. [L], qui l'a accompagné pour consulter les documents sociaux. Celui-ci écrit dans un compte-rendu de visite en date du 19 février 2021:

'Le PV du 12 octobre 2018, qui n'est pas signé par le gérant ou les associés présents, contient des paraphes (sur les feuillet n°56 et 57 - voir annexe n°4). Ces paraphes devraient être ceux de Messieurs [G] [J] (TG) et [E] [I] (PC).

En comparant ces paraphes avec ceux qui figurent sur les autres PV du registre (avoir annexe n°5), je remarque que le paraphe de M. [G] [J], apposé sur les feuillets n°56 et 57, ne présente aucune ressemblance avec ceux du même intéressé figurant sur les autres PV, que ces PV soient antérieurs au 12 octobre 2018 (ex : PV AGM du 16 juillet 2015) ou postérieurs au 12 octobre 2018 (ex : PV AGO du 24 juin 2019).'

Néanmoins, les intimés ont de leur côté, fait réaliser par un expert graphologue, Mme [M] [U] (expert en écritures et documents près la cour d'appel de Riom), une étude en date du 26 août 2021 : il a été demandé à l'intéressée de procéder à une analyse comparative des deux paraphes apposés sur le PV d'AG du 12 octobre 2018 à des écritures et paraphes de M. [J] de 2011 et 2018, afin de se prononcer sur la question de savoir si les deux paraphes litigieux étaient de la main de M. [J].

L'expert a conclu que les deux paraphes litigieux étaient vraisemblablement de la main de M. [J], censé les avoir apposés. Il a été énoncé dans la conclusion que la confrontation des paraphes litigieux aux éléments de comparaison montrait :

- un grand nombre de similitudes en ordonnance, densité, ligne de base, axe des lettres, dimensions/proportions, système de liaison, pression, morphologie ;

- un grand nombre de similitudes relevaient de gestes réflexes (densité, calibres, morphologie de 'T') ;

- des variations en vitesse et en morphologie du niveau de la barre de 'G' ;

- une absence de différences significatives ;

- les variations observées pouvaient être liées au contexte dans lequel le scripteur avait signé les documents. Ces variations étaient explicables et non significatives.

Au vu de l'examen de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas démontré l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite justifiant la suspension des effets de cette délibération du 12 octobre 2018, sans que le juge des référés n'ait à se prononcer sur l'éventuelle nullité de cette délibération, seul le juge du fond disposant de ce pouvoir.

Par ailleurs, l'article 145 du code de procédure civile énonce que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Pour la mise en 'uvre de ces dispositions, il appartient au juge d'apprécier la perspective d'un litige futur ou éventuel et de caractériser l'existence d'un motif légitime de rechercher ou de conserver des éléments de preuve. Le caractère légitime d'une demande de mesure d'instruction in futurum suppose que soit établie l'existence d'éléments rendant plausible le bien-fondé de l'action en justice envisagée et que la mesure sollicitée présente une utilité.

Or, en l'espèce, M. [J] forme deux demandes sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile :

- la communication sous astreinte de la promesse synallagmatique de vente et ses annexes du bien immobilier de [Localité 5], et celle de l'acte authentique de vente ;

- devant la cour, une expertise graphologique, l'expert ayant pour mission de:

se faire remettre le registre original des AG de la SCI Les salins depuis 2015 comportant l'ensemble des PV d'AG, les feuilles de présence ainsi que les convocations aux assemblées en LRAR ;

dire si le PV d'AG du 12 octobre 2018 et la feuille de présence de la même date sont des documents originaux ou résultent de copie ou de montages ;

dire au moyen d'éléments de comparaison, si les paraphes qui sont présents sur ce document émanent de M. [G] [J].

Il a été rappelé que M. [J] ne pouvait prétendre ignorer le projet de vente de l'immeuble de [Localité 5] en 2018, puisqu'il a indiqué au notaire dans son courrier du 13 juin 2019 qu'il avait consenti en sa qualité d'associé à cette vente en 2018. Ce qu'il reprochait à son associé était de passer la vente par acte authentique postérieurement à la date prévue dans la promesse de vente. Il n'a donc pas découvert la vente en 2019, il ne s'agit pas d'un élément caché.

L'objet de la délibération dont M. [J] entend obtenir la nullité est l'autorisation de la vente du bien de [Localité 5] et de donner pouvoirs au gérant pour passer cette vente.

Ensuite, il a également été relevé que M. [J] avait donné quitus de la gérance à M. [I] au titre des exercices clos au 31 décembre 2018 et 31 décembre 2019, exercice au cours duquel un bénéfice de 202 755,56 euros avait été réalisé grâce à la vente de l'immeuble objet du litige ; qu'en outre, M. [J] n'avait pas contesté ladite vente alors que celui-ci avait connaissance de son existence, tant lors de la réception de la copie du procès-verbal d'assemblée générale du 24 juin 2019 que lors de l'assemblée générale du 21 juillet 2020.

Il a aussi été constaté l'existence d'un courrier électronique du 12 octobre 2018 adressé par le conseil de la SCI Les Salins à M. [I], gérant, dans lequel étaient joints la feuille de présence à l'assemblée générale et le procès-verbal de l'assemblée générale du 12 octobre 2018 à compléter.

Enfin, ainsi que le relèvent les intimés, M. [J] n'a jamais sollicité une communication officielle des documents litigieux, conformément aux statuts de la SCI. Il n'a pas non plus demandé que soit fixé à l'ordre du jour d'une assemblée générale ordinaire la question de la communication du compromis de vente et de l'acte de vente relatif à l'immeuble de [Localité 5].

M. [J] ne justifie pas d'un motif légitime à l'appui de sa demande de communication de pièces, et doit en être débouté. L'ordonnance sera confirmée sur ce point.

S'agissant de la demande d'expertise graphologique, il a été rappelé ci-dessus les termes des documents produits respectivement par les parties sur la question de l'authenticité des paraphes de M. [J] sur le procès-verbal de l'AG du 12 octobre 2018.

La demande d'expertise graphologique ne repose sur aucun motif légitime dans la mesure où les éléments versés par les parties ne permettent pas de mettre en doute l'authenticité du document litigieux.

De surcroît, M. [J] ne fournit aucune précision quant à la procédure au fond qu'il envisage à l'encontre de M. [I] et de la SCI Les Salins. Cette demande d'expertise doit donc être rejetée.

La cour estime néanmoins que l'appel n'est pas abusif car même si M. [J] succombe, il n'a nullement abusé de son droit d'appel.

M. [J] sera condamné aux dépens d'appel. Toutefois l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, en matière de référé, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à déclarer irrecevable la demande de M. [G] [J] aux fins de voir annuler l'assemblée générale du 12 octobre 2018 et de dire nul et de nul effet le procès-verbal et la feuille afférents à cette assemblée ;

Y ajoutant,

Déboute M. [G] [J] de sa demande d'expertise graphologique ;

Déboute M. [E] [I] et la SCI Les Salins de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [G] [J] aux dépens d'appel.

Le greffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/02465
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;21.02465 ?
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