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01/06/2022 | FRANCE | N°20/01876

France | France, Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 01 juin 2022, 20/01876


COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale











ARRET N°



DU : 01 Juin 2022



N° RG 20/01876 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQF6

VTD

Arrêt rendu le un Juin deux mille vingt deux



Sur APPEL d'une décision rendue le 9 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 19/00720 ch1 cab2)



COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. Fran

çois KHEITMI, Magistrat Honoraire



En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé



ENTRE :



Mme [E] [G] épouse...

COUR D'APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 01 Juin 2022

N° RG 20/01876 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FQF6

VTD

Arrêt rendu le un Juin deux mille vingt deux

Sur APPEL d'une décision rendue le 9 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 19/00720 ch1 cab2)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et de Mme Rémédios GLUCK lors du prononcé

ENTRE :

Mme [E] [G] épouse [M]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Evelyne BELLUN, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE

ET :

La société ESA

SARL à associé unique immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 444 984 439 00026

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

La société CHARTOIRE

SARL à associé unique immatriculée au RCS de Clermont-Ferrand sous le n° 414 621 235 00012

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentant : la SCP HERMAN & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉES

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 06 Avril 2022, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame CHALBOS et Madame THEUIL-DIF, magistrats chargés du rapport, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 01 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Rémédios GLUCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

En septembre 2009, Mme [E] [G] épouse [M] a acquis un véhicule neuf Volkswagen Tiguan auprès des établissements Carlet, concessionnaire automobile de la marque, sis à [Localité 4] (63).

L'entretien du véhicule a été confié au concessionnaire durant la période de garantie, puis à partir de 2013, auprès de la SARL ESA exerçant sous l'enseigne Speedy à [Localité 6].

Au cours d'une révision du véhicule en 2014, cette dernière a constaté une avarie de la climatisation qu'elle a imputée au compresseur de climatisation, recommandant à Mme [M] de prendre attache avec le Garage Chartoire (la SARL Chartoire) pour son remplacement.

La SARL Chartoire a procédé au remplacement du compresseur de climatisation pour un coût de 745,45 euros, suivant facture du 12 juin 2014. Elle est intervenue de nouveau à deux reprises en raison de dysfonctionnements.

La SARL ESA a révisé le véhicule de Mme [M] selon facture du 11 juin 2015.

Le 14 décembre 2015, le véhicule est tombé en panne et a été remorqué à la concession Volkswagen Carlet d'[Localité 4].

L'expert amiable a conclu à une casse moteur.

En l'absence d'accord amiable, Mme [M] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, qui par ordonnance du 11 juillet 2016, a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [B].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 27 juillet 2017.

Par acte d'huissier du 31 janvier 2019, Mme [M] a fait assigner la SARL ESA et la SARL Chartoire devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, au visa des articles 1231-1 et suivants du code civil, aux fins de voir condamner solidairement les défenderesses à lui payer les sommes suivantes :

- 7 501,59 euros au titre des frais de remise en état ;

- 8 640 euros au titre du préjudice de jouissance ;

- 3 864,91 euros au titre des frais annexes exposés ;

- 5 950 euros au titre de la perte de valeur ;

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 9 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :

- débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [M] à payer à la SARL Chartoire la somme de 1 000 euros ;

- condamné Mme [M] à payer à la SARL ESA une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [M] à payer à la SARL Chartoire une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [M] aux dépens dont distraction au profit de Maître Teyssier de la SCP Treins-Poulet-Vian et associés et de la SCP Herman et associés, avocats ;

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires.

Le tribunal a énoncé :

- que les parties s'accordaient sur la nature technique de la panne : elle était due à un défaut de galet tendeur automatique qui faute d'avoir joué pleinement son rôle en assurant une pression constante et suffisante sur la courroie multipiste, avait permis le décalage de la courroie accessoire côté moteur, son effilochage par frottement, puis par extension un décalage de la courroie de distribution entraînant un contact soupapes/pistons et par là même, la casse du moteur;

- qu'il ne résultait pas des rapports d'expertises que le défaut de galet tendeur automatique et ses conséquences sur la courroie préexistaient à l'intervention de la SARL ESA ce qui aurait eu pour effet de rendre le problème décelable et réparable lors de la révision de juin 2015 alors que la panne est survenue 6 mois et 9 097 kilomètres plus tard ; qu'en admettant que la SARL ESA n'ait pas réalisé de contrôle sur la courroie, aucun élément ne permettait de dire avec certitude que le défaut était présent à la date du contrôle présumé ;

- que s'il était certain que la SARL Chartoire avait commis une faute en ne réparant pas le compresseur de climatisation conformément aux règles de l'art, il ne ressortait toutefois pas du rapport d'expertise que cette anomalie était la cause certaine de la panne survenue sur le véhicule;

- que dans ces circonstances, Mme [M] devait restituer la provision de 1 000 euros versée par la SARL Chartoire en exécution de l'ordonnance de référé du 11 juillet 2016.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 18 décembre 2020, Mme [E] [G] épouse [M] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 19 mai 2021, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :

- juger la SARL ESA et la SARL Chartoire responsables de l'avarie ayant conduit à l'immobilisation du véhicule Volkswagen Tiguan appartenant à Mme [M] ;

- condamner en conséquence solidairement la SARL ESA et la SARL Chartoire à payer à Mme [M] les sommes suivantes :

7 501,59 euros au titre des frais de remise en état ;

15 840 euros au titre du préjudice de jouissance ;

3 864,91 euros au titre des frais annexes exposés ;

5 950 euros au titre de la perte de valeur ;

- condamner solidairement la SARL ESA et la SARL Chartoire à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

Elle fait valoir que l'anomalie, à savoir le défaut de galet tendeur automatique et ses conséquences sur la courroie, préexistait lors de la dernière révision effectuée par le garage Speedy, et qu'à tout le moins, ce dernier aurait dû vérifier et contrôler l'état de la courroie et sa tension lors des opérations de révision périodique : c'est l'absence d'un tel contrôle et remplacement de cette pièce en temps utile dans le cours des opérations d'entretien qui est la cause première de l'échappée de la courroie multipiste des poulies.

Elle soutient ensuite que la SARL Chartoire a commis une faute alors qu'elle effectuait une réparation sur le véhicule qui a concouru aux désordres : le manque des douilles de positionnement aux points de fixation du compresseur de climatisation sur son support a pu avoir une incidence sur l'alignement des axes et le guidage de la courroie. Ce léger désalignement a pu contraindre la courroie vers l'intérieur ou inversement vers l'extérieur en fonction du sens de dé-positionnement du compresseur.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 avril 2021, la SARL ESA demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, de :

- juger l'action de Mme [M] irrecevable et infondée en son appel ;

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l'encontre de la SARL ESA ;

- à titre infiniment subsidiaire, dire que les frais de remise en état du véhicule ne sauraient excéder la somme de 6 007,69 euros TTC ;

- juger la perte de valeur infondée et non justifiée ;

- dire infondé et non démontré le préjudice de jouissance et/ou le réduire à des proportions plus équitables ;

- condamner Mme [M] à payer à la SARL ESA la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Teyssier de la SCP Treins-Poulet-Vian et associés.

La SARL ESA critique les conclusions de l'expert judiciaire et rappelle qu'en matière de révision générale, si la Cour de Cassation juge que le garagiste est tenu à une obligation de résultat, c'est à la condition que le demandeur rapporte la preuve que la défectuosité de l'organe mécanique litigieux (au cas d'espèce courroie multipiste et galet tendeur dynamique) préexistait à l'intervention du garagiste et qu'elle ait été décelable et réparable à moindre coût que celui du remplacement de la pièce. Or, elle soutient que l'expert n'a pu établir avec certitude l'existence ou non d'une antériorité des premiers signes de dysfonctionnements des organes mécaniques considérés à son intervention (presque 10 000 kms avant).

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 avril 2021, la SARL Chartoire demande à la cour, au visa des articles 1147 ancien et 1231-1 du code civil, de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de :

- débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- condamner Mme [M] à payer à la SARL Chartoire la somme de 1 000 euros versée à titre d'indemnité provisionnelle en exécution de l'ordonnance de référé du 11 juillet 2016 ;

- condamner Mme [M] à payer à la SARL Chartoire la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle relève que l'expert judiciaire a mis en évidence que la cause principale de l'avarie mécanique (et la seule constatée) est l'usure et la vétusté du module de tension dynamique de la courroie accessoire. Si l'expert a relevé l'absence d'une partie des douilles de positionnement du compresseur de climatisation sur son support, ses investigations n'ont pas mis en évidence une participation quelconque de cette absence à la survenance de l'avarie.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 février 2022.

MOTIFS

- Sur la responsabilité des garagistes

Il résulte de l'article 1147 ancien du code civil que le garagiste qui est chargé des opérations de diagnostic et de démontage, est tenu d'une obligation de résultat.

Toutefois, le seul fait pour le client de tomber en panne quelques mois après une révision générale ayant pour but d'éviter ces désagréments, ne suffit pas à caractériser la responsabilité contractuelle du garagiste pour violation de son obligation de résultat, qui suppose de démontrer que la défectuosité préexistait à l'intervention du garagiste et était décelable et réparable à un coût moindre que celui du remplacement de la pièce.

Il résulte du rapport d'expertise de M. [B] et des conclusions des parties que celles-ci s'accordent sur la nature technique de la panne survenue sur le véhicule de Mme [M]. L'avarie provient d'un décalage latéral de la courroie multipiste sur les poulies vers l'intérieur du moteur : le décalage latéral correspond à un saut de piste. Pour que ce saut de piste ait été possible sans coupure du profil, il a fallu que dans une phase de fonctionnement du moteur, la courroie se soit détendue, et qu'un phénomène l'ait poussée à se déplacer latéralement. La courroie a fonctionné décalée sur le profil et donc avec une piste sur un profil qui ne lui correspondait plus. La piste affectée par ce mauvais fonctionnement s'est détériorée et formant des lambeaux. Ces lambeaux se sont introduits dans le carter de distribution et ont provoqué un décalage de la distribution, et ainsi le contact des soupapes sur les pistons et donc des dommages sur la culasse.

Selon l'expert judiciaire, seule la défaillance du tendeur dynamique de courroie accessoire a pu permettre que la courroie se détende : il a été constaté des défauts et vétustés qui perturbent le fonctionnement de tension automatique dans le module de tendeur de courroie. Il a également été constaté sur la poulie du galet de tendeur que la courroie portait décalée du côté intérieur : le galet tendeur se situant entre deux poulies à profil, seuls les jeux dans le système de galet peuvent aboutir à ce décalage. C'est donc le système de galet tendeur automatique de la courroie accessoire qui est la cause principale des désordres.

Toutefois, l'expert indique également qu'il a été constaté l'absence des douilles de positionnement du compresseur de climatisation sur son support, ce qui peut avoir eu une incidence sur l'alignement des axes et la guidage de la courroie. Il précise néanmoins que le débattement laissé par l'absence de douilles est minime, le léger désalignement qui peut en découler pourrait contraindre la courroie vers l'intérieur ou inversement vers l'extérieur en fonction du sens du dé-positionnement du compresseur : il conclut que l'incidence de cette absence de douilles est très secondaire.

$gt; Mme [M] entend en premier lieu engager la responsabilité civile de la SARL ESA à qui elle a confié son véhicule le 11 juin 2015 pour une révision intégrale, alors que la voiture présentait un kilométrage de 84 872, et que celle-ci est tombée en panne le 14 décembre 2015 après avoir parcouru 9 096 km. Elle estime que les défauts affectant la courroie ou le tendeur auraient dû être décelés dans le cadre de cette révision périodique et soutient en outre que le remplacement de la distribution et de la courroie accessoire aurait dû être réalisé à l'occasion des révisions de 2014 et 2015 au vu des recommandations du constructeur.

De son côté, la SARL ESA considère que l'expert judiciaire n'a pu établir avec certitude l'existence ou non d'une antériorité des premiers signes de dysfonctionnement des organes mécaniques considérés à son intervention (presque 10 000 km avant), l'expert n'ayant procédé qu'à une description d'un phénomène purement théorique.

Selon l'expert judiciaire, la défaillance du tendeur dynamique de la courroie accessoire donne des signes avant-coureurs, et particulièrement lors d'un examen du moteur, moteur tournant, des petits sauts de la courroie sont visibles, ces sauts s'accompagnant d'un bruit de cognement, et un contrôle de la tension de la courroie permet de confirmer le manque.

Il explique que les différentes usures et jeux provoquent un défaut de parallélisme de l'axe du galet avec les autres axes de rotation des différentes poulies ; que cela a pour conséquence que la courroie se décale latéralement sur la poulie du galet : ce décalage est visible et se manifeste également par la trace laissée par le fonctionnement en l'état ; que ces symptômes sont détectables facilement par un professionnel, et ce, sans démontage, par un simple examen visuel ; que ces vérifications sont à faire dans le cadre des opérations d'entretien périodiques et de révision, prévus pour détecter les défauts et prévenir des pannes graves.

Il relève que la panne est survenue 9 096 km après la révision (et six mois plus tard). Or, il considère que l'état d'usure du galet tendeur et le décalage important de la courroie sur la poulie du galet tendeur datent une antériorité certaine à ces mauvaises conditions de fonctionnement ; qu'une intervention préventive qui aurait consisté à remplacer le galet tendeur et la courroie accessoire au moment de cette révision de juin 2015, pour un coût d'environ 200 euros, aurait permis d'éviter la panne avec un endommagement du moteur (et une réparation d'environ 6 000 euros).

Il fait en outre observer que le remplacement de la distribution est préconisé à 210 000 km, mais est conseillé par le constructeur Volkswagen au terme de cinq ans ; que le constructeur conseille également au moment du remplacement de la distribution, le remplacement de la courroie accessoire. Ainsi, en se référant à ce conseil, le véhicule de Mme [M] datant de septembre 2009, la distribution et la courroie accessoire auraient dû être remplacées à l'occasion de la révision annuelle, et notamment en 2015 lors de la dernière révision.

En réponse à un dire du conseil de la SARL ESA, l'expert judiciaire a pu indiquer :

'Dans ce cadre [opération de révision périodique], le technicien n'intervient pas sur une panne, mais réalise des contrôles multiples. Un des points de contrôle est l'état et la tension de la courroie accessoire :

- Il y a le côté visuel de la courroie et d'éventuels effilochages et pour cela le contrôle doit bien se faire sur le tour de la courroie et non juste sur le dessus.

- Il y a aussi l'environnement de la courroie et le point de son déport sur la poulie du tendeur. C'est un élément qui est directement visible et facilement contrôlable et qui est un signe d'une anomalie.

- Il y a encore un test de fonctionnement du tendeur dynamique en appliquant une poussée sur la courroie (cela fait osciller le galet et l'on peut voir s'il réagit normalement).

- Un autre signe est lorsque le moteur fonctionne, les mouvements du galet au cours de l'accélération et décélération peuvent alerter.

En cas de doute, il est facile au technicien de faire échapper la courroie pour un contrôle plus direct des jeux et du fonctionnement de la poulie débrayable de l'alternateur. Il n'y a pas besoin de déposer le tendeur pour cela.

[...]

Les défauts comme le décalage de la courroie sur la poulie ne se font pas subitement, mais dans le temps et 9 000 km avant la panne finale, des détails étaient sans aucun doute déjà perceptibles et suffisants pour alerter un technicien'.

Dans ces circonstances, le tribunal ne pouvait débouter Mme [M] de sa demande visant à engager la responsabilité de la SARL ESA en concluant que celle-ci ne rapportait pas la preuve de l'existence de la défectuosité au jour de l'intervention de la SARL ESA.

En effet, il ressort du rapport d'expertise que le non remplacement de ces pièces en temps utile dans le cours des opérations d'entretien est la cause première de l'échappée de la courroie multipiste des poulies.

Outre le fait que la dégradation de la courroie se fait de manière progressive, que la défaillance du tendeur dynamique de la courroie donne des signes avant-coureurs (rapport d'expertise page 50 'De façon certaine, des signes d'un défaut du galet tendeur dynamique étaient déjà existants comme au moins le décalage de la courroie sur la poulie du galet tendeur') et qu'il appartient au professionnel d'effectuer ces contrôles, le constructeur conseille le remplacement de la distribution et en complément celle de la courroie accessoire aux cinq ans du véhicule : ce remplacement préventif dans le cadre des opérations d'entretien périodique aurait dû permettre d'éviter la panne et les désordres moteur.

Aussi, le garagiste a manqué à son obligation et engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, disposition applicable au moment de la réalisation de la révision.

$gt; En second lieu, Mme [M] demande à voir engager la responsabilité de la SARL Chartoire pour obtenir une condamnation solidaire des deux garages : elle estime que la SARL Chartoire a commis une faute, à savoir avoir oublié les douilles de positionnement sur les deux points de fixation avant du compresseur de climatisation sur son support, faute qui a concouru aux désordres subis par le véhicule. Elle relève en outre que la compagnie d'assurances de la SARL Chartoire a reconnu la responsabilité de sa cliente.

La SARL Chartoire estime pour sa part qui si l'expert a relevé l'absence d'une partie des douilles de positionnement du compresseur de climatisation sur son support, que ses investigations n'ont pas mis en évidence une participation quelconque de cette absence à la survenance de l'avarie. Elle affirme en outre que la compagnie MMA a pris le soin de préciser dans son courrier qu'il était difficile de mettre en évidence la responsabilité de son assurée, de telle sorte que la proposition amiable formulée ne valait en rien reconnaissance de responsabilité.

Il ressort du rapport que selon l'expert judiciaire, deux éléments ont pu concourir à l'échappée de la courroie accessoire :

- des usures et vétusté du module dynamique de la courroie accessoire ;

- l'absence des douilles de positionnement du compresseur de climatisation sur son support.

Ces douilles ont en effet été oubliées au montage du compresseur de climatisation en juin 2014 par la SARL Chartoire, oubli anormal et facile à corriger selon l'expert.

Il estime que cet oubli pourrait éventuellement avoir une incidence sur la courroie. Toutefois, le décalage qui peut en découler l'est sur une poulie avec un profil et ne provoque ainsi pas de décalage. Au pire, cela aurait provoqué une usure des pistes qui n'a pas été constatée. L'expert retient une participation très secondaire à cette erreur, si un effet venait s'ajouter à l'effet donné par le galet tendeur.

Sur ce point, le tribunal a, à juste titre, considéré que s'il était certain que la SARL Chartoire avait commis une faute en ne réparant pas le compresseur de climatisation conformément aux règles de l'art, il ne ressortait pas du rapport d'expertise que cette anomalie soit la cause certaine de la panne survenue sur le véhicule de Mme [M].

Par ailleurs, le courrier de la compagnie MMA du 7 juin 2016 ne peut valoir reconnaissance de responsabilité de la SARL Chartoire.

Néanmoins, si la SARL Chartoire ne peut être déclarée responsable de la panne, elle sera toutefois condamnée à remédier aux désordres résultant de la faute qu'elle reconnaît, à savoir payer la somme de 95,28 euros correspondant à la mise en place des douilles de positionnement du compresseur de climatisation, somme chiffrée par l'expert et réclamée par Mme [M] dans le total des sommes demandées au titre des frais de remise en état.

Mme [M] devra restituer la provision de 1 000 euros versée par la SARL Chartoire.

La compensation des sommes dues par les parties sera ordonnée.

- Sur les demandes indemnitaires

$gt; sur les frais de remise en état

La SARL ESA sera condamnée à payer à Mme [M] au titre des frais de remise en état du véhicule, les sommes suivantes :

- 6 007,69 euros au titre du remplacement de la culasse, du remontage avec le joint de culasse et les vis de culasse neufs, du remplacement de l'ensemble de la distribution avec la pompe à eau;

- 203,30 euros au titre du remplacement de la courroie accessoire avec son galet tendeur.

La somme de 95,28 euros au titre de la mise en place des douilles de positionnement du compresseur de climatisation doit être mise à la charge uniquement de la SARL Chartoire, la SARL ESA est étrangère à ce désordre.

Enfin, les frais au titre des travaux complémentaires du fait de la formation de corrosion sur les parois de cylindre et la segmentation ne seront pas mis à la charge de la SARL ESA dans la mesure où ce phénomène de corrosion a été provoqué par la présence d'eau dans les cylindres. L'expert a indiqué dans son rapport en page 30 que la présence d'eau ne pouvait s'expliquer que par une exposition du moteur depuis la dépose de la culasse, soit en raison d'une exposition du véhicule aux intempéries, soit d'un lavage et d'une protection insuffisante. La SARL ESA n'est donc pas responsable de ce désordre.

$gt; sur le préjudice de jouissance

Mme [M] a été privée de la jouissance de son véhicule depuis le mois de décembre 2015.

Ce préjudice est bien en lien avec la faute de la SARL ESA.

Mme [M] produit des attestations de membres de sa famille ou d'amis établies en 2016, faisant état de la nécessité d'aider l'intéressée pour les trajets quotidiens de sa famille.

Le préjudice de jouissance sera évalué à 3 000 euros.

$gt; sur les frais exposés

Mme [M] justifie avoir payé les frais suivants qui doivent être retenus au titre de son préjudice:

- frais de transport du véhicule : 300 euros ;

- assurance du véhicule : 1 724,53 euros du 29 décembre 2015 au 31 mars 2019 ;

- location d'un véhicule du 17 au 23 décembre 2015 : 175 euros.

Les autres demandes seront rejetées en l'absence de lien de causalité direct avec la faute reprochée.

$gt; la perte de valeur du véhicule

Mme [M] sollicite l'indemnisation de perte de valeur du véhicule depuis son immobilisation. Elle fait valoir qu'à dire d'expert le véhicule avait une valeur de remplacement au jour de l'avarie de 17 640 euros, et que depuis cette date, il ne présente plus qu'une valeur de remplacement arrêtée au 18 mai 2018 de 11 690 euros, soit une perte de valeur imputable au responsable de 5950 euros qui doit être indemnisée.

Néanmoins, dès lors que Mme [M] a obtenu gain de cause au titre des frais de remise en état, il n'est nullement établi qu'après réalisation des réparations, cette perte de valeur existera toujours en dehors de la dépréciation inhérente à tout véhicule avec le temps.

Cette demande sera donc rejetée.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Succombant à l'instance, la SARL ESA supportera les dépens de première instance incluant le coût de l'expertise judiciaire, et les dépens d'appel.

Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [M] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la SARL Chartoire sur ce même fondement à l'encontre de Mme [M], pour des raisons tirées de l'équité.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déclare la SARL ESA responsable de l'avarie ayant conduit à l'immobilisation du véhicule Volswagen Tiguan 2.0 16 V TDI immatriculé [Immatriculation 3] appartenant à Mme [E] [G] épouse [M] ;

Condamne en conséquence la SARL ESA à payer à Mme [E] [G] épouse [M] à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :

au titre des frais de remise en état : 6 210,99 euros ;

au titre du préjudice de jouissance : 3 000 euros ;

au titre des frais exposés : 2 199,53 euros ;

Déclare la SARL Chartoire responsable de l'absence des douilles de positionnement du compresseur de climatisation sur son support concernant le véhicule Volswagen Tiguan 2.0 16 V TDI immatriculé [Immatriculation 3] appartenant à Mme [E] [G] épouse [M] ;

Condamne en conséquence la SARL Chartoire à payer à Mme [E] [G] épouse [M] la somme de 95,28 euros à ce titre ;

Dit que Mme [E] [G] épouse [M] devra restituer la provision de 1 000 euros versée par la SARL Chartoire résultant de l'ordonnance de référé du 11 juillet 2016 ;

Ordonne la compensation des sommes respectivement dues entre les deux parties ;

Déboute [E] [G] épouse [M] du surplus de ses demandes ;

Condamne la SARL ESA à payer à Mme [E] [G] épouse [M] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute la SARL Chartoire et la SARL ESA de leur demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SARL ESA aux dépens de première instance incluant le coût de l'expertise judiciaire et d'appel.

le greffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Riom
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/01876
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;20.01876 ?
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